29 juillet 2009

Monsieur Hulot et le 21 avril



L’exposition s’achevant le 2 août, c’est in extremis que j’ai pu visiter « Jacques Tati : deux temps, trois mouvements » à la Cinémathèque de Paris.

Exposition réussie car, au-delà des objets exposés comme le vélo de François le facteur ou la superbe maquette de la villa Arpel (décors construits en 1956 aux Studios de la Victorine), c’est l’atmosphère à la fois humaniste et libertaire de l'oeuvre de Tati que le visiteur peut respirer à pleins poumons.

Le père de Monsieur Hulot a toujours été pour moi un cinéaste majeur. J’aime bien sûr son humour mais aussi sa dénonciation d’un certain progrès qui déshumanise et une critique sociale plutôt décapante même si elle est distillée avec l’air de ne pas y toucher.

Mais, en plus des films eux-mêmes, c’est avec l’ensemble du monde de Tati que toute ma vie j’ai communié.

Comment ne pas se souvenir de cette merveilleuse promenade au soleil couchant sur la plage de Saint-Marc-sur-Mer à la recherche de l’hôtel des « vacances de Monsieur Hulot » ? Comment ne pas se souvenir de cette soirée magique organisée par Laurent Flipo avec la projection en plein air une nuit d’été de « Jour de fête » sur le stade du CSL du Vallon des fleurs ? Comment ne pas sourire en pensant aux innombrables fois où j’ai scruté sans succès la façade d’une vieille maison espérant voir apparaître l’improbable silhouette de « Mon oncle » ?

Mais le souvenir le plus fort est relativement récent. Il date exactement du 22 avril 2002. Ce lundi, tous les Républicains se sont réveillés avec la gueule de bois. La veille, la patrie des Droits de l’Homme avait accouché d’un désespérant Chirac – Le Pen qui nous avait enfoncé dans la déprime sans envies et sans avenir.

Sans réfléchir, ce matin-là, j’ai regardé « Play time », puis j’ai enchaîné jusqu’au lendemain avec la petite demi-douzaine de longs-métrages qui constituent la filmographie quantitativement modeste de Tati. En fait j’avais besoin de m’évader de cette France frileuse et haineuse qui était désormais la nôtre. Instinctivement, quelque chose me disait que l’humanité de Monsieur Hulot m’y aiderait.

Ces quelques heures, bien sûr, n’ont pas été suffisantes pour refermer la plaie béante ouverte la veille, mais elles avaient agi comme un baume qui atténue la douleur tout en étant le signe avant-coureur de la guérison.

Celle-ci intervînt plus tard, beaucoup, beaucoup plus tard. Ce ne sont pas Anne et Patrick, les artistes photographes, Clotilde la chercheuse ou Richard le prof qui, en ces temps-là, poussèrent la porte du 3 avenue Cyrille Besset pour se réchauffer qui me démentiront.

2 commentaires:

alain a dit…

J'adhère également à l'humour et à la dérision de ce monde par Tati.
Le couple vieillissant avec l'une qui ramasse les coquillages, et l'un qui les rejette sans plus de procès dans leur milieu, les scènes désopilantes des vacances de monsieur Hulot, l'éperon dans le tapis, le tableau pas à l'équerre, le monde du silence de ses films, ponctués de bruits sobres et précis, la tempête dans le restaurant, le ping pong endiablé avec le stoïcisme gêné des convives, le bruit de la porte des cuisines...
Quand à l'égarement du 21 avril, je n'ai toujours pas compris le réel pourquoi, et le considère comme "le" crash de la gauche, dont on aurait subtilisé bizarrement la boite noire.

Richard a dit…

... Et tu n'as pas douté de la sincérité de mon futur engagement, car tu sais faire la différence entre ceux qui se servent, ceux qui s'en servent, et ceux qui servent.
A+