25 février 2006

Good night and good luck !


Quelques jours passés dans les PO ont permis une certaine mise à jour de mon actualité cinématographique.

À cette occasion, j’ai pu vérifier accessoirement que l’offre cinéma (exploitation et programmation) de Perpignan était supérieure à celle de Nice, ville pourtant trois fois plus peuplée. C’est dire si les états généraux prévus par le collectif CINEAC sont urgents pour remédier à cette situation navrante (malgré – je ne me lasse jamais de le rappeler – la vitalité des associations, la bonne volonté de la direction du Rialto, le travail intéressant de l’espace Magnan, et la Cinémathèque…). Trouver des solutions est urgent : cela est nécessaire pour faire de « Nice, ville du cinéma », un concept que nous pourrions mettre en place dès 2008.

Côté film, j’avoue avoir été impressionné par la rigueur, l’efficacité et… l’engagement du nouveau cinéma politique américain à travers deux films : Good night and good luck de Georges Clooney et Munich de Spielberg. Le premier traite de la liberté des médias sous le maccarthysme, le second de la traque des auteurs de l’attentat de Munich perpétré en 1972 contre la délégation olympique israélienne.

Les deux sujets sont datés, presque historiques, mais le propos est à chaque fois étonnamment actuel dans le contexte de l’après 11 septembre et de l’Amérique de Bush. La liberté d’opinion est-elle un luxe quand plane une menace extérieure ? Le terrorisme doit-il être combattu avec les armes du terrorisme ? La réponse de Clooney, sobre et forte (le film, en noir et blanc, est très réussi), est sans ambiguïté : la démocratie, en se reniant, rend les armes contre ceux qu’elle prétend combattre… Celle de Spielberg est plus nuancée : combattre la violence par la violence engendre encore plus de violence, mais l’inverse n’est pas forcément juste non plus…

La réussite de ces deux films m’a rendue plus amère la déception engendrée par le dernier Chabrol, L’ivresse du pouvoir. Le film, comme une promo insistante nous l’a seriné pendant une semaine, évoque "l’affaire Elf", sans être vraiment l’affaire Elf. En réalité, ce qui se veut un film à tiroirs est un prétexte à private jokes pour initiés (un comble pour un tel sujet !), un festival de fausses audaces qui réalise l’exploit de rendre les juges encore plus antipathiques que les corrupteurs et les corrompus.

Par ailleurs, j’ai été touché par deux très beaux films sur le thème de l’amour impossible.

Le secret de Brokeback Mountain est un film qui plaira beaucoup aux fans de « Sur la route de Madison » de Clint Eastwood. L’histoire est belle mais triste. Forcément triste : cow-boys dans les années soixante et homosexuels, il est évident que les amoureux du film de Ang Lee ont placé la barre… un peu haut !

Le Nouveau Monde de Terrence Malick, c’est, au premier degré, l’histoire d’amour entre l’Indienne Pocahontas et le pionnier John Smith. Une histoire là aussi forcément difficile, difficile comme le choc des civilisations que représente l’arrivée des Européens dans le Nouveau Monde. En fait, l’histoire de Pocahontas et du capitaine Smith est une allégorie : celle d’un Vieux monde pétri de certitudes qui refuse de considérer qu’il n’est pas à lui seul LA civilisation. John Smith va jusqu’à douter, mais le courage lui manque pour aller au-delà. Pocahontas, elle, franchira le pas, mais elle en mourra.

Trois films français complètent ce mini festival.
- Le charmant Je vous trouve très beau d’Isabelle Mergault qui, sous la forme d’un conte, évoque la question des mariages économiques (émigrantes de l’est pour célibataires ruraux…).
- Le prétentieux Fauteuils d’orchestre de Daniel Thomson qui met en scène un petit monde de personnages artificiels promenant leurs faux problèmes dans les théâtres, bistrots et salles des ventes de l’avenue Montaigne.
- Le décevant Les bronzés 3 (issu de la génération "Splendid", j’aurais aimé aimer…) qui réunit des acteurs paresseux qui jouent aux bronzés jouant les bronzés.

Pour ces deux derniers films, mon amertume n’est pas totale car, malgré leur médiocrité, ce sont de beaux succès publics : ils vont donc alimenter le Compte de soutien et permettre à d’autres réalisateurs de faire de bons films !

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a deux semaines, je lisais dans ce blog qu'HBO produisait des «petits chefs d’œuvre [qui] ont littéralement supplanté un cinéma hollywoodien formaté, consensuel et conformiste.»

Comme quoi une mise à jour ça fait du bien de temps en temps

Unknown a dit…

Bien vu... encore que ce n'était pas tout à fait à ce genre de films que je voulais faire allusion.

Anonyme a dit…

«le nouveau monde» de TM, à un certain moment du film je me suis dit, le nouveau monde c'est le monde de l'anglais.

l'ancien, l'archaïque, c'est celui des indigènes ( lesquels, selon une thèse récente, sont les descendants de ces solutréens qui ont traversé l'océan à lépoque où la banquise descendait jusqu'à bordeaux).

Anonyme a dit…

Je n'ai pas encore eu le loisir d'aller voir "good night and good luck" dont on me vante les mérites.
Par contre j'ai capté la bande annonce de "Syriana" et à tout prendre je préfère encore, malgré toutes ses imperfections, le film de CHABROL qui nous invite d'une façon plus intimiste et plus esthétique à nous poser le problème des dérives des pouvoirs,de tous les pouvoirs: l'économique, le politique, le juridique, le médiatique, voire l'artistique, car le talentueux artiste Claude Chabrol posséde lui aussi un réel pouvoir.

Anonyme a dit…

Claude Chabrol signe ici un duel sur les hauteurs de la République des affaires. Jeanne Charmant-Killman (Isabelle Hupert dont la prestation est impeccable) est juge d'instruction. La juge aux gants rouges traque sans relâche ses hommes arrogants aux costumes épinglés d'une rosette rouge de la Légion d'honneur qui naviguent dans le monde des affaires. Le Piranha est l'incarnation de la justice : intraitable, stoïque, intransigeante, pleins de principes et faisant abstraction du reste.

Face à elle, le président Humeau (François Berléand), dirigeant d'un grande société, est la victime de ces agissements personnels, de l'ambition de Sibaud (Patrick Bruel) son successeur et accessoirement l'informateur de Charmant-Killman ainsi que du dédain de ces partenaires d'abus de biens sociaux. Aux antipodes de la psychologie de la juge, Humeau a été conciliant avec ses principes jusqu'à les oublier.

Dans cette confrontation, les pressions sont innombrables. La réussite de la juge lui donnera peu à peu le vertige pour être peu à peu écarté de sa vie par son mari, de ses dossiers par sa hiérarchie. Si ce n'est pas un film militant, ce chef d'oeuvre s'inscrit pleinement dans l'actualité. Chabrol plein d'insinuation distille, à un moment où les pouvoirs des juges d'instructions sont remises en cause, son regard de la justice et des affaires.

« Toute ressemblance avec des personnages existants serait fortuite »

Anonyme a dit…

Il manque a votre palmares 2 films boulversants "the constant gardener" du rélisateur Brésilien Fernando Mereilles inspiré du roman de John le carré et le magnifik "vas ,vis et deviens" une fable plein de generosité et d'humanisme.

Anonyme a dit…

Pour commencer mon commentaire, moi aussi je vais faire l'éloge de l'équipe du RIALTO que je connait bien, au travers de son gérant et l'équipe des ouvreurs, dont un passionné d'opéra qui en parle avec tellement de fougue que l'on manque à chaque fois de rater le début de la séance. Ce sont vraiment des gens passionnés qui font aimer le cinéma et qui méritent que l'on parle d'eux.
Vous imaginez bien qu'aller au RIALTO n'a rien à voir avec une sortie popcorn/cascades/incendies que certains vont consommer dans des multiplex. Pour le reste, il est plus qu'évident, comme tu le propose, que NICE doit etre decrétée "VILLE DU CINEMA". Comment ne pas le concevoir comme tel, dans une ville ou se sont tournés nombre de films connus de tous.
Parmi les films dont tu parle, je n'ai pu voir que MUNICH et FAUTEUIL D'ORCHESTRE. Sur ce dernier, je suis plus indulgent dans la critique car je l'ai trouvé très marrant, notamment DANY casque sur les oreilles. En fait je le qualifierait de rafraichissement familial.
En ce qui concerne MUNICH, meme si l'histoire est un peu transformée,
(les methodes des services secrets Israeliens décrites par SPILBERG snt contestées par d'anciens agents), c'est un film qui pose beaucoup de questions, notamment sur l'usage de la violence "d'état", et l'engrenage que cela entraine sans pour autant donner des résultats diplomatiques tangibles. La réponse est peu etre à chercher dans le déroulement chronologique de tous les évenements qui se sont déroulés au moyen orient, depuis MUNICH jusqu'à ce jour. Pour ma part, la réponse dépends que l'on se situe d'un coté ou bien del'autre. Mais il est une chose incontestable que ce film nous apporte, c'est le parfum des années 70, avec sa cohorte de Fiat, Alfa Roméo et autres clichés de dolce vita aux terrasses de cafés à Rome ou ailleurs, sans pour autant enlever à la gravité de ce film.

Anonyme a dit…

Le monde de l'entreprise inspire peu les cineastes, c'est le moins que l'on puisse dire. Cependant de temps a autre on peut voir de tres bons films qui s'en inspirent, mais qui malheureusement sont rarement programmes par les cinemas nicois. Ceux-ci preferent reserver plusieurs salles au desolant `Bronzes 3' ou au Chabrol, version service minimum `L'ivresse du pouvoir' (ou est passe le Chabrol du `Boucher'?). Un an apres `Violence des echanges en milieu tempere' de Jean-Marc Moutout (un jeune cadre sympa et plutot de gauche finira pas accepter un sale boulot et prendre en main les licenciements apres une fusion), vient de sortir a Paris `Sauf le respect que je vous dois' de Fabienne Godet. Apres que son meilleur ami s'est suicide suite a son licenciement, un cadre essaie de contacter le PDG de l'entreprise afin de comprendre la raison du licenciement. Il se heurte a un mur, et finit par `peter les plombs' et tuer -accidentellement- le PDG. S'ensuit une cavale de quelques jours qui se terminera a la case prison. Le film s'appuie sur un scenario efficace et des acteurs remarquables: Olivier Gourmet et Dominique Blanc dans les roles principaux, bien secondes par deux jeunes actrices superbement douees, Julie Depardieu et Marion Cotillard.

Un conseil: verifier chaque semaine les programmes cine, et se precipiter si par chance `Sauf le respect...' est programme a Nice.