11 décembre 2009

5.08 - Saint Barthélemy


Tout en longueur, le territoire du 5.08 s’articule autour du côté pair de la partie sud du boulevard de Cessole, du Passage à niveau aux Trois horloges.

Après avoir dépassé l’inattendu Gainz’bar, dès le n° 20, on se trouve face à un immeuble mythique : le Palais Stella. C’est ici que le 27 août 1944 le comité insurrectionnel de la Résistance niçoise décida, dans la soirée, de déclancher le lendemain à 6 heures le soulèvement pour libérer Nice.

Dès l’aube, deux mille Allemands à l’ardeur, il faut bien le dire, un peu défaillante (les Américains étaient arrivés jusqu’au Var tout proche) furent attaqués par trois à quatre cents résistants surmotivés et intelligemment coordonnés par le QG du Palais Stella. A minuit, les insurgés étaient maîtres de la ville, évitant ainsi destructions et représailles de la part de l’ennemi. Le surlendemain, les Américains incrédules pouvaient pénétrer dans une ville déjà libérée.

Au n°2 du boulevard, une plaque très sobre rappelle que cinq des vingt-sept résistants tués ce jour-là le furent dans le quartier : René Barralis, Lucien Chervin, Auguste Gouirand, Jean Ballestra et Roger Boyer, qui donnera son nom au square de la Dominante. Chaque 28 août, à 18 heures, je fais partie de la (toute) petite foule qui rend hommage à ces héros dans l’indifférence un peu générale devant le 20, en compagnie des survivants toujours moins nombreux d’année en année. Après l’insouciance des vacances d’été, ce moment d’intense communion est un petit électrochoc qui me ramène chaque fois à l’ambivalence de nos destinées.

Mais la partie basse du boulevard de Cessole, c’est aussi le jardin de l’Evêché, les Buttes-Chaumont niçoises… Tout en dénivelé, il nous offre chaque année, dans cette ville sans saisons, avec ses beaux arbres à feuilles caduques, un petit échantillon d’automne. Il abrite aussi la Maison de l’Environnement dans un bâtiment qui fut celui de la sulfureuse Radio Baie des Anges, en son temps voix officielle du médecinisme. C’est du jardin de l’Evêché que démarre également le célèbre GR5, chemin de randonnée qui relie Nice à… Rotterdam, en passant par Aspremont, le Mont Cima, Utelle, Saint Etienne de Tinée…, le Luxembourg et la Belgique, soit plus de 1500 kilomètres. Un panneau en bois matérialise ce lieu symbolique depuis peu. Devant lui, je me dis que, peut-être, le conseiller général du canton se devrait de… bon… enfin… on verra !
Après l’Evêché, le promeneur passe devant l’entrée secondaire du groupe scolaire Saint Barthélemy qui a donné son nom au 5.08 puis croise le passage Bellon et son académie de danse orientale, les rues Cagnoli et Dr Lanchier, du nom de ce praticien qui, pendant la guerre, permit à de nombreux jeunes Niçois d’échapper au STO.

Enfin, c’est l’arrivée sur le square Barons de Berre, que les habitants du quartier, fidèles à la tradition du double nom des places de Nice nord, appellent « les trois horloges ». Précisément, parce que trois horloges, haut perchées et accolées, offrent un identifiant quelque peu insolite à ce lieu de passage. C’est au nord du square que se trouve le Bar des deux avenues (Cessole et Cyrille Besset) où nous avions l’habitude, avec Jean-François Knecht, conseiller général du 11e canton limitrophe, d’organiser des conférences de presse communes qui, au-delà de leur utilité directe, étaient un moyen d’authentifier notre travail pour Nice nord et – pourquoi ne pas le dire – notre amitié.

Enfin, le 5.08 s’achève par un décrochage en forme de rectangle opéré par les rues Charles Calais et Victorien Sardou : deux personnalités qui, par la force des choses, font rue commune mais qui, de leur vivant ne seraient certainement pas – selon l’immortelle formule de Thierry Rolland – partis en vacances ensemble. Qu’on en juge . Victorien Sardou, dramaturge parisien : « Les Niçois ont un mont, il est chauve, ils ont un château, il est démoli… ». Charles Calais, poète niçois : « Je suis fils du pays dont rêvent les pucelles… ».


Membre de la commission municipale des noms de rues pendant de longues années, j’affirme avec force ne pas faire partie des responsables de ce que l’on appellera, selon l’humeur, une faute de goût ou un télescopage malicieux.

6 commentaires:

Cléo a dit…

Interpellée par ses trois horloges, le mot est faible. Sait-t-on jamais à quoi cela nous rappelle?!Quelqu'un a t-il écrit sur ses trois horloges? Car me reviennent aussi les alcools d'Apollinaire, qui voyagent de conserve, dans une toute autre ville:" Les aiguilles du quartier juif vont à rebours Et tu recules aussi dans la vie lentement."

Anonyme a dit…

Merci, j'y habite depuis de nombreuses années et je viens de découvrir que le quartier dit de l'horloge ou des 2 avenues (Cessole/Cyrille besset) est en fait celui des 3 horloges. Dans le quartier une rue à gauche en montant avant la brasserie des 2 avenues (cessole/cyrille besset, jean canavese commence + haut) porte pourtant doublement mal son nom "l'AVENUE des PLATANES". Pourquoi ? Allez-y vous comprendrez.
ricciarelli

Unknown a dit…

rectification réalisée...merci Ricciardelli

Cléo a dit…

Et d'ailleurs, j'y reviens. Le point de vue de l'image nous donnerait-il là à penser que nous pourrions appréhender d'un seul regard, deux cadrans? Dans la ville traversée par Apollinaire, les deux sens de lecture demandent déjà un exercice particulier. Mais dans le 5 ème canton?! Très haute voltige, là est peut être la solution. Je ne sais pas vous, mais moi je me promène à pieds. Et j'ai donc un problème. Je ne vois pas derrière mon dos, ni mon dos. Dans l'image, et quel que soit l'angle, un cadran nous tourne le dos tout en restant bien rivé à un même socle. Qu’il soit fixe ou pas, la succession serait bien une solution mais qui reconduit au même problème. Qu'on arrive en effet de cette rue, de la seconde ou d'une autre...Vous me direz! Si les trois cadrans disent la même heure! S'ajoute à cela qu'Einstein ajoutait que si les scientifiques pouvaient à l'aide de leurs théories, dépasser ce qu'ils voyaient, le cadran et les aiguilles tourner, pour construire par la voie de l'abstraction un modèle d'intelligibilité, ils ne pouvaient pas ouvrir le cadran pour savoir si leur modèle correspondait au mécanisme interne. Mais Einstein allait loin, et moi j'en suis pour l'heure seulement à la surface. Comment voir ces trois cadrans simultanément? En bref, quelle heure est-il? Il y a une universalité dans ce quartier du monde ou alors je n'ai rien compris.

bernard gaignier a dit…

Bon si tu envisages de faire le GR5ou du moins en partie ou par tronçons... tu me fais signe!!!!

Clotilde a dit…

C'est incroyable cette photo ressemble effectivement beaucoup aux Buttes Chaumont.... je n'avais jamais réalisé que ce jardin de Cessole était un formidable endroit pour faire des fractionnés en côte, à deux pas de chez moi.

Quant au GR5, au printemps j'ai décidé d'aller jusqu'à Utelle et retour si Mr Knee veut bien se calmer d'ici là...