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Avec Françoise Polvèche de RBA |
Aujourd’hui, je représentais le groupe Socialiste, Radical
et Ecologiste du Conseil général 06 dans le débat budgétaire pour 2013.
C’est un exercice de style assez technique même si, au
final, il est très politique, dans la mesure où la tradition transforme les
échanges en un quasi débat de politique générale. C’est aussi que, cette année, j’ai insisté tout
particulièrement sur les conditions d’application du RSA et le lancement de la
procédure des emplois d’avenir.
Voici l’intégralité de mon intervention.
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Monsieur le Président,
Je n’ai pas l’habitude d’utiliser
cette tribune pour évoquer la politique nationale. Si je me permets une légère
entorse à cette règle aujourd’hui, c’est que votre discours introductif était
outré et, c’est un euphémisme, quelque peu caricatural.
Mais, à vrai dire, je n’ai pas
été vraiment surpris par votre ton. J’ai moi-même vécu quelques guerres civiles
à l’intérieur de ma famille politique. Dans ces cas-là, il faut être pur et
dur, plus à gauche ou plus à droite que le camp d’en face. Il vous faut donc
être un super opposant. Mais gageons, ou en tout cas espérons, que le combat
Fillon-Copé enfin achevé, vous retrouverez un propos plus conforme à la
réalité.
Passons au budget. Premier
constat : avec les effets cumulés de la crise et de la création de la
métropole, nous avons, avec 1 304 millions d’euros, le budget le plus faible
depuis 2007, ce qui traduit une perte d’influence de notre institution.
Deux remarques préalables :
- Tout d’abord, pour la clarté de
nos débats et afin d’éviter une prolongation nationale à nos prises de bec
corréziennes, il convient d’acter que le temps électoral ne correspond pas tout
à fait à celui des finances publiques. Donc, pour cette année, pour le meilleur
et souvent pour le pire, la politique de l’Etat reste largement impactée par
les options et les choix de la précédente équipe gouvernementale. Ce n’est
que l’année prochaine qu’on pourra juger la politique du gouvernement actuel,
même si, n’en doutons pas, les politiques passées – je pense notamment au
désengagement de l’Etat – continueront à peser longtemps encore.
- Deuxième remarque : vous
revendiquez la stabilité de la fiscalité départementale ce qui est à la fois
une affirmation techniquement juste et une donnée très relative. En effet, la
taxe foncière sur les propriétés bâties est désormais la seule imposition sur
laquelle notre assemblée peut agir. Avec 240 millions, celle-ci ne représente
plus que 55% du panier fiscal et 20% de nos recettes. Nous n’avons plus
qu’un budget à gérer, la perte d’autonomie engendrée par la réforme fiscale du
précédent gouvernement est patente. Il sera important dans les années à venir
de redonner de l’oxygène à la démocratie locale.
Notons également que cette perte
d’autonomie a été chez nous aggravée par la création de la métropole. Avec 60,6
millions d’euros de compensation, ce sont désormais 4,6% du budget qui
échappent à notre contrôle : plus que la politique « Développement,
Infrastructures », à peu près les 2/3 de la politique « Action
éducative » qui fait pourtant partie du noyau dur de nos compétences.
Examinons maintenant le budget
qui nous est proposé :
1. Sur le plan des recettes, vous
reconnaissez pour les DMTO une prévision trop optimiste pour 2012 (353 millions
au lieu de 320 millions de recettes projetées à ce jour) tout en ayant pour
2013 une évaluation assez timide, dans la mesure où vous proposez de reconduire
ce dernier montant. Or, comme l’a rappelé notre ami Jean-Raymond Vinciguerra
lors du Débat d’orientation budgétaire : « Chaque année d’élection
majeure, on constate une baisse des mutations immobilières ; une fois
passée la période d’incertitude électorale, les affaires reprennent quel que
soit le résultat de l’élection. »
Un esprit mal intentionné
pourrait voir, dans cette prévision timide, un manque de confiance de votre
part dans la politique du nouveau gouvernement. Mais cela, bien sûr, je ne veux
pas le croire.
En ce qui concerne la dette,
votre prévision d’emprunt est très légèrement en deçà de celle de 2012 (85
millions contre 85,3), ce qui est logique compte tenu des faibles perspectives
d’investissement. Mais si on met cette prévision d’emprunt en perspective avec
l’annuité de la dette prévue pour 2013 (86,1 millions dont 53,1 millions de
remboursement de capital), un rapide calcul montre que le désendettement
n’est pas pour demain.
2. Côté dépenses, nous sommes
particulièrement attentifs à notre cœur de compétences, à savoir la solidarité,
à travers le social et l’éducation.
- En ce qui concerne l’action
sociale, cette compétence mobilisera 515,1 millions de crédits dont 505,5 en
section de fonctionnement et 9,6 en investissement. Ce budget est en
augmentation de 2,1% par rapport au BP 2012 et représente désormais près de 54%
des dépenses de fonctionnement de notre collectivité. Si nous pouvons acter que
l’essentiel a été préservé, cette orientation plutôt positive appelle quand
même de sérieuses nuances.
Tout d’abord, cette augmentation
n’est pas que le fruit d’un volontarisme politique sans faille. Elle est celui
d’une crise qui nous oblige à intervenir plus et plus fort dans des domaines où
nos compétences sont liées.
Par ailleurs, sans entrer ici
dans le détail – nous y
reviendrons au fil de l’examen des rapports – nombreuses sont les situations
critiques pour nos personnels ou nos partenaires. Je pense notamment – mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres – au
Foyer de l’Enfance, dont l’activité est fortement impactée par l’arrivée
massive de mineurs étrangers et qui, de fait, a besoin de moyens
supplémentaires. Je pense aussi aux associations de prévention spécialisée qui
connaissent de grandes difficultés financières.
Mais c’est sur le RSA que je
souhaiterais mettre l’accent. Les crédits inscrits sont en progression de 3%.
Ceux qui sont alloués aux dépenses de l’allocation s’élèvent à 110 millions et
sont en progression de près de 7% ce qui, compte tenu de la dégradation de la
situation économique, n’est pas étonnant. Voilà le cas typique où nous n’avons
pas le choix.
Mais malgré cette augmentation,
peut-on dire pour autant que notre collectivité et, plus généralement, la
puissance publique, remplissent leur mission en matière de RSA ?
Certainement pas. En effet, des études récentes démontrent que 33% des
personnes éligibles au RSA socle ne le touchent pas, faute d’en avoir fait la
demande. Les raisons ? La complexité des dossiers, l’inadaptation de
certaines prestations, ou la peur d’être montré du doigt. Le taux de non
recours atteint même 68% pour le RSA activité qui était pourtant – et pas la
plus mauvaise – une réforme phare du gouvernement précédent. Quant au RSA
jeune, c’est très clairement un échec, avec moins de 9 000 bénéficiaires sur
les 130 000 escomptés.
Dans le document de présentation,
vous rappelez que la lutte contre la fraude reste prioritaire. Pour ma part, je
fais partie de cette gauche décomplexée qui estime que la fraude doit être
poursuivie pour des raisons financières mais surtout et avant tout pour des
raisons liées à la morale civique. Mais,
en se focalisant sur ce seul problème, vous passez à côté de l’essentiel :
notre collectivité – entre autres je vous l’accorde – n’assume pas sa mission
de solidarité vis-à-vis d’une grande partie des personnes pauvres éligibles aux
minima sociaux. Au moment où le gouvernement a décidé de prendre une série de
mesures pour faciliter et simplifier leurs démarches, notre assemblée
s’honorerait en réfléchissant à des procédures de simplification et de pédagogie
qui permettraient à la situation de s’améliorer et à la loi républicaine d’être
pleinement appliquée.
Enfin, n’oublions pas que l’échec
du RSA jeune ne fait que mettre en lumière le taux de pauvreté des 18-24 ans
qui atteint désormais 22,5%. Depuis 2004, il a progressé de 5 points. Au total,
plus d’un million de jeunes sont confrontés à une situation de grande
précarité. Les emplois d’avenir récemment mis en place peuvent apporter un
début de réponse à ce fléau. Dans les
Alpes-Maritimes, le dispositif va concerner, en 2013 (dans un premier temps), 1
107 jeunes. Il serait important que notre collectivité s’implique. Le document
est muet à ce sujet mais peut-être est-ce une question de calendrier ? Aussi
je vous pose la question, Monsieur le Président : quels sont les
engagements que vous comptez prendre en la matière ?
- Autre secteur faisant partie du
noyau dur de nos compétences : l’éducation et les collèges. Là, nous
sommes loin du compte. La mission Education, qui regroupe aussi le sport et la
culture, est en baisse de 17% (98 millions contre 117,7 par rapport à
2012). En 2008, elle représentait encore 11% du budget total ; aujourd’hui
nous n’en sommes qu’à 7,5%. Un budget qui a diminué, pendant la même période,
de 53,9 millions et de 35%.
Si nous prenons les chiffres de
la DGCL, les Alpes-Maritimes consacrent 29 euros par habitant aux dépenses
d’investissement des collèges, alors que la moyenne des départements de notre
strate est de 40 euros par habitant, ce qui nous situe à la 17e
place sur 22. Incontestablement un effort quantitatif est à faire en la
matière… Quantitatif car, qualitativement, nos services sont, par leur
technicité et leur réactivité, particulièrement performants en matière de
collèges, j’ai pu le vérifier en de nombreuses circonstances.
- Enfin, toujours en matière de
solidarité, et même si nous ne sommes plus dans une compétence obligatoire du
Conseil général, on peut regretter l’extrême modestie du budget Logement, alors
que dans notre département, la part de revenu consacrée au loyer, une fois
prises en compte les allocations logement, est la plus élevée de France (25,3%
contre un taux d’effort moyen de 18,5%). Bien que le recul par rapport à
l’année dernière soit faible, il s’inscrit dans un retrait fort depuis quatre
ans. Nous sommes loin de la politique volontariste affichée il y a quelques
années.
- Pour terminer, il convient
de noter la baisse importante de nos investissements. Avec 200 millions, ils ne représentent plus que 15% de notre budget.
En 2007, avec 402 millions, ils représentaient 31%. Depuis, la baisse est
continue. Notons parallèlement, que la moyenne d’investissement des
départements millionnaires est de à 320 millions. Ce chiffre est préoccupant et
traduit un faible dynamisme de notre collectivité surtout si nous considérons
que, sur cette somme, seuls 50% correspondent à des opérations portées en
maîtrise d’ouvrage départementale. Ce qui fait seulement 100 millions (7,5% du
total) d’investissements départementaux.
Pour cette raison, et parce
que ce budget n’est qu’une réponse imparfaite aux besoins de solidarité de
notre département, le « groupe socialiste, radical et écologiste »
émettra un vote négatif. Même si nous avons conscience, par ce que nous sommes
justes, que la crise et les politiques initiées antérieurement réduisent
considérablement votre marge de manœuvre.