17 avril 2011
Les « noirs » d’Odilon Redon
Après un samedi consacré à l’identité républicaine et au passionnant colloque organisé par le PRG avec des personnalités aussi diverses que François Hollande, Jean-Louis Borloo, Arnaud Montebourg ou Simone Veil, nous avons profité de cette escapade parisienne pour faire un tour au grand Palais et à l’exposition consacrée au peintre symboliste Odilon Redon.
C’était l’occasion de faire connaissance avec un artiste à la fois familier – il y a toujours quelques tableaux de lui dans les grands musées – et méconnu – on a du mal à identifier son œuvre dans sa globalité.
Si la diversité du travail de Redon est bien rendue par la rétrospective, j’ai été avant tout impressionné par les lithographies que l’artiste appelle « ses noirs » avec toute la conviction du moraliste qui a dit un jour : « Il faut respecter le noir. Rien ne le prostitue ».
Il s’agit, à travers des séries illustrant très librement et très symboliquement des œuvres littéraires, des rêves ou même la théorie de l’évolution, d’une vertigineuse plongée dans un univers hanté de créatures mi-homme, mi-bête, plus démons qu’anges, aux lisières du crépuscule et de la nuit, de la vie et de la mort, du mythe et de la réalité.
Mais là où, par exemple, les monstres de Bosch semblent sortir tout droit de l’imaginaire ricanant et finalement rassurant de l’artiste, ceux de Redon s’extirpent des cauchemars glaiseux de la partie la plus marécageuse de notre subconscient. Du coup, ces créatures ne sont pas seulement terrifiantes, elles sont dérangeantes. Pas étonnant de la part d’un artiste qui affirme être effrayé par « le silence éternel des espaces infinis » et qui est persuadé « qu’il doit y avoir quelque part des figures primordiales dont les corps ne sont que les images ».
Ces images, à coup sûr, nous conduisent à l’intuition de ces figures primordiales et je ne suis pas sûr que nous aimons cela. Et de se dire que, pour notre confort personnel, il aurait peut-être été plus sage d’aller à l’expo Manet…
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6 commentaires:
Passionnant ! Voilà qui donne le désir de franchir avec le 45 ème parallèle, les portes de l’inconscient collectif.
En lisant le post, je me disais que ce dérangement est si rare qu’il en est par là-même un trésor. Et puis, lisant alors ça et là deux ou trois choses, je tombe sur un travail de Mc Luhan (celui là même que Woody Allen sort de derrière les fagots de son imaginaire dans une file de cinéma mythique afin de réduire à néant les prétentions d’un intellectuel qui fait le beau devant une femme en analysant le film qu’elle va voir avant qu’elle ne l’ai vu… et lui ôter toute possibilité de se faire « son » idée.)
Ce mac Mc Luhan, donc, s’est intéressé aux rapports entre archétypes et clichés. Je lisais puis, expérience de décentrage : et si ? Ces archétypes étaient archétypes pour nous, devenus tels, mais originairement ce qui tenaient lieu de clichés ? Le cliché étant un terme emprunté au vocabulaire de l’imprimerie mécanique (les caractères étant des fragments réutilisables donc répétitifs) qui engendrent une sorte de phénomène d’usure sémantique, comme une expression fatiguée par l’usage. Par suite, je cherchais quels clichés d’aujourd’hui serait demain sous les yeux d’un homme qu’on ne connaît pas encore (une sorte de Mottard de l’avenir) au grand palais ou ailleurs, susceptibles d’engendrer une expérience similaire : je veux voir/ je pourrais bien ne pas vouloir voir. Et je ne sais pourquoi, je tombais sur une icône d’aujourd’hui, une manière de faire ou de ne pas être, assez générale pour constituer plus tard un archétype, en étant aujourd’hui si banal. Je dois lui donner un nom, imparfait : « l’homme-people ». Comment le voit-on ? C’est compliqué. Alors, euh… l’homme-people serait une sorte de divinité, qu’on voit partout, (et qu’il est difficile de ne pas voir, puisque sa propriété intrinsèque est d’être vu, c’est donc mieux s’il l’est partout, non pas tel qu’il est, donc forcément pas partout, mais tel qu’on veut nous le montrer), un homme promu par les hommes au rang de divinité, qu’on adule, et auquel on voudrait ressembler, une image de l’homme d’aujourd’hui en quelque sorte : à l’image et à la ressemblance de l’homme. Cet homme serait doté d’un…, peut-être même qu’il ne serait rien d’autre qu’…un œil superpuissant qui ne regarde pas mais qu’il faut regarder en permanence. Une sorte d'homme auto-video-surveillé à laquelle l’humain (qui est un phénomène complexe) n’échapperait pas. Un homme poussant la rationalité au point de vouloir être entièrement visible pour lui-même, sans résidu et sans échappatoire, lisible de part en part, transparent. La tolérance zéro de l‘humanité : un homme qui ne tolérerait même plus lui-même d’être un homme et qui ne s’autoriserait plus à l’être.
Du coup, notre perception inondée de cet homme people, via la technologie, ne s’en trouverait –elle pas enfin réconcilier avec elle-même, lorsque par le prisme d’un artiste ou d’une œuvre , nous voilà laisser le temps de « faire sens »( ce qui signifie que le sens échappe et n’existe que dans la mesure où on le constitue, et n’est pas déjà et préalablement constitué et prémâché ) ? Bel art, heureuse expérience, qui nous empêcheraient de cesser d’être humain !
Cette araignée et ce cyclope sont en effet très étranges et j'espère qu'ils ne préfigurent pas les hommes politiques de demain. Quand on demande au cyclope qui lui a planté un pieux dans l'oeil, il répond "personne". Etonnant, non !
Marshall Mac Luhan avait averti dans les années 60 que le médium deviendrait plus important que le message qu'il transporte. Quelle prémonition. Je n'ai rien à dire mais je le dit tellement bien....
C'est même encore plus important et plus visionnaire. Il est impossible de dire autremement car le médium n'est pas seulement le plus important, il n'est plus que! ce qui est véhiculé. ça fait beaucoup de MC Luhan dans la file mythique du cinéma...si quelqu'un veut voir le film sans commentaire, c'est un peu comme si... la chute avait été narrée, dès le départ! Et tu le dis super bien manu et en plus super simplement.
Autant le cyclope me semble particulièrement angoissant et terrifiant, autant je trouve l'araignée qui pleure infiniment plus humaine que beaucoup d'humains, l'épeire tisse sa toile dans son extrême complexité de ses fils résistants comme un symbole de force de vie, les larmes de l'araignée sont peut-être l'expression de sa souffrance à construire sa toile en spirale de survie dans l'esprit de la forêt du monde humain. Artiste effrayé par « le silence éternel des espaces infinis » "Patience dans l'azur, chaque atome de silence est l'espoir d'un fruit mûr", mais l'univers a-t-il un sens ?
« L'artiste vient à la vie pour un accomplissement qui est mystérieux. Il est un accident. Rien ne l’attend dans le monde social. ». Ses créatures en sont la représentation et, quelque soit l'impression qu'elles donnent, ne laissent en aucun cas indifférent.
Cléo,Manu et l'anonyme laissez moi vous dire que je suis fier de mon blog...
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