Ce Samedi le comité de campagne Hollande 06 a organisé un petit brainstorming dans le cadre de ma permanence sur le rôle du président sous la 5e République. Jean-Christophe Picard et moi même avions le plaisir d’animer la séance.
Une opportunité pour évoquer devant militants et électeurs quelques idées qui me sont chères et ont le mérite de la cohérence car elles vont toutes dans le même sens : nous sommes sous l’empire d’une Constitution peu favorable aux valeurs de gauche et nous ne sommes pas près d’en sortir, victoire ou pas.
Quelques remarques en vrac :
- La Ve République est un O. J. N. I (objet juridique non identifié) né en 1958 de l’opposition puis de la synthèse des idées du Général De Gaulle exigeant un pouvoir exécutif fort et de celles de la dernière assemblée de la IVe République refusant de céder sur la nature parlementaire du nouveau régime. D’où un régime hybride, frégolien pourrait-on dire, qui change de nature en fonction de la concordance ou non des majorités présidentielle et parlementaire. Dans un cas, nous avons une concentration excessive des pouvoirs aux mains d’un hyper président (dont Sarko fut la caricature) qui absorbe les pouvoirs du Premier Ministre (pauvre Fillion !) et du gouvernement. Dans l’autre cas, nous avons la cohabitation c’est-à-dire un succédanée de régime parlementaire dualiste qui ne fait que mettre en scène la compétition au plus haut sommet de l’Etat de deux futurs candidats aux Présidentielles. L’autoritarisme ou la paralysie : qu’on puisse encore, y compris à gauche, se féliciter de la longévité de ce régime me laisse rêveur.
- Autre idée en vogue : le quinquennat aurait mis fin au risque de cohabitation. Rien n’est moins sûr. Il suffira d’une crise suivie d’une dissolution au cours d’un quinquennat pour que la simultanéité des élections présidentielles et législatives disparaisse multipliant à nouveau, comme dans les années 1980-1990 les risques de cohabitation. Plus préoccupant encore car plus immédiat, une victoire trop anti-Sarkozy de Hollande peut conduire, un mois plus tard, à des législatives qu’une droite débarrassée de son boulet pourrait gagner si la gauche n’a pas un programme suffisamment crédible.
- Au moment du bilan final, il n’y aura probablement pas grand-chose à sauver du quinquennat Sarkozy mais, paradoxalement, la révision constitutionnelle de 2008 est, selon moi, à mettre à l’actif de l’actuel Président. Essentiellement pour la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) qui permet désormais à chaque citoyen de défendre valeurs républicaines et acquis démocratiques devant un Conseil constitutionnel qui devient ainsi un véritable contre-pouvoir (au passage, je salue le vote de Jack Lang et du PRG qui a permis l’adoption d’une réforme que n’auraient pas dû bouder la gauche car elle s’appuyait sur ses valeurs).
Bon, il y aurait encore tant et tant de choses à dire sur ces institutions si dévoreuses d’âme pour la gauche et que nous nous efforçons de ne pas réformer. Une fois de plus, en effet, on parle de tout pendant cette campagne sauf des institutions… Arnaud, où es-tu ?
12 commentaires:
Ce qu'il reste de la Veme République...
Merci à Patrick et Jean Christophe, qui ont su rendre cette conférence trés vivante et objective.
Merci pour cette conférence
Cette QPC n'est pas un contre-pouvoir ni même un moyen pour les citoyens de défendre les valeurs de la Républiques: pour commencer, il est impossible de contester une loi scélérate si on en est pas soi même la victime: l'une des limites des QPC étant qu'il faut être partie prenante dans un procès.
À partir du moment où bon nombre de lois contestables -qu'elles aient été prises ces dernières années ou soient plus anciennes- sont calibrées pour cibler d'abord et avant tout le bas de l'échelle sociale, il n'est pas difficile de voir où ça nous mène:
Ceux qui auraient le plus intérêt à à tirer profit des QPC appartiendront à une frange de la population qui sera sous-informée au sujet de la procédure, aura du mal à produire une demande formelle recevable par les Cours (pour ça il faut pouvoir se payer les service d'un juriste qui mettra en forme la "question prioritaire de constitutionnalité", ou avoir de la chance et en trouver un prêt à faire le travail pro bono), et même ainsi, avant de faire face au Conseil Constitutionnel, sera soumis à la censure du Conseil d'État ou de la Cours de Cassation qui peuvent statuer sur le "sérieux" de la demande: manière de dire que toute demande au CC sera à la merci des préjugés des hauts magistrats.
Au mieux, cette nouvelle procédure fait de nous tous des solliciteurs potentiels: tu parles d'un progrès: on pourra bientôt produire Ridicule 2: Ça Recommence en République: il ne reste plus qu'a choisir entre Dujardin et Sy pour interpréter le rôle de l'avocat idéaliste Grégory Poncelud qui se casse les dents sur le système.
Bonne initiative et belle prestation de PM et JCP dans le Vème....canton.
Les deux intervenants ont fait preuve de beaucoup de pédagogie pour montrer et illustrer en quoi cette Vème république était un OJNI (Objet Juridique Non Identifié).
C'est une particularité bien française de changer de république et de constitution assez souvent.
Les Etatsuniens ont la même depuis 1787, avec bien sur des amendements, les Allemands ont la loi fondamentale depuis 1949 et les Anglais n'ont même pas de constitution.
La Vème taillée par et pour le général de Gaulle pour répondre à un contexte bien précis ne semble plus être à la taille de la France d'aujourd'hui.
Bravo aux deux intervenants pour avoir rendu clair un texte adaptable à différentes situations suivant le contexte et le personnage qui la préside.
Le temps est donc venu d'envisager une évolution vers une VIème république.
Au passage Patrick peux-tu m'éclairer davantage sur le terme frégolien?
Déjà qu'on a du mal à faire passer des petites réformes, et des évolutions décomplexées sur certains sujets socio-économiques, alors penser à passer à la VIe république est totalement utopique...
En France, les changements se cachent sous la carapace des tortues...
L'évocation du boulet, j'apprécie beaucoup, reste à trouver le canon...
Laurent, tu devrais peut-être aller consulter la jurisprudence du Conseil constitutionnel avant de fracasser sans nuance l'introduction de la QPC dans notre système juridique.
L'une des premières décisions suite à une QPC à été rendue à la demande de ressortissants algériens (une femme et de son fils orphelin). Cette décision a déclaré l’inconstitutionnalité de certaines dispositions de la loi en matière de retraites militaires et pensions d’invalidité servies aux ressortissants des anciens territoires placés sous souveraineté française. Pour le Conseil constitutionnel, il ne peut y avoir, dans un même pays de résidence, des différences entre ressortissants français et étrangers (J'avais fait un billet sur cette décision http://wp.me/p3X6V-UN). Cela a eu pour conséquence la suppression, dans la législation française, de toute inégalité en la matière et ce sont 30 000 personnes qui ont pu enfin bénéficier de la « décristallisation » de leurs pensions à partir de janvier 2011. Apparemment, ces personnes ont été informées du recours (bien conseillées sans doute par un avocat...) et le Conseil d'Etat n'a pas hésité à transmettre.
Je ne trouve pas cette décision inutile.
Autre exemple : suite à une QPC, le Conseil a censuré des articles du Code de Procédure Pénale en matière de garde à vue (le régime n'offrait pas assez de garanties http://wp.me/p3X6V-YL). La question avait été transmise par la Cour de cassation.
Je ne trouve pas cette décision inutile.
Et on pourrait en citer d'autres.
La dernière de TAGADA:
Le candidat socialiste à la présidentielle François Hollande, qui avait suggéré il y a un mois de revaloriser le SMIC en fonction de l'évolution de la croissance, a avancé ce soir une proposition chiffrée.
"Chaque fois que la croissance est de un point, eh bien, l'augmentation du SMIC pourrait être de moitié: 0,5", a-t-il déclaré lors de l'émission "Capital" sur M6. "Quand la croissance est là, il est normal que les salaires minima soient également en hausse", a-t-il considéré.
Le 14 février, lors d'une interview sur RMC et BFM TV, le candidat socialiste avait posé "une règle simple: chaque fois que la croissance augmente, le SMIC doit augmenter". Le SMIC est actuellement indexé sur des indices de prix, mais n'est pas lié à l'évolution du PIB (Produit intérieur brut). Il est actuellement de 1398,37 euros bruts par mois (9,22 pour le SMIC horaire).
ET SI LA CROISSANCE EST UNE DECROISSANCE...LES SALAIRES BAISSERONT NATURELLEMENT!
On s'attend à un rétropédalage du candidat dans la journée, qui n'avait rien demandé à ses conseillers politiques avant de l'ouvrir. Une habitude maintenant.
Heureusement que Dominique est là pour lire les commmmmentaires de Laurent W. Quel courage !
Pépito
Si le smic augmente en fonction de la croissance, ça laisse plutôt rêveur… malheureusement je crois qu’il veut surtout dire qu’il n’y aura pas (ou peu) de croissance… :/ Il n’a pas dit que si la croissance baissait le smic baisserai aussi (quelle drôle d’idée, humm quoi que…). Enfin ne lui faisons pas dire ce qu’il n’a pas dit… Mais les politiques de gauche en ces temps où le libéralisme prône, me paraissent illusoires, sclérosantes et asphyxiantes. Je ne suis pas pour la droite sortante non plus, car pas assez libérale justement, pas assez sociale, pas assez populiste… je dirai « bâtarde ».
En attendant je rêve de libéralisme ULTRA (je n’ai rien à faire sur ce blog… hihi), qui protège « uniquement » les plus démunis, en laissant les plus ambitieux jouir de leur réussite et créer des richesses, en permettant ainsi à TOUTE personne -qui le souhaite- d’aspirer à devenir RICHE ! (ah le gros mot !). Ça serait un système idéal, moderne et juste. Basé sur le TRAVAIL et le MERITE. Mais hélas - si je ne m’abuse- aucun politique ne propose cela en France. Et là ! et là seulement, la VIe République aurait tout le privilège d’exister…
Eh oui ! même cendrillon a son avis sur la politique…
Ce fut un réel plaisir d'être l'espace d'un instant des étudiants chanceux d'écouter un prof qui a toujours le mot ou l'expression qui sied pour captiver son auditoire et rendre le droit et l'histoire accessibles à tous. C'est une belle démarche, dans notre société où beaucoup d'entre nous ne peuvent que s'avouer assez ignares en matière d'instruction civique, de nous ouvrir ainsi les méandres nébuleux et les arcanes des institutions.
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