29 juillet 2008

Le Tour n’est pas joué

Après une année 2006 catastrophique (Un Tour de passe-passe...) et une année 2007 carrément apocalyptique (De l’eau claire à l’eau lourde), j’avais fini par me persuader qu’en 2008 le Tour de France ne pouvait que rebondir et redevenir un spectacle sportif digne et passionnant. Depuis dimanche, organisateurs, coureurs et commentateurs nous affirment que ce fut le cas et que nous avons vu le «Tour de la refondation» (Christian Prudhomme dixit).

Une analyse un tant soit peu objective nous démontre qu’il n’en est rien, même si l’édition de cette année a peut-être été «moins pire» que les précédentes. Pour ma part, je relève au moins six raisons de douter.

1) Les «affaires» avérées
Si le cas de trois sans grade (Beltran, Duenas et Fofonov) n’appellent pas de commentaires particuliers, le cas Ricco, grand espoir de vingt-trois ans et vainqueur de deux étapes, est très significatif car il permet de battre en brèche deux idées reçues : le jeune âge de l’Italien montre que le dopage n’est pas le monopole de génération Amstrong-Ullrich et le retrait de son équipe contredit la thèse selon laquelle aujourd’hui le dopage ne serait qu’une affaire individuelle. Saunier Duval (encore une équipe espagnole !) a, en effet, fait très fort dans les Pyrénées puisque Ricco, dans la première étape, Piepoli et Cobo, dans la deuxième, volaient littéralement.

2) Les «affaires» potentielles
Quand la douane et la police fouillent pendant plusieurs heures la voiture de Johnny Schleck, ancien coureur et papa de Franck et de Andy, coéquipiers du vainqueur à la CSC, on ne peut qu’être troublé par une enquête aussi ciblée… et le respect de la présomption d’innocence n’oblige pas à être naïf.

3) La «révélation» Schumacher
Le coureur allemand n’aurait pas dû être au départ du Tour n raison d’une affaire antérieure. Finalement, autorisé à participer, il a littéralement survolé les deux contre la montre, discipline dans laquelle, jusqu’à présent, il n’était qu’un honnête spécialiste. A l’évidence, au cours de ces deux étapes, Stefan s’est pris pour Michail… Cerise sur le gâteau : il n’hésitait pas à s’échapper la veille ou le lendemain des chronos. Trop fort Schumacher !

4) Le faux renouveau des Français
Coureurs réputés comme étant les plus surveillés du peloton, ils ont gagné trois étapes et participé massivement à pratiquement toutes les échappées. En fait, dès que les choses sérieuses commençaient, ils n’existaient plus (Casar, le premier français, est quatrozième). Un esprit malicieux pourrait même tout à fait insinuer que le peloton les laissa se mettre en valeur dans les étapes et les échappées qui comptaient «pour du beurre» à peu de frais… Le «cirque» Chavanel (dix échappées ratées et une victoire en fin de Tour dans une étape de transition devant… un autre Français et un peloton apathique) est propre à nourrir ce sentiment de malaise.

5) Le cas Moreau
On ne s’explique toujours pas l’abandon brutal et sans raison apparente du meilleur coureur français de ces dernières années. Mais, parallèlement, on a appris que Moreau avait été «averti» par les autorités anti-dopage en début de saison. La preuve que, malgré la rigueur des contrôles en France, certains coureurs sont encore «border line».

6) La personnalité du vainqueur
Carlos Sastre est le troisième espagnol qui gagne le Tour… ces trois dernières années. Ce second couteau a gagné l’édition 2008 en faisant jeu égal, lui, le grimpeur, avec les authentiques spécialistes, lors du dernier contre la montre. Surprenant en effet. En réalité, Sastre est représentatif de cette génération de coureurs espagnols (Herras, Mayo, mais aussi Contador et Valverde) à la réputation forcément sulfureuse du fait du laxisme bien connu de la Fédération de leur pays en matière de lutte contre le dopage. Et le fait que Bjorn Riis, son directeur sportif à la CSC soit un personnage plutôt louche (il a avoué s’être dopé lors d sa victoire comme coureur dans le Tour 96) ne contribue pas à crédibiliser son étonnante performance.

Pendant ce Tour, j’ai pratiquement suivi en intégralité, j’ai longtemps espéré, après la première semaine je me suis pris à rêver en admirant… Ricco. Mais au final, une fois de plus, le bilan est amer.

Donc, j’en tire les conséquences : promis, juré, craché, je boycotterai le Tour l’an prochain !

C’est ce que je dis chaque année…

27 juillet 2008

Arthur le républicain



La petite mairie de Contes est pleine à craquer quand j’ai le plaisir de procéder, aux côtés de l’adjointe de Francis Tujague, à mon deuxième baptême républicain.

Presque deux ans, jour pour jour, après Cléo, c’est au tout d’Arthur, son petit frère, d’adhérer symboliquement aux valeurs de la République, avec le soutien d’Elise et de Loïc, les marraine et parrain.

Pourquoi à Contes ? Tout simplement parce qu’après le changement de maire à Nice, la politique de la municipalité est resté la même en la matière : pas de baptême républicain dans la 5e ville de France… pour le moment.

En effet, nous avons profité, avec Dominique, de l’événement pour interpeller Christian Estrosi sur le sujet. C’est ainsi que le petit Arthur pourra se targuer d’avoir fait parler de lui dans Nice-Matin, dès le jour de son baptême… Incontestablement, de la graine de star !

Il est vrai qu’avoir Bernard Gaignier pour grand-père suffit à programmer un grand destin !

Extraits du discours prononcé pour la circonstance (discours qui m’a donné, entre autres, l’opportunité de rappeler l’importance de la récente réforme constitutionnelle en matière de défense des valeurs républicaines) :

Le baptême républicain, aussi appelé baptême civil ou parrainage civil, est un engagement souhaité par les parents et accepté par une femme et un homme : l’engagement moral, consigné par écrit devant un officier d’état civil, de suppléer les parents en cas de malheur familial. Un engagement d’autant plus fort qu’il ne comporte aucune obligation légale. Un engagement, n’est-ce pas Arthur, comme ceux que prenaient les Chevaliers de la Table Ronde dans la forêt de Brocéliande. En cas de manquement, aucun juge ne sera là pour ramener marraine et parrain dans le chemin du droit car il n’y a pas de droit dans ce chemin-là. Seulement de l’amitié, de la fidélité et de l’honneur. Au delà de cet engagement, cette cérémonie a aussi pour objectif de faire entrer l’enfant dans la communauté républicaine et à le faire adhérer symboliquement aux valeurs de la République et, notamment, au triptyque Liberté, Egalité, Fraternité.

(…)

« Liberté au flanc est blessée !
Egalité s’est échouée !
Fraternité perd pied !
Plus que jamais, il nous faut veiller » (Eric)

Arthur, nous avons confiance en toi en t’accueillant aujourd’hui dans notre communauté républicaine. Tu seras un nouveau maillon de la chaîne d’Union des femmes et des hommes de bonne volonté qui veulent un monde meilleur. Et tu veilleras. (…) Pour autant, Arthur, la pratique des vertus publiques n’empêche pas la recherche individuelle de son Graal intime. D’ailleurs, peu importe le Graal lui-même : qui se souvient, dans la légende Arthurienne, de qui l’a perdu et de qui l’a trouvé ? Ce qui est vraiment important dans cette affaire, c’est la recherche elle-même. (…) Arthur, le chemin ne sera pas simple, il sera même semé d’embûches, mais, grâce à Lucile et Nicolas, tes parents, grâce à Eloïse et Loïc, grâce à toi, tu pourras, j’en suis persuadé, boire le calice jusqu’à la vie. La vraie.

La cérémonie achevée, nous nous retrouvons une fois de plus chez Jacques et Annie, nos hôtes contois, avec entre autres l’ami Pierre Laigle pour une joyeuse soirée qui permettra à Bernard et Didier de nous interpréter, en avant-première, leur prochain spectacle, consacré pour l’essentiel à l’absurde cocasse de Roland Dubillard.

Et rendez-vous fut pris en 2010 pour le baptême du petit frère ou de la petite sœur de Cléo et d’Arthur. A Nice ?


Nice-Matin, 26/07/2008

25 juillet 2008

Tonton Jules

Avec une brillante carrière à cheval sur deux siècles, Jules Méline est un digne représentant de la « République des Jules ». Membre élu de la Commune de Paris en 1871, il deviendra rapidement député puis sénateur des Vosges, sa région natale, et cela jusqu’à sa mort en 1925.

Ministre de l’Intérieur, Président du Conseil entre le 28 avril 1896 et le 15 juillet 1898, candidat (malheureux) à l’élection présidentielle de 1899, c’est surtout comme ministre de l’Agriculture qu’il laissera des traces dans l’histoire de la IIIe République. Pour lui, l’économie française peut être assimilée à un arbre dans lequel l’industrie représente les branches et les feuilles, et l’agriculture, le tronc et les racines. Le « mélinisme » met donc pleinement en valeur l’agriculture, ce qui l’oppose au « saint-simonisme » qui ne voit l’avenir qu’avec l’industrie.

Jules Méline, fidèle à cette philosophie, va imposer, par une loi protectionniste de 1892, les « tarifs Méline » qui marquent la fin de la politique de libre-échange entamée sous le Second Empire. Dans la foulée, il va aussi créer le Mérite agricole et faire voter, en 1894, une loi instituant des sociétés locales de Crédit agricole. Cette loi autorise la constitution, entre les membres des syndicats agricoles, des caisses locales ayant pour objet de faciliter les crédits aux agriculteurs.

Idéologiquement, Méline est ce qu’on appelle pudiquement un Républicain modéré. Très modéré en effet, puisqu’il sera anti-dreyfusard. Il est l’auteur de l’immortelle répartie : « Il n’y a pas d’affaire Dreyfus ».

Mais par-dessus tout, c’est un de ces hommes politiques qui ont permis l’union de la République (idée plutôt révolutionnaire) et du régime parlementaire (système instauré par les monarchistes sous la Restauration).

Mais en fait, ce bon Jules est surtout intéressant pour une autre raison. Figurez-vous que j’ai appris fortuitement qu’il était l’arrière-grand-oncle d’un membre de Gauche Autrement. Je vous laisse donc deviner lequel ou laquelle d’entre nous a l’insigne honneur d’appeler l’honorable Jules Méline : « Tonton »…

21 juillet 2008

Rendez-vous dans dix ans


Imitant le glorieux amendement Wallon qui, en 1875, institua la République, la réforme constitutionnelle a été adoptée à une voix près.

Je persiste et signe (Cf. Et si c'était la VIe République ?) : cette réforme est tout sauf anodine. Et cela – au-delà de quelques leurres et faux-semblants – grâce aux nouvelles dispositions des articles 61-1 et 62.

Art. 61-1. Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, qui se prononce dans un délai déterminé (…).

Art. 62. (…)
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. (…)

Désormais, un justiciable – notion plus large que celle de citoyen, puisqu’elle peut englober aussi mineurs et étrangers – pourra être à l’origine de l’abrogation d’une loi qui porterait atteinte aux droits et libertés républicains garantis par la Constitution.

On comprendra aisément que cette nouvelle procédure permettra à la société française de progresser en prenant à bras-le-corps des questions sociétales souvent escamotées par le politiquement correct de l’électoralisme (éthique scientifique et médicale, laïcité, droit des minorités visibles et invisibles, lutte contre les arbitraires, défense des libertés individuelles et collectives, droit à l’éducation, à la santé et au logement...)

Ainsi, en quelque temps, le Conseil constitutionnel deviendra le contre-pouvoir que ni le Parlement, ni le Premier ministre ne peuvent être depuis l’adoption du quinquennat. Un contre-pouvoir particulièrement utile en cas de dérive anti-républicaine d’une majorité politique pourtant légitimement élue.

Seul frein à cette évolution considérable : le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel, trop politique et, en tout cas, trop majoritaire. Au lieu de se battre sur le mode de scrutin du Sénat, une assemblée qui n’a aucun pouvoir, pour faire plaisir à ses apprentis notables, le PS aurait été bien inspiré de négocier sur ce point.

Cela dit, même avec le dispositif actuel, le bouleversement de notre vie politique va être important. Désormais, la démocratie française ne sera plus rythmée essentiellement par les échéances électorales souvent décevantes en terme de débat.

Certes, on peut regretter que le seul véritable contre-pouvoir de notre République soit un organe de type juridictionnel et non pas une instance élue par les citoyens. Mais la VIe République restant un rêve lointain (n’est-ce pas Arnaud ?), un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.

C’est donc à moyenne échéance – dix ans – que je donne rendez-vous à ceux qui aujourd’hui, à gauche, ont voté Non. Ce sera pour constater, j’en suis persuadé, la plus-value démocratique des articles 61-1 et 62.

Ce rendez-vous est d’ores et déjà assorti d’une certitude. Nous savons que ce jour-là le Président ne s’appellera pas Nicolas Sarkozy, le nombre de mandats présidentiels consécutifs ayant été limité à deux par la réforme. Il n’y a pas de petits profits…

20 juillet 2008

Il faut aider la CPI







Le procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo

La Cour Pénale Internationale vient d’inculper le président du Soudan Omar El-Béchir pour génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre au Darfour. Cette inculpation d’un Président en exercice pour des faits qui appartiennent encore à une actualité tragique montre un incontestable progrès sinon du droit international, du moins de la justice pénale internationale (pourtant toujours handicapée par la non-participation des Etats-Unis).

En clair, le procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo, accuse celui qui est arrivé au pouvoir grâce au soutien des islamistes d’avoir saisi le prétexte d’une insurrection pour perpétuer un génocide (bilan provisoire : 35 000 civils tués et « mort lente » de 80 000 à 265 000 autres à cause des déplacements de population).

En fait, les responsables soudanais veulent trouver une porte de sortie devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies en obtenant le report des poursuites. Pour cela, ils espèrent un veto de la Chine, leur principal soutien et pourvoyeur d’armes. Si ce blocage pour le moins scandaleux se concrétise, il faudra le mettre en parallèle avec le refus chinois de condamner le hold-up électoral de Mugabé au Zimbabwe.

Au delà de la question du Tibet, c’est l’ensemble du positionnement international de la Chine qui pose problème. Certes, il n’est pas question d’ignorer « un quart de l’humanité », mais entre stigmatiser la population chinoise et donner un brevet de respectabilité au régime de Pékin, il y a certainement une marge. Se rendre en grande pompe à la cérémonie d’ouverture des J.O., c’est franchir cette marge…

Par cet acte symbolique, le président Sarkozy va renouer avec la légendaire couardise des gouvernements de droite français face aux régimes communistes : effets de menton sous les préaux d’écoles pendant les campagnes électorales, servilité et collaborationnisme sous les lambris des palais nationaux dans l’exercice du pouvoir.

Il reste encore quelques semaines pour réagir. Subordonner la participation à la cérémonie à un certain nombre de conditions liées au droit international ne serait en rien une marque d’hostilité envers le peuple chinois mais une façon d’encourager les institutions qui, à l’instar de la CPI, s’efforcent de moraliser la société internationale.

Qu’en penses-tu Bernard ? (Kouchner… bien sur !)

17 juillet 2008

Solutré 2008


Sur le rythme d’une montée par olympiade environ, je sacrifie volontiers à la tradition de l’escalade de la Roche de Solutré.

C’est que le Monument Valley du Beaujolais, l’Ayers Rock de Saône-et-Loire, situé à quelques encablures de ma ville natale, fait partie de mon paysage intime. J’ai d’ailleurs, au fond de la poche, un petit morceau de la Roche, subtilisé il y a déjà bien longtemps, et qui, j’en suis persuadé, a sur moi un effet apaisant quand les brûlures du contingent se font trop vives.

L’insolite escarpement calcaire, planté comme une sentinelle sans maître au milieu des paysages lamartiniens du sud Mâconnais se suffit à lui-même. Pourtant, le visiteur sait, qu’en grimpant en une petite demi-heure les 493 mètres de la Roche, il n’accomplit pas seulement une belle promenade mais aussi un double pèlerinage. Il met ses pas dans les pas de l’Homme de Solutré et dans ceux de l’Homme de l’Elysée.

Ce Solutréen qui eut la bonne idée, entre deux chasses, d’inventer, entre 18 000 et 15 000 années avant notre ère (ne chipotons pas !), les premiers outils en pierre.

Ce Président prénommé François qui, à chaque Pentecôte, invitait ses amis à faire… l’ascension.

Ainsi, pénétré par l’humanité de l’un et l’humanisme de l’autre, cette année encore, la montée vers le sommet ne fut pas seulement agréable mais aussi, osons le mot, initiatique.

Arrivés en haut, la vue sur les vignobles du Beaujolais et la plaine de la Saône nous remplit d’une telle sérénité qu’elle nous donna la force et l’envie de visiter, dans la foulée – actualité oblige -, le Temple des mille Bouddhas, le plus grand temple tibétain d’Europe, planté un peu plus loin dans les verts paysages de l’Autunois.`

14 juillet 2008

A la recherche de la rhubarbe perdue…

« Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. »

N’en déplaise à Marcel, ma madeleine à moi est nettement moins sophistiquée que la sienne. Il s’agit de la compote de rhubarbe de ma grand-mère l’été en Bourgogne. Joséphine n’était pourtant pas un cordon-bleu, la cuisine n’était pas la première de ses préoccupations. Mais je lui dois ce souvenir culinaire qui est beaucoup plus qu’un souvenir culinaire. Ayant conservé quelques plans de rhubarbe un peu par hasard dans son jardin potager, elle mettait un point d’honneur à m’approvisionner en compote dès mon arrivée, début juillet, pour les vacances d’été. C’est que j’adorais cela.

Les années ont passé et dès que je peux retrouver la saveur à la fois acide et sucrée, la consistance ferme et craquante des petits morceaux de tige conjuguée à l’onctuosité des fibres brisées en mangeant, par exemple, les sublimes tartes à la rhubarbe confectionnées par mon ami et colistier Bernard Paquin, je retrouve les étés des années soixante. Tout y est. L’odeur des foins fraîchement coupés, le clapotis de l’eau à la fontaine sur la place du village, le bourdonnement des mouches, la chaleur blanche de l’après-midi, les faisselles de fromage de chèvre frais, l’improbable tricycle de mon père, les petites paysannes délurées, la limonade des enfants et le vin des adultes… Et, bien sûr, au-delà, tant de visages familiers devenus fantômes frôlés une fois l’an dans le cimetière où ils tiennent compagnie à Joséphine.

Et vous, quelle est votre madeleine ?

11 juillet 2008

Un été autrement


Jeudi, dernière réunion du Conseil général, vendredi après-midi, dernière interview accordée à nos amis de Niceteleweb, vendredi soir, dernier rendez-vous de l’association « Gauche Autrement » au local de Cyrille-Besset.

Une trêve sans nuages pour un été de pré-congrès : voilà qui est insolite… C’est que ne plus faire partie de l’appareil n’est pas sans avantage. En effet, n’importe quel socialiste renonçant à la langue de bois pourra vous le confirmer : en ces périodes de division d’un PS sans projet ni leader, un été de pré-congrès, c’est l’horreur !

C’est un été à faire semblant de croire que les clivages artificiels imposés par les ambitions parisiennes correspondent à des positions de fond, à jouer à « plus-à-gauche-que-moi-tu-meurs », à se préparer à écouter sans broncher les pires inepties car… on ne sait jamais, à se résigner à subir une rafale de réunions-leurres longues comme des jours sans pain.

Un été à anticiper les coups fourrés, les trahisons et les petits meurtres entre amis, à calculer d’hypothétiques équilibres au sein d’instances locales qui, au final, n’auront aucun pouvoir, à juguler les effets du clientélisme galopant des représentants niçois de la Région, à faire semblant d’oublier l’affaire des faxs, les cotisations d’élus non payées et les libelles diffamatoires et anonymes envoyés à la presse.

Un été à admettre que des femmes et des hommes, souvent généreux dans leur vie quotidienne, reconnus dans leur vie professionnelle et associative, deviennent des hyènes d’appareil.

Un été à se voiler la face pour ne pas admettre qu’on peut être cette femme ou cet homme-là…

Décidément, cet été autrement sera un bien bel été. Un été pour rêver à une vraie alternative, un vrai projet, un nouvel Epinay…

07 juillet 2008

Les « Passables » du jury 1273

Le hasard des obligations de service a fait de moi, cette année, un Président de jury du Bac. C’est ainsi que, pénétré par l’importance de ctte responsabilité républicaine, je me suis retrouvé à la tête du jury 1273 hébergé par le lycée Guillaume Apollinaire.
Photo Zoom43.fr

Vendredi fut la journée de la délibération «noble», celle où l’on attribue diplômes et mentions. Celle de ce lundi après-midi fut plus modeste puisqu’il s’agissait de rattraper ceux qui ne pouvaient, au mieux, qu’espérer la mention «Passable» après une aléatoire série d’oraux.

Pourtant, c’est vers ces «rattrapables», ombres furtives croisées dans les couloirs, visages angoissés à la porte du lycée qu’est allée toute ma tendresse. Peut-être par identification rétroactive…

Pendant tout un week-end, ces jeunes gens ont dû supporter les commentaires peu amènes des parents («Je te l’avais bien dit de laisser tomber – au choix – l’ordinateur, les filles, les garçons, la télé, le foot…»), la commisération hypocrite des amis plus chanceux («Honnêtement, je pensais que tu avais plus de chances que moi»), les tronches de premier de la classe dans la presse («le plus jeune bachelier de France», «la meilleure note de philo», «celui qui doit choisir entre vingt-cinq grandes écoles…»), la petite copine – ou le petit copain – qui fait la tête pour cause de week-end ruiné («Je m’en fous, moi je sors»), sans compter la prime financière du grand-père et l’année de fac émancipatrice qui se transforment en mirage…

Heureusement, le jury 1273 fut clément, même si pour cela des comptes d’apothicaires furent parfois nécessaires, et beaucoup de rattrapables furent rattrapés.

Et ce soir, ils pourront faire la fête et prendre leur revanche sur les premiers de la classe.

Peut-être même que certains deviendront professeurs. Des professeurs compréhensifs.

06 juillet 2008

Les Bidochon ont une âme



La sortie de la collection des Bidochon en petit format a été pour moi l’occasion de relire la saga de Binet. Une saga tellement intégrée à notre univers quotidien qu’on finit par ne plus la connaître vraiment. C’est un tort.

En effet, au delà des réjouissants et vachards clichés franchouillards qui ont fait la fortune de la BD, on s’aperçoit, en relisant à la suite les dix-huit volumes, que Robert et Raymonde existent vraiment. Ce ne sont pas (seulement) des caricatures, mais des êtres de chair et de sang, certes pas très malins, pas très raffinés, mais dotés d’un cœur et peut-être d’une âme.

Raymonde est un personnage émouvant et, pour tout dire, attachant. Elle, qui s’est mariée vierge (vol. 1) – le juge de Lille aurait été rassuré -, elle, qui « n’a jamais eu 18 ans » (vol. 13), rêvait de vivre une véritable histoire d’amour. A la place, elle a eu Bidochon, rencontré grâce aux petites annonces. Et, si l’aérophagie et l’égoïsme de Robert n’empêchent ni les sentiments, ni le sexe, il faut bien admettre qu’ils les compliquent un peu (vol. 8)… Et plus tard, quand Madame souhaitera avoir un enfant, elle devra, malgré « sa croupe charolaise », s’incliner devant la stérilité de Monsieur en étant, en plus, obligée de le consoler (vol. 1).

Robert, quant à lui, est le maillon faible du couple. Sous des dehors de matamore bougon bardé de fausses certitudes, il est la proie de charlatans de la voyance (vol. 18), de la santé (vol 16), et, plus grave encore, de l’immobilier (vol. 4). Mais il est surtout complètement dominé par Môman, sa monstrueuse mère qui le surprotège (« Robert, y’a pas mieux »). D’où un hallucinant volume 15 (Bidochon mère), où l’on voit Raymonde lutter de toutes ses forces contre une relation qui est à la marge de l’inceste.

Bidochon est moins faible vis-à-vis de sa pauvre femme qu’il terrorise volontiers. Même si son machisme peut s’éclairer d’un rayon de féminisme à sa façon (vol. 5). Ainsi, sa femme peut aller de temps en temps à « une réunion pour libérer les femmes » car, au moins, « quand elles sont dehors, elles nous foutent la paix ».

Mais, entre Raymond la frustrée et Robert l’immature, il y a de l’affection et peut-être même de l’amour. Quand Madame, au cours d’un pitoyable voyage dans les pays de l’Est, est oubliée (!) dans la forêt à Wieska (vol. 6), le désespoir de Robert est total. Quand Monsieur tombe malade, Raymonde est complètement perdue (vol. 7).

Il y a cela et bien d’autres choses dans la saga des Bidochon : le charme de la vie en HLM (vol 3), la bureaucratie aveugle qui déclare Raymond… décédé (vol 9), la bagnole qui obsède (vol 10), la télé qui abrutit (vol. 12), le portable qui rend fou (vol. 17), et des vacances en pension de famille qui lorgnent plus du côté de Tati que de Reiser (vol. 2).

Et puis ce dialogue… si vrai (vol. 13, p. 12) :

Raymonde : Robert, un jour, j’aimerais que tu m’emmènes voir un clair de lune !!
Robert : Un clair de lune !!!
Raymonde : Oui, rien que toi et moi, en amoureux, face à la lune !!
Robert : Mais… la télé te suffit plus ??
Raymonde : Si mais on la regarde tous les soirs depuis quinze ans, ça nous changerait un peu !
Robert : Justement ! On n’a pas mis quinze ans à mettre tout au point pour venir tout chambouler d’un seul coup !!
Raymonde : Alors, tu veux pas !!
Robert : C’est pas que je veux pas, c’est que je veux pas tout chambouler !
Raymonde : Alors j’irai toute seule !!
Robert : Mais tu peux pas !!
Raymonde : Et pourquoi je peux pas ??
Robert : Mais parce que tu vas tout chambouler !!

Que celle qui n’a pas rêvé de voir un clair de lune et que celui qui n’a jamais eu peur de tout chambouler leur jettent les premières pierres…

03 juillet 2008

Yitzhak Rabin parmi nous

Au coeur du désormais square Yitzhak Rabin (Photo Joël Simon)


Après avoir longuement admiré la collection annuelle des travaux d’élèves de l’école municipale d’Arts plastiques de la Villa Thiole dirigée avec passion par Martin Caminetti et où je compte tant d’amis parmi les professeurs, j’assiste, avec Dominique, en ce jeudi 3 juillet, à l’inauguration du square Yitzhak Rabin au cœur du Jardin Albert 1er.

Tournant le dos à une conception ethnocentriste et desséchante de l’attribution des noms de rues ou de lieux, la nouvelle municipalité semble vouloir honorer des grands personnages qui n’ont pas forcément de lien avec la ville de Nice elle-même.

Que le premier d’une série que j’espère longue soit le travailliste Yitzhak Rabin me va droit au cœur. D’où ma présence un peu exceptionnelle car, en général, je fuis les cérémonies officielles. C’est que j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ce soldat à l’israélienne devenu partisan et surtout artisan de la Paix. Ce Premier ministre qui a dit un jour : « Il faut combattre le terrorisme comme s’il n’y avait pas de négociation ; il faut négocier comme s’il n’y avait pas de terrorisme ». Les extrémistes de son camp l’empêchèrent de mener à bien sa mission. Ce qui prouve que l’intégrisme s’est insinué partout.

Il faut dire que mon ami David Leffler était un de ses proches collaborateurs. Et quand David passe à Nice, il accepte toujours d’animer, à ma demande, des débats passionnants où souffle très fort l’esprit de Rabin. C’est un peu à cause de cela que nous avions créé, avec mon futur colistier de Nice Autrement, Joël Simon (11e sur la liste), et quelques amis, le Comité «Yitzhak Rabin pour la paix», qui s’était assigné la lourde mission de réconcilier la gauche militante niçoise avec Israël.

C’est dire si, à deux pas de l’espace Jacques Cotta, je me sens à l’aise en suivant cette cérémonie. Si l’ambassadeur d’Israël fut parfait – il lira une lettre extrêmement émouvante adressée par Rabin aux parents des victimes des guerres – le Maire sortira un peu des clous en apportant un soutien sans nuance à la politique gouvernementale israélienne actuelle. Une politique qui n’est pas sans zone d’ombre notamment avec les implantations nouvelles de colonies.

A signaler enfin l’étrange absence des élus et responsables de la Fédération PS, alors qu’il n’est pas si fréquent de voir une personnalité socialiste honorée à Nice. Il est vrai qu’au même moment se tenait l’incontournable réunion de présentation des «contributions au Congrès». Appareil, quand tu nous tiens…

Sur le sujet, voir aussi sur ce blog Kyriat Shemona.

01 juillet 2008

Nice dans les Alpes-Maritimes

Depuis quelques mois, nous assistons à un spectaculaire rééquilibrage du budget et des actions du Conseil Général en faveur… de Nice !

Traditionnellement tenu par une majorité de conseillers du Haut et Moyen Pays élus avec quelques centaines de voix dans les cantons de la montagne, le CG des Alpes-Maritimes a, depuis longtemps, privilégié les zones hors littoral de notre département. Il n’y a qu’à emprunter les somptueuses routes des vallées, examiner les bilans financiers des stations de sports d’hiver ou décompter les salles polyvalentes ou multimédias pour s’en convaincre.

Or, la séance plénière d’hier consacrée à la DM1 a spectaculairement confirmé le retournement de tendance, le doublement du financement du tramway niçois en étant l’exemple le plus spectaculaire.

Ce retournement de tendance s’est opéré à partir du moment où Christian Estrosi s’est électoralement intéressé à la capitale azuréenne. Personne n’est dupe. Pour autant, il n’y a pas lieu de traîner les pieds et c’est sans complexe que j’ai profité de la tribune de l’assemblée départementale pour me féliciter de cette nouvelle orientation en rappelant que le déséquilibre Haut pays/littoral avait été le point central de ma première intervention dans l’hémicycle… en 1998 !!!

Sur le même sujet, le pourtant expérimenté Paul Cuturello se fera piéger. En voulant à tout prix critiquer le Président sur les motivations de cette nouvelle politique, il se fera accuser en retour de « ne pas aimer Nice ».

Ce n’est pas parce qu’un adversaire politique déclare qu’il fait noir la nuit qu’il faut pour autant affirmer que le soleil brille… S’opposer autrement, c’est peut-être aussi ce qu’attendent nos concitoyens.

On peut voir le texte de mon intervention sur le site de "Gauche Autrement".