21 mai 2011

"Les experts" en Anatolie

FESTIVAL DE CANNES N°8

La dernière journée du Festival fut cette année – une fois n’est pas coutume – de très bonne qualité, avec le film de Mihaileanu qui parle joliment des femmes et celui de Nuri Bilge Ceylan qui ne met en scène pratiquement que des hommes.



La source des femmes, Radu Mihaileanu (France)

Dans un petit village situé probablement en Afrique du Nord, les femmes vont, depuis la nuit des temps, chercher l’eau dans la montagne pendant que les hommes parressent à la terrasse du café. Elles se révoltent et font la grève de l’amour pour obtenir qu’on leur apporte enfin l’eau au village.

L’histoire de Mihaileanu, on l’aura compris, c’est un peu « Lysistrata au Maghreb ». C’est dire si le propos est angélique car on voit mal une telle révolte se réaliser en terre d’Islam rural. Mais peu importe. L’histoire est plaisante, optimiste et souvent drôle. Je pense particulièrement aux mélopées chantées par les villageoises quand elles racontent, en musique, les différentes étapes de leur lutte.

Il était une fois en Anatolie, Nuri Bilge Ceylan (Turquie)

Le docteur Cemal s’est installé à la suite d’une rupture que l’on devine douloureuse dans une petite ville d’Anatolie. La première partie du film se résume à une longue expédition nocturne et automobile à travers les steppes de la région à la recherche d’un cadavre fraîchement enterré par un assassin qui a beaucoup de mal à retrouver le lieu de son forfait. Cette errance à la lumière des phares à travers les collines anatoliennes est en soi un grand moment de cinéma.

La seconde partie est l’hallucinante séance d’autopsie du cadavre enfin découvert. En réalité, cette dernière n’est que la métaphore de l’autopsie à laquelle se livre le réalisateur depuis le début sur une région, une société et quelques couples (même si à l’écran on voit surtout des hommes).

Nous avions abordé les 2 heures 37 minutes de ce dernier film de la compétition avec circonspection. Nous en sommes ressortis enchantés. Enchantés par la leçon de cinéma, mais aussi et peut-être surtout par ce morceau d’humanité où nous avons appris avec le bon docteur Cemal que toute vérité n’est pas bonne à dire.

Reste, bien sûr, à 24 heures de la séance de clôture, le petit jeu des préférences. Cette année, le Festival a été d’une telle qualité que je dénombre pas moins de sept films qui pourraient être de très belles palmes d’or. D’où la difficulté de choisir. Mais pour la beauté du jeu, je me jette à l’eau.

Si on considère que Woody Allen était hors compétition, que nous n’avons pas vu le film des frères Dardenne et que Nanni Moretti et Lars Von Trier ont déjà eu la Palme d’Or, je propose ce top five de mes coups de cœur.

1. Le Havre (Kaurismaki)
2. La piel que habito (Almodovar)
3. The tree of life (Malick)
4. This must be the place (Sorrentino)
5. Il était une fois en Anatolie (Nuri Bilge Ceylan)

Pour voir le palmarès de Dominique, rendez vous sur son blog.

2 commentaires:

cléo a dit…

La grève de l'amour reste encore la meilleure arme défensive (bien entendu, pas pour l'offensive...) quelle que soit la terre! s'il existe des degrés dans l'agression, des logiques très universelles (un universel masculin)sont aussi bien en place, sans toutefois constituer une nature. Imaginons...un instant,les slogans: "Ne faites plus l'amour, puisque c'est la guerre!" à une époque, ou de manière plus contemporaine" L'abstinence: la seule arme féminine bio de destruction massive."A supposé qu'il y ait guerre... n'y aurait-il pas aussi un manque de diplomates oeuvrant pour cette paix là? J'ajoute que ce commentaire est tout sauf... sérieux.

Emmanuel a dit…

Mais Patrick, on peut avoir la palme deux fois, alors forza Nanni...