21 août 2010

L’Ukraine en Lviv


CARNET DE VOYAGE N°6

L’homme a un petit drapeau jaune et bleu, couleurs de l’Ukraine, cousu au revers e sa veste d’uniforme, il s’approche de la voiture et demande « Passeports, documents » (y compris la précieuse carte grise… n’est-ce pas Alain ?!). Je m’exécute en me disant qu’il aura fallu exactement 5 677 kilomètres, huit pays et douze frontières pour que cela arrive.

Les formalités accomplies, nous pouvons vérifier que pénétrer en Ukraine c’est toujours entrer dans un autre monde ou, a minima, dans une autre Europe. La rupture est d’autant plus sensible que nous venons de passer une semaine dans les pays baltes qui, eux aussi, sont d’anciennes républiques soviétiques. En fait, l’Ukraine semble avoir fait du sur-place depuis notre dernière visite, à un moment où la Révolution orange commençait à rencontrer ses premières difficultés, liées principalement à ses divisions (voir mon billet de l’époque, Orange givrée). Réseau routier principal en piteux état, réseau routier secondaire inutilisable dans des conditions normales, habitat très dégradé, friches industrielles nombreuses, parc automobile ancien (avec encore de nombreuses vieilles Lada), absence d’un véritable éclairage public urbain… On pourrait multiplier les exemples à l’infini. Il est vrai que la Révolution orange a depuis viré à l’orange sanguine, avec le retour au pouvoir des ex-communistes pro-Russes. Du coup les conditions politiques ne sont peut-être pas optimales pour une véritable mutation de ce pays qui reste à la croisée des chemins. Je suis de ceux qui pensent que l’Europe pourrait faire un effort. Il n’y a pas de raison que ce qui marche à Tallinn ou à Vilnius ne marche pas à Kiev : pour le bien de la population locale mais aussi pour la paix et la sécurité du continent.

Cela dit, chaque voyage génère au moins une bonne surprise. En 2010, celle-ci sera ukrainienne avec la superbe ville de Lviv. Cette grande cité de l’ouest du pays fut pour nous une vraie découverte. Il faut dire que celle que les Russes appelaient Lvov (je voulais primitivement rendre hommage à Polnareff en titrant ce billet « Lvov me, please Lvov me », mais j’y ai finalement renoncé pour ne pas être accusé de russophilie galopante !) a un passé en forme de kaléidoscope. Ne dit-on pas que les grands-parents des habitants actuels ont changé huit fois de nationalité sans bouger de leur maison ? Nés au début du siècle austro-hongrois, ils seront successivement russes, à nouveau austro-hongrois, ukrainiens, polonais, soviétiques, allemands, et à nouveau soviétiques, avant de redevenir ukrainiens en 1991. Ce riche passé a, bien entendu, laissé des traces. Seule l’importante population juive a disparu du paysage, liquidée avec son ghetto pendant la Shoah. L’architecture est particulièrement représentative de ces mélanges orchestrés par l’histoire. De l’église arménienne à la chapelle du marchand hongrois, en passant par le monastère des bénédictins, nous en avons été les témoins éblouis. Pour des raisons économiques, les travaux de restauration restent embryonnaires, ce qui fait que l’ensemble reste d’une émouvante authenticité. La population elle-même semble déborder d’énergie dans ces rues où les jeunes chantent, dansent, ou « passeggiatent » pendant que les plus anciens jouent aux échecs, parce que c’est l’été.

Bref, nous ne regrettons pas ce live à Lviv.


A Lviv, Gump, un peu troublé par les noms de rue en cyrillique, joue la provocation en portant les couleurs de l'opposition ukrainienne 

Voir aussi, sur le blog de Dominique, "Soir d'été... à Lviv"

3 commentaires:

jean françois a dit…

Bonjour Patrick et Dominique.

C'est le Royaliste de Nice !

Je vous envie pour votre voyage dans les pays de l'est !

Je vous suis depuis votre départ.

Moi aussi j'ai été à Lvov en 1990 et 1991.

A l'époque, c'était le putsch, et on ne savait pas comment on allait rentrer en France !

Pour le jeu d'échecs d'ailleurs !

Je suis champion des Alpes-Maritimes et membre de l'équipe nationale de Monaco.

Nous étions passés en Ukraine par Uzhgorod, non loin de la frontière Hongroise.





Uzhgorod est une ville provinciale typique de 140 000 habitants.

Ces confins se trouvent à cheval sur quatre pays : L’Ukraine, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie.


















Les gens se confient volontiers à des étrangers, dès qu’ils se sont aperçus qu’à la fois ils étaient des étrangers en chair et en os, et donc temporairement dans leur mouise, et que nous comprenions à peu près leur langue.


Cet " à peu près " est très élastique et il peut suffire de quelques mots pour que nous soyons submergé par une volubile tirade à laquelle il ne nous reste plus qu’à opiner gravement du chef !


Parti en fait comme un marchand d’antan, épris de profit, je suis revenu au " pays des vertes années " sur un vélo ukrainien avec, en bandoulière, une belle guitare locale et dans ma hotte mon attirail de cinéaste ambulant : une dizaine de films soviétiques à montrer dans les villages reculés de France, où la télévision ne parvient pas.

Je vais du 19 septembre au 4 octobre aux olympiades d'échecs en Russie, à
Khanty-Mansiysk, une ville de 100.000 habitants dans l'Oural, non loin de Iékatérimbourg,à 15 kms du confluent de l'Ob et de L'Irtych, (Sverdlovsk à l'époque communiste, celui qui a tiré sur le tsar quand il a été fusillé ?!).

Savez-vous que le jeu d'échecs a été développé par Lénine en Union-Soviétique ?

Avant, il y avait de bons joueurs (Tchigorine), mais pas de champion du monde !

Mais de 1929 à 1972 (Fischer l'Américain a battu Spasski le Russe, avec intervention de Kissinger, c'était la guerre froide !), tous les champions du monde d'échecs étaient d'Union Soviétique !

L'idée principale était de démontrer la supériorité du communisme sur le capitalisme, en utilisant le symbole du jeu d'échecs comme pierre angulaire de l'intelligence !

Depuis les choses ont un peu changé, les 2 plus forts joueurs du monde étant Anand (un Indien) et Carlsen (un Norvégien)!

Même si parmi les 100 meilleurs joueurs du monde, il y a 70 joueurs issus de l'ex URSS !

Le territoire de cette ville, grand comme La France, détient 8% des réserves mondiales de pétrole !
C'est "Le Dubaï de Poutine" !

Tellement le sol est imprégné de pétrole, que la construction d'immeuble de grande hauteur est impossible !

Car alors les fondations lacheraient !

Incroyable !

J'ai hâte de voir ça !

Surtout par rapport au roman de Jules Verne "Michel Strogoff".

Au début du livre, 2 journalistes, l'un Français, l'autre Anglais, reporters de guerre,interviennent pour relater les combats entre l'armée impériale et les tartares ou tatars (Kubilai Khan), franchissent l'Ob-Irtych, mais plus au sud, non loin du Kazakhstan !

Bravô à vous 2 pour ce voyage !

Votre curiosité est à votre honneur !

Ce n'est malheureusement pas le cas de tous les politiques !

De Droite et de Gauche d'ailleurs !

Malheureusement !

Amitiés sincères.

Jean-François.

jean françois a dit…

Bien entendu, ce n'est pas Kubilaï Khan, mais Féofar Khan , je me suis trompé !

Celui qui est allié avec le traitre Ivan Nogarev, le traitre Russe !

Ces 2 là ont fait presque échouer a belle histoire d'amour entre Michel et Nadia !

Anonyme a dit…

Merci pour ce sympathique billet sur Lviv. C'est ma ville natale et vos lignes m'ont beaucoup émue. Merci aussi de remarquer qu'il est très dommage que l'Ukraine reste à la porte de l'Europe. On la voit miroiter avec ses valeurs et ses promesses, mais même toute proche, elle nous semble toujours inaccessible. J'espère que le championnat qui s'annonce en 2012 permettra à plus de monde de découvrir Lviv et l'Ukraine et de faire évoluer les choses vers une intégration à l'Union Européenne.

Svitlana