28 avril 2009

Odette la Niçoise

Swann - Jeremy Irons, et Odette - Ornella Muti

Quand on évoque l’univers de Proust, il semble naturel de penser à la campagne normande, au littoral de la Manche ou aux grands boulevards parisiens… beaucoup moins à Nice et à la Côte d’Azur.

C’est oublier qu’Odette de Crécy, la courtisane de « Un amour de Swann »… est niçoise !

Il y a des attachements qui ne trompent pas. Comme celui d’Odette pour un sanctuaire cher à nos cœurs : « … Notre-Dame de Laghet qui l’avait jadis, quand elle habitait Nice, guérie d’une maladie mortelle, et dont elle portait toujours sur elle une médaille d’or à laquelle elle attribuait un pouvoir sans limites… »

Ce pouvoir sans limites sera souvent mis à l’épreuve. Ainsi, quand Swann a un doute sur la vérité des propos de sa maîtresse – ce qui, il faut bien le dire, arrive assez souvent – il lui pose rituellement la question : « Peux-tu me le jurer sur ta médaille de Notre-Dame de Laghet ? », ce qui, d’après Proust, avait l’effet d’un super sérum de vérité sur la Dame qui jamais n’osa défier la sévère madone qui trône en majesté sur les hauteurs de la Trinité.

Cela dit, les origines niçoises d’Odette ne se résument pas à cet épisode sulpicien. Loin de là. Et le brave Marcel de tourner le couteau dans la plaie sur « certains bruits relatifs à la vie qu’Odette avait menée autrefois à Nice », ainsi : « A Nice, quand elle y passait jadis plusieurs mois, elle avait eu une sorte de notoriété galante ». Doux euphémisme car « Ne disait-on pas que c’était par sa propre mère qu’elle avait été livrée presque enfant à un riche Anglais… ».

Du coup, Swann, pourtant aveuglé (ô combien !) par sa passion, finit quand même par se poser des questions (enfin !) : « … lui à qui jusque-là rien n’avait pu paraître aussi fastidieux que tout ce qui se rapportait à la vie cosmopolite de Bade et de Nice, apprenant qu’Odette avait peut-être fait autrefois la fête dans ces villes de plaisir sans qu’il dût jamais arriver à savoir si c’était seulement pour satisfaire à des besoins d’argent que grâce à lui elle n’avait plus, ou à des caprices qui pouvaient renaître… ».

On le voit bien, c’est plus le passé niçois que ses inconséquences présentes qui finira par faire vaciller l’irrationnelle passion pour sa gourgandine si commune, au point de lui arracher cette ultime vérité qui est aussi la dernière phrase du roman : « Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! »

4 commentaires:

Claudio a dit…

Une femme du genre féminin, quelle idée !
J'aime bien "ces villes de plaisir"

Bettina a dit…

Odette a envouté Swann. C'est peut être la raison de son aveuglement. J'aime me dire que c'est le cas.
Odette est libre et Swann n'aime pas ca (comme tous les autres :-) ) ! Il n'aime pas l'idée qu'elle fréquente ces "villes de plaisir" car qui dit "plaisir" dit "tromperie dans l'air"! Swann est jaloux mais pas rancunier vu la dernière phrase du roman...et tout cela me fait penser, étrangement, au Marquis de Sade..Odette aurait pu être dans un de ses romans :)

Joëlle a dit…

"Et dire....qu'elle n'était pas mon genre" toute l'enigme du désir !!

Anonyme a dit…

libre !libre n’oublions pas qu’Odette était une femme entretenue ‘,une gourgandine
une gaupe, une margot., quoi….Tout de suite c'est moins ravissant….
Quant a cette réflexion devenue célèbre : combien elle est cruelle pour elle ? pour lui ?pour nous ?
Nous sommes tous des Swann Et si tout n'était qu'illusion? Si rien n'existait? Dans ce cas, j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher." Woody ALLEN

pénélope