29 avril 2012

Un semi-marathon ultraviolet




Avoir passé un samedi quasiment estival dans une salle obscure (le festival In&Out proposait un film sympathique, Mon arbre, de Bérénice André suivi d’un intéressant débat sur l’homoparentalité) et se retrouver le lendemain, aux alentours de 10 heures du matin, à courir dans le boulevard Gambetta sous une averse carabinée, amène à se poser des questions sur la pertinence des priorités météorologiques dans son emploi du temps.

En fait, si je voulais renouer avec une compétition de course à pied d’envergure, il fallait bien en passer par là. N’ayant plus couru à Nice depuis ma Prom’classic survitaminée de 2011, il était devenu urgent que je retrouve le macadam de notre cité pour la 15e édition du semi-marathon.

Ne pas insister aurait d’ailleurs été stupide puisque la course se termina sous un beau soleil dardant ses rayons ultraviolets. Une façon probablement de rendre hommage à un peloton qui avait majoritairement revêtu le T-shirt violet remis par l’organisateur aux participants.

Une course qui me laissera comme d’habitude plein d’images sympas même si les copains compétiteurs étaient moins nombreux que d’habitude (à part Isabelle, côtoyée au départ, et Véro-Cléo croisée dans les derniers kilomètres sur la Prom’, je n’ai pas vu grand monde… de connaissance).

J’avais pris le départ avec une certaine angoisse. En effet, le matin d’une course, j’aime bien me mettre en tête une chanson ou un morceau de musique qui est censé me faire oublier l’effort pendant l’épreuve. Aujourd’hui, j’avais misé sur les Stones et leur célèbre « Miss you ». Malheureusement, pour provoquer Dominique, j’ai prolongé la séance d’hypnose musicale par quelques couplets de… Patrick Juvet. Eh bien, que croyez-vous qu’il arriva ? C’est Juvet qui s’imposa. Tout au long de la première partie de la course, j’ai vraiment eu l’impression que c’était parti pour les 21 kilomètres : « Où sont les femmes… » Miraculeusement, la voix du chanteur helvétique disparut du côté du bassin Lympia, me laissant affronter seul mes démons intimes.

Cette course en a caché une autre. Comme à chaque épreuve niçoise, j’étais très encouragé sur le parcours. Mais ce matin, la phrase fétiche était : « Allez, Monsieur Mottard, on va gagner ! » Pendant quelque temps, j’ai eu l’immodestie de penser qu’il s’agissait d’un fan-club qui croyait en mes capacités avec une foi « soubirousienne » ! Puis, j’ai très vite compris que les supporters en question faisaient allusion à une autre victoire que la mienne. J’en fus sportivement dépité mais politiquement soulagé.

Enfin, cette course fut pour moi et mon fidèle coach celle des avancées technologiques ! Dominique maîtrise désormais remarquablement la technique de la photo en rafales (les agences de presse peuvent nous contacter). Quant à moi, grâce à ma « Batmontre » achetée la semaine dernière, j’ai pu réguler mon allure ce qui me permettra de réaliser une performance (2 h 04’ 45’’) proche de celle d’il y a deux ans avec un entraînement minime… tout en me délivrant une information capitale : j’avais brûlé 1850 calories. Qu’on se le dise !

27 avril 2012

Le récidiviste et la petite voiture jaune




En une demi-heure, notre humeur peut changer du tout au tout, même le matin. 

La preuve : ce vendredi, dès potron-minet, mon irritation est totale (je garde ma colère pour des causes plus nobles…) à la lecture dans Nice-Matin des déclarations indignes de Lionnel Lucas sur un certain nombre de personnalités politiques. La veille, à l’évidence, les journalistes « Des paroles et des actes » n’avaient pas révélé la totalité de celles-ci. Je suis en effet irrité, mais pas vraiment surpris. Les propos du député sont tout sauf un dérapage occasionnel et, avec Dominique, nous sommes particulièrement bien placés pour le faire remarquer. Il y a trois ans le héros de la droite populaire UMP nous avait traités de « Thénardier » de la politique lors d’une réunion publique. Notre seul crime : avoir gagné des élections de terrain au scrutin uninominal et siéger dans l’opposition au Conseil général.

Quelque temps après, il s’était excusé, mais, la nature ayant repris ses droits, il nous a fait apparemment une grosse rechute.

Trente minutes après cette contrariété, je suis sur la Promenade des Anglais quand, croyant avoir la berlue, je me trouve face à une petite voiture jaune, la mythique Lotus seven, celle qui est pilotée par Patrick McGoohan dans la meilleure série TV de tous les temps, Le Prisonnier Le soleil pointant à l’horizon, à contre-jour, j’ai même l’impression de voir le « Numéro 6 » au volant… Et me voilà projeté dans une sorte de nirvana poétique à des années-lumière des lucasseries diverses et variées…

25 avril 2012

In&Out is back


Benoît Arnulf présente l'édition 2012 du Festival

Après une matinée passée dans les rafales de vent glacé de la Promenade des Anglais pour commémorer le génocide arménien, c’est dans le cadre cosy de la salle de spectacle du MAMAC que nous avons assisté au lancement de la 4e édition du festival In&Out, le festival du film gay et lesbien de Nice baptisé cette année « Gender trouble » (une bande-annonce remarquable, avant chaque projection, illustre ce thème avec deux teasers que vous pouvez retrouver sur le site du festival).

« Benoît Arnulf n’est pas seulement un ami, c’est aussi un organisateur exceptionnel. En effet, avec Sébastien Lefebvre et ses copains de l’association Les Ouvreurs, il a réussi à faire de In&Out, une institution servie par une passion dévorante et un professionnalisme impeccable… dès la deuxième édition. »

Voilà ce que j’avais écrit sur ce blog en avril 2010. Je peux signer à nouveau cette année ce texte des deux mains.

En effet, le programme de l’édition 2012 témoigne de cette passion toujours intacte des organisateurs pour faire en sorte que cette communauté homosexuelle marginalisée par l’histoire et la morale dominante devienne une composante à part entière de notre République. On est là aux antipodes du communautarisme que j’abomine.

Mais In&Out n’et pas seulement utile. C’est aussi une des grandes manifestations culturelles de notre ville, et elles ne sont pas si nombreuses. Je dois dire que le professionnalisme des organisateurs est encore « plus impeccable » qu’il y a deux ans (on n’est pas loin du « plus blanc que blanc » de Coluche !)

Que ce festival soit principalement axé sur le cinéma n’est évidemment pas pour déplaire au cinéphile que je suis.

En écoutant quelques discours de présentation hier soir, on a pu noter que l’édition 2012 ne serait pas sourde aux débats de la Présidentielle. Ce n’est pas anormal car, en matière de mariage, d’adoption et d’homoparentalité, le changement, ça peut être aussi maintenant.

Le film américain présenté en ouverture Keep the lights on, de Ira Sachs nous a raconté une histoire d’amour comme il en existe tant sur le mode « Ni sans toi, ni avec toi… » Passion, infidélité, incommunicabilité et sexe étaient au rendez-vous. Seule particularité (mais en était-ce une ?), les protagonistes s’appelaient Erik et Paul…

Les enfants de l’école arménienne sur la Prom’

N.B. Pour les analyses électorales locales, je vous recommande avec conviction (elles sont étonnantes) et avec paresse de consulter le blog de DBM que je signe également des deux mains.

23 avril 2012

Tourner la page, en écrire une autre


Bureau "Patrimoine", 5e canton, 11 h 30

Vendredi, sur ce blog (Vendredi 23 h 59 - Hollande), j’avais modestement donné mon ressenti et esquissé quelques pronostics juste avant la fin de la campagne du premier tour. Ce dimanche, les résultats ne me donnent pas vraiment tort.

- Ainsi, le taux de participation particulièrement élevé confirme le sentiment que j’avais d’une campagne qui intéressait les Français alors même que les médias et le café du commerce disaient le contraire.

- L’écart entre les deux premiers candidats et le score élevé de Marine Le Pen démontrent qu’il n’était pas incongru d’appeler au vote utile (Dominique l’avait également dit sur son blog). Enlevez 5 points à Hollande et le profil du 2e tour aurait été bouleversé…

- Le faible score du président-candidat est, bien sûr, dû à son bilan et à son style mais aussi certainement à une très mauvaise campagne qui a surtout consisté à servir la soupe à l’extrême-droite.

A l’inverse, le brillant résultat de François Hollande est au moins en partie dû à un sans faute entre les primaires et le 1er tour, une longue période qui était celle de tous les dangers. Une période où il n’a cessé de rappeler qu’il ne fallait pas seulement tourner la page mais se mettre en position d’en écrire une nouvelle, plus juste, plus fraternelle, plus républicaine.

C’est très précisément ce qu’il a rappelé une nouvelle fois ce soir devant les militants corréziens et les Français.

                                                                  Thérèse Roméo
Pour un comparatif des résultats du premier tour entre la France, les Alpes-Maritimes et Nice, voir le blog de Dominique Boy Mottard

20 avril 2012

Vendredi 23 h 59 – Hollande




Contrairement à ce que pense apparemment le Président sortant, il me semble nécessaire, dans un Etat de droit, de respecter la loi. C’est pourquoi cet ultime post avant le 1er tour des Présidentielles est publié ce vendredi avant 23 h 59.

Comme des centaines de milliers de Français qui se sont précipités dans les meetings et manifestations des candidats, comme les millions de téléspectateurs qui ont suivi massivement les très nombreuses émissions et les débats, j’ai trouvé cette campagne plutôt intéressante. Même s’il est, semble-t-il, de bon ton de dire le contraire.

Les thèmes les plus importants ont été abordés à la fois par les candidats et les médias avec souvent beaucoup de pédagogie. Pour ma part, j’ai apprécié la campagne de Mélenchon sur la question sociale, celle de Bayrou sur la crise et ses conséquences, et même celle d’Eva Joly quand elle évoquait avec courage certaines affaires d’Etat particulièrement scandaleuses. Et cela, même si leurs statuts d’outsiders les a conduits à quelques outrances vis-à-vis du favori des sondages.

La campagne de Nicolas Sarkozy, dans son genre, a été un modèle, car très démonstrative. Elle fut le condensé du pire du sarkozysme : brutale sur la forme, démagogique et incohérente sur le fond. Le candidat-Président a été la caricature de lui-même. Avec parfois des virages à 180 degrés, comme sa volte-face sur l’Europe, surpassant brusquement le souverainisme névrotique de Dupont-Aignan. Pendant ces quelques semaines, Nicolas Sarkozy a probablement clarifié les choses en démontrant aux hésitants qu’il ne changera jamais.

François Hollande, quant à lui, a fait un sans faute. Ce qui n’était pas écrit d’avance tant il est difficile de faire la course en tête en pareille circonstance. Et je dois dire qu’à la fin de cette campagne, je suis plus résolument « hollandais » que je ne l’étais au début.

C’est bien pour cela que – avant 23 h 59 ! – j’appelle à voter pour lui dès le 1er tour afin de juguler le spectre du 21 avril (avec un FN évalué à 15%, on ne sait jamais), de donner une dynamique à sa candidature pour assurer sa victoire au 2e tour, et de lui offrir l’état de grâce le plus long possible après car c’est pendant cette période que les réformes radicales peuvent se faire…

19 avril 2012

Sartre, la liberté et « Un village français »


« Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande » : cette extravagante affirmation de Jean-Paul Sartre ne prend sens que si on la confronte avec sa définition de la liberté.

L’homme, par sa conscience, est capable de prendre ses distances avec le monde extérieur comme avec lui-même. Toute pensée secréte, autour de l’homme, un néant : elle l’arrache à son contexte comme aux forces qui le conditionnent et l’oppressent. « Etre libre n’est pas choisir le monde historique où l’on surgit, mais se choisir dans le monde quel qu’il soit. »

Vivre sous l’Occupation, c’est être exposé en permanence au danger, c’est avoir, à chaque seconde, la conscience d’être vulnérable et mortel. Les actes, les paroles, les pensées, prennent dès lors un poids qu’ils n’ont pas d’ordinaire. « Puisque le venin se glissait jusque dans notre pensée, chaque pensée juste était une conquête (…) Puisque nous étions traqués, chacun de nos gestes avait le poids d’un engagement. » (Les lettres françaises, septembre 1944).

En temps de paix, nous accordons moins de prix à la liberté : tel est ici le paradoxe pour le philosophe. Un paradoxe subtilement évoqué, analysé, décortiqué par la série de France 3, Un village français, dont on diffuse depuis le 27 mars les douze épisodes de la quatrième saison, le mardi, en soirée.

Un village français, réalisé par Philippe Triboit et écrit par Frédéric Krivine, est la chronique de Villeneuve – petite sous-préfecture imaginaire censée être située dans le Jura – pendant l’Occupation.

Loin de l’imagerie sulpicienne de nombreuses œuvres sur la Résistance, loin de l’ambiguïté du Lacombe Lucien de Louis Malle, la série raconte avec simplicité l’histoire d’hommes et de femmes confrontés à la violence de l’Histoire : Daniel Loucher (Robin Renucci), le maire fataliste, Hortense, sa femme adultère, Marcel, son frère communiste, Schwartz, l’industriel qui rachète son entreprise à Crémieux, le juif résistant, Marie Germain, l’agricultrice chef de réseau, Servier, le sous-préfet aux ordres de Vichy, Marchetti, l’inquiétant chef de la police, Jules Bériot, le directeur d’école…

Quelles que soient leurs origines géographiques, leurs opinions politiques, leur religion, leur histoire personnelle (la série est supervisée par une psychanalyste), ils font tous, à un moment ou à un autre, l’expérience de la liberté. Dans le bruit et la fureur, ils doivent décider s’ils veulent être des salauds ou pas.

Et, bien au chaud dans le confort de nos générations sans guerre, on se sent devant eux bien petits, coincés que nous sommes dans nos vies étriquées mais si confortables, où nous avons finalement si peu à faire l’expérience de notre liberté.

16 avril 2012

Ray-sistance

France 3 Journal régional 16/04/2012

François Hollande me pardonnera, mais les autorités municipales ne respectant pas la trêve présidentielle, je suis obligé de distraire quelques heures d’une campagne très dense (voir J-8 sur le blog de Dominique) pour répondre au Maire qui vient de communiquer sur l’aménagement des terrains libérés par la future destruction du stade du Ray.

Seul point positif de cette nouvelle conférence de presse : Christian Estrosi propose une concertation, celle que je demande sans relâche depuis les dernières élections cantonales. Les habitants du quartier, qui ont le sentiment de s’être déjà exprimés deux fois (par leurs conseils de quartiers et au cours du débat sur le PLU) apprécieront cette nouvelle occasion de proclamer qu’ils veulent de l’oxygène pour le Ray.

Mais la concertation proposée semble étrangement bornée puisque le maire propose des constructions « ne dépassant pas la surface actuelle du stade » : on ne voit pas comment on pourrait faire plus, le stade couvrant l’essentiel du terrain libéré.

Pour arrondir les angles, on fait miroiter un Palais des sports en affirmant toutefois que « tout nouvel investissement devra s’autogérer (sic) ». En clair, le mini Bercy niçois devra être financé par le privé car les caisses de la Ville sont vides. Et bien sûr, les partenaires privés, qui ne sont pas des philanthropes, ne manqueront pas d’exiger des droits à bâtir…

Les habitants de Nice Nord veulent des espaces verts, des équipements sportifs de proximité, des aménagements ludiques et des services publics. Les propositions du maire risquent de réduire ces aménagements à la portion congrue.

Face à cette offensive du béton, il va falloir, à l’instar de ce que nous avions fait pour la gare du Sud, résister. Et n’oublions pas que 2013 est la date officielle du début des travaux. C’est-à-dire un an avant… 2014.

Métro, 16/04/2012

Nice-Matin, 17/04/2012

14 avril 2012

Zeuxis, Lemesle et Roubaud à la Maison Abandonnée



Zeuxis était un peintre grec qui vécut entre - 464 et - 398 av.  J-C. Un jour, il s’opposa à Parrhasios, un autre peintre célèbre de l’époque, en un combat d’artistes. Pour gagner celui-ci, il avait peint des raisins avec tant de vérité que des oiseaux vinrent les becqueter. Son adversaire, lui, apporta un rideau si naturellement représenté que Zeuxis, tout fier de la séquence des oiseaux, demanda qu’on le tirât pour voir son tableau. Reconnaissant son illusion, il s’avoua humblement vaincu étant donné que lui n’avait trompé que des oiseaux quand Parrhasios avait trompé l’homme qu’il était.

C’est cette anecdote qui sert de fil conducteur à la nouvelle exposition de Cynthia Lemesle et Jean-Philippe Roubaud à la Maison Abandonnée, « Polterguest ou l’esprit domestique » : une sorte de parcours initiatique entre oiseaux et voiles-rideaux.

La Maison Abandonnée est, en soi, un lieu qui justifie le déplacement. Cette villa désertée dans le quartier Saint-Lambert, est devenue un des hauts lieux de la création contemporaine à Nice grâce au travail et à la passion d’Hélène Fincker, sa propriétaire, qui se trouve accessoirement être une de mes anciennes étudiantes. Et c’est un bonheur de déambuler dans le labyrinthe des pièces de cette ancienne maison bourgeoise pour aller à la rencontre des œuvres exposées.

Bien sûr, les œuvres de Lemesle et Roubaud nécessitent un brin de médiation pour être accessibles, mais l’ensemble est suffisamment ludique et surprenant pour emporter l’adhésion de non-spécialistes. Ce n’est pas étonnant de la part de jeunes artistes engagés dans la vie sociale. Cynthia n’est-elle pas une des chevilles ouvrières de l’association du quartier « Colline Saint-Barthélemy – Le Prieuré » avec laquelle je travaille régulièrement comme élu ?

Au terme de notre promenade à travers l’illusion des Polterguets, s’il fallait retenir une œuvre, en ces temps de campagne électorale, je pense que « Deux vautours ne font pas un aigle » serait tout à fait approprié.

Pour cette toile, et pour les autres, vous avez jusqu’au 21 avril (cette date me rappelle quelque chose…) pour vous perdre dans le dédale des pièces de la Maison Abandonnée (Villa Cameline, 43 bis avenue Monplaisir à Nice) .


11 avril 2012

Bella ciao : du Yiddishland à Riz amer…



Una mattina, mi sono svegliato
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Una mattina, mi sono svegliato
E ho trovato l’invasor

Un matin, je me suis réveillé
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Un matin, je me suis réveillé
Et j’ai trouvé l’envahisseur

Supplantant L’Internationale, Le temps des cerises et Le chant des partisans, Bella ciao est devenu le chant quasi officiel des rassemblements progressistes en particulier dans le sud de la France. Pas un meeting, pas un banquet républicain, pas une manifestation, sans qu’à un moment ou un autre, les participants entonnent ce qu’ils pensent être l’hymne de la Résistance italienne au fascisme.

En réalité, les débuts de cette chanson mobilisatrice et joyeuse sont à la fois beaucoup plus lointains… et récents qu’on ne le pense.

A l’origine, la mélodie est celle d’une ballade yiddish, un morceau de musique klezmer d’Europe de l’Est, Dus zekel koilen (« Le petit sac de charbon »). Enregistré en 1919 à New York par un musicien juif, elle aurait été rapportée en Italie par un immigré.

Mais, encore plus surprenant, Bella ciao ne deviendra l’hymne officiel de la résistance italienne que… vingt ans après la fin de la guerre. Pendant le conflit, elle n’est chantée que par quelques groupes de partisans de Modène et de Bologne. Le chant officiel, Fischia il vento, étant d’inspiration trop ouvertement communiste, on le remplaça dans les années 60 par Bella ciao, aux paroles beaucoup plus consensuelles.

L’aventure de la chanson ne s’arrête pas là. Toujours dans les années 60, on retrouve un chant populaire piémontais d’avant-guerre qui utilise exactement la même mélodie. Il exprime la contestation des « mondine », les repiqueuses de riz travaillant dur, le dos courbé, les pieds dans l’eau, et superbement incarnées à l’écran par Silvana Mangano dans le film de Giuseppe De Santis, Riz amer :

Alla matina, appene alzata
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Alla matina, appene alzata
In risaia mi tocca andar

Le matin, à peine levée
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Le matin, à peine levée
A la rizière je dois aller

Contre les pogroms, contre le fascisme, contre les grands propriétaires… Bella ciao est donc le chant de toutes les résistances. Alors pourquoi ne serait-il pas celui de toutes les révoltes ?

09 avril 2012

Culture et Présidentielles



La politique culturelle française est dans une impasse.

Si l’on considère que la culture est un facteur d’émancipation, qu’elle rend plus autonome, plus libre et peut-être même plus heureux, sa démocratisation est une ardente obligation. C’est d’ailleurs le rôle que l’on assigne théoriquement en France à la politique culturelle. Or, celle-ci est en panne depuis une vingtaine d’années, se limitant à une politique de l’offre en faveur d’un public averti et des corporatismes des « milieux culturels ». Elle n’est plus vecteur de démocratisation.

Pourtant, en leur temps, Malraux et Lang avaient développé géographiquement la diffusion de cette politique dans le « désert français » : le premier, par la déconcentration et les premières DRAC (directions régionales des affaires culturelles), le second, par la décentralisation et les politiques culturelles locales. Par ailleurs, ils avaient également très largement ouvert le champ d’intervention du ministère à la culture contemporaine (Malraux) et à la culture populaire (Lang).

Mais cette politique culturelle à la française reste quand même essentiellement une politique de l’offre qui s’appuie sur l’aide à la création et à la diffusion, négligeant la démocratisation en ne s’intéressant pas à la réception, c’est-à-dire aux publics et à leur éducation. Et pourtant, qu’elle est juste la réflexion d’une ancienne ministre de la culture (celle qui m’a aidé à sauver la gare du Sud) : « L’offre culturelle glisse sur une grande partie de la population comme une pluie trop forte sur une terre aride. Il faut préparer la terre à recevoir les semences… »

Le dernier quinquennat n’a pas été catastrophique, comme les « milieux de la culture » (pourtant bien servis par Hadopi) ont pu le dire. Il a tout simplement été médiocre. Le discours de Nîmes en janvier 2009, volontariste et même offensif (Carla ?), a rapidement fait pschitt ; le Conseil de la création artistique est mort-né, victime de la pression des « milieux » alors même qu’il était novateur ; l’arrivée de Frédéric Mitterrand, forte personnalité, a été une franche déception dont on peut prendre la mesure en lisant Le désir et la chance, l’affligeant livre-bilan qu’il vient de publier.

C’est dire si la culture et la Princesse de Clèves n’ont rien à attendre d’un deuxième mandat de Nicolas.

Et François Hollande dans tout ça ? Disons que, dans un premier temps, son discours sur la culture ne m’a pas vraiment enthousiasmé. Je le trouvais et je le trouve toujours trop axé sur l’économie culturelle. Cet aspect est certes important mais trop le privilégier laisse supposer que les obstacles à la démocratisation de la culture sont économiques (d’où le fantasme des musées gratuits, par exemple) alors qu’ils sont avant tout sociologiques.

Par contre, à la relecture, j’ai trouvé très prometteur que le futur Président considère « l’éducation artistique comme une priorité » et envisage « un plan national piloté par une instance interministérielle, dotée d’un budget propre, rattachée au Premier ministre ». Là, nous sommes dans l’éducation, la médiation, l’élargissement de la demande. Déconnecter cette politique du ministère et la rattacher au Premier ministre est aussi un signe fort pour combattre les corporatismes et faire de la démocratisation de la culture une grande cause nationale.

Et au fil des interviews, j’ai appris à connaître Aurélie Filippetti, la responsable Culture du candidat Hollande dont on dit qu’elle pourrait être ministre si… Cette jeune élue a une philosophie de la politique culturelle qui est assez proche de celle que je défends devant mes étudiants :

« Je viens d’une famille communiste où l’objectif d’émancipation de la culture était très fort, où il n’y avait pas de projet politique sans projet culturel. La culture, c’est lutter contre les inégalités, c’est sortir d’une vision apocalyptique de l’avenir. La culture donne un sens à la vie. Moi, ce qui m’a sauvée, c’est la littérature (…) C’est une émancipation intellectuelle qui donne un autre rapport au monde (…) Je ne crois pas à la vision de Malraux selon laquelle il suffirait de mettre les gens en présence de l’art pour leur en donner le goût. Il faut travailler sur la durée, d’où l’importance de l’éducation artistique (…) Il faut montrer l’art mais aussi expliquer la démarche de la création. »

Si le discours de François Hollande en matière de culture doit encore être précisé, j’aimerais autant que ce soit par Aurélie… Cela me rassurerait !

07 avril 2012

Après tout, si ça marche…



Ce vendredi, nous avons enfin eu le temps d’aller au TNN voir la pièce dont toute la ville parle : Après tout, si ça marche…, mise en scène par Daniel Benoin d’après le film de Woody Allen (Whatever Works).

A vrai dire, malgré un bouche à oreille flatteur, je n’attendais pas grand-chose de cette pièce, au moins pour deux raisons.

- Je reste perplexe devant la tendance actuelle qui consiste à adapter au théâtre des films. Les réussites en la matière sont rares (citons quand même Faces en 2009, d’après Casavetes, au TNN, voir sur ce blog Petit matin-grande soirée) et je demeure persuadé qu’adapter au cinéma des pièces de théâtre est une démarche qui fonctionne mieux.

- J’ai aimé le film de Woody Allen (voir sur ce blog Summer movies 2009) au point de l’avoir revu récemment en DVD.

Du coup, une adaptation théâtrale ne me semblait pas forcément opportune.

Eh bien, je dois avouer que j’avais tort : Après tout, si ça marche… est une réussite.

- Tout d’abord, il faut admettre que le miroir grossissant des conventions théâtrales joue paradoxalement le même rôle que la légèreté de la mise en scène de Woody Allen pour faire accepter au spectateur  cette histoire d’amour improbable entre un vieux misanthrope au QI et à l’ego surdimensionnés et une bimbo écervelée.

- Michel Boujenah porte la pièce et son interprétation supporte la comparaison avec celle de l’inénarrable Larry David dans le film de Woody Allen. La qualité de la performance est d’autant plus évidente que le reste de la distribution est un peu terne (l’interprétation de Melody notamment).

- La mise en scène de Daniel Benoin, imaginative, sert la pièce sans l’écraser. Mais on peut imaginer qu’elle a eu son coût… ce qui fera dire à Dominique (un peu perfidement ?) que seul un théâtre public peut s’offrir cet écrin.

Mais après tout, si ça marche ?

04 avril 2012

L’Islam des tentes


Après l’Islam des caves, l’Islam des tentes… En plein cœur du quartier de la Zaïne à Vallauris, nous nous retrouvons, avec Sami, devant une tente-mosquée en toile blanche de près de cinquante mètres de long et d’environ 200 m2 de superficie. Implantée sur un terre-plein en principe dédié au sport, nous constatons que la structure est très bien équipée : tapis de sol flambant neufs, bibliothèque fournie, micro et sono de qualité pour le prêcheur.

En fait, cette tente plantée depuis juin 2011 n’a bénéficié d’aucune autorisation ; il s’agit, ni plus ni moins, d’une implantation sauvage et parasite puisque branchée sur le réseau des parties communes de la cité (eau et électricité) financées par les résidents.

Depuis, chaque vendredi, la Zaïne est embouteillée par de nombreuses voitures, et des centaines de fidèles, dont une grande partie vient de l’extérieur, convergent vers la mosquée de toile. Terrorisés, les riverains n’osent pas réagir. Quant aux autorités, elles se renvoient la balle avec un manque de courage abyssal : maire UMP, préfet, procureur, bailleur social…

L’assemblée cultuelle de la Zaïne, qui a toujours fonctionné dans le cadre républicain, désapprouve cette « mosquée » incontrôlée. Les chibanis qui la dirigent s’inquiètent de l’Islam radical qui y est prêché devant des fidèles souvent très jeunes. En vain.

Déloger la tente va devenir chaque jour plus problématique. Pourtant, rien n’est prévu à court terme.

Voilà bien le symbole du quinquennat qui s’achève en matière de laïcité. Devant les caméras, on stigmatise les musulmans sans discernement et, sur le terrain, le trouillomètre à zéro, on compose avec l’intégrisme en faisant le lit du communautarisme.

Ici aussi, le changement c’est maintenant. Heureusement.

01 avril 2012

Deux moments d’émotion

Laurence, la lectrice - Photo Louis-Paul Fallot

Deux moments d’émotion pour un seul week-end, ce n’est pas si mal dans notre monde de brutes…

Samedi. MUSEAAV. 1re Journée des Auteurs du Pays Niçois.

Jennifer, mon étudiante stagiaire de L3 étant chargée de la communication de la manifestation, il était hors de question que je ne sois pas présent. Je n’ai pas regretté ma participation à cet événement sympathique qui m’a permis de retrouver de nombreux copains auteurs, de dédicacer quelques livres, de bavarder avec des lecteurs fidèles et surtout d’éprouver ma première émotion du week-end.

En effet, une des animations de la journée était une lecture, par une troupe de comédiens, d’extraits des ouvrages proposés. C’est ainsi qu’une actrice lut les quelques pages où, dans Fragments de Nice, mon premier livre, je raconte mes premiers mois d’enfant à Nice quand mes amis étaient des petits pieds-noirs fraîchement arrivés d’Algérie. Laurence, la lectrice, étant elle-même d’une famille originaire d’Afrique du Nord, elle mit beaucoup de sensibilité dans ce texte qui ressuscite ces rencontres d’il y a déjà si longtemps.

Dimanche. Palais des Expositions.

Il s’agissait là d’une manifestation d’une tout autre ampleur avec le gala final des Championnats du Monde de patinage. A la fois athlétique et artistique, le spectacle était de toute beauté et, dans la tribune, Candeloro – Lucky Luke a fait le show. En prime, Carolina Kostner, la championne du monde, a patiné pour son programme libre sur la musique et les paroles d’une chanson pour nous mythique : Hallelujah (voir le blog de Dominique). Voir évoluer la belle italienne au rythme de cette mélodie fut donc le deuxième moment d’émotion du week-end.

Carolina Kostner - Photo DBM