30 août 2009

J'aime le musée des Beaux-Arts Jules Chéret



De tous les musées de Nice, il en est un qui a toute ma tendresse : le musée Chéret. Ce n’est pas le plus célèbre ou le plus fréquenté, mais c’est un musée à l’ancienne, comme il en existe de moins en moins.

Parquet ciré, personnel gentil et discret, public familial, absence de bornes interactives et d’audio-machinchouette qui « salamisent » votre plaisir… Vous circulez au hasard, sans logique, au milieu d’œuvres d’époques, d’origines et parfois d’intérêts très divers.

Comme souvent en ces lieux, vous trouvez des espaces insolites, spontanément ludiques, comme ce palier aux miroirs entre deux étages où votre silhouette est indéfiniment reproduite dans le cadre majestueux de l’escalier monumental.

La visite vous offre ainsi plein de surprises artistiques car, contrairement à ce qui se passe dans les musées de grande renommée, vous n’attendez pas telle ou telle œuvre, mais vous acceptez de vous laisser surprendre.

Ainsi, la superbe salle Raoul Dufy où l’on trouve le meilleur des peintures azuréennes de celui qui, depuis 1956, dort dans le cimetière de Cimiez. Pêle-mêle, vous découvrez aussi l’émouvante vierge d’humilité, sculpture en bois du XIVe siècle, des Bréa, des Van Loo, un Fragonard, l’étonnante série de portraits féminins de Mossa (voir le tableau « Elle » notamment), un Bonnard, un Vuillard, des Van Dongen, sans oublier bien sûr les élégantes compositions de Jules Chéret et beaucoup d'autres oeuvres...

A la sortie d’une salle du deuxième étage, vous croisez le regard d’aquarelle d’une jeune fille de Marie Laurencin qui, en cette fin de mois d’août semble attendre, comme il se doit, l’été indien.

Enfin, au rez-de-chaussée, ne ratez pas, au moins pour le nom de l’artiste, « La servante de harem » de Paul-Désiré Trouillebert (j’adore ce nom !).

Cette balade (gratuite) pleine de surprise s’effectue de surcroît dans un cadre magnifique. Intérieur comme extérieur, le bâtiment vaut à lui seul le déplacement, surtout si vous avez la bonne idée d’arriver par le bas du petit parc qui entoure le musée depuis la ZAC Chéret.


Musée des Beaux-Arts, 33, avenue des Baumettes, 06000 Nice (04.92.15.28.28). De 10 h à 18 h, sauf le lundi.

27 août 2009

Les limites anthropologiques du capitalisme de marché

Très intéressante contribution de Pascal Lamy, directeur général de l’OMC… et militant socialiste, dans le cadre du débat sur la crise de la social-démocratie lancée par le journal Le Monde.

Pour lui, la crise touche l’ensemble de la social-démocratie européenne : « la faiblesse idéologique dont ils [les socialistes français] souffrent s’est plutôt étendue aux autres socialistes européens… ».

Aussi, il est urgent que cette gauche européenne remette à jour sa critique du capitalisme de marché sur la base de trois clivages avec la droite : la traditionnelle opposition liberté/égalité, avec son prolongement marchand/gratuit (on peut rêver à cette occasion d’une vraie réflexion de gauche sur la place de la Culture), et l’émergente contradiction économie/anthropologie.

C’est sur ce dernier clivage que, selon lui, la gauche doit engager une réflexion de fond à la fois « plus critique et plus sophistiquée ».

C’est ainsi que sur les limites écologiques du capitalisme, la gauche doit s’engager sans complexe car, « si la concurrence est le concept fondamental de la droite et la solidarité celui de la gauche, l’écologie est une dimension de la solidarité… ». Mais, plus profondément, pour Pascal Lamy, il faut réfléchir à la limite anthropologique du capitalisme de marché, car « celui-ci met une pression trop forte sur l’individu ».

Pour ma part, depuis le triomphe du capitalisme financier à l’anglo-saxonne sur le capitalisme rhénan qui, malgré ses insuffisances, pouvait cohabiter avec une certaine forme de social-démocratie, j’ai toujours été persuadé que la gauche institutionnelle ne pouvait faire l’impasse sur cette réflexion de fond si elle voulait encore être utile.

Du coup, pour mieux comprendre « les enjeux d’identité, de sentiment d’appartenance, de culture et de civilisation qui ont été négligés jusqu’à présent », les anthropologues et les sociologues seront plus utiles, au moins dans un premier temps, que les juristes et les économistes.

On est bien loin du débat surjoué et nombriliste des primaires…

25 août 2009

A propos du 6e canton…

Décidément, à Nice, on vote beaucoup et aux dates les plus improbables… Après « l’élection – pont du 1er mai » (12e canton), voici « l’élection – prérentrée scolaire ». On comprend aisément les raisons politiciennes qui président à ce type de choix, mais on ne peut que regretter ces dénis de démocratie qui visent à fabriquer sciemment de l’abstention. Au final, personne ne sera gagnant.

L’annulation elle-même n’est pas non plus une bonne nouvelle pour la démocratie au sens où nous l’entendons à Gauche Autrement. La décision du Conseil d’Etat sanctionne une faute minime dans la présentation des comptes de Jean-Pierre Mangiapan. Cela veut dire que même un élu chevronné (ô combien !) peut être dépassé par la complexité des règles qui, désormais, encadrent les campagnes électorales. A terme, il faudra que les candidats, en plus de l’expert-comptable, aient recours à de véritables spécialistes en droit électoral. Ce qui condamne presque à coup sûr, pour des raisons financières, les candidats indépendants des appareils subventionnés par les fonds publics.

Sur le contexte politique de l’élection, le moins que l’on puisse dire est qu’elle risque d’être difficile pour l’opposition.

Tout d’abord, parce que la droite présente un bon candidat dont nous avons pu, en tant qu’élus, vérifier l’efficacité dans son poste d’adjoint aux écoles.

Ensuite et surtout, à cause de l’attitude de la Fédé PS 06, une fois de plus serait-on tenté de dire

Alors que Martine Aubry, Vincent Peillon il y a encore deux jours, et bien d’autres leaders nationaux font de vibrants appels au rassemblement de la gauche, les socialistes locaux présentent un candidat dans un canton où la gauche des appareils était représentée la dernière fois par les Verts. On imagine le trouble provoqué par cette décision, même au sein du PS. Un universitaire, responsable fédéral, n’a-t-il pas d’ores et déjà décidé de soutenir Vincent Péchenot dès le premier tour ?

De plus, les deux candidats présentés illustrent jusqu’à la caricature les dérives de l’appareil PS. Entendons-nous bien : le candidat et sa suppléante ont de grandes qualités. Ils sont jeunes, sympathiques et peuvent se révéler brillants. Mais, pur produit du système, ils n’ont jamais eu d’activités professionnelles indépendantes de leur engagement politique. Du coup, leur expérience et leur notoriété sont faibles en dehors du microcosme. Et ils sont tous deux très liés à la Région : le candidat, en étant le principal collaborateur (salarié) du vice-président, la suppléante, en étant conseillère régionale (élue sur liste). S’ils perdent cette élection, leur défaite sera celle de la Région et de Michel Vauzelle. A quelques mois de l’échéance décisive de mars 2010, c’est pour le moins maladroit…

Surtout qu’à gauche, la concurrence sera vive. En effet, à côté du candidat Vert parfaitement légitime aux yeux des électeurs avec une suppléante XXL en la personne de Mari-Luz Nicaise, on trouve l’excellente conseillère municipale Emmanuelle Gaziello (avec toutefois un suppléant d’extrême gauche).

Pour ma part, dans cette élection, je soutiendrai Fabien Bénard du MoDem, car cette formation politique avait été la seule à soutenir notre démarche dans le 12e canton. Et je ne suis pas un adepte de la mémoire courte en politique.

Fabien a le profil des candidats que nous aimons bien à Gauche Autrement. Il n’est pas un OGM de la politique, il a une vraie profession qui lui permet d’avoir une connaissance approfondie du terrain. C’est un militant associatif et politique qui n’a pas attendu d’avoir un mandat pour être très présent dans la vie de la cité. Il a la fibre sociale…

Ce sera donc en pleine cohérence avec ce que nous disons et faisons depuis deux ans que j’aiderai Fabien dans un canton où je fus jadis… candidat !

23 août 2009

La Bulgarie de Michel Petkov


Terminer la partie active de notre voyage par la Bulgarie était à la fois un hasard géographique et une nécessité sentimentale. Nous avons eu tant d’amis dans ce pays et partagé tant de moments rares avec eux qu’il est devenu une sorte de seconde patrie.

Déambuler, dès la frontière passée, dans les rues de Ruse en s’imprégnant de l’indolence ambiante permet déjà de retrouver quelques repères. Plus tard, une cigogne sur la cheminée d’une maison danubienne, la statue de Christo Botev sur la grand-place de Vraca, l’or de la cathédrale Alexandre Nevski et la fraîcheur du Mont Vitocha, font retrouver les autres.

Mais passer par ici, c’est aussi et peut-être surtout le bonheur de revoir notre ami Michel Petkov et sa femme Roumi. La Bulgarie que nous aimons, ce n’est pas n’importe quelle Bulgarie, c’est celle de Michel.

A dix-neuf ans, jeune militant social-démocrate, il combat le stalinisme et est enfermé dans la forteresse-prison de Veliko Tarnovo par les communistes. Il y retrouve l’intelligentsia du pays et pourra ainsi, pendant les neuf ans que durera son incarcération, dans des conditions pourtant difficiles, se forger les outils théoriques de son engagement de jeune homme.

Libéré en 1959, il peut, quelques années plus tard, suivre des études à l’Université où il rencontre sa femme. Cultivé et francophile, le couple reste en contact avec de nombreux sociaux-démocrates. D’où une certaine effervescence intellectuelle qui, avec le bonheur familial (une petite Milena va naître de leur union), équilibre la marginalisation politique et sociale.

En novembre 1989, l’impensable arrive à la suite de la chute du Mur de Berlin : le dictateur communiste Jivkov est obligé de démissionner. Avec ses amis, Michel ressuscite le vieux parti social-démocrate. C’est à cette époque que nous faisons sa connaissance à Sofia.

Michel, sexagénaire toujours souriant, conteur né, est resté l’homme de gauche qu’il a toujours été. Malgré les épreuves, cet humaniste n’a ni haine, ni rancœur. Il nous rendra rapidement visite à Nice où il animera un débat au CLAJ de Scudéri, sur la transition à l’Est, organisé par notre section Nice centre du PS dirigée par Gérard Corboli. Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons à Ramatuelle pour l’Université d’été et Edith Cresson, alors Premier ministre, l’invitera à la tribune pour une standing ovation.

Parallèlement, en Bulgarie, il devient député de Shumen, une petite ville de l’Ouest du pays avec une forte minorité turque. Le nouveau député nous ouvre les portes de l’Assemblée Constituante et nous fait les honneurs de sa circonscription.

Puis, le Gouvernement le nomme ambassadeur en Espagne, poste-clé s’il en fut car le roi Siméon est précisément réfugié à Madrid. Nous serons les hôtes de cette ambassade de style soviétique où le maître de lieux nous raconte ses premiers pas dans la diplomatie. Ce qui est souvent très drôle et toujours passionnant.

Puis ce sera, pendant cinq ans, l’ambassade en Tunisie. Il est encore en poste quand le roi Siméon, sur le point de devenir… Premier ministre, lui demandera d’intégrer son équipe. Fidèle à ses valeurs, Michel décline la proposition. Puis c’est la retraite et la rédaction, encore inachevée, de Mémoires très attendues.

Les néo-communistes ayant réussi leur OPA sur la social-démocratie avec la complicité de l’Internationale socialiste et du PS français, Michel a pris ses distances avec la politique active tout en restant un spectateur engagé. Avec Roumi, il suit avec passion l’actualité internationale. Il me confie même être un lecteur régulier et attentif de ce blog… Imaginez ma fierté !

Pendant deux soirées, nous l’avons retrouvé physiquement inchangé, toujours aussi ferme dans ses convictions. L’écouter expliquer avec passion le passé, s’interroger sur les incertitudes du présent et pourtant toujours espérer, est un de ces petits moments de grâce qui vous rendent meilleurs.

Demain, ce sera le retour, deux longues journées sur la « 66 Yougo » et les autoroutes italiennes, pour boucler les 9000 kilomètres de ce très long voyage. Mais ce retour sera léger car nous aurons encore en mémoire la formidable leçon de liberté délivrée par Michel Petkov, notre ami bulgare.

Cliquez pour Forrest à Sofia

Sur le même sujet, voir Soir d'été à Sofia sur le blog de Dominique Boy-Mottard.

19 août 2009

La Gagaouzie n’a pas de frontière



Musique et danse sur la grand-place, accordéon et violon, Tati chez Kusturica : à Comrat, c’est la fête au village.

Pourtant, ce village-là est une capitale : celle de la Gagaouzie ; région dotée d’une très grande autonomie, la Gagaouzie est peuplée de turcophones de religion… orthodoxe, pas très synchrones avec la majorité roumaine de Moldavie.

Du coup, en 1994, après l’indépendance et quelques échauffourées, les Gagaouzes ont arraché au gouvernement central un statut qui leur permet de développer leur culture et leur économie sans être obligés de créer le dernier état confetti de la région.

Sur la place, la fête bat son plein et, si le rythme des mélopées est plutôt oriental, l’ambiance, elle, est russophile – un drapeau de la sainte Russie passe de main en main – voire « sovietophile » - la place donne sur la rue Lénine, axe central de la ville.

Peu importe : la position des 170 000 Gagaouzes semble sage car elle leur permet d’attendre l’Europe lovés bien au chaud dans le cocon moldave.

Plus risquée est la position des Moldaves russes de Transnistrie. Ceux-ci, au nom de l’histoire et de la culture, se sont placés sous la protection de Poutine qui poursuit méthodiquement dans la région son projet de Grande Russie encouragé par l’attitude munichoise des gouvernements européens (on se souvient des gesticulations de notre Président l’été dernier). Ils se condamnent ainsi à être dirigés pour longtemps par d’arrogants mercenaires qui ne voient pas beaucoup plus loin que le capot de leur 4X4 BMW.

Ces questions d’autonomie et/ou d’intégration dans la nation moldave n’intéressent plus les juifs depuis bien longtemps. Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, le ghetto de Chişinău était l'un des plus importants de l’Europe de l’Est. La Shoah, dans une ville qui avait encore connu un pogrom en 1903, a réduit la communauté de 15% à moins de 3% de la population.

Marcher dans les herbes folles qui courent entre les tombes abandonnées de l'immense cimetière juif au nord-ouest de la ville, déchiffrer les noms et essayer de comprendre les destins individuels nous a, comme il y a deux ans à Cracovie, remplis d’une infinie tristesse et d’une irrépressible colère. Puissent-elles, l’une et l’autre, ne jamais s’éteindre.

18 août 2009

E viva Moldova !


Faire de la Moldavie - ce petit morceau de Roumanie annexé par Staline et devenu indépendant un peu à l’insu de son plein gré après l’éclatement de l’URSS - le point ultime de notre voyage, ne relevait pas de l’évidence.

Nous avions en fait trois raisons pour qu’il en soit ainsi (si l’on met de côté la presque homonymie avec la Syldavie de Tintin !).

- Nous avions snobé le pays à l’époque de Brejnev, en le traversant en voiture de retour d’un voyage à Moscou, sans lui accorder la moindre attention.

- C’est le pays de Tania, qui a longtemps fréquenté les vendredis du 3 avenue Cyrille Besset quand elle habitait le quartier et qui est actuellement membre de « Gauche autrement ».

- Les douaniers transnitriens de la frontière Est nous avaient grossièrement refusé l’entrée dans le pays il y a deux ans, à notre retour d’Ukraine.

Aller en Moldavie relevait donc de la réparation, de l’hommage et de… l’esprit de revanche !

Après un peu plus de 24 heures dans le pays du tournesol, nous pouvons ajouter d’autres motifs de satisfaction.

Dès le franchissement de la frontière, nous avons trouvé des paysages à la fois bucoliques et immaculés. De l’Arménie à la Lituanie, de la République tchèque à l’Azerbaïdjan, j’ai parcouru une bonne partie de l’ancien monde dit socialiste. C’est la première fois que je roule ainsi dans un paysage qui n’est pas souillé par les épaves rouillées ou bétonnées du système soviétique.

De la verdure à perte de vue, des cultures à dimension humaine, des troupeaux en liberté, des villages coquets… la Moldavie a de la chance d’avoir été ménagée par Moscou qui voulait en faire un grand parc national pour nomenklaturistes.

La ville de Chişinău fut une autre bonne surprise. Juste avant d’arriver, nous avions lu dans un guide pourtant pas toujours fiable que la capitale moldave était la ville de conception soviétique la plus réussie. Les auteurs de l’ouvrage ont raison. Là aussi, la nature généreuse, les nombreux parcs, les arbres omniprésents dans les avenues et même les rues font un écrin à l’architecture stalinienne des nombreux bâtiments publics qui, du coup, passent inaperçus. Parfois même – osons le paradoxe –, ils les mettent en valeur.

Si on ajoute le site d’Orheiul Vechi et ses paysages bibliques, les couleurs vives des maisons et des églises, et la qualité du vin (celui que nous avons bu le soir de notre arrivée était supérieur à celui de Bucarest vanté dans le post précédent), nous sommes convaincus que la Moldavie ne sera pas le gadget de notre voyage mais un de ses plus beaux fleurons.

Du coup, je n’ai pas envie ce soir de parler des problèmes politiques (nombreux et significatifs) qui accablent le pays. On verra cela plus tard…

17 août 2009

Une prom pas classic à Bucarest

Hôtel Intercontinental et Hommage aux héros de 1989

Sans être des familiers de la capitale roumaine, nous avons, au fil du temps, tissé des liens particuliers avec cette ville de Bucarest si souvent chahutée par la géographie (tremblement de terre) et l’histoire…

Ainsi, nos premiers séjours sous le communisme, le climat très lourd, la « Securitate » omniprésente, mais aussi des moments de grâce comme cette promenade en barque sur le lac Herastrau.

Ce fut également notre présence sur place tout de suite après la révolution de 1989, au rythme d’une lambada promue hymne officiel. Avec, notamment, cette nuit de Pâques magique, la première après la chute du régime où, avec Georges, notre ami roumain un peu porté sur la religion, nous avons fait le tour des petites églises orthodoxes de Bucarest qui venaient de rouvrir après quarante années de stalinisme.

C’est pourquoi, un léger entraînement matinal m’a semblé être une bonne idée pour renforcer cette intimité avec la ville en mixant, au fil des kilomètres, souvenirs personnels, lieux historiques et sensations nouvelles. C’est aussi pour moi un moyen d’éviter de prendre trop de retard sur le couple infernal Laurent-Clotilde et sur l’ami Claudio en prévision du marathon de Nice !

Il est donc un peu moins de six heures quand je m’élance de l’hôtel dans la Calea Victorei, fièrement vêtu de mon T-shirt orange « Prom classic ». Très vite, je traverse la place de la Révolution, jetant au passage un regard sur le balcon de l’immeuble de l’ancien Comité Central du PC rendu célèbre par les télévisions du monde entier quand elles ont montré le dictateur Ceauşescu perdant pied devant une foule qui se mettait enfin à crier sa colère. Un peu plus loin, je fais le tour de la place Victorei au style mi-Mitteleuropa, mi-stalinien, fréquent à Bucarest. Tout de suite après, je cafouille un peu malgré un road book digne de Daniel Elena préparé la veille. Je récupèe toutefois le trajet et me retrouve comme prévu sur la sympathique place Romana. Puis, c’est l’enchaînement de boulevards d’une largeur invraisemblable : six à huit files de circulation de front. Le coureur se sent tout petit malgré le trafic somme toute réduit de ce dimanche matin.

A l’heure de course, j’arrive sur les trois kilomètres du boulevard Unirii, les Champs Elysées du Conducator, la voie royale conduisant à l’incroyable Palais du parlement, deuxième bâtiment au monde par sa grandeur après le Pentagone. Depuis ma dernière visite, il a pris un coup de vieux, mais constitue toujours le symbole éclatant des dérives du communisme stalinien.

Le retour se fait par la célèbre place de l’Université, dominée par l’hôtel Intercontinental où Georges nous montrait les caches depuis lesquelles les militaires du régime tiraient sur les étudiants en 1989.

Cet hôtel est aussi le théâtre d’une anecdote personnelle. Dans les années soixante-dix, je me souviens avoir profité un peu cyniquement d’une des nombreuses pannes d’électricité pour refiler au bureau de change de l’Intercontinental des billets de banque… souillés par de l’huile d’olive dont la bouteille s’était malencontreusement renversée dans notre Renault 5 et qu’on avait refusé de nous changer aux frontières comme s’ils étaient faux. A une époque où il n’était pas question de cartes de crédit, ce subterfuge nous a probablement évité un retour… en stop !

L’heure et demie de course est dépassée quand je remonte le boulevard Regina Elisabeta en direction de l’hôtel. Je passe à deux pas du restaurant où, la veille, nous avons excellemment dîné en buvant une bouteille d’un très bon vin rouge roumain en compagnie de Pascale, une étudiante stagiaire française rencontrée dans l’après-midi.

Une fois revenu à mon point de départ, je m’aperçois que c’est plus de treize kilomètres de j’ai au compteur. La Prom classic de Bucarest a été plus longue que celle de Nice. Le taux de change kilométrique s’est donc révélé très avantageux…

Forrest Gump dans la Calea Victorei

14 août 2009

Road movie au Kosovo




CARNET DE VOYAGE N° 5

Jeudi 13 août. Avec pour seul viatique les mails de ma cousine Christine qui vient de passer avec son mari, coopérant, deux ans dans le pays, nous voilà partis à travers le Kosovo, ce petit état qui s’est auto-proclamé indépendant l’an dernier pour exorciser la guerre cruelle d’il y a dix ans. Déjà.

9 heures. Sur les hauteurs de Pristina, nous sommes devant la tombe blanche d’Ibrahim Rugova, le « Gandhi des Balkans ». La simplicité du décor sied bien à celui qui a su porter la revendication de dignité du peuple albanais. J’ai toujours admiré cet homme encore jeune qui s’habillait étrangement comme un retraité frileux et qui, sans bruit et sans violence, avait organisé une société albanaise parallèle aux structures officielles dictées par la Serbie de Milošević.

10 heures. En compagnie de soldats slovènes de la KFOR – qui protège les lieux – nous sommes sur la tour qui domine la plaine de Kosovo Polje au niveau du Champ des merles où, le 28 juin 1389, les Serbes furent battus par les Turcs mais trouvèrent en eux suffisamment de force morale pour faire de cette défaite le mythe fondateur de la Nation serbe. Ce qu’il est toujours aujourd’hui.

11 heures. Cette fois, c’est en franchissant le barrage souriant de soldats suédois (toujours de la KFOR) que nous pénétrons dans le monastère de Gračanica, une merveille de l’architecture médiévale. Mais ce lieu de pèlerinage est surtout au cœur de l’orthodoxie serbe. D’ailleurs, la rencontre inopinée d’un convoi funèbre orthodoxe (caractéristique, avec le cercueil ouvert) achève de nous convaincre que nous sommes dans une enclave de la minorité.

16 heures. Après avoir emprunté la route du sud-ouest, nous arrivons à Prizren. L’ambiance de la ville est orientale et l’on a l’impression d’être dans un petit morceau de Turquie en territoire kosovar. Sur la route de Pristina à Prizren, on peut voir, à flanc de montagne, quelques-uns de ces petits villages mille fois apparus à la télévision au moment de la guerre et qui dès l'été précédant l'invasion, étaient contrôlés par l’UCK. D’ailleurs, de nombreux monuments rendent hommage aux combattants de cette organisation dans les agglomérations que nous traversons.

19 heures. Nous sommes remontés par la route du Nord de ce pays grand comme un département français pour passer symboliquement le pont de Mitrovica. La ville est pratiquement coupée en deux entre Albanais et Serbes. La ligne de démarcation passe sur un pont qui enjambe la Sitnica. C’est sur ce pont qu’en 2004 puis 2008 se sont déroulés des affrontements sanglants provoquant de nombreuses victimes. Discrètement, nous passons en voiture du côté serbe, malgré les recommandations du ministère français des Affaires étrangères qui déconseillait plutôt la chose. En fait, rien de spécial à noter, à part l’ambiance lourde attestée par la présence de nombreux soldats internationaux et policiers locaux. En nous promenant le long de la rivière, nous sommes quelque peu atterrés par ce nouveau Mur de Berlin en devenir.

21 heures. La boucle est bouclée, nous sommes de retour à Pristina. Le périple s’achève par une quarantaine de kilomètres effectués de nuit ce qui, ici, est assez hasardeux. Il faut dire, en effet, qu’à côté d’un conducteur kosovar, un kamikaze japonais est un trouillard coincé !

Que d’émotions en une seule journée… une journée qui est aussi une réponse à la remarque du commentateur anonyme qui a dit ici même, suite à mon précédent post, à propos du Kosovo : « L'invasion serbe du Kosovo... comment un pays peut il s'envahir lui-même ? ».

Si cette fausse question visait à refuser aux Albanais le statut de victimes, elle friserait, il faut bien le dire, le négationnisme. Par contre, si elle sous entendait que les Serbes avaient quelques arguments historiques, culturels, religieux à faire valoir sur cette région, elle était parfaitement valable, Kosovo Polje et Gračanica en attestent.

C’est aussi une façon de rappeler que, dans cette région des Balkans, chaque peuple peut prouver à l’autre qu’il est plus légitime sur un territoire donné. Ce qu’il faut éviter, c’est d’ouvrir la boîte à Pandore des justifications historiques. En laissant la Yougoslavie exploser, c’est pourtant ce que l’Europe a fait. A elle de la refermer.

Pont de Mitrovica

11 août 2009

Idris de Dologozda


CARNET DE VOYAGE N° 4

Le 5 octobre 1975, notre Renault 5 blanche pénètre, en début d’après-midi, dans le petit village albanais du sud de la Yougoslavie, Dologozda, près du lac d’Ohrid. Il s’agit pour nous de retrouver Idris et ses potes Zikri et Nazif que nous avions rencontrés l’année précédente à l’Université de Pristina. Ce fut une semaine inoubliable où nous fûmes reçus de famille en famille, changeant de toit chaque nuit, partageant repas de fête, discussions passionnées et fous rires.

Par la suite, nos relations épistolaires durèrent plusieurs années puis, le départ pour l’étranger des uns, les déménagements des autres, firent que nous nous perdîmes de vue.

Bien sûr, notre cœur battît fort au moment de l’invasion serbe du Kosovo, le temps de vérifier que le village de nos amis était situé dans la toute récente République de Macédoine.

Et nous passâmes à autre chose…

Aujourd’hui 11 août 2009, entre Albanie et Kosovo, nous avons décidé de faire étape dans la région d’Ohrid. Avec, bien sûr, une petite idée derrière la tête. « Et si on tentait le coup ? ». Sans y croire tout à fait…

Pourtant, après une heure, nous trouvons, sans grande difficulté le village et, un quart d’heure plus tard, le miracle s’accomplit : le téléphone albanais étant au moins aussi efficace que son homologue arabe, nous tombons dans les bras d’Idris. « Patrick Mottard ! Dominique Boy !». Il n’a rien oublié, nous non plus. Sans préambule, nous énumérons ensemble la chronologie de notre dernière visite. La scène est quand même un peu irréelle. Alors que ses amis ont immigré, Idris, lui, est resté fidèle au village. Il est même le responsable du bureau de poste régional où il nous reçoit.

Puis, il nous présente sa femme, son fils, sa belle-fille – qui sera immédiatement promue traductrice officielle anglais-albanais -, son petit-fils, ses nombreuses nièces… Nous retrouvons aussi son frère.

Quelques photos de 1975 attestent que nous avons légèrement changé physiquement (et « capillairement » !). Et c’est reparti comme pour une journée d’avant, entre la rivière de Struga et la forteresse d’Ohrid, le café turc et les grillades…

Au moment de la séparation, l’émotion est palpable. Mais Internet veille sur nous : grâce aux échanges multiples d’e.mails et d’adresses facebook, nous sommes persuadés que plus rien ne pourra nous séparer.

10 août 2009

La place Skanderbeg


CARNET DE VOYAGE N° 3

J’aime la place centrale des grandes villes européennes. C’est un lieu généralement chargé de sens où l’on peut se laisser emporter par le grand vent de l’Histoire tout en humant l’air du temps.

La place Skanderbeg, à l’exact centre géographique de Tirana, est un de ces microcosmes qui synthétisent si bien l’âme d’un peuple. J’ai pu le vérifier jour et nuit, du septième étage de mon hôtel situé dans la partie nord de l’esplanade.

Tout d’abord, elle porte le nom du héros national des Albanais qui a combattu l’ennemi turc en des temps reculés. Sa statue équestre a fière allure au centre de la place et symbolise la tradition d’indépendance du peuple du pays des aigles. A l’Europe de faire les gestes nécessaires pour éviter que cette tradition ne dégénère un jour en revendication de « Grande Albanie » intégrant notamment le Kosovo et des régions du Monténégro et de la Macédoine.

Mais ce n’est pas la statue et son symbole qui m’ont le plus impressionné lorsque j’ai découvert la place. C’est plutôt l’omniprésence du réalisme socialiste porté, pour les deux tiers des bâtiments, par l’exotisme stalino-albanais de l’architecture et la gigantesque fresque en mosaïque présentant avec emphase les héros du peuple sur la façade du Musée d’Histoire.

Du coup – réminiscence malicieuse – à chaque fois que j’ai traversé le lieu me revenaient les paroles d’une comptine stalinienne que nous chantions au dixième degré lors de nos soirées un peu arrosées d’étudiants (sur l’air de Nini peau d’chien) :

A Tirana on l’aime bien Enver Hodja,
Il est si bon et si lucide,

On l’aime bien, qui ça ?

Enver Hodja, où ça ?

A Tirana-a-a…


Une bonté et une lucidité qui allaient produire le plus effroyable système totalitaire de notre continent. Un système paranoïaque qui transforma le pays en goulag géant.

C’est d’abord aux années noires du peuple albanais que je pense en évaluant l'architecture dominante de la place. Aussi, c’est avec une certaine jubilation que je regarde les enfants sillonner en riant, avec de mini quads électriques, l’espace jadis réservé aux sinistres parades du régime. Un joli pied de nez à un passé encore si récent.

A l’est de la place, entre les bâtiments officiels, on peut voir l’élégante silhouette de la mosquée Haxhi Et’hem Bey. Malgré la modestie de ses dimensions, il est difficile de l’oublier surtout quand, comme nous, vous arrivez un vendredi avec l’appel à la prière. Elle nous rappelle, tout simplement, que l’Albanie est un pays musulman d’Europe. Son islam modéré, influencé par le bektashisme devrait inciter là aussi l’Europe à accélérer – ainsi que pour la Bosnie – la procédure d’adhésion. Même si la radicalisation de l’islam balkanique n’est pas à l’ordre du jour, surtout dans un pays où il n’y a pratiquement pas de femmes voilées, on ne sait jamais… Ainsi, de la place, on peut voir le chantier de construction du dôme d’une mosquée, à l’évidence surdimensionnée, financée par une puissance étrangère. A bon entendeur… !

Par l’intensité de sa circulation, la place nous confirme également l’entrée de l’Albanie dans la modernité. Prenez une photo d’il y a à peine quinze ans, vous ne verrez pratiquement aucune automobile. Aujourd’hui, le trafic est celui d’une grande capitale occidentale. Avec des particularités bien sûr. Par exemple, quasiment une voiture sur deux est une… Mercedes, du vieux rossignol des années soixante-dix au 4X4 flambant neuf, la firme allemande est plébiscitée.

La conduite des automobilistes et l’attitude des piétons constituent également une autre spécificité culturelle. Les deux catégories affichent ostensiblement une indifférence totale quant à leur trajectoire et un dédain aristocratique pour toute règle de priorité. Le résultat de cette désinvolture est particulièrement spectaculaire sur la place où elle se transforme en une autogestion circulatoire plutôt miraculeuse, que les statistiques affirment dangereuse mais qui est assez réjouissante dans la mesure où toute espèce d’agressivité est bannie.

En ce qui me concerne, l’heure très matinale de mes entraînements me dispense d’une adaptation forcément délicate aux normes locales. Par contre, traverser la place Skanderbeg au petit matin pour rejoindre l’avenue Zhane d’Ark (eh oui, la Pucelle a des supporters à Tirana…) et les rives de la Lana me procure une enivrante sensation de liberté. Même si les rares passants observent avec étonnement ce mutant venu d’ailleurs avec son T-shirt siglé « Semi marathon de Nice »… Comme quoi, on est toujours le Syrte de quelqu’un !!!


Pour voir Forrest Gump, cliquez sur la photo.

07 août 2009

J’ai marché sur le rivage des Syrtes



CARNET DE VOYAGE N° 2

Après une nuit d’Adriatique, le Rigel accoste dans le port de Durres. J’extirpe non sans mal mon Opel des soutes du ferry. Quelques centaines de mètres plus loin, profitant du passage en douane, j’ouvre subrepticement ma portière, je descends de la voiture et j’esquisse un pas. Un petit pas pour le touriste, un grand bond pour le voyageur, celui qui rêve ses voyages…

C’est qu’en cette tiède matinée d’août 2009, nous venons d’arriver en Albanie. Et cette Albanie-là, je la désirais depuis plus de trente ans.

Petite Corée du Nord balkanique qui plongera très vite après la chute du Mur dans la folie des guerres yougoslaves, l’Albanie n’était franchement pas un pays facile à visiter. Et, de voyages annulés en projets avortés, elle avait fini par devenir mon rivage des Syrtes.

Pourtant, pendant toutes ces années, j’ai souvent caressé sa frontière au cours de voyages collatéraux. Je l’ai même tutoyée toute une semaine dans un petit village de Macédoine dans les années soixante-dix. Un soir d’été de 1986, sur le point culminant de l’île grecque de Corfou, j’ai vu, avec l’émotion d’un improbable Aldo, la nuit envelopper sa côte si proche.

Il y a peu encore, je pensais réaliser mon rêve, calmement, par la route et par le nord. Quatre jours plus tard, à cause d’une bévue administrative, c’est dans l’urgence, par la mer et le sud, que je réussis enfin…

Maintenant, notre voiture chemine lentement en direction de la ville. C’est le moment où, entre containers rouillés et immeubles bétonnés, je me pose la question : mon rêve d’Albanie survivra-t-il à la réalité ? Au fond de moi, je connais déjà la réponse. La lune d’Armstrong n’a effacé celle de Méliès que pour ceux qui sont pauvres en imagination…

04 août 2009

La carte grise et François Lecot



CARNET DE VOYAGE N°1

Tout avait commencé pour le mieux.

Une traversée sans histoire d’un Nord de l’Italie chauffé à blanc par le soleil d’août. Les retrouvailles avec la verte Slovénie, cette Suisse-Yougo à l’hérédité austro-hongroise et aux accents méditerranéens…

La soirée à Ljubljana, la ville de province-capitale où Jason et ses potes Argonautes ont terrassé le dragon qui prétendait les empêcher de rentrer chez eux pour frimer avec la Toison d’Or…

La matinée rectiligne sur la mythique highway du nord de l’ex-Yougoslavie où, des années cinquante aux années quatre-vingt, des générations de Kerouac européens filaient vers leurs rêves hellènes ou turcs…

Et puis, à un moment donné, si nous voulions atteindre la lointaine Albanie, premier objectif de notre voyage, il a bien fallu obliquer vers le sud et nous coltiner, entre Croatie et Bosnie-Herzégovine, notre première véritable frontière.

– Papiers, dit en souriant le douanier bosno-croate à moins qu’il ne fut bosno-serbe. – Passeports ?... Oui ! – Permis de conduire ?... Oui ! – Carte grise ?... Carte grise ?! Horreur et putréfaction : il ne me faut pas plus de temps qu'Usain Bolt sur 100 mètres pour réaliser que j’avais oublié cette p… de carte grise et que sur ces frontières balkaniques gangrenées par les trafics de voitures volées, cet oubli équivalait à un carton rouge et à un renvoi aux vestiaires.

Toute honte bue, il ne nous restait plus qu’à faire demi-tour et à nous résoudre à un retour sans gloire en priant pour que les douaniers croates ou slovènes n’aient pas les mêmes scrupules que leurs collègues bosniaques. Heureusement, ce fut le cas.

Au début, la retraite sous les orages fut morose puis nous nous ressaisîmes en élaborant un plan B. Le Poisson zèbre reconverti en Zèbre tout court fut sollicité pour rechercher par Internet un itinéraire bis qui nous permettrait, une fois la carte grise récupérée, de rejoindre l’Albanie par l’Italie.

Reste que traverser pour la deuxième fois de la journée la Croatie puis la Slovénie, avant d’attaquer l’interminable plaine du Pô n’est pas une promenade de santé. D’autant que, terrassée depuis le matin par une violente douleur dorsale aussi brutale qu’inattendue, ma coéquipière, particulièrement efficace sur les 800 kilomètres de la veille, a été obligée, la mort dans l’âme, de me laisser assurer seul ce retour.

Heureusement, Deep Purple, Ten Years after et la version de Whole Lotta Love par CCS m’ont donné le peps nécessaire pour tenir la cadence.

Et lorsque, au cœur de la nuit, je gare ma valeureuse Opel dans le box de notre garage du quartier Borriglione, je peux constater que le compteur journalier marque 1476 kilomètres. Du coup, je pense avec tendresse à ce François Lecot sur lequel j’ai lu un article il y a quelques semaines. Ce restaurateur bourguignon a connu, en effet, une gloire éphémère en 1935-1936 en parcourant sans s’arrêter (quelques heures de sommeil à intervalles réguliers mis à part)… 400 000 kilomètres avec sa Traction Avant en alignant des allers-retours Paris – Lyon – Monaco.

400 000 kilomètres, c’est dix fois le tour du monde en un an… De la poésie pure rythmée par un moteur Citroën, une volonté de fer au service d’un projet fou et complètement inutile. Il y avait du Lucky Main Froide chez ce Français moyen à béret basque…

Bien sûr, avec mes 1476 kilomètres, je ne suis qu’un disciple bien pâlichon du grand François Lecot. Mais qui sait ? Encore quelques oublis et puis…

01 août 2009

14 – 8 : le score s’aggrave

La nouvelle sera officielle à la rentrée : les deux élus communistes du Conseil municipal ont décider de changer d’air en quittant « Changer d’ère » pour construire un groupe autonome. Cette information confirme l’efficacité politique et les qualités de rassembleur de Patrick Allemand…

En ce qui me concerne, j’ai eu le bonheur de présider pendant sept ans le groupe « Nice plurielle » qui réunissait quatorze élus appartenant à pas moins de quatre sensibilités politiques. Côte à côte, on retrouvait socialistes, communistes, verts et un représentant de la gauche de la gauche en la personne du combatif et loyal Bruno Della Sudda. J’avais d’ailleurs personnellement beaucoup insisté pour que les Alternatifs soient en position éligible au moment de la constitution de la liste.

Pendant ces sept ans, de l’Europe aux Présidentielles, cet équipage n’a pas été souvent d’accord sur les thèmes nationaux. Pourtant, grâce à un travail d’équipe auquel participaient également des militants de quatre formations et des associatifs, nous sommes restés unis jusqu’au bout, présentant un front uni au Conseil municipal. Les rares votes différenciés étaient collectivement gérés et des efforts étaient faits par tous pour qu’ils soient les plus résiduels possibles. Par exemple, Simone Monticelli exprimait parfois un désaccord à la réunion du lundi avant de se rallier à une solution consensuelle le vendredi après discussion. C’est ainsi que Nice Plurielle fonctionnait malgré les tentatives de déstabilisation du Vice Président de la Région qui se mit à agir dans l’ombre, surtout à partir de 2003.

En comparaison, le bilan de Changer d’ère, après à peine un an et demi d’existence, apparaît comme pitoyable au grand dam des électeurs de gauche qui, pour beaucoup, regrettent leur vote pseudo utile en faveur de la liste Allemand. Et on les comprend :

14-3= 11 : les résultats médiocres aux élections municipales ont réduit d’emblée la représentation du groupe d’opposition de 14 à 11. En fait, cette perte de trois élus ne traduit qu’imparfaitement la gifle électorale car le mode de scrutin « lisse » les résultats des groupes d’opposition.

11-1= 10 : quelques mois après les élections, l’icône de la société civile imposée sur la liste par le chef de file de Changer d’ère, Sophie Duez, accepte de rejoindre le staff de Christian Estrosi sur les questions culturelles.

10-2=8 : le compte est bon, avec le départ des deux excellents élus communistes, le débateur Bob Injey et la très active Emmanuelle Gaziello.

Mais le pire reste peut-être à venir. Interprétant… très librement les consignes de rassemblement de la gauche de Martine Aubry, Allemand a eu la bonne idée de présenter un permanent de la Région dans le 6e canton de Nice, provoquant à juste titre l’ire des Verts dont le candidat avait représenté les partis de gauche lors du dernier scrutin. Du coup, il se dit que si le PS maintient son candidat apparatchik, un autre nouveau groupe pourrait voir le jour au Conseil municipal.

Par ailleurs, il est admis qu’en cas de défaite de la gauche aux prochaines régionales, Allemand se présenterait l’année suivante dans le 3e canton (après avoir démissionné du 12e pour cumul). Une vraie stratégie de conquête pour la gauche ! En effet, depuis 1998, l’élu du canton n’est autre que le communiste Jacques Victor. En 2004, il avait d’ailleurs fait le deuxième meilleur score de la gauche après – ma modestie dut-elle en souffrir – le 5e canton.

Des élus comme Paul Cuturello, Yann Librati ou Pascale Gérard ne peuvent pas ne pas se rendre compte de ce bilan catastrophique et de la démarche suicidaire du leader du PS 06. Notamment dans la perspective des Régionales. Auront-ils le courage de s’y opposer ? Cela est une autre histoire, le passé – sauf peut-être pour Pascale – ne plaide pas en leur faveur et en leur courage…