Fuyant les télévisuelles émissions paillettes-guimauve de fin d’année, je me suis programmé un peu par hasard deux films qui ont révélé au final une indéniable parenté. Il s’agit de « All that jazz » du cinéaste américain Bob Fosse et de « Dancer in the dark » du danois Lars Von Trier. Deux films musicaux qui ne sont en rien des comédies, ayant comme sujet de fond… la mort. Ce sont donc d’authentiques tragédies musicales qui ont en commun d’avoir remporté à vingt ans d’intervalle la Palme d’Or à Cannes : 1980 pour la première, que nous avions vue lors de sa sortie en salle, 2000 pour la seconde, au triomphe de laquelle nous avions assisté en live (j’ai encore le souvenir de l’étrange sourire lunaire de la chanteuse islandaise Bjork qui venait de remporter le prix d’interprétation féminine…)
All that jazz (« Que le spectacle commence ! »)
Chorégraphe de renom, metteur en scène drogué aux amphétamines, fumeur invétéré et coureur de jupons (de tutus !), Joé Gidéon mène une existence trépidante entièrement consacrée au spectacle. Alors qu’il monte une nouvelle revue à Broadway, Joe est victime d’un infarctus. Pendant l’opération qui s’ensuit, il dialogue avec la mort (fascinante Jessica Lange la bien nommée…) et voit sa vie tumultueuse défiler.
Dancer in the dar
Dans les années 60, Selma, une jeune maman tchèque immigrée, s’installe dans une petite ville du nord des Etats-Unis. Atteinte d’une maladie héréditaire, elle devient progressivement aveugle. Elle ne peut continuer à travailler dans son usine au mépris des règles de sécurité qu’avec la complicité d’une amie ouvrière (Catherine Deneuve qui joue ce second rôle avec beaucoup d’humilité) : c’est qu’elle veut réunir assez d’argent pour payer l’opération qui devrait préserver son fils de la même maladie. Dans des circonstances tragiques, elle va tuer son voisin qui venait de lui dérober le précieux magot. Mal défendue, elle sera condamnée à mort et refusera de faire appel pour que les honoraires de l’avocat ne soient pas payés avec l’argent de l’opération.
Vertigineuse plongée dans l’univers de Broadway pour le film de Fosse, mélodrame flamboyant pour le Von Trier, les deux films doivent beaucoup à leurs interprètes principaux : Roy Scheider explosif et roublard en Joe Gidéon, Bjork introvertie et naïve en Selma Jezkova. Dans les deux œuvres, les charges très audacieuses sur le mercantilisme du Show Biz, les conditions de travail dans l’industrie ou la peine de mort (hallucinante scène de pendaison légale à la fin de Dancer in the dark) et le tragique du propos sur la condition humaine n’altèrent en rien le brio des séquences musicales remarquablement intégrées à l’histoire (voir par exemple le sensuel et brillantissime ballet « Air-otica » dans All that jazz).
En fait ces deux tragédies musicales – et c’est la marque des grands films – ne vous laissent pas indemne. Longtemps après les avoir vues, elles rythment votre imaginaire.
S’il fallait ne garder qu’une scène, c’est à Bob Fosse que je l’emprunterai. Gidéon est à l’hôpital, sur son brancard il rejoint la salle d’opération dont il n’est pas trop sûr de sortir vivant. Il se tourne sur sa gauche et dit à son ancienne femme qui l’accompagne « Si je meurs pardon pour tout le mal que je t’ai fait », puis il se retourne vers sa compagne actuelle pour lui dire « Si je ne meurs pas, pardon pour tout le mal que je vais te faire ». A-t-on jamais aussi bien résumé l’inanité de l’improbable rédemption que nous poursuivons inlassablement ? A quelques jours de l'an nouveau et de ses kyrielles de bonnes résolutions, que celui qui ne pense pas au fond de lui même comme Gidéon lui arrache la première perfusion...
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2 commentaires:
J'ai du mal avec les comédies musicales mais je te fais confiance...
Mes 2 films cultes !!
All that jazz est le premier film que je suis allée voir 2 fois ..en 1980 !!!
Dancer in the dark qui effectivement ne pas laisser
indemne longtemps longtemps..après l avoir vu.
"kyrielles bonnes résolutions"
pénélope
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