20 janvier 2006

Habeas corpus

L'affaire d'Outreau débouchera peut-être sur une énième réforme de la justice. Il importe de veiller à ce que notre très répressif Garde des Sceaux n'en profite pas pour sortir des tiroirs de la Chancellerie, déjà toute prête, la réforme souhaitée par l'aile la plus droitière de la majorité gouvernementale et qui consisterait à supprimer les juges d'instruction, jugés trop indépendants du pouvoir, pour mettre en place une procédure accusatoire à l'anglo-saxonne abandonnant la charge de la preuve aux parties elles-mêmes. En clair, il s'agirait d'institutionnaliser une justice à deux vitesses, avantageant ceux qui auront les moyens de se payer les meilleurs avocats.

Au-delà de cette éventuelle réforme, il est indéniable que l'affaire d'Outreau a provoqué un électrochoc salutaire dans la société française.

Avant Outreau, le "Français moyen" avait tendance à croire que toute disposition légale contribuant à renforcer les droits de la défense visait à protéger les voyous en empêchant la police et la justice d'accomplir son travail de répression indispensable à la protection des braves gens (ceux qui « n'aiment pas que... » comme disait feu Georges Brassens). C'est ainsi que, il y a encore quelques mois, les manifs contre les lois Perben étaient bien clairsemées.

Avec Outreau, chacun a pu mesurer que personne n'est à l'abri d'une bavure judiciaire. Assurer la protection du citoyen par une vraie présomption d'innocence devient une nécessité voire une priorité pour une majorité de nos concitoyens.

Le martyre judiciaire des victimes d'Outreau ne sera peut-être pas vain s'il permet aux Français de comprendre que, dans un Etat de droit, l'honneur de la justice conduit à préférer prendre le risque de ne pas condamner un coupable que celui de condamner un innocent.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

g toujours eu peur de l'arbitraire quant je pense à cette affaire j'imagine le sentiment de ces gens qui du jour au lendemain se sont retrouvés salis et privés de leur droit le plus intime.... la liberté..

Toi aussi patrick tu connais ce sentiment que d'avoir un proche qui a connu l'arbitraire et je c que pour toi aussi cette souffrance a sautée des generations...

pour ma part je pense que "au nord de ma memoire...." c une raison evidente de mon engagement et pourtant devant l'ampleur de la tache il m'arrive parfois de me dire qu'il me faudra du temps du coeur et du courage..

contrairement à ce que pense sarkozy la justice n'est pas la vengeance .
prenons le temps de la reflexion pour que le jour venu nous fassions sauter le verrou des corporatismes pour tenter remettre de l'humain là ou l'arbitraire peut parfois s'inviter....


"entre la justice et ma mere je prefere toujours ma mere"
A.Camus

Yann Librati

Anonyme a dit…

Ne crois tu pas, Patrick que pour éviter les dérives de cette ampleur et ce gachis humain il est grand temps de repenser et d'instaurer une instruction judiciaire confiée à un collége de magistrats?

Gilbert Escoffier

Unknown a dit…

On pense depuis longtemps à l'instauration d'une collégialité au niveau de l'instruction. La dernière réforme sur ce point avait préféré mettre en place un nouveau juge unique, chargé de décider de la mise en détention provisoire de la personne en examen sur la demande motivée du juge d'instruction : le juge des libertés et de la détention. On avait pu penser que ce double regard permettrait d'éviter les arbitraires qui avaient pu être relevés trop fréquemment en ce domaine. Cela n'a pas été le cas (le juge des libertés accède à presque toutes les demandes du juge d'instruction). Il faut éviter aujourd'hui de prendre, sous le coup de l'émotion, une décision radicale qui consisterait à faire disparaître de notre procédure pénale ce magistrat. La collégialité me semble effectivement une solution plus acceptable... mais elle pose des problèmes de moyens. Et il faudra bien décider un jour de se pencher sur le budget de la justice de notre pays actuellement indigne d'un Etat de droit.