21 janvier 2010

5.19 - Santa Fior


Lou Souleou


Au-delà de la modeste avenue Santa Fior, le secteur 5.19 est d'abord celui de la famille Bounin. Pas moins de trois rues portent le nom d'un membre de cette dynastie de notables niçois, fabricants d'huile et élus locaux : Claude, Paul et Jacques. Je me souviens du dernier, grand résistant, croisé ici ou là à la fin de sa vie quand il démissionna avec fracas du Conseil municipal en 1977. La plus importante des trois est la rue Paul Bounin qui traverse le quartier de la place Saint-Maurice à l'avenue Saint-Barthélemy. A son extrémité Est, on peut remarquer les volets bleu ciel si caractéristiques du Palais du parc fleuri, un des plus beaux immeubles du canton.

Un peu plus loin, au numéro 32, se trouve le Palais Maurice où nous avons failli habiter avant de choisir, in extremis, l’avenue Bardi. Enfin, au 37, Lou Souleou se fait remarquer par une double montée d’escaliers extérieurs très « art moderne » et, il faut bien le dire, un peu étrange.


Au croisement avec le boulevard Gorbella, se trouve le Clos de boules Le Ligouban. Partager pastis, pissaladières, blagues en niçois et anecdotes politiques – de source sûre – dans le « club house » du Ligouban, c’est s’immerger dans cette convivialité à la fois bon enfant et un peu rugueuse si caractéristique de notre ville. Attenant au Clos, quelques courts de tennis font du quartier – avec ceux de Gorbella et du Ray – une sorte de petit Rolland Garros urbain. En face du tennis se trouve le magasin Philips qui a équipé le quartier en téléviseurs et autres home cinéma.

Imbriquées dans le « dispositif Bounin », se trouvent deux paires de voies jumelles : Emilie, rue et avenue, et Patrimoine, avenue et… petite avenue. Ces dernières, du nom d’une compagnie d’assurances qui fut propriétaire du terrain correspondant.

Reste la discrète rue Walkanaer. En me promenant dans cette petite rue, il me plaît d’imaginer que je croise une enfant. Elle a neuf ans, parle une drôle de langue et séjourne avec sa famille dans la villa Rozenn, là-bas, au bout de la rue. Nous sommes en 1882 et, sous le soleil d’hiver, avec ses frères et sœurs, elle se saoule de jeux et de courses folles au milieu des orangers si nombreux dans le quartier. Le papa d’Hélène – c’est son prénom – est en fait Nicolas 1er, prince puis roi du Monténégro. A l’instar des grands souverains européens, celui-ci avait décidé de rejoindre pour quelques mois de villégiature la baie des Anges, quitte à faire quelques infidélités aux si belles Bouches de Kotor, la fierté de son tout petit pays.

Quatorze ans plus tard, l’enfant espiègle épouse Victor Emmanuel III et devient reine d’Italie. Les conquêtes mussoliniennes vont même faire de la jeune Monténégrine une reine d’Albanie doublée d’une impératrice d’Ethiopie. Tout cela n’aura qu’un temps et, très vite, après l’abdication de l’époux, viendra l’heure amère de l’exil et la mort en terre étrangère, du côté de Montpellier.

Alors oui, elle avait bien raison de rire et de s’amuser la petite princesse de la rue Walkanaer…

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