30 août 2008

Le courant d'ère

Sur un dossier aussi fondamental que la transformation de la CANCA en communauté urbaine, les cinq représentants de Changer d’ère ont réussi l’exploit d’avoir… trois positions différentes. Injey a voté contre, Allemand et Gaechter se sont abstenus, et, finalement, seule Duez a voté pour. Cuturello, quant à lui, était absent (La Rochelle ?).

Sur le fond, ce vote multiple est une aberration. Sophie Duez est la seule élue conséquente car elle a voté une réforme demandée par la gauche depuis la création de la CANCA et largement reprise dans les programmes électoraux. Les autres ont fait de la politique politicienne de la pire espèce.

Sur la forme, l’effet est désastreux pour la gauche niçoise. Jamais, pendant les sept ans de Nice Plurielle, nous n’avons connu une telle cacophonie. Et pourtant, avec Bruno Della Sudda, Nice Plurielle était composée de quatre formations politiques et non de trois comme Changer d’ère.

Ce vote traduit bien la réalité. Changer d’ère était la construction artificielle d’appareils de partis voulant sauver des places et en aucun cas un projet politique. Combien d’électeurs niçois sincèrement de gauche doivent aujourd’hui regretter ce vote utile si peu utile ? Certainement des milliers. A ceux-là, nous disons qu’il n’est pas trop tard, bien au contraire, pour faire « autrement ».

Sur ce sujet voir le communiqué et l'article de Nice-Matin sur le site de "Gauche Autrement".

28 août 2008

Du Palais Stella à la Bourse du travail

Chaque 28 août, parmi toutes les cérémonies qui commémorent l’insurrection victorieuse des résistants niçois contre l’occupant nazi, c’est celle du Palais Stella, boulevard de Cessole, au cœur du 5e canton, qui suscite en moi le plus d’émotion.

En effet, c’est devant l’immeuble même où le comité local a pris la décision de lancer l’opération le lendemain matin que se déroule, en présence d’habitants du quartier et de quelques survivants, cette cérémonie toute simple organisée par l’association des Amis du Musée de la Résistance.

Une fois de plus, j’étais au rendez-vous cette année, en compagnie des élus municipaux communistes et de mon collègue Jacques Victor. Dans une courte allocution, l’universitaire Jean-Louis Panicacci nous a rappelé que vingt-quatre heures seulement avaient suffi à une poignée de résistants pour obtenir le départ des occupants alors que l’armée américaine ne voulait pas, pour des raisons stratégiques, franchir le Var. Ces héros, et notamment leurs trente et un martyrs, ont probablement évité les destructions matérielles massives prévues par l’occupant et quelques représailles du type de celles qui avaient frappé l’agglomération niçoise pendant l’été (Séraphin Torrin et Ange Grassi en juillet, les fusillés de l’Ariane en août).

Pour la première fois depuis la municipalité Baréty, un adjoint au maire était présent. Cela représente à mes yeux et à ceux des défenseurs de la mémoire de la Cité un progrès.

Un progrès qui se développe au sein d’une contradiction. Dans un cas, on encourage la mémoire (Palais Stella), dans l’autre, on veut l’éradiquer (Bourse du Travail). Or, la mémoire populaire n’est pas divisible. C’est pour cela que nous demandons au Maire de Nice d’être logique et cohérent en s’engageant pour que la Bourse du Travail, après des travaux nécessaires, revienne à sa vocation antérieure : le syndicalisme.

Ne pas le faire reviendrait à avoir une mémoire sélective. Or, pour regarder l’avenir bien en face, une communauté a besoin de s’enraciner dans sa mémoire. Toute sa mémoire.

26 août 2008

Yes they can

Photo DBM


Carnet de voyage n° 7

Cette Amérique comme nous l’aimons, nous sommes impatients de la retrouver dès le début de la matinée. Cette première journée effective de la Convention est consacrée aux « Caucus », c’est-à-dire en fait à des débats largement ouverts aux militants du Parti. Pour un esprit républicain français, la forme de ces débats est un peu déroutante, puisqu’ils sont organisés à l’américaine par communautés : les Noirs, les gays, les Indiens, les Latinos, les seniors… Curieux de tout, nous passons de salle en salle pour prendre la température. Nous sommes frappés par le sérieux des assemblées, à des années lumières de l’habituel folklore « pom pom girls et confettis » que l’on attribue aux réunions de ce type. Nous retrouvons également avec plaisir l’humour anglo-saxon des orateurs, cet humour capable d’égayer les réunions les plus austères tout en créant une complicité avec l’auditoire. Du côté de Reims, il y aura des leçons à prendre.

Mais ce qui m’impressionne le plus est une forme de force tranquille qui émane de ces délégués de toutes origines et de toutes conditions : « Yes we can » ! Un peu comme si, après avoir remporté la difficile bataille des primaires (d’ailleurs un certain nombre de supporters d’Hillary arpentent les travées de la Convention avec leur badge…), la défaite à l’élection elle-même n’était pas envisageable. Avec la conviction que l’Amérique ne peut pas rester éternellement l’otage des Bush, des néo-conservateurs et des pro life (très présents à Denver, des camions couverts de photos ignobles circulent aux abords de la Convention). Avec également la certitude que l’Amérique peut encore parler au monde.

Spectateurs engagés, j’imagine ce que l’élection d’Obama pourrait apporter à la société américaine, une société – j’ai encore eu l’occasion de le vérifier pendant ce séjour – où Blancs et Noirs se côtoient sans jamais vraiment vivre ensemble. J’imagine également, sur le plan international, au moment où l’impérialisme russe et la menace islamiste se font de plus en plus présents, une Amérique mettant sa puissance au service des valeurs déclinées par Obama pendant sa campagne.

On le voit, l’enjeu est considérable. Il nous engage, nous, Européens, peut-être encore plus que des élections dans nos pays respectifs. Aussi il ne serait pas anormal que « Gauche Autrement » suive de très près ce qui va se passer au mois de novembre aux Etats-Unis. Nous le ferons.

Dans quelques heures, nous prenons l’avion du retour. Quel formidable espoir de se dire que lors de notre prochain voyage aux USA le Président s’appellera, peut-être, Barack Obama.



Sur le même sujet, voir Denver, CO, 08/25/2008.

25 août 2008

Last exit to Denver


Carnet de voyage n° 6

Ce n’est pas sans un pincement de cœur que je clignote pour prendre la bretelle qui va nous permettre de pénétrer dans l’agglomération de Denver. C’est que ce geste simple signifie la fin du voyage qui, de Chicago, nous a conduit ici, dans la capitale du Colorado. Du coup, je suis plein de reconnaissance pour notre remarquable Hyundai Sonata qui a bravement aligné les 8000 kilomètres de notre voyage à travers onze états (je suis ainsi fait que certaines voitures me rendent sentimental : par exemple, je regrette toujours ma vieille Rover verte qui amusait beaucoup les copains).

Pour autant, la longue dernière ligne droite ne fut pas une formalité ennuyeuse. Bien au contraire. Pendant deux jours, nous avons probablement traversé les plus beaux paysages du voyage.

Ce fut d’abord, dans un décor de désert à la John Ford, le Navajoland, la plus grande réserve d’Indiens des Etats-Unis, avec une superficie équivalente à deux fois celle de la Belgique. Mais, au delà des paysages, il y a les hommes : entre le massacre initial et la maladroite mauvaise conscience qui a suivi, le résultat n’est pas brillant. Les Indiens ne sont toujours pas des citoyens américains comme les autres.

Puis nous traversâmes le Colorado, où les routes sont souvent entre 2000 et 3000 mètres d’altitude. Forêts vertes et champs couverts d’une espèce locale et prolifique de marguerites jaunes créent un contraste surprenant avec le nord de l’Arizona traversé la veille.

Maintenant, nous voilà à Denver. Pourquoi Denver ? Parce que nous voulions achever ce voyage dans la ville qui recevait la Convention du Parti Démocrate, Obama oblige. Aussi, dès la première soirée, nous nous sommes mêlés, devant le Convention Center, à la foule des délégués démocrates arrivant de tout le pays. Une foule très métissée, une foule décontractée, joyeuse et étonnamment jeune, une foule apportant une contradiction tranquille aux quelques « pro life » égarés par là.

Bref, l’Amérique comme nous l’aimons.

23 août 2008

Il était une fois dans l’Ouest

Carnet de voyage n° 5


White sands desert


New Mexico UFO

Petite virée dans le sud du Nouveau-Mexique, le temps de vérifier, entre les grottes de Carlsbad et le fascinant désert de sable blanc immaculé de White sands desert, que dans la petite ville de Roswell, où un musée UFO (OVNI en anglais) a été consacré à « l’affaire », la vérité est toujours ailleurs…


El Paso

Etape dans la plus grande ville frontière des Etats-Unis avec le Mexique : le mur et les barbelés qui suivent le cours du Rio Grande en attestent. Triste et inefficace défense du Nord contre le Sud quand on sait que seul le co-développement protègera et le Nord et le Sud. On l’a compris, El Paso n’est pas une étape incontournable même si la ville n’est pas sans charme. En fait, passer par El Paso était aussi en souvenir de mon père. Toute sa vie, je l’ai entendu citer El Paso comme symbole mythique de l’Ouest, un symbole aux réminiscences westerniennes. El Paso était pour lui une petite ville poussiéreuse à rue unique, écrasée par la chaleur, et sous la menace imminente d’une attaque de banque. A un point tel qu’il n’hésitait pas à qualifier n’importe quel petit village de Bourgogne d’ « El Paso » à partir du moment où il faisait chaud et où la rue principale était déserte. J’en suis persuadé, il aurait aimé El Paso, la vraie. Car, après tout, Vancouver, Singapour, Bahia ou Syracuse, voyage-t-on pour autre chose que des noms ?


Arizona dream

Entre El Paso et Tucson, une jolie surprise nous attendait : le désert était vert. Pas le vert poussiéreux des maigres arbustes qui survivent péniblement à la chaleur, mais un beau vert tendre comme on le trouve parfois dans les Pyrénées, aux confins du Pays Basque. C’est que depuis plusieurs jours la tempête a frappé le sud des Etats-Unis (ouragans en Floride, inondations à Phoenix) occasionnant de nombreux dommages matériels et humains. Personnellement, nous avons été épargnés puisque nous n’avons subi qu’une demi-douzaine d’orages, d’une violence extrême mais très localisés. Et l’image que nous garderons de cette période sera cet inattendu et poétique effet collatéral : un désert recouvert d’une fine couche d’herbe… On peut donc considérer que nous avons eu beaucoup de chance.

Cela dit, le désert peut aussi subir d’étranges agressions. Ainsi, à Tucson, nous découvrons que depuis des années on stocke des milliers d’avions désaffectés dont on ne sait que faire et qu’on ne veut pas démolir probablement pour des questions de coût. Régler ce problème majeur d’environnement devra être un objectif du prochain président, du moins, je le suppose.

Trip sur le Strip

Après la Prom’ (classic !), les Champs Elysées et la 5ème avenue, c’est le prestigieux Strip de Las Vegas que je peux ajouter à mon palmarès de jogger collectionneur. A une heure matinale pour éviter les 42 ° C de la journée, le parcours fut agréable même s’il était parfois insolite. En effet, à Las Vegas, le coureur est obligé, par la topographie compliquée des lieux, de pénétrer parfois… dans le hall de certains casinos. C’est une expérience intéressante, même si, sur la moquete du Bellagio par exemple, vous vous penez plus pour Fred Astaire que pour Ron Clark !

Au-delà de ce grand moment sportif, le passage à Las Vegas était de toute façon incontournable, ne serait-ce que pour retrouver cette annexe du City Hall, où un certain 26 décembre 1995…

20 août 2008

A l'ouest du Pecos


Le Pecos

Carnet de voyage n° 4

Plus de 1600 kilomètres en deux jours, pour aller de New Orleans aux portes du Nouveau Mexique en traversant le Texas, pouvait se révéler un exercice fastidieux. De fait, la première partie du périple fut un peu monotone, malgré Kérouac lu avec talent par ma passagère et une belle étape à San Antonio, la ville des missions espagnoles du XVIIIe siècle.

Et puis, il y eut le Pecos, cette rivière qui traverse le Texas du nord au sud, et à l’ouest de laquelle, le célèbre juge Roy Bean affirmait que tout devenait différent. Eh bien, il avait raison le juge !

Après avoir franchi le Pecos, le conducteur un peu engourdi devient marin. A l’instar du capitaine Winny, il scrute l’horizon là où au bout de la ligne droite la route s’évapore comme un mirage. Paysages de roches abruptes et d’arbustes coriaces, animaux surgis de nulle part, présence humaine en forme de points d’interrogation, ciel Imax parcouru par des nuages farceurs : pas de doute, nous avons franchi la frontière qui, au cœur du Texas, sépare l’Est de l’Ouest de l’Amérique.

Et même si ce matin la visite de Fort Alamo m’avait préparé à ce rendez-vous, en embrassant encore une fois l’horizon, tout en veillant à ce que ma Hyundai ne dépasse pas les 80 milles/heure légaux, je me dis que là, sans aucun doute, au propre comme au figuré, je suis bien à l’Ouest.

Mission Conception, San Antonio

17 août 2008

On dirait le Sud

Photo DBM

Carnet de voyage n°3

Après Memphis, Tennessee, nous continuons notre descente vers le sud des Etats-Unis par la Great river road, en suivant, au milieu des champs de coton en fleurs, le Mississippi. Parfois les routes deviennent tellement secondaires qu’une rencontre exotique n’est pas à exclure : ainsi ce tatou à l’allure débonnaire qui a tranquillement traversé la route devant notre voiture…

Etape à Natchez, ancienne place forte commerciale et militaire, devenue petite ville endormie au bord du fleuve qui rêve, à l’ombre des résidences à la Scarlett O’Hara, à sa grandeur passée. Natchez, dont le nom évoque une tribu de Natives exterminée vers 1750 par les colons français, ce qui tend à prouver que le génocide des Amérindiens n’a pas été le monopole des Anglais et des Espagnols.

Encore quelques centaines de kilomètres et « on dirait le Sud, un pays qui ressemble à la Louisiane »… à part que là, cher Nino, c’est vraiment la Louisiane, avec ses bayous pleins d’alligators (pas vraiment débonnaires ceux-là…), ses highways sur pilotis, ses plantations de canne à sucre, ses orages d’une violence extrême. Avec aussi l’arbre d’Evangéline et la charrette de Pélagie car nous sommes aussi en pays cajun. Avec enfin, tout au bout de la route, New Orleans, la fausse capitale de l’Etat, la vraie étant Baton Rouge.

Quand vous arrivez à New Orleans, par l’interstate 10, le premier bâtiment que vous identifiez est le Superdome, le grand stade de la ville. Or celui-ci est une véritable métaphore de cette Amérique que nous aimons tant et qui nous donne tant de raisons de la détester. Le Superdome est en effet une prouesse architecturale puisqu’il est le plus grand stade couvert du monde. Mais il est surtout connu pour avoir accueilli des milliers de réfugiés victimes des inondations provoquées par l’ouragan Katrina. Chacun pouvait prévoir – et les pouvoirs publics en premier – les conséquences de la destruction des vieilles digues qui protègent la ville depuis des siècles en cas d’ouragan, et c’est ce qui arriva. Les services publics, défaillants pour prévenir la catastrophe, furent encore plus absents lorsqu’il fallut porter secours à la population. Résultat : environ 1800 morts et, aujourd’hui, 250 000 personnes en moins dans une ville qui en comptait auparavant, 500 000. Au final, l’administration pas vraiment repentante va reconstruire les digues à l’économie, si bien qu’aujourd’hui, si une sœur de Katrina avait la mauvaise idée de fondre sur New Orleans, la ville serait à nouveau inondée.

Cela dit, le quartier français, construit par les pionniers au-dessus du niveau de la mer, n’a pas souffert de la catastrophe, et représente toujours cette Nouvelle-Orléans éternelle avec ses maisons aux balcons en fer forgé et de la musique à chaque coin de rue. Durant notre séjour dans le French quarter, la musique, ce fut partout et tout le temps. Nos préférences : Steamboat Willie, le musicien du patio de la Bourbon street, dont le jazz semble s’échapper tout droit de la bande son d’un film de Woody Allen, et le quinqua barbu qui chaque soir vient chanter dans un jardin public, face au Mississippi, des ballades folk avec le fleuve comme unique témoin, le fleuve et quelques passants. Nous eûmes la chance de passer par là.

13 août 2008

I have a dream for november


Carnet de voyage n° 2

Bien sûr, depuis Chicago, il y a eu la route 66, les plaines de l’Illinois, du Missouri et de l’Arkansas, le petit clin d’œil à Bart Simpson en passant par Springfield, l’incroyable geste architectural de Saarinen à Saint Louis, le Mississipi ici ou là…

Mais tout cela n’est rien à côté de l’indicible émotion qui nous saisit lorsque, en début de soirée, nous nous retrouvons à Memphis, pratiquement seuls, devant le Motel « Lorraine » où, en 1968, fut assassiné Martin Luther King. Depuis notre dernier passage il y a quatre ans, rien n’a changé : le style années soixante des enseignes, la tragique porte 66, la Cadillac blanche, la Dodge bicolore, et au balcon, la couronne de fleurs artificielles… Rien n’a changé, si ce n’est que nous sommes de millions à espérer qu’en novembre le dream de Martin Luther King pourra enfin se réaliser.


11 août 2008

Station Van Buren Street, Michigan Avenue


Carnet de voyage n° 1

La berlue. C’est la berlue que je crois avoir lorsque, à l’intersection de Van Buren Street et de Michigan Avenue, presque à la fin de mon premier jogging chicagoen, je me trouve face à une de ces structures Guimard qui ont fait la gloire de notre bon vieux métro parisien. Il y a une semaine, c’est à Paris que je retrouvais, au hasard de mes pérégrinations, ces entrées de métro au style si caractéristique. J’ai donc, un court moment, le sentiment d’avoir fait du surplace malgré une traversée de l’Atlantique. Renseignement pris, la station Van Buren est une œuvre authentique de Guimard offerte par la municipalité parisienne à la Ville de Chicago qui, à l’instar de la capitale française, fut, au début du siècle, une ville pionnière en matière de construction de métro. D’ailleurs, le brinquebalant mais si sympathique vieux métro aérien de Chicago (le « L » ou « El ») fonctionnant toujours, nous pouvons en témoigner comme usagers, un peu inquiets dans un premier temps, mais conquis dans un second.

Cela dit, cette rencontre inopinée n’est pas la seule surprise que réserve cette magnifique ville. Je ne sais pas si, au final, elle mérite son surnom de « Second City » (après New York), mais, en ce qui me concerne, elle figurera sans aucun doute dans mon top five des villes américaines (avec, bien sûr, NYC et San Francisco, mais aussi Boston et Seattle).

Chicago, c’est d’abord la ville de l’architecture. De toutes les époques, de tous les styles, les gratte-ciels de la cité constituent un immense conservatoire de ces constructions si typiques de l’Amérique du Nord.

Au-delà de l’architecture, la grande cité de l’Illinois est une ville de culture. Sur les parvis centraux des fameux gratte-ciels par exemple, en tout cas pour les les plus importants d’entre eux, on a souvent aménagé une œuvre majeure (Picasso, Miro, Dubuffet, Chagall, Calder, pour les plus connus). C’est ainsi qu’à l’Art Institue of Chicago, on trouve deux icônes de la culture américaine avec le célèbre tableau d’Edward Hopper, « Nighthawks », et surtout, le mythique « American Gothic » de Grant Wood. L’occasion, en passant, de s’interroger sur l’excitation qui est la nôtre lorsque – comme pour ces deux tableaux – on voit « en vrai » des œuvres mille fois reproduites, alors que l’effet de surprise a forcément disparu. Probablement parce qu’approcher l’œuvre en live donne, au-delà du temps et de l’espace, la sensation de soutenir un face-à-face unique et gratifiant avec l’artiste. Peut-être aussi parce qu’on a le sentiment de communier avec l’universel en fondant notre regard dans le maelström des millions d’autres regards qui l’ont précédé. Peut-être.

Chicago est enfin une ville historique avec une forte tradition sociale et syndicale. C’est ainsi que la date du 1er mai commémore, on ne le sait pas toujours, les émeutes de Haymarket square en 1886, alors que syndicalistes socialistes, réformistes et anarchistes se retrouvaient dans la rue pour revendiquer la journée de travail de 8 heures.

Ce dimanche, à sept heures du matin, sur Michigan avenue, c’est à une bien modeste déclinaison de cette tradition que j’ai assisté, en croisant devant un hôtel en grève, une trentaine de travailleurs tournant en rond avec l’inévitable pancarte « STRIKE », dans l’indifférence la plus totale.

Au-delà de ce spectacle un peu dérisoire, nous avons également noté – à quelques T-shirts près – l’absence d’Obamamania dans la ville et, plus généralement, de fébrilité préélectorale. Le vent frais du lac Michigan qui souffle actuellement sur la ville est-il seul responsable de ce manque de passion ? L’avenir nous le dira.

Grant Wood, American Gothic

05 août 2008

On the road again


Dans une récente interview, Jacques Attali affirmait que la nature des vacances allait changer en ce début de XXIe siècle. On s’éloignerait du modèle des vacances socialisées (type clubs) pour aller vers des vacances de rupture. Il ne serait plus question de reproduire, même sous forme ludique, le type de rapport aux autres que nous entretenons le reste de l’année, mais bel et bien de faire un break, une coupure, pendant une période qui ne serait plus seulement une plage de repos mais une ouverture vers « autre chose », une prise de recul, une incitation à méditer sur soi-même et la vie qu’on mène.

Sans l’avoir formellement théorisé, il y a déjà bien longtemps qu’avec Dominique nous avons adopté ce type de vacances rupture. Le schéma est toujours à peu près le même : une voiture individuelle (instrument d’émancipation et de liberté inégalable, il faut bien le dire), un point de départ, un point d’arrivée, et plusieurs milliers de kilomètres de route avec des villes, des frontières, des déserts, des rivières, des « Bagdad café », et plein de visages inconnus souvent bienveillants. Un torrent de sensations, de couleurs, d’odeurs, et d’humanité qui se conjuguent avec des échappées nostalgiques vers le passé et des projections fulgurantes vers la beauté. Bref, de quoi vous dire le soir, à l’étape : je suis le voyageur qui passe et, de retour dans ma vie, elle ne sera pas tout à fait la même car je ne serai plus tout à fait le même. Pour faire bon poids, il suffit d’ajouter, on the road again, un peu de musique et quelques bons livres d’auteurs autochtones (le deal familial étant le suivant : je conduis et ma coéquipière, remarquable conteuse, lit à voix haute).

Hiérarchiser toutes ces expéditions est impossible, mais il faut bien admettre que les traversées de continent ont un statut à part. Aller d’un océan à l’autre devient presque un parcours initiatique. Ainsi, en 2004, Philadelphie – San Francisco, par Santa Fé et le Nouveau Mexique ; en 1998, Vancouver (sans souvenirs amers…) – Montréal, par le Dakota du Sud et le Mont Rushmore ; et en 2000, Adélaïde – Darwin, l’Australie du sud au nord, à travers le désert rouge des Aborigènes, en camping car.

Plus régionaux, les deux voyages dans le sud de l’Afrique : Johannesburg – Le Cap, par le Swaziland et le Lesotho (1984), et Le Cap – Pretoria, par la Namibie et le Botswana (1996), furent aussi mémorables dans le contexte de l’après apartheid. Même si mon entêtement à ne pas louer de 4x4, y compris en Afrique, m’a amené à casser, à chacun de ces voyages, une « deux roues motrices » de location sur le fech-fech (une VW et une Toyota… paix à leur âme !)

Il y eut également notre unique voyage en Amérique latine (1999) : Brasilia – Rio de Janeiro – Sao Paulo, par le Minas Gerais, voyage kilométriquement modeste (2500 Kms) mais fort en couleurs, en musique, en émotions.

Enfin, il y a eu les innombrables traversées de l’Europe, celle que j’appelle notre patrie. Des voyages au départ de Nice qui étaient forcément des allers-retours (évidemment, pas par le même chemin). Ils sont si nombreux qu’ils s’enchevêtrent dans nos mémoires. Mais je me souviens quand même, comme si c’était hier, de ceux de 1979 et 1982, à l’époque de la glorieuse Union soviétique. Nice – Moscou – Odessa et retour, et Nice – Cap Nord – Leningrad et retour. Le premier, parce qu’il fut agrémenté d’un petit séjour dans les geôles bulgares, le deuxième, parce qu’il fut – entre autres – notre record absolu : 12 380 Kms en six semaines et demie, avec une Opel Kadett bien fatiguée. Quant à notre dernier périple européen, il nous a conduit, en 2006, de Nice à Yalta en Crimée, avec un retour mouvementé pour cause de frontière moldave fermée.

Après une année sabbatique, nous repartons ce jeudi. Ville de départ : Chicago. Pour la suite… désolé, c’est encore un secret !

03 août 2008

45, rue Poliveau

Pour l’amoureux du cinéma que je suis, Paris est un studio à ciel ouvert. Chaque arrondissement, chaque quartier, a son «Atmosphère ! Atmosphère !».

Ainsi, il y a encore quelques jours, je me promenais du côté de la Pitié-Salpêtrière (scène finale de «Cléo de 5 à 7») dans une rue du 5ème arrondissement. Une rue calme, discrète, un tantinet bourgeoise… Rue Poliveau qu’elle s’appelait… Poliveau ? Poliveau ! Oui, mais c’est bien sûr : nous sommes sous l’Occupation, chez le charcutier Jambier (Louis de Funès), un triste sire qui arrondit ses fins de mois grâce au Marché Noir. Cette nuit-là, Martin, son livreur habituel, craintif et soumis (Bourvil), s’est pointé avec Grandgil, un étrange compagnon, cultivé, cynique et fort en gueule (Jean Gabin). Ils sont là pour prendre livraison du cochon qu’ils doivent convoyer à travers la capitale. Grandgil est bien décidé à faire cracher au bassinet ce Jambier qu’il méprise.

GRANDGIL – Dîtes-moi, patron ! C’est bien le numéro 45 ici ?
JAMBIER – Pourquoi me demandez-vous ça ?
GRANDGIL – Ah ! Ben pour rien, puisque je le sais. Monsieur Jambier, 45 rue Poliveau, Paris 5ème.
MARTIN – Ah ! Laisse-nous tranquilles, on parle sérieusement.
GRANDGIL (en haussant la voix) – Monsieur Jambier, 45 rue Poliveau, pour moi ce sera mille francs. (Il prend les deux valises et pousse un hurlement dans le silence de la nuit) Ouah !
JAMBIER – Qu’est-ce qu’il y a encore ?
GRANDGIL – Rien, mais c’est plus lourd que je ne pensais. Je crois qu’il va me falloir deux mille francs.
JAMBIER – C’est sérieux ?
GRANDGIL – Comment si c’est sérieux ?
JAMBIER – Rien du tout !
GRANDGIL (hurlant de plus belle, comme pour réveiller les voisins) – J’veux deux mille francs, nom de Dieu, Jambier ! Jambier, 45 rue Poliveau !
(Finalement, Grandgil repartira avec un cochon et… cinq mille francs, à la grande stupéfaction de Marcel Martin).

Au bout de la petite rue, le 45 existe toujours. C’est une jolie petite villa agrémentée d’une terrasse fleurie. Et, comme pour l’identifier formellement, le bistro mitoyen a eu la bonne idée de s’appeler «La traversée de Paris».

Le doute n’est plus permis : c’était bien le regard furibond de Jambier que j’ai aperçu derrière les rideaux d’une fenêtre du 45. Fort de cette certitude, je me suis dirigé vers le Jardin des Plantes tout proche pour retrouver «Le Magnifique», à moins que ce ne fut Thérèse et Roger des «Rendez-vous de juillet». C’était justement la saison…

01 août 2008

Il est six heures, Paris s'éveille...


Il est six heures et, lentement, la place Clichy s'éveille: quelques livreurs, deux ou trois taxis, un passant discret de temps en temps. En ces petits matins de fin juillet, le soleil n'est pas encore levé, mais l'air est déjà doux. Le moment est donc idéal pour que, vêtu du glorieux T-shirt de la Prom'classic, je me livre à une petite séance de course à pieds à travers rues et boulevards de la fière capitale.

Mais courir dans un cadre aussi prestigieux est à la fois intimidant et euphorisant, et la séance d’entraînement standard (une heure trente pour environ une quinzaine de kilomètres) se transforme rapidement en une sorte de «Croisière Jaune» pleine de surprises et de poésie.

Cette semaine, je me suis élancé par deux fois à travers les rues désertes de Paris et, de la place de l’Etoile à Beaubourg, de la Concorde au Sacré-cœur, j’ai pu renforcer encore un peu plus cette intimité si particulière qui m’attache à cette ville depuis le début des années quatre-vingt.

Les sensations sont nombreuses, parfois inattendues. Il y a d’abord le bruit mat de mes chaussures sur ce pavé parisien qui a finalement bien survécu à Mai 1968 en dehors du Quartier Latin. Un bruit mat, obsédant, presque hypnotique, qui vous encourage à aller loin, toujours plus loin.

Et puis ce sont les ombres croisées. Travailleurs immigrés, SDF, balayeurs… : le petit peuple des humbles. Un peu plus tard, ce sera le moment de constater que, si la nuit, tous les chats sont gris, au petit matin, toutes les passantes sentent le Tahiti douche.

Petit à petit, on découvre aussi que la ville a une géographie secrète. Prenez, par exemple, le boulevard Malesherbes : haussmannien et sans surprise pour le profane, il devient pour les mollets du coureur un véritable col de première catégorie, un presque succédané de l’Alpe d’Huez…

Ça et là, ce sont aussi , malgré les efforts et la fatigue, les moments parfaits. Descendre les Champs Elysées au beau milieu de l’avenue confère un étrange sentiment de puissance, le sentiment, il faut bien le dire, d’être (un peu) le «maître du monde». Passer au milieu des pigeons sous la porte Strasbourg-Saint Denis ou faire le tour de l’Arc de Triomphe, ce n’est pas mal non plus. Retrouver, au hasard d’un itinéraire au feeling, les Halles, le Conseil d’Etat ou le restaurant niçois «Ratatouille» de la rue Montmartre, permet d’évoquer bien des souvenirs heureux.

Mais la vérité m’oblige à avouer que ces deux beaux raids s’achèvent sur une note tragique : mes vieilles Nike, fidèles compagnes de mes «exploits» sportifs depuis une décennie, vont littéralement se désintégrer dans le final de la dernière ligne droite, entre la place Blanche et la rue Caulaincourt où, heureusement, se trouve mon hôtel.

Cela dit, je ne suis pas vraiment triste car j’ai conscience de leur avoir offert, sur le pavé parisien, une fin en forme d’apothéose…