18 mai 2009
Hourra Cantona !
Cannes : chronique n° 3
Zigzaguant entre le début des examens universitaires et les rendez-vous cantonaux, nous pouvons quand même suivre un Festival qui, à mi-parcours, semble avoir trouvé sa vitesse de croisière.
C’est ainsi que, pêle-mêle, nous avons pu voir deux poids lourds de la sélection officielle avec le film luciférien de Lars Von Trier et l’émouvante comédie de Ken Loach tout en faisant un petit crochet du côté du Noga Hilton et de la Quinzaine pour un film bulgare de qualité et une montée des marches avec Johnny Hallyday et Richard Martinez pour le polar chinois de Johnnie To.
« Eastern Plays », Kamen Kalev (Bulgarie)
En souvenir des folles nuits de la Quinzaine à la MJC Gorbella dans les années quatre-vingt, j’aime bien faire, au moins une fois par Festival, la queue rituelle et aléatoire (parfois il n’y a plus de places…) de 45 minutes pour assister à la projection d’un film de cette sélection que je persiste à considérer comme la plus novatrice du Festival. Cette année, ce fut pour un film bulgare à la qualité estampillée « Quinzaine » bien affirmée.
Deux frères, le grand, artiste déchu alcoolique sous méthadone, le petit, apprenti skinhead, errent dans la grisaille post-communiste du Sofia des barres HLM. Ils finissent par trouver, l’un par la création, l’autre par l’amour, une porte de sortie. Du coup, on est très content pour eux.
« Vengeance », Johnnie To (Hong Kong)
Je propose la mise en retraite immédiate et sans solde pour les critiques qui avaient parlé de Melville à propos de ce film. Du coup, on attendait un Johnny-samouraï et nous eûmes à la place un Johnny en inspecteur Canardo sous antidépresseurs au service d’un scénario aussi subtil qu’un jeu vidéo.
On en restera là : on ne tire pas sur une jonque-ambulance et je ne veux pas trop attrister mon ami Bernard…
« Antichrist », Lars Von Trier (Danemark)
Un enfant se défenestre et meurt pendant que ces parents font l’amour : la première scène du film est superbe et glaçante à la fois. Après le drame, le couple en deuil va se retirer dans une forêt pour réparer leur mariage forcément lézardé. Mais au contact de la nature qui libère les forces du mal, les choses ne font qu’empirer et elle et lui vont se détruire psychologiquement avant de passer aux mutilations physiques et à la mort.
Lars Von Trier aurait tourné ce film dans une période de déprime. On le croit volontiers. Dans cette forêt, le mal suinte et contamine les humains. Résultat : le mal est partout et le spectacle terrifiant que nous offrent Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg (superbes dans des rôles qui, mal interprétés, auraient pu tourner au grand Guignol) hantera encore longtemps nos mémoires de festivaliers pourtant un peu blasés.
« Looking for Eric », Ken Loach (GB)
Eric Bishop, postier à Manchester, n’a pas la pêche. Ses deux beaux-fils sombrent dans la délinquance et sa vie sentimentale est un désert. Au bord du gouffre, un soir de déprime, il appelle au secours son idole, le footballeur Eric Cantona. Comme nous sommes dans un conte, la bonne fée va apparaître magiquement sous les traits du célèbre buteur de MU et ce dernier va devenir le coache virtuel de Bishop jusqu’à la happy end.
Avec « Looking for Eric », Ken Loach, cinéaste attitré de la working class anglaise, a mis son humanisme au service d’un petit bijou de drôlerie et de tendresse.
A la fin, bien sûr, les méchants sont punis et tout le monde (enfin, surtout les gentils) s’aime beaucoup. On n’en croit pas un mot mais c’est aussi pour ça que les contes de fées rendent la vie plus jolie…
En prime, quelques-uns des aphorismes de Maître Canto :
« Je ne suis pas un homme, je suis Cantona. »
« Qui sème les chardons récolte des épines. »
« Celui qui anticipe tous les dangers ne prendra jamais la mer. »
« Quand les mouettes suivent le chalutier, c’est parce qu’elles pensent que des sardines seront jetées à la mer. »
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18 commentaires:
à part la dernière citation, j'aime tous les aphorismes de Maître Canto.
Mais je ne suis pas objective.
Tout juste rentré de Cannes, je confirme. Le film de Ken Loach est merveilleux, et Cantona est...Cantona. J'ai même écrasé une petite larme à la fin. Standing ovation interminable et tout. Camille et moi avons passé une soirée délicieuse.
Sans froisser les fans de Johnny, lui, est resté lui même, comme l'a déclaré Lio: un très bon chanteur.
Peu aidé il est vrai par le scénario du film de Johnny To.
Après mon accès d’humeur contre KINATAY, voilà que Lars Von Trier me fait renoncer à mon envie d’envoyer au diable le Festival de Cannes. Décidément, Cannes, c’est tout et son contraire, on y côtoie le pire et le meilleur. Et ANTICHRIST, c’est du cinéma, du vrai.
Mon opinion, c’est l’éternel retour de l’importance à accorder au fond ou à la forme. Pour moi, si le sujet du film en est la base, ce qui compte c’est comment le réalisateur fait passer son message. Et ici Lars Von Trier utilise admirablement tous les moyens mis à sa disposition par le cinéma. Ce qu’il dit, il ne peut l’exprimer que grâce au cinéma, et il montre ou suggère, décrit par des images sublimes, des cadrages qui ont un sens, des mouvements de caméra qui ne laissent rien au hasard, marie le noir et blanc à la couleur quand cela est nécessaire, souligne par une musique choisie, introduit un ralenti là où il faut, fait durer les plans à leur juste mesure.
Peu importent la provocation, la pornographie, la folie délirante qui feront hurler les bien-pensants. Jamais depuis Buñuel, Hitchcock ou Fellini le langage cinématographique n’avait aussi bien servi une idée. C’est que le cinéma exprime à merveille la psychanalyse et le surréalisme, il en est l’essence même.
Ici, nous avons affaire enfin à un film construit, avec un début et une fin. Le prologue à lui seul est une pure merveille, grâce notamment au ralenti et à la musique.
A voir absolument.
Quant à IRENE, d’Alain Cavalier (Un Certain Regard), c’est une autre histoire, à fuir absolument…
Merci pour ces chroniques du Festival de Cannes, qui me permettent de le suivre autrement que dans les médias ! Le film de Lars Von Trier a donné lieu à des réactions contrastées, mais en tout cas, sa pure qualité cinématographique n'a pu être remise en question, et il semble être un candidat sérieux à la Palme d'Or.
Je sais ainsi déjà vers quel film je me précipiterai en priorité quand la sélection Cannes 2009 sera en salles...
IRENE A DIT...
MERCI JEAN DE PRECISER "IRENE" D ALAIN CAVALIER... HIHI !!!
J AI HATE D AVOIR VOS IMPRESSIONS SUR LE DERNIER ALMODOVAR...
ALORS A DEMAIN !!!
Je me doutais que Johnny serait éreinté par vos soins.
J'attends de pouvoir voir le film dans une salle (ne faisant pas partie des privilégiés......) pour pouvoir me faire un avis objectif, c'est à dire bien sur constater que Johnny est une fois de plus le meilleur.
Ah ben y va mieux Mister Montoya...
Personne n'a vu le film d'Amenabar?
J'aurais bien aimé un avis...
Je veux la critique du film d'Almodovar !
au passage, je trouve que Penelope Cruz est bien "en espagnole" qu'en pur produit hollywoodien!
Bettina patience je ne peux pas surveiller les petits "sauvageons" de LEA :-))))) et écrire les posts...à demain!
les petits sauvageons ! c'est mignon ca!
Je patient.. j'avais tout à coup oublier que les hommes ne savent faire qu'une chose à la fois! je plaisante évidemment, ne criez pas au scandale!
D'Almodóvar, j’adore d’abord le titre espagnol,"Abrazos rotos". Les mots français "étreintes brisées" ne rendent pas la brutalité de l’espagnol. Que dire du film ? C'est de l'Almodóvar, un feu d'artifice de couleurs, de personnages, de situations, d'histoires qui s'emboîtent les unes dans les autres, de flash-backs. Il est incriticable, on le reçoit comme le soleil et la pluie ! Il y a toujours une joie, un élan, une générosité, une profusion, il donne, il offre, on ne peut pas refuser son cadeau ! C'est l'Espagne tout entière. Des couleurs flashy comme la mode dans la rue, des mouvements harmonieux comme le torero et le danseur de flamenco. Et puis il y a cet amour pour le cinéma, ce film dans le film, et cet amour d’Almodóvar pour Penélope, qui le lui rend bien. On aime ou on rejette, il n'y a pas de demi-mesure, ni de oui-mais.
A voir, bien sûr, en attendant enfin la Palme si méritée et jamais accordée.
Ouais, nan mais moi je veux pas !! je veux pas qu'il ait la palme Almodovar !! Je veux la palme pour Park Chan, Ang Lee, ou You Le ou un autre prix pour Loach et Von Trier pour les inciter à continuer et même Campion en dernière position why not... mais pas Almodovar... ou alors... heu... le prix de participation... ouais !! c'est bien ça... comme le dit si bien Mr Montoya on aime ou on rejette... voui !! gnark gnark :))
En tous cas, ça fait super plaisir de voir des coms sur un post ciné... franchement...
Hey au fait Zibra, moi aussi j'aime fort beaucoup les aphorismes de Cantona, sans les avoir écoutés, je l'imagine avé son accent en train de les dire...
Dans cette chronique, que des films que je n'ai pu voir pour cause d'obligations professionnelles. Mais le Lars Von Trier et le Ken Loach me font sacrément envie...
Pour l'Almodovar, j'attends le prochain billet de Patrick qui ne devrait pas tarder...
Respectivement 9 juin et 7 mai (mercredi prochain) les sorties Doms... ça va on n'aura pas longtemps à attendre hein... moi aussi, je suis pressée...
27 mai, non ? Super nouvelle ! Je n'avais pas vu a programmation en salle.
@Bernard
Pour céder à des jeux de mots faciles, je dirais que Jonnhy a joué sur le tard dans un film de Johnnie To.
Mon commentaire passera inaperçu sur le film « Vengeance » de Johnnie To, car je viens seulement de le voir au cinéma, mais je veux quand même dire ce que j’ai pensé de ce film : non, Patrick, ce n’est pas un mauvais film, il faut peut-être l’avoir vu dans des conditions normales, c'est-à-dire en dehors de toute comparaison ni de compétition. Je trouve ce film très bien fait, très soigné, assez esthétisant, comme cette bataille derrière des balots de papiers à recycler, tels des boucliers des armées romaines, et sur un mirador, les patrons de la triade en train de surveiller ses troupes. Et tous ces papiers qui volètent, comme pour dire que c’est vain et perdu d’avance. Et je suis certaine que s’il a choisi Johnny Halliday, c’est justement pour les mêmes défauts qu’on lui reproche : impassibilité, aucune émotion, ni joie, ni tristesse, mais un jeu raide, et les yeux qu’on croirait seuls à être vivants. Comment voulez-vous qu’un homme qui a oublié pour quoi il devait tuer, laisse passer une émotion quelconque sur son visage ? Il sait seulement qu’il doit tuer, le nom de l’homme qu’il traque est écrit sur son revolver ! Je trouve que c’est une idée très originale et assez bien rendue.
Rosemarie :il est vrai que le tourbillon cannois peut rendre un peu expéditif et injuste le spectateur , à la reflexion et avec le recul je suis sensible à certains de tes arguments
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