Défaite honorable hier soir du Gym face à Marseille, avec une équipe réduite à 10 pendant toute la deuxième mi-temps. Malgré cet incident de parcours, on subodore que les Aiglons sont encore partis pour nous offrir une belle saison…
On commence à avoir l’habitude : depuis presque une décennie, cette équipe aux moyens financiers limités, réalise d’impeccables parcours en Ligue 1 où elle devance régulièrement des clubs plus huppés et surtout plus friqués.
Mais depuis quelques mois, chaque match au Ray est un peu plus qu’un match de plus. Les jours du vieux stade Léo Lagrange sont désormais comptés. Ce qui fut pendant très longtemps le serpent de mer de la politique niçoise, à savoir le grand stade, risque de devenir rapidement – porté par la candidature de la France à l’Euro – une réalité. Cette semaine encore, l’annonce du soutien financier de l’Etat rend l’échéance inéluctable.
Ainsi, tout en vibrant avec Sami aux exploits de Loïc Remy, d’Ospina, et de Coulibaly (qui a marqué un si joli but), je n’ai pas pu m’empêcher de jouer à « Je me souviens… ».
Je me souviens de ces longs « trails » entre le quartier Pasteur et le stade qui nous faisaient traverser la moitié de la ville en empruntant uniquement des chemins de traverse et des escaliers. Le chemin de la Galère, embaumé et fleuri au printemps, flamboyant en automne, représentait une partie non négligeable de notre itinéraire bis. C’est dire si aujourd’hui, je soutiens avec ferveur la conseillère générale du 7e canton qui veut valoriser et faire connaître les richesses de ce bucolique cheminement rural en zone urbaine.
Je me souviens, pêle-mêle de tous ces joueurs rouge et noir que nous avons tant admirés : les chevauchées fantastiques de Jean-Noël Huck, les dribles de Charly Loubet au poteau de corner, les plongeons de Baratelli, la vitesse de Bocchi (qui désormais tient la buvette de la cité Ray-Gorbella dans le 5e canton), la rudesse de Chorda, la technique de Leif Eriksson, l’élégance de Bocandé (sa fille est mon étudiante), les buts de Bjekovic, la pirogue de Marama Vahirua, l’esprit Ajax de Dick van Dijk…
Je me souviens aussi tout particulièrement de René Fioroni. Cet étudiant en notariat avait gardé son statut d’amateur… et portait des lunettes. Ailier fougueux, il était souvent descendu sans ménagement par la défense adverse à l’approche de la surface de réparation. Du coup, probablement inspirés par la jurisprudence Agnan du petit Nicolas de Goscinny, nous avions pris l’habitude de conspuer avec véhémence ces brutes incapables de respecter un amateur courageux qui portait des lunettes.
Je me souviens de soirs de deuxième division où nous étions encore des milliers à soutenir ce qui n’était parfois qu’un fantôme d’équipe. Je revois comme si c’était hier le tableau d’affichage et son 0-3 après une demi-heure de jeu un soir d’hiver contre… Chateauroux (c’est où ça, Chateauroux ?).
Je me souviens du miracle de 2002 quand l’équipe caracolait en tête de la L1 quelques mois après avoir été pratiquement condamné à la troisième division par une fédération très sceptique sur les capacités de gestionnaires des actionnaires locaux. José Cobos le magnifique fut le symbole de cet ahurissant retournement de situation, incarnant la révolte des joueurs contre le dictat parisien, avant de propulser l’équipe vers les sommets. Quelques années plus tard, j’ai eu le privilège de parler assez longuement en tête à tête avec lui. J’ai découvert un homme sensible, un humaniste profondément attaché à l’éthique sportive… C’est dire s’il a dû se sentir souvent bien seul dans le monde du football professionnel.
Je me souviens de ces quatre années passées dans les Populaires, aux côtés de la Brigade sud, avec Ange et Bruno Della Sudda, un alter chez les ultras, aurait dit Léo Mallet. Chants, chorégraphies, banderoles, serpentins et confettis… l’ambiance était chaude, les slogans aussi… Ils traduisaient en tout cas une connaissance très précise des pratiques sexuelles des arbitres et des supporters adverses !
Je me souviens bien sûr des concerts de klaxons sur Borriglione et sur Gorbella les soirs de victoire, les larmes ravalées et les poings dans les poches après les défaites. Je n’ai même pas oublié les petits bastons probablement nécessaires à l’hygiène du corps.
Pour toutes ces raisons, notre cœur restera toujours au Ray. Pour autant, nous n’abandonnerons jamais notre équipe, nous irons la soutenir dans la grande plaine froide, j’irai la soutenir dans la grande plaine froide. D’ailleurs, en gage de fidélité, je vais, dès lundi, installer dans ma permanence, le grand fanion dédicacé par toute l’équipe que Dominique a acquis au téléthon organisé par le comité de quartier de Cimiez. Qu’on se le dise !