Les festivaliers rendent hommage à Bernardo Bertolucci
Grand moment d’émotion à Cannes dans l’amphithéâtre Lumière
quand, avec l’ensemble du public, nous avons applaudi pendant une dizaine de
minutes ce grand Monsieur du cinéma qu’est Bernardo Bertolucci. Dans son
fauteuil d’handicapé, coiffé d’un vaste panama, l’inoubliable réalisateur du
Conformiste, du Dernier tango à Paris et de Novecento, était très ému par cet
hommage spontané des festivaliers qui s’adressait aussi bien à l’ensemble de
son œuvre qu’à Io e te, le très beau film sur l’adolescence qu’il venait de
présenter hors compétition avec de jeunes acteurs.
Par contre, les quatre autres films vus ces dernières
quarante-huit heures faisaient eux bien partie de la compétition.
Killing then softly, Andrew Dominik (USA)
Les caïds de la mafia font appel à Jackie Cogan (Brad Pitt)
pour retrouver des malfrats irresponsables qui ont osé braquer un cercle de
jeux mettant ainsi en péril le système.
Ce film est le – au moins – cinquantième avatar
post-tarentinien sur les turpitudes de la pègre avec exécutions sadiques,
bavardages décalés des tueurs et effets spéciaux… C’est dire si le cinéma
américain a des problèmes de renouvellement scénaristique. Seule la dernière
scène, qui ménage une sorte de face-à-face inédit Obama-Jackie Cogan et qui se
conclue par un cinglant : « America is not a country but a
business » prononcé par le tueur, fait preuve d’originalité. A sauver
peut-être aussi, la prestation toujours savoureuse de James Gandolfini (vous
vous souvenez ? le Tony Soprano de HBO) en gangster amoureux et dépressif,
une habitude chez lui.
La part des anges, Ken Loach (Grande-Bretagne)
A Glasgow, Robbie, un petit délinquant, est remis dans le
droit chemin par Henri, un éducateur qui veut le transformer en spécialiste du
whisky de collection.
Ce Ken Loach, contrairement à mon attente, ne renoue pas
avec la comédie sociale amère et réaliste sur laquelle il a bâti sa réputation.
L’histoire de Robbie et de ses bras cassés de copains est drôle mais le
contexte social étant complètement évacué, La part des anges restera une œuvre
mineure. On peut toutefois considérer le personnage positif d’Henri comme un
bel hommage au métier d’éducateur. Avec Sami, nous sillonnons depuis deux mois
le département, afin d’élaborer un rapport pour le Conseil général sur la
prévention spécialisée. Désormais, nous pourrons donc conseiller le film aux
nombreux éducateurs que nous rencontrons.
On the road, Walter Salles (USA)
Avec ce road movie zig-zag, le réalisateur brésilien Walter
Salles est finalement assez fidèle à la chronologie et à l’esprit de l’œuvre de
Kerouac. Paradoxalement, parce qu’elle est réussie (même si les acteurs m’ont
semblé un peu pâles), cette adaptation souligne les faiblesses d’un livre qui
est plus le manifeste d’une génération qu’un véritable chef-d’œuvre de la
littérature. En tout cas, pour moi, ce fut beaucoup d’émotion, car, il y a
trois ans, au cours d’un voyage où nous avions relié Chicago à Denver (la ville
de Dean, le héros de On the road), ma coéquipière Dominique m’avait lu in
extenso le livre de Kerouac sur les routes mêmes redécouvertes à l’écran.
Holy motors, Leos Carax (France)
De l’aube à la nuit, l’étrange Monsieur Oscar (Denis Lavant,
au physique maintes fois exploité par Carax) circule dans une interminable
limousine blanche et, étape après étape, voyage de vie en vie, devenant
successivement grand patron, monstre mangeur de fleurs, mendiante, père de
famille, époux d’une guenon…
Je ne vais peut-être pas me faire que des amis (l’accueil de
la salle a été relativement bon), mais j’ai trouvé Holy motors prétentieux,
complaisant et un brin abscons. Si le film est parfois à la limite du ridicule,
l’humour, en plus, n’est pas son fort. A l’exception peut-être de la séquence
finale où les limousines remisées dans un garage pour la nuit papotent entre
elles comme de vieilles pipelettes. Cela dit, Carax sait filmer et certaines
séquences, comme celle qui se déroule à la Samaritaine, sont d’une grand beauté
formelle.
Io e te, Bernardo Bertolucci (HC, Italie)
Lorenzo, un garçon d’une quinzaine d’années, laisse tomber
un voyage scolaire à l’insue de ses parents pour vivre quelques jours en
solitaire dans la cave sommairement aménagée de son immeuble. Fortuitement, il
est rejoint par sa demi-sœur plus âgée qu’il n’a pas revue depuis des années.
Celle-ci, en pleine crise, lui avoue sa toxicomanie.
Dans le huis clos de la cave, nous pénétrons les mystères de
l’adolescence. Voir Lorenzo maîtriser ses démons intimes grâce à cette grande
sœur pourtant si fragile, est un magnifique message d’espoir distillé par un
jeune réalisateur de 71 ans.
Caroline, au stand de l'ARP
Entre films et copies, nous avons trouvé le temps d’une petite soirée rock’n’roll particulièrement réussie.
3 commentaires:
"Un magnifique message d’espoir distillé par un jeune réalisateur de 71 ans"?
Comment ne pas y courir après une telle définition? Aucune idée -d'ailleurs je cours déjà: mon voeu printanier est exaucé.
Merci!
PS: je savais bien que l'espoir viendrait d'Italie!
Comme les attentes de la beat génération ne me sont pas des plus familières, j'irai au moins voir si la libre interprétation de la nuit de Dean devant la gare du Sud est satisfaisante. Je sais bien que les studios de la victorine existent, mais! Cineccita à la gare du Sud, quand même, ca ne manquerait pas de panache. Comme ça… même Bertolucci pourrait venir y tourner ses prochains film plein d'espoir: l'anti-conformiste, le dernier passa cariera à Nice, te e io. Tout serait imaginable en quelque sorte.
Et encore une fois de plus c'est un Italien qui fait le spectacle...
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