30 mars 2007

Vernier à Auschwitz


Jeudi, 20 heures. L’Airbus survole une dernière fois Cracovie avant de s’enfoncer dans l’espace aérien de Mitteleuropa et voilà que s’achève une nouvelle journée de la mémoire. La quatrième en deux ans en ce qui me concerne (Ils étaient vingt et cent), quarante-huit heures après Dominique.

Toujours la même émotion devant le télescopage entre l’exubérance naturelle des ados et leur soudaine gravité devant un lieu, une vitrine ou une photo.

Encadrés – épaulés devrait-on dire – par Isabelle, Pascal et Emmanuel, leurs profs, et Ghania, leur CPE, les collégiens de Vernier ont ainsi déambulé pendant près de six heures entre Birkenau et Auschwitz. Et je fus donc, toute la journée, le témoin privilégié de cette rencontre des United colors of Vernier avec l’indicible.

Le grand témoin du jour était le pasteur Claudel qui expliqua à toute la délégation qu’il fut jadis un de ces enfants arrachés à leur famille pour être élevé en Germanie afin de renforcer le Reich et la supposée race aryenne. Ce témoignage, joint à celui de notre guide polonais qui n’a pas hésité à risquer un parallèle entre Srebrenica et Auschwitz, a fait de cette journée plus qu’une journée utile : une journée rare.

27 mars 2007

Bonjour chez vous !


L'arrivée sur le marché de nombreux coffrets DVD permet de redécouvrir les séries TV des années cinquante, soixante et soixante-dix, ancêtres de nos modernes HBO. La plupart (Chapeau melon et bottes de cuir, Amicalement vôtre, Mission impossible, par exemple) ont plutôt mal vieilli. Une exception toutefois avec Le prisonnier, diffusé en 1967 sur la BBC, une série tellement avant-gardiste que le chef-d'oeuvre de Patrick Mc Goohan fut interrompu par la chaîne après le dix-septième épisode pour cause d'incompréhension du grand public (déja l'audimat !). Pourtant cette métaphore flamboyante est bien l’œuvre "télévisionnaire" annoncé par la publicité de l'époque.

"Numéro 6"(Mc Goohan himself) est un agent secret démissionnaire et vaguement britannique... mais de cela on n’est pas très sûr. Depuis cette rupture que le générique nous suggère orageuse, il est retenu dans un étrange village peuplé de personnages à la politesse mécanique – « Bonjour chez vous ! » –, aux vêtements ridicules, et amateurs de loisirs collectifs gnangnan : une sorte de Club Méd pour rentiers lobotomisés. En fait, cette mise en scène aurait pour but de lui faire avouer quelques mystérieux secrets.

C'est qu'on ne peut pas échapper à ce lieu aseptisé. Si l'envie vous saisit de prendre la poudre d'escampette, une mystérieuse structure molle en forme de ballon blanc vous aspire et vous ramène à la fois à la raison et... à la maison numérotée qui vous est attribuée.

Mais, indomptable, Numéro 6 fait de la résistance en s'attaquant à un Numéro 2 multiforme qui change d'identité à chaque épisode. Le numéro 1 quant à lui ne se dévoilera qu'au dernier épisode... mais chut !

Politique, religion, médias, éducation, l'opium du peuple a toutes les formes dans cette société oppressive qui transforme ses sujets en morts-vivants souriants. Et comme Numéro 6 veut résoudre l'énigme métaphysique du village en gardant ses secrets tout en revendiquant son individualité, il sera impitoyablement réprimé.

Mais jamais il n'abdique son humanité comme le prouve le "cultissime" dialogue que les fans de la série connaissent par cœur :

- Où suis-je ?
- Au village.
- Qu'est ce que voulez ?
- Des renseignements.
- Dans quel camp êtes-vous ?
- Vous le saurez en temps utile... nous voulons des renseignements… des renseignements…des renseignements…
- Vous n'en aurez pas !
- De gré ou de force vous parlerez.
- Qui êtes-vous ?
- Je suis le nouveau Numéro 2.
- Qui est le Numéro 1 ?
- Vous êtes le Numéro 6.
- JE NE SUIS PAS UN NUMÉRO, JE SUIS UN HOMME LIBRE !



Et c'est au nom de cette humanité que je dédie ce soir ce post à Maxime et Michel.

24 mars 2007

La médaille du Leyrit

Photo Dominique Boy-Mottard - Salle Leyrit, 23/03/2007

La médaille du Leyrit, Ségolène Royal l’a bien méritée. C’est en effet la première fois depuis François Mitterrand qu’un(e) candidat(e) socialiste à la Présidentielle fait un détour par Nice. Certes, le gymnase Leyrit est de dimensions modestes et une grande partie des 3 500 spectateurs a dû rester dehors dans la fraîcheur de cette soirée de mars, certes le Nikaïa, préalablement retenu puis décommandé, aurait été mieux adapté, comme l’aurait été Acropolis qui avait accueilli François Hollande il y a quelques mois (voir Le syndrome de Budapest). Mais ne boudons pas notre plaisir : l’exiguïté même des lieux a probablement rendu la soirée plus chaleureuse.

La candidate ayant un certain retard (à la suite du grave accident de la circulation d’un motard de son escorte), nous avons pu admirer les talents d’improvisation de Jean-Louis Bianco pour faire attendre la salle. Veste en cuir et chemisier blanc, la candidate enfin arrivée nous gratifia, fatiguée mais sereine, d’une intervention d’une quarantaine de minutes reprenant les principaux thèmes de son Pacte présidentiel. Bien sûr, rien de très nouveau dans ce discours maintes fois répété, mais la cohérence des cent propositions est beaucoup mieux affirmée qu’à Villepinte. Et puis, la nouveauté – et la salle enthousiaste le lui fit savoir tout au long de son intervention –, c’était sa présence ici même à Nice.

Puisse cette jurisprudence Leyrit être confirmée à l’avenir, au moment des Municipales par exemple…




La ségosphère des sections "Nice Centre" et "Nice Michèle Mangion" avec Marion et Patrick

23 mars 2007

Liberté, égalité, Douste-Blazy…

Agée d’une soixantaine d’année, Madame A..., originaire de l’ex Yougoslavie, vit depuis de nombreuses années à Nice avec son mari et ses enfants, parfaitement intégrée à la cité.

Logiquement, elle souhaite obtenir la carte de résident de 10 ans qui donne un peu de stabilité aux immigrés qui ont un projet de vie sur notre territoire.

Pour cela, on lui fait passer à la va-vite un soit disant test d’intégration, test réussi quelques minutes auparavant par son mari. Question du fonctionnaire : « Qui est ministre des affaires étrangères ? » Quelque peu troublée par la brusquerie de la question, Madame A. ne répond pas. On lui refusera donc le précieux sésame. « La France, connais Douste-Blazy ou quitte-la », en quelque sorte…

A l’évidence, l’auteur de la question ferait une belle carrière au sein d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale.

Au fait, lecteurs de ce blog, qui était ministre des affaires étrangères avant Douste-Blazy ?


POUR UN COMMENTAIRE (TRÈS PERSONNEL) SUR FRAGMENTS DE NICE, VOIR LE POST SUR LE BLOG DE CLAUDIOGÈNE

19 mars 2007

Babouvisme au Conseil général

Lundi 10 h 30. Conseil général. Commission Permanente ordinaire.

La Commission Permanente, qui, dans les Alpes-Maritimes, présente la caractéristique de regrouper tous les conseillers généraux, est l’instance chargée d’étudier les dossiers d’application des délibérations votées en séance plénière.

L’assemblée ronronne quand, au détour d’un dossier, Dominique met en évidence une forme particulièrement choquante d’iniquité. En application du très médiatique « Plan jeunes 06 », on nous propose de voter 147 000 € de subventions pour aider 490 jeunes à s’installer dans un appartement en location (300 € pour chacun) et 759 313 € pour aider 78 jeunes à devenir propriétaires (10 000 € chacun). La conseillère générale du 7e canton fait remarquer que les 10 000 € ne susciteront qu’un effet d’aubaine pour des jeunes gens ayant déjà des moyens ou en tout cas une famille pouvant les aider (comment devenir propriétaire d’un logement dont le prix d’achat est parfois supérieur à 200 000 € quand on a moins de vingt-cinq ans sans l’aide des parents ?), alors que les 300 € risquent de se révéler insuffisants pour d’autres jeunes en réelle difficulté ?

Excédé par la remarque (peut-être se rappelle-t-il un certain face-à-face télévisé ?), le Ministre-Président commence par fustiger cette socialiste qui ne veut pas que les jeunes accèdent à la propriété (sic) avant de s’exalter au point d’affirmer que de toute façon, « c’est normal, la gauche est contre la propriété ». Alors que devant l’outrance de la charge j’attends un immense éclat de rire, ma surprise est grande de voir les membres de la majorité opiner gravement du chef en répétant : « C’est vrai, "ils" sont contre la propriété »…

Fichtre ! Par cette remarque, Dominique avait simplement réveillé le fantôme de Gracchus Babœuf au sein du CG 06. Pour les conseillers de droite, les « partageux » sont de retour. Avec Boy-Mottard, Concas, Vinciguerra et Mottard, les présents du jour, n’en doutons pas, la propriété, c’est le vol !!

Joli « pétage de plomb » d’autant plus spontané que la presse est absente des commissions permanentes. En tout cas, cet incident nous aura permis de vérifier deux choses :
- le Ministre-Président est bien de droite (ça, on le savait) ;
- le Ministre-Président est bien fébrile (ça, on devine pourquoi…).

17 mars 2007

De Gioffredo à Carabacel


16 heures. Librairie Masséna. Rue Gioffredo.

Première séance de dédicaces pour Fragments de Nice. D’emblée, le libraire me dit qu’il faut compter sur une trentaine de signatures pendant la séance. En réalité, c’est près d’une centaine d’ouvrages qui seront écoulés. Il faudra même reconstituer le stock en catastrophe. Le succès est donc incontestable, même si je peux regretter que la quantité de visiteurs ait forcément nuit à la qualité des échanges.

Etudiants, militants, curieux, voisins, amis, visages connus, visages inconnus, le défilé est ininterrompu et je n’ai pu me lever une seule fois de ma chaise en trois heures. Claire Legendre, ma lumineuse préfacière, me fait le plaisir de passer pour soutenir celui qui en est encore à son baptême du feu littéraire. Dans la foule, je retrouve ClauDiogène et Poisson Zèbre, les auteurs des deux « blogs amis ». Je peux voir aussi Georges « le Niçois » et Ibrahim, deux personnages de mon livre. L’ambiance est bon enfant, je suis loin de l’atmosphère du Conseil municipal de la veille, et c’est presque à regret que je prends congé de l’équipe de la librairie à la fermeture.

19 h 30. Théâtre de l’Alphabet. Boulevard Carabacel.

Ce soir, sous la houlette d’Henri Legendre, le metteur en scène, Elodie, Didier, Lucile, Bernard, Sylvain et Mikaël répètent pour la première fois Sur un air de cithare. Je suis tout de suite impressionné par la capacité que les acteurs ont « d’habiller » un texte.

Et c’est un petit miracle de voir vivre ces personnages que j’ai eu tant de mal à construire, petit matin après petit matin. Je ne sais pas si la pièce plaira au public, mais ce que je sais, après cette première séance de répétition, c’est qu’elle sera celle que j’avais imaginée.

De Gioffredo à Carabacel, que du bonheur. Il y a des jours comme ça.

Quatre hommes en colère

Vendredi 17 mars. Conseil municipal de Nice.

Par quatre fois, les élus de Nice plurielle sont obligés de hausser le ton, allant même jusqu’à provoquer une suspension de séance pour la simple et bonne raison que le Sénateur maire leur refusait… la parole. Une attitude un peu risquée de ce dernier face à des élus entraînés par les joutes nationales des Présidentielles et formés – au moins pour deux d’entre eux – dans les amphis surchauffés de leur jeunesse étudiante. C’est ainsi que Rémy Gaechter sur les normes environnementales, Bob Injey sur les expulsions de locataires, Paul Cuturello sur les réserves foncières de la CANCA, et Jean-François Knecht sur Sulzer, ont fini par avoir le dernier mot en disant ce qu’ils avaient à dire sur leurs dossiers respectifs.

Pour ma part, j’acte en séance notre victoire à propos du terrain Sulzer en précisant bien que Nice plurielle n’a pas instrumentalisé ce dossier pour faire une démonstration d’excellence juridique. Il s’agissait, bien au contraire, d’affirmer une volonté politique : voir se réaliser une opération d’intérêt général là où le maire voulait effectuer une opération purement spéculative.

Profitant de la tribune du Conseil, je mets en garde la majorité municipale sur le dossier du Palais de l’Agriculture en insistant sur le fait que pour nous, l’association qui occupe les locaux – et qui est d’utilité publique – doit être au centre des projets d’avenir de ce bâtiment attribué juridiquement, il y a quelques jours, à la mairie de Nice par la Cour administrative d’appel. La réponse de Jacques Peyrat est assez peu rassurante et nous avons le sentiment qu’une fois de plus nous allons être obligés de monter au créneau pour défendre le monde associatif si maltraité par cette majorité depuis 1995.

Par ailleurs, nous demandons et obtenons qu’un représentant du groupe soit présent au sein du Conseil d’administration du Crédit municipal qui a défrayé la chronique (lui aussi) ces dernières années. C’est Mari-Luz Nicaise qui sera l’œil de Nice plurielle. Pas vraiment un cadeau pour la majorité municipale !

Il est midi et demi quand la séance est suspendue pour permettre aux notables d’assister à une inauguration, diluant un peu plus ce qui restera un conseil municipal de transition.

13 mars 2007

Fluctuat nec mergitur

Quatre. Ce ne sont pas moins de quatre candidats différents que soutiennent les élus de Nice Plurielle présents ce soir à la traditionnelle réunion de préparation du Conseil municipal avec les militants et les sympathisants au CLAJ, avenue Scudéri, au cœur de ce 7e canton si cher à Dominique.

Avec Michèle, Paul et Jean-François, je soutiens Ségolène ; Mari-Luz et Rémy, quant à eux, militent pour Dominique Voynet, Simone pour Marie-Georges Buffet, et Bruno pour José Bové.

Et pourtant, le navire de Nice Plurielle vogue sans jamais être submergé. La diversité de l’équipage n’entame en rien la sûreté de la navigation. C’est ainsi que, d’emblée, nous actons avec fierté notre victoire commune dans le dossier Sulzer. Mais l’autosatisfaction n’étant pas le genre de la maison, nous nous sommes plongés avec sérieux dans l’ordre du jour. Nous avons précisé nos positions sur, successivement, le quartier de la Libération et sa rénovation chaotique, le Palais de l’Agriculture et l’absurde OPA de la mairie, les réserves foncières de la CANCA dans la plaine du Var, la rénovation de l’Ariane, l’éventuel et désastreux raccordement de la Voie rapide à l’A8… et bien d’autres sujets.

Ainsi, une fois de plus, grâce à cette réunion (et à celle que nous tiendrons mercredi en mairie, comme d'habitude, entre élus), nous pourrons, au Conseil municipal de vendredi, faire preuve de pertinence et de cohérence. Au service de la cité.

11 mars 2007

Une nouvelle victoire de Nice plurielle



Article paru dans Le Standard






Vingt jours. Vingt jours : c'est le temps qu'il aura fallu aux élus de Nice Plurielle pour obtenir de la majorité municipale une capitulation en rase campagne sur la question du terrain Sulzer.

Le 19 février (Pilatte va devoir trancher), l'ensemble de notre groupe avait déposé un recours auprès du tribunal administratif contre l'attribution du terrain Sulzer à un groupe hôtelier de luxe alors même que cet emplacement était réservé depuis de nombreuses années à l'aménagement d'un équipement public,en principe une mairie.

Le recours, préparé (mitonné devrais-je dire) par JFK, était juridiquement pertinent et surtout politiquement légitime : il s'agissait, disions-nous à l'époque, de laisser à la prochaine équipe municipale l'opportunité de construire enfin cette mairie tant attendue par les niçois.

Eh bien, le tribunal n'aura pas à se prononcer car la délibération du 20 décembre 2006 sera rapportée par le conseil municipal de vendredi. La raison de ce retrait ne laisse aucune place à l’ambiguïté : « Considérant que le recours en annulation, déposé le 19 février 2007 devant le tribunal administratif de Nice par des conseillers de l'opposition municipale à l'encontre de la délibération 5-29 du 20 décembre 2006, fait peser un aléa sur le projet… » (!!)

Ce paragraphe est d'ailleurs précédé d'un aveu de taille à propos de la même affaire (qui ne devrait pas rester sans conséquence judiciaire) : « Considérant que la délibération du 4 mars 2005, reçue en préfecture le 26 avril 2005 et devenue définitive, comporte une modification matérielle par rapport à celle approuvée par le conseil municipal du 4 mars 2005... », elle sera également rapportée.

Ainsi, à Nice, il semblerait qu'une délibération une fois votée puisse être modifiée par l'équipe du maire. Une nouvelle pratique qui, à l'évidence va révolutionner la jurisprudence administrative... C’est ce qu'on appelle l'Etat de Droit !

Une fois de plus Nice-Plurielle a bien travaillé dans l'intérêt de la ville et de ses habitants. Mais ce succès reste fragile : la délibération 5-21 concluant que « la ville désormais optera pour la passation directe d'un bail à construction avec le preneur à bail de son choix et...qu'il en sera délibéré ultérieuremen ». Ben voyons !

Il va de soi que nous serons particulièrement vigilants : l'emplacement Sulzer est trop utile à la collectivité pour être bradé à un groupe privé en toute opacité.

P. S. Cette question sera évidemment abordée lors de la traditionnelle séance de préparation "participative" du Conseil municipal au CLAJ, ce lundi 12 mars à 20 h.

09 mars 2007

Edith for ever

Les séances de rattrapage ne se sont pas réduites à César 1 - Oscar 0. Elles m'ont permis de vérifier, après Lady Chatterley, un regain de vitalité du cinéma français. Passons sur l'insignifiant « Je crois que je l'aime », une de ces fameuses comédies à l'américaine made in France (Lindon-Bonnaire en couple glamour on doit pouvoir faire mieux...non ?) pour se féliciter de l'excellence de « Ne le dis à personne » et surtout de « La Môme ».

- Ne le dis à personne, de Guillaume Canet, est un thriller plutôt bien ficelé avec un François Cluzet (césarisé) au mieux de sa forme. L'atmosphère étrange du film est parfois du digne de Patricia Highsmith, quelques personnages de notables forcément corrompus lorgnent du coté de Chabrol (admirable Jean Rochefort), le fil rouge de l'histoire - avec un innocent que tout accuse - est "hitchcockien" en diable. Mais ces prestigieux parrainages ne sont pas usurpés par un film qui a le double mérite d'avoir un vrai scénario et d'être, au delà de quelques défauts de jeunesse, cinématographiquement bien maîtrisé.

- La Môme, d'Olivier Dahan, qui retrace la vie d'Edith Piaf, est un grand film. On pouvait redouter un téléfilm de luxe retraçant chronologiquement l'histoire d'une icône de la chanson française avec scènes immanquables et culturellement correctes. En réalité La Môme est un film âpre, dérangeant, crépusculaire. Dahan réussit l’exploit d’être à la fois démystificateur sans être démythificateur. Le film insiste en fait sur l’enfance et les dernières années de la chanteuse : l’enfer de la misère et celui de la déchéance. Comme pour mieux nous faire comprendre dans ces conditions extrêmes, l’extraordinaire vitalité de la Môme. La vitalité de la mouche contre la vitre, celle qui fait qu’on se cogne jusqu’à la mort. L’interprétation de Marion Cotillard est hallucinante au vrai sens du terme : elle est Piaf.

Pour avoir consacré il y a trois ou quatre ans une journée d’errance parisienne à refaire le parcours de la vie d’Edith Piaf de Belleville au Père Lachaise, le film me permet de retrouver avec émotion ces lieux,ces quartiers encore habités par le souvenir de celle qui à la fin « ne regrette rien ».

Ce film est tellement bouleversant - il m’a tellement bouleversé - qu’après la séance, en rentrant chez moi, j’ai tout bonnement oublié de m’inquiéter du résultat de l’Olympique Lyonnais en Champion’s League.

Et cela, croyez-moi… c’est un signe !!!

07 mars 2007

Les ruraux sont masos


Perpignan. Lundi 5 mars. Quinze heures.

A deux pas du Castillet (« tout neuf », cher à Trenet), l’entrée de la Préfecture des Pyrénées-Orientales a triste allure. Devant ses portes, une quarantaine de tracteurs agricoles ont déversé des bennes et des bennes de … salades vertes. A l’évidence, les paysans producteurs sont en colère. Contre les notables, contre l’Etat, contre la grande distribution. Les CRS sont là, passifs comme il se doit quand il s’agit d’une manifestation agricole…

Ce mécontentement me semble étrange. Il y a à peine deux jours, on a pu voir le Président inaugurer le salon de l’Agriculture devant une profession énamourée, regrettant déjà de perdre ce Chirac qui sait si bien flatter le cul des vaches. Il y a vingt-quatre heures, un sondage démontrait que Sarkozy, l’apprenti œnologue, était le candidat des agriculteurs. Chirac, Sarkozy : il me semble pourtant que ces deux-là ont eu quelques responsabilités au cours de ces cinq dernières années…

En réalité, ce paradoxe n’est pas vraiment surprenant dans le contexte du monde agricole français. Un monde où les gros se servent des petits comme paravents, en les enrôlant sous la bannière du corporatisme, FNSEA en tête, forteresse inexpugnable contre laquelle la gauche s’est cassé les dents (je pense particulièrement aux tentatives courageuses d’Edith Cresson quand elle était ministre de l’Agriculture).

Et que dire de la PAC – maintenue et imposée sous sa forme actuelle par Chirac – qui fonctionne à peu près avec les mêmes principes. Il s’agit, là aussi, au nom de la défense de l’agriculture, de subventionner largement les gros producteurs en provoquant, non seulement l’exode rural dans nos campagnes, mais aussi et surtout la ruine des agriculteurs des pays du Sud, asphyxiés par des cours mondiaux artificiels parce que subventionnés.

Manifester avec conviction, c’est bien. Mais voter avec discernement c’est mieux. Puissent les manifestants de Perpignan s’en souvenir au mois d’avril.


Photos : Dominique BOY-MOTTARD

06 mars 2007

César 1 - Oscar 0

Double séance de rattappage cinématographique : Les infiltrés, de Martin Scorsese, et Lady Chatterley, de Pascale Ferran, qui ont respectivement reçu la semaine dernière Oscar et César du meilleur film.

Contre toute attente, compte tenu de mon admiration pour Scorsese (son génial Gangs of New York, par exemple), c'est le film français que j'ai préféré.

Plus qu'une simple adaptation littéraire, le film de Pascale Ferran nous fait vivre de l'intérieur la célèbre passion de Lady Chatterley pour son garde-chasse. Le film frissonne, vibre, palpite, à l'unisson d'un panthéisme sans mièvrerie, sans pour autant occulter le contexte social, très présent dans l'oeuvre littéraire. Un couple d'acteurs à peu près inconnus (Marina Hands, césarisée, et Jean-Louis Coulloc'h) prêtent avec talent leurs corps ordinaires à cette aventure extraordinaire. Une réussite.

Par contre, que dire du film de Scorsese ? Malgré un évident savoir-faire et une distribution béton, nous nous trouvons face à un nouvel avatar du thème éculé de l'ambiguïté des rapports entre flics et voyous. Infiltré-voyou chez les flics (Matt Damon) contre infiltré-flic chez les voyous (Leonardo di Caprio) : rien de très nouveau dans cette histoire de frères ennemis si ce n'est l'omni présence du téléphone portable qui, apparemment, dans les films récents, nourrit la paresse des scénaristes. Quant à l'hécatombe finale, elle est quasiment digne d'un Lautner de la grande époque. Mais Lautner avait au moins le bon goût de ne pas se prendre au sérieux.

Enfin, puisque la mode est au troisième homme, remarquons les belles prestations du vulnérable Hyppolite Girardot (en Lord humilié dans le Ferran) et du démoniaque Jack Nicholson (en mafieux cruel dans le Scorsese), même si, là aussi, on peut préférer la subtilité d'Hyppolite à l'esbrouffe de Jack. En effet, si la seconde est jubilatoire, la première a l'avantage de se mettre au service du film et du film seulement.

03 mars 2007

Lettre à France

Incroyable opération marketing que ce retour sur le devant de la scène de Michel Polnareff. Fan depuis toujours de l'inoubliable créateur de Love me, please love me, ce retour de flamme me comble. Il me comble sans que pour autant je sois dupe : la capacité des médias à créer artificiellement un événement est tout simplement effrayante.

C'est qu'au delà de la voix et de l'univers musical, par essence intemporels, Polnareff, ce n'est pas vraiment retour vers le futur, mais bel et bien retour vers cette France post soixante-huitarde, beaucoup plus puritaine qu'on ne le pense généralement. Il a suffi que Michel Polnareff affirme en chanson "Je veux simplement faire l'amour avec toi", pour être rejeté à l'époque dans l'enfer des programmations radiophoniques nocturnes. Aujourd'hui quand Monsieur Homais marie sa fille, les dames patronnesses se dandinent pendant le lunch dînatoire (!) en susurrant "Voulez-vous coucher avec moi ce soir" sans que cela n'émeuve personne. A l'évidence, de l'eau a coulé sous les ponts.

En tout cas, "Coucou le revoilou"... Après une longue parenthèse où, fuyant la France pompidolo-giscardienne, il séjourna aux USA. Et après quelques allers-retours sans lendemain. Notons toutefois, en 1990, le fascinant Kamasutra :

Quand la poussière aura effacé nos pas.
Que la lumière ne viendra plus d'en bas.
Ceux qui viendront visiter notre ici-bas
Ne comprendront pas ce qu'on faisait là.
Mais ça ira, ça ira.

Son retour sera-t-il autre chose qu'une opération à monnayer la nostalgie ? Saura-t-il fédérer plusieurs publics ? Réponse après cette tournée tant attendue. Nous en serons.

Quoi qu'il en soit, se replonger dans le répertoire de Polnareff est un moyen bien agréable de passer le temps en avalant les quelques centaines de kilomètres d'autoroute qui séparent Nice de Perpignan... Résultat des courses : un petit tiercé.

1 - Je suis un homme (pour la provoc')
2 - Tous les bateaux (pour l'innocence)
3 - Ça n'arrive qu'aux autres (pour l'émotion)

Et le vôtre ?


En supplément, un petit cadeau de Clotilde... !