31 août 2006

Le petit balayeur de la rue G…

Il est malheureux le petit balayeur de la rue G… (l’anonymat est évidemment de rigueur), comme la plupart de ses collègues que je rencontre presque quotidiennement au cours de ces longs raids piétonniers que j’effectue pour mieux sentir la ville…

Fonctionnaire municipal, il a le goût du travail bien fait et du service public. Et pourtant, il sait bien – parce qu’ils le lui disent – que les Niçois ne sont pas contents de ce qu’ils supposent être son travail.

En fait, ce que les Niçois ne savent pas toujours, c’est qu’il est victime, comme ses compagnons, de la mise en pièce du service du nettoiement de la ville par la municipalité actuelle. En l’explosant sans logique aucune entre Ville de Nice et CANCA, en le territorialisant sans préparation, en le privatisant des collines aux marchés sans discernement, Peyrat et son équipe ont réussi à casser un service public qui fonctionnait relativement bien sous les précédentes municipalités.

On ne sait plus qui fait quoi, et si, comme le petit balayeur de la rue G…, on a des suggestions à faire pour améliorer le système à la marge, des suggestions mûries par l’expérience de terrain, on vous oppose le mépris souverain de ceux qui savent à ceux qui exécutent.

Sans vergogne, le maire fustige à chaque Conseil la propension naturelle des Niçois à l’incivisme… et les 35 heures !!! Il fallait y penser : si votre rue est sale, ce n’est pas la faute à Rousseau, ce n’est pas la faute à Voltaire… mais c’est la faute à Martine !

En 2001, le programme de Nice Plurielle avait anticipé la catastrophe annoncée en proposant une réorganisation totale du service public du nettoiement et avait fait de la propreté une de ses priorités de proximité qui étaient sa marque. En 2008, compte tenu de la dégradation de l’ensemble du secteur, il faudra probablement renforcer ce programme autour d’un triptyque centralisation-déconcentration-déprivatisation et lui accorder plus de moyens quand nous avancerons le chiffrage général de nos propositions.

C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que notre petit balayeur de la rue G… retrouvera le sourire. Et avec lui, les Niçois.

29 août 2006

Le Palais Stella

Comme chaque 28 août, devant le Palais Stella, un immeuble du boulevard de Cessole, j’assiste à la commémoration de l’insurrection niçoise de 1944 organisée par l’association des amis du Musée de la Résistance.

Après les cérémonies officielles du matin, toujours un peu guindées et pas toujours bien fréquentées, j’aime retrouver militants, amis, et surtout témoins directs des événements, sur ce petit bout de trottoir, au pied de cet immeuble qui a abrité le 27 août 1944, le comité qui a donné l’ordre de l’insurrection du lendemain.

Cette année, j’ai même deux raisons supplémentaires d’être là, au milieu de la petite foule.

Tout d’abord, pour écouter Jean-Louis Panicacci, historien érudit et scrupuleux de la Résistance, réfuter avec force les thèses révisionnistes qui continuent d’être soutenues et selon lesquelles l’insurrection niçoise n’aurait été qu’un mythe inventé de toute pièce pour servir les desseins politiques du PCF. La démonstration argumentée et claire devrait suffire à clore cette mauvaise polémique. Mais, malheureusement, le révisionniste arrive souvent à s’affranchir de la raison : il n’est donc pas sûr que, l’année prochaine, Jean-Louis Panicacci ne soit pas obligé de renouveler sa démonstration…

L’autre élément qui me fait, cette année, particulièrement apprécier ce devoir de mémoire devant le Palais Stella, est que je suis revenu profondément troublé de ce voyage à l’Est où, pendant trois semaines, j’ai zigzagué entre les blessures infligées à l’Histoire et à la Géographie par le stalinisme. Me retrouver au milieu de ces femmes et de ces hommes communistes et résistants, c’est aussi me rappeler qu’en France, les militants du Parti Communiste ont souvent constitué l’armature des armées de l’ombre qui, avec les alliés, ont réussi à vaincre le fascisme.

Communistes, ils n’étaient pas pour autant des supplétifs de Staline, mais les porteurs d’un idéal de liberté et d’émancipation humaine. Un idéal qui faisait d’eux – qui fait d’eux – les héritiers des marins du Potemkine (Voir Ce matin, j’aime la marine).

28 août 2006

Le dieu Taureau et la Grande déesse


Après la grotte du Lazaret (Voir Lucie au Lazaret), c’est autour du Mont Bego que le professeur Henry de Lumley a la gentillesse de nous inviter, avec Dominique, tout un week-end pour que nous puissions suivre, en tant que conseillers généraux des Alpes-Maritimes, l’état d’avancement des travaux de son équipe en ce qui concerne le décryptage des gravures de la Vallée des Merveilles.

Une visite du remarquable Musée des Merveilles de Tende la veille (un musée qui a une véritable dimension départementale, contrairement au coûteux musée des Arts asiatiques, héritage des errements passés… et de l’entêtement présent), et nous voilà, très tôt dimanche matin, avec le professeur, l’ami Emmanuel et quelques autres, à arpenter les contreforts du mont Bego.

Le professeur est un remarquable pédagogue. Sans jamais céder à la facilité de la vulgarisation, il a le talent de vous entraîner au cœur d’une vie de recherches et de connaissances. Quant à l’explication scientifique, il veille à ce qu’elle n’efface jamais l’essentiel, à savoir l’émotion qui s’empare de vous devant ces gravures énigmatiques et pourtant terriblement humaines.

Et la journée avançant, de corniformes en réticulés, le message récurrent des hommes du Bego s’impose à vous, plus de quatre mille ans après. Il s’agit de la reconstitution du couple divin primordial, le dieu Taureau fécondant la déesse Terre afin de satisfaire le besoin d’eau de cette terre méditerranéenne.

Le nombre et la richesse des gravures sont impressionnants, les lieux ont la beauté d’un paysage de premier matin du monde. Du coup, le classement de la Vallée en Monument historique apparaît quelque peu décalé… Il est évident que l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO revendiqué par l’équipe du professeur correspondrait mieux à l’importance du site. Un combat à mener…

Dans le même ordre d’idées, on peut regretter que Nice et sa région ne valorisent que très peu l’extraordinaire patrimoine préhistorique qui est le leur. Entre Le Lazaret, Terra Amata, les Merveilles et quelques autres lieux, il y aurait certainement matière à promouvoir, en liaison avec l’Université et le Musée d’Histoire Naturelle (dont je ne cesse de demander la réouverture au public en Conseil municipal), un «Nice-Préhisoire». Un Nice-Préhistoire qui pourrait faire écho au «Nice-Ville du Cinéma» (Voir Nicecittà) que nous appelons de nos vœux, pour participer au renouveau économique et culturel de la Cité. A la réhabilitation de son image aussi.

Samedi soir, entre Musée et Vallée, nous étions hébergés au Prieuré, un superbe hôtel de Tende, au personnel à la fois sympathique et très professionnel. Un hôtel qui, en quelques années, est devenu la référence de la région. Une précision toutefois : cet hôtel est un CAT géré par l’association APREH (Association Pour la Réadaptation et l’Epanouissement des Handicapés) de notre ami Antoine Valentino. Une réussite exemplaire qui, à quelques encablures du message de nos ancêtres du Bego, démontre qu’il faut toujours avoir foi en l’être humain.

22 août 2006

Timisoara, ville ouverte

Carnet de voyage numero 8 (suite et fin)


En voulant poursuivre notre voyage par la frontiere sud et rejoindre ainsi la Roumanie, nous avons ete victimes, a la fois, de la geographie, de l'histoire, et peut-etre aussi de notre imprevoyance. De la geographie, car le delta du Danube ne permet pas, semble-t-il, l'etablissement de fontieres terrestres. De l'histoire, car des russophones mafieux de l'est de la Moldavie ayant fait secession, leur etat pirate de Transnistrie est formellement deconseille aux voyageurs qu'ils rackettent a l'occasion. Il ne nous restait plus qu'a contourner le territoire moldave pour penetrer en Roumanie par le nord, un petit detour de... cinq cents kilometres. Un detour qui nous permettra quand meme de retenir quelques images fortes...

Ainsi, en pleine nuit, Gorbatchev et son discours d'abandon de la Presidence de l'URSS, sous-titre en francais, sur l'ecran tele d'un restaurant un peu glauque sur la route de Vinnytsya.

Ce jeune homme qui saute a l'elastique sans un cri, au fond d'un canyon, vers Kamenets.

Notre voiture shampouinee a la frontiere roumaine pour cause de grippe aviaire.

Les bleus et les verts renforçant l'ocre dominant des fresques exterieures du monastere moldave de Sucevita.

La beaute classique de l'Universite de Cluj.

Les nuances infinies de vert, rappelant le pays basque, dans les montagnes de Transylvanie du nord.

Apres trois jours de voyage, c'est a Timisoara que nous achevons ce long periple. Il est vrai que cette ville du sud-ouest de la Roumanie a une place particuliere dans le Pantheon de nos souvenirs de voyage. C'est, en effet, la troisieme fois que nous lui rendons visite.

La premiere fois, au debut des annes soixante dix, Timisoara fut notre premiere etape au-dela du rideau de fer. La ville etait sombre, sale, et corsetee par la Securitate du genie des Carpates. La peur etait palpable et les contacts avec la population quasiment interdits. La nuit tombee, dans une obscurite quasi generale, l'alcoolisme prenait le relais de l'ideologie et les rues se peuplaient de fantomes titubants, sans but et sans espoir.

La deuxieme fois, nous sommes arrives de nuit dans une ville toujours aussi obscure (un comble quand on sait que c'est a Timisoara que l'on a utilise pour la premiere fois en Europe l'eclairage public electrique...!). Quelques semaines auparavant, avec sa forte minorite d'origine hongroise, elle avait ete le fer de lance de la Revolution roumaine de 1989. Pourtant le desenchantement etait deja perceptible, meme chez les plus fervents supporters de cette revolution. C'est que la these de la manipulation devenait de plus en plus plausible. Les communistes modernistes auraient utilise opposants et forces democratiques pour se debarasser de l'encombrant Conducator. Je me souviens encore de notre perplexite devant le terrain vague dit du "charnier de Timisoara" qui se revelait etre en fait un grossier bidonnage relaye par la presse internationale.

Pour notre troisieme sejour, nous retrouvons une ville tranformee. Une ville calme, gaie, presque sure d'elle-meme. Les facades se sont colorees, les cafes se sont multiplies. On n'y boit pas forcement de l'alcool. La ville se reconstruit, comme partout en Roumanie, les chantiers se multiplient, meme celui de l'extension du reseau du tramway (on n'echappe pas a son destin...). On est loin de la frenesie qui s'etait emparee de l'Espagne post franquiste, mais il emane de cette population roumaine une energie tranquille, une serenite presque nonchalante. L'Europe est pour demain, plus exactement pour l'annee prochaine.

Achever ce voyage dans cette atmosphere est un bonheur qui nous permettra d'aborder avec determination la derniere ligne droite. Celle de la traversee de la Serbie qui, depuis notre dernier voyage, a perdu le Montenegro mais garde Mladic ( le contraire aurait ete preferable), de la Croatie, aux portes de l'UE, et de la Slovenie, deja completement europenne. Puis se sera l'Italie. Et Nice. Avec des vendredi matin, rendez-vous et reunions de travail. Mais peu importe, heureux qui comme Ulysse...

21 août 2006

Ce matin, j'aime la marine...

Carnet de voyage numero 7

Vingt-cinq ans apres, quelle emotion de retrouver le celebre escalier d'Odessa, celui du "cuirasse Potemkine", le film d'Eisenstein.

Au pied de l'insolite statue de l'arriere petit neveu de Richelieu, premier Gouverneur de la ville, vetu... d'une toge romaine
(l'arriere grand tonton doit se retourner dans sa tombe), notre escalier est toujours aussi majestueux et manipulateur (plus large en bas qu'en haut, il apparait ainsi, grace a un effet d'optique, plus grand qu'il ne l'est en realite). Malgre la blessure infame de l'hotel pre-perestroika "Odessa" construit depuis notre derniere visite, au pied de l'escalier dans son prolongement sur un quai du port, on imagine toujours la terreur de la mere mitraillee qui voit le landau de son bebe devaler les marches.

Comment ne pas penser que tout cela n'etait pas qu'un film, mais le debut d'une belle histoire. Une belle histoire qui, rapidement, s'abimera dans la nuit stalinienne et les petits matins blemes entre zero et infini.

Cette histoire est celle de l'emancipation des hommes. Jamais elle ne s'achevera. A moins de nier ce tout, ce rien, qui fait de nous des humains. Et tant qu'il restera une lueur d'espoir, cela ne sera pas.

Sous le soleil d'Odessa, a l'instar de Jean Ferrat, je reste persuade qu'un jour, peut-etre plus proche qu'on ne le pense, plus jamais un "marin ne tirera sur un autre marin". A ce prix, je veux croire ce matin que j'aime la marine... Potemkine !

Ils ont oublie les Tatars...

Carnet de voyage numero 6


Le Palais de Livadia est une patisserie blanche plantee sur une de ces collines escarpees, vertes et odorantes qui tombent a pic dans la mer Noire a l'ouest de Yalta. Ce palais blanc de style Renaissance italienne matinee d'influence mauresque est celebre pour avoir abrite les quatres derniers etes de la famille Romanov. Mais si nous sommes ici, ce n'est pas pour cette raison. Si nous sommes ici, c'est que Livadia a accueilli en 1945 la celebre Conference de Yalta, celle du partage du monde entre Churchill, Roosevelt et Staline.

Dans un premier temps, a plus de quatre mille kilometres de Nice, nous sommes un peu etourdits par la charge emotionnelle que constitue une promenade dans le jardin ou le patio de Livadia a la recherche des fantomes des acteurs de la Conference.

Mais, les minutes passant, la raison prend le pas sur l'emotion. C'est Dominique qui declanche le processus en faisant remarquer que ces immenses hommes d'Etat que furent Churchill et (surtout) Roosevelt, ne se sont pas grandis en se faisant manipuler par Staline. En effet, en 1945, on en savait deja assez pour comprendre qu'en finir avec Hitler en s'appuyant sur Staline ne pouvait etre qu'un marche de dupes. Sans aller tres loin, ni Roosevelt, ni Churchill ne pouvaient ignorer que cette terre de Crimee, qui les accueillait pour la Conference, avait ete le theatre, quelques mois plus tot, d'un crime collectif perpetre par Staline et son gouvernement. A partir du 18 mai 1944, les Tatars, peuple musulman installe depuis deux cent cinquante ans dans la presqu'ile de Crimee, sont accuses d'intelligence avec l'ennemi et deportes en Ouzbekistan ou en Siberie. Sur les 250 000 deportes, la moitie moururent la premiere annee. En Crimee, leur langue fut interdite et leurs mosquees furent detruites. En fait, leur histoire, rappelle, un demi-siecle plus tard, celle du peuple Armenien, accuse, lui aussi, d'intelligence avec l'ennemi, avant d'etre deplace de force et extermine.

Ce crime contre l'humanite, Roosevelt et Churchill en avaient forcement connaissance. C'est donc deliberement qu'ils ont accepte de pactiser avec le diable en lui permettant de descendre le rideau de fer et de construire un mur de la honte.

16 août 2006

La prise de Sebastopol

Carnet de voyage numero 5

De Kiev a la presqu'ile de Crimee sur la Mer Noire, nous parcourons envron un millier de kilometres a travers la plaine ukrainienne sous un soleil de plomb (38 degres... nous sommes loin des 6 degres suisses du debut du voyage). une plaine qui joue avec un Dniepr facetieux, tantot fleuve, tantot lac, pour la plus grande joie de baigneurs qui semblent sortir tout droit d'un tableau de Fernand Leger.

En traversant ce qu'on appelait encore, il n'y a pas si longtemps, "le grenier a ble de l'URSS", nous pensons au monument de Kiev qui commemore la grande famine ukrainienne de 1932-1933. Une famine provoquee sciemment par Staline et son gouvernement pour briser les velleites independantistes ukrainiennes : "il fallait leur montrer qui etait le maitre", aurait dit un apparatchik de l'epoque. Cette demonstration de force provoqua tout simplement la mort de cinq millions d'etres humains qui tomberent rapidement dans les poubelles de l'Histoire pour cause de guerre mondiale. Une Histoire dont le grand tribunal est decidement bien clement avec les maitres du Kremlin en general et Staline en particulier.

La longueur du trajet impose une etape a Zaporitzhzhia, la capitale historique des Cosaques et de la... Zaporojetz, la rivale sovietique de la mythique Trabant est-allemande.

Arrivee enfin en Republique autonome de Crimee, avec la surprise de trouver, au-dela de la transparence de l'air et de la vegetation quasi-mediterraneenne, des frontieres en bonne et due forme ! C'est que, russophone et russophile, la Crimee a durement negocie son statut au moment de l'independance de l'Ukraine. De fait, la Crimee est aujourd'hui presque une enclave russe en territoire ukrainien. La souverainete de Kiev, bien qu'internationalement acquise, reste fragile, surtout si l'on prend en compte la question de la presence de la marine russe en Mer Noire. Un probleme de plus pour le President Ioutchenko qui doit a tout prix eviter toute situation donnant pretexte a une secession pro-russe comme cela s'est produit en Moldavie et en Georgie.

En fin de journee - de la deuxieme journee - nous rejoignons enfin Sebastopol, un moment forcement emouvant quand on sait que la ville a ete interdite aux visiteurs etrangers jusqu'en 1996.

13 août 2006

Orange givree

Carnet de voyage numero 4.



Domine par la masse imposante de l'hotel Ukrainia, la place de l'Independance est devant nous, presque familiere apres avoir ete vue tant et tant de fois a la television aux heures chaudes de la Revolution orange. Immense, cette place apparait avant tout comme une declinaison grandiose de tous les styles de l'architecture sovietique, de l'entre-deux guerres aux annees quatre-vingt dix. Pourtant, faire reference aujourd'hui a la Revolution orange sur la place de l'Independance est presque une incongruite.

En effet, il y a quelques jours, la dite revolution a pris un serieux coup de froid. Fragilise par des elections legislatives peu favorables, le President Iouchtchenko a du faire appel a son ennemi russo-poutinien, Ianoukovitch, pour occuper le poste de Premier ministre. Cette grande coalition rejette Iula Timochenko dans l'opposition et plonge les plus farouches supporters de la Revolution orange dans l'expectative.

Le climat de la place, cette apres-midi, traduit bien cette incertitude. De jeunes euro-orangistes ont plante leurs fanions et quelques tentes. L'un d'entre eux nous fait part de ses craintes. En face, c'est un veritable petit village de toile jaune et bleu qui a ete installe par les nationalistes. Un peu plus loin, des jeunes gens defendent la liberte d'expression avec vehemence, face a des passants visiblement favorables a l'ancien regime. Meme si la grande majorite de la population semble sereine, voire presque indifferente, le doute est palpable chez ces militants quant a l'avenir du pays. En fait, cet avenir repose en grande partie sur les epaules de Iouchtchenko. Que celui-ci cede trop de terrain au parti pro-russe et l'Ukraine se condamne a prendre pour dix ans les chemins de traverse de la democratie veritable. Par contre, s'il fait preuve de solidite, il peut gagner definitivement l'Ukraine a la democratie et a l'Europe, eviter une guerre civile entre les deux rives du Dniepr, et conduire au sein du GUAM (Georgie, Ukraine, Azerbaidjan, Moldavie) un vaste mouvement de democratisation regionale (il serait d'ailleurs souhaitable d'ajouter a cette liste la Bielorussie et l'Armenie, c'est-a-dire tous les Etats de l'ex-URSS occidentale et du Caucase Sud).

Resolument optimistes, nous faisons l'acquisition, sur la place meme et pour quelques hryvnas, de l'echarpe orange "Так ! Ющенко" (Tak ! Iouchtchenko). Nous faisons le pari que le President, apres avoir vaincu la dioxyne des sbires de Poutine, saura convertir son pays a la democratie et a l'Europe. En faisant oublier definitivement que Kiev n'est qu'a cent kilometres de Tchernobyl, symbole de tous les dysfonctionnements et de tous les errements passes.

11 août 2006

Voir Kiev et sourire...

Carnet de voyage numero 3

Hier matin, nous avons quitte la Pologne, ses jumeaux (inquietants), ses catholiques (fervents), ses plombiers (polonais), et sa soupe de betterave (savoureuse), pour mettre le cap sur l'Ukraine.

L'occasion de retrouver une de ces pittoresques frontieres de l'Est. Mais avec une heure et demi de formalites, nous sommes loin des records de jadis. Je me souviens encore des six heures d'attente entre Pologne et Littuanie en 1991 (inimaginable aujourd'hui : il n'y a plus de frontiere entre ces deux pays... vive l'Europe !). Quant aux vingt deux heures passees en 1979 a Kalotina, charmant poste frontiere bulgare, j'en garde un souvenir encore plus cuisant. Il est vrai qu'un incident avec les gardes frontieres de l'ami Jivkov m'avait conduit tout droit dans une cellule que n'aurait pas renie Louis XI, pour toute une nuit, et menotte de surcroit. C'est dire si cette nuit-la, j'avais largement eu le temps de mediter sur les particularismes de l'Etat de droit en Bulgarie stalinienne. Rien de tel, heureusement, cette fois-ci.

Une etape nocturne a Lviv, la grande cite historique de l'est ukrainien, et ce furent des centaines de kilometres agrementes de pluies diluviennes et de chaussees defoncees. Avec Deep Purple et Eddie Cochran pour entretenir le moral des troupes. Le long de la route, se succedaient alternativement et presque symboliquement, monuments communistes a la gloire de l'armee rouge et croix des outrages dans leur version uniate, dans une sorte de bras de fer entre l'Ukraine d'hier et celle d'avant-hier.

En fin d'apres-midi, nous arrivons enfin a Kiev, miraculeusement, le temps s'est eclairci. Et c'est sous un ciel bleu que nous entrons dans la ville de la Revolution orange. Peut-etre celle de l'Ukraine de demain.

08 août 2006

Sur les pas d'Oscar et de Veronique

Carnet de voyage numero 2 (ordi anglais, donc toujours un probleme d'accent)

Apres avoir traverse la Republique Tcheque d'ouest en est, sous des trombes d'eau (Austerlitz, seule etape notable du voyage, avait meme perdu son legendaire soleil... c'est dire...), nous arrivons a Cracovie. Pour ma part, c'est la troisieme fois en quelques mois que je passe par l'ancienne capitale polonaise. Il est vrai que, les deux premieres fois, le sejour fut rapide et le contexte tres particulier. Il s'agissait d'accompagner deux classes de collegiens nicois - une de Vernier, l'autre d'Henri Fabre - pour un voyage de la memoire a Auschwitch. Cette double confrontation entre adolescents nicois et univers concentrationnaire nazi restera d'ailleurs gravee dans ma memoire.

Aujourd'hui. le contexte est plus leger, et je retrouve Cracovie pour elle-meme et seulement pour elle-meme. Cette ville a toujours eu un statut a part. Je me souviens de voyages anciens dans ce pays, a une epoque ou l'homme de fer n'avait pas encore perce sous l'homme de marbre. Et pourtant a Cracovie, l'atmosphere etait moins stalinienne, plus legere, beaucoup plus legere qu'ailleurs. Seule ville polonaise a ne pas avoir ete detruite pendant la guerre, elle a echappe a la reconstruction et a la perte d'ame qui accompagne generalement celle-ci. Cette perte d'ame qui affecte par exemple Varsovie. Aujourd'hui Cracovie est plus jeune, plus gaie, plus europeenne que jamais, avec des musiciens a chaque coin de rue. Il est doux de flaner sur le Rynek ou sur les bords de la Vistule. Il est reconfortant de deambuler au coeur de Kazimierz, le quartier juif, rehabilite, au double sens du terme (meme si parfois, on est a la limite de la folklorisation).

Mais le cinephile, en s'impregnant de l'atmosphere si particuliere de la ville, ne peut s'empecher de poursuivre deux fantomes. Celui d'Oscar Schindler : Spielberg a tourne son film en exterieur, precisement dans le quartier de Kasimierz. Celui de Veronique (mille excuses a notre collaboratrice du Conseil general, mais ce n'est pas d'elle qu'il s'agit...), l'etrange jeune fille de "La double vie de Veronique" de Kieslowski, double parfait d'une Parisienne dont elle partage physique et destin sans le savoir.

Tout a l'heure, sur le Rynek, c'est a elle que nous avons pense, petit nuage de melancolie dans le ciel de cette ville si gaie.

06 août 2006

ČESKÉ BUDÉJOVICE


Carnet de voyage numéro 1
(sur ordi tchéque, donc excusez les fautes notamment d'accent)


Mille trois cents kilometres d'autoroutes italiennes, suisses, autrichiennes et allemandes, une nuit passée dans le poste avancé des mondialistes pas alter (Davos), la traversée d´un haut lieu de la spéculation internationale (le Liechstenstein), des températures en chute libre (de 32 á 6 degrés), mais la récompense était au bout : 48 heures á České Budéjovice, capitale et perle de la Boheme.

Au coeur de la ville, notre hotel donne sur la place centrale, soeur slave et délurée de la place des Vosges, une place pour Tintinophile, qui s'apelle Otakar II... Nous cherchons activement le sceptre !

Deux jours á parcourir la vieille ville et les chateaux environnants, á suivre la jeune Vlatva et ses promesses de Prague.

Deux jours dans cette République Tcheque, retrouvée apres tant d´années - insoutenable légereté de l´etre - démocratique et européenne.

Deux jours á méditer sur les caprices de l´histoire. Serbes, Croates et Bosniaques ne s´aimaient pas et cela a conduit aux guerres de Yougoslavie et á leur cortege de mort et de malheurs. Tcheques et Slovaques ne s´appréciaient pas beaucoup et cela a conduit au divorce de velours et á une séparation á l´amiable entre République Tcheque et Slovaquie.

Une pensée historique sous influence marxiste nous a trop souvent conduits á minorer le role des individus dans l´histoire ; aussi, il n´est pas inutile de rappeler que si les Yougoslaves ont subi Slobodan Milosevič, les Tchecoslovaques pouvaient compter sur Vaclav Havel.

03 août 2006

Emirates stadium of Saint Isidore

Que le contrat de concession du grand stade ait été la source d’un délit de favoritisme comme le suggère le Préfet, ce sera, au-delà du référé obtenu ce jour, au juge administratif de le déterminer.

Que ce même contrat soit une catastrophe pour les Finances Publiques en ce qui concerne son exploitation (cinq millions d’euros par an… pendant trente ans), est une évidence.

Mais que ce contrat soit un mauvais coup porté contre les supporters, est un argument qui est rarement développé, même si je l’évoque périodiquement au Conseil municipal.

En effet, les termes du contrat plongent inexorablement le Gym dans le monde du foot à l’anglaise, un monde qui exclut les supporters les plus modestes et souvent les plus sincères au profit des plus fortunés (avec l’ami Della Sudda, nous savons de quoi nous parlons : nous venons de nous abonner pour la quatrième année aux populaires sud).

En effet, comme l’ont relevé à la fois le Préfet, Jean-François Knecht et Nice Plurielle, le contrat de concession ne donne aucune indication sur le futur prix des places. C’et dire si l’exploitant privé a carte blanche pour pratiquer des tarifs à l’anglaise. Il faut savoir qu’Outre Manche le prix des places est si prohibitif que le stade est devenu un luxe réservé aux riches. Quant à ceux qui le sont moins, ils se contentent de regarder les matchs dans un pub, devant un écran de télévision.

La concession du grand stade (une première en France en ce qui concerne l’exploitation) porte en germe un changement profond de la nature de notre football. On peut l’approuver, ou même le souhaiter. Pour ma part – et je sais que c’est l’avis des supporters véritables – elle me consterne. Ce foot à l’anglaise, avec ses tarifs prohibitifs, son marchandising abrutissant, et ses cotations en Bourse, n’est pas le mien.

Depuis quelque temps, Nice Première demande aux Niçois de se prononcer sur le nom du futur grand stade. Si le contrat actuel est appliqué, cette réflexion n’aura pas lieu d’être. Le stade ne s’appellera jamais Garibaldi, les Aiglons, ou Tony Bessy, mais « Emirates stadium », comme de puissants sponsors l’ont imposé à l’équipe d’Arsenal. Ou « Phillips » comme à Eindhoven. Ou Coca Cola.

Dire non au grand stade à la sauce Peyrat, c’est défendre la loi républicaine, l’argent des contribuables, mais aussi et avant tout les supporters. Et après tout, cette saison, c’est bien au Ray que nous espérons voir le Gym se qualifier pour la Champions League.

02 août 2006

Nicecittà


Deux bonnes nouvelles dans le paysage cinématographique niçois en ce début d’été :
- d’une part, le tournage du film « Mister Bean 2 » qui peut amorcer une relance des studios de la Victorine en grande difficulté ces dernières années ;
- d’autre part, la nomination, par la direction du groupe Euro Media-SFP qui a la gestion du site depuis 2000, de Dana Théveneau comme directrice. Dana Théveneau est la créatrice d’une des premières « Commissions du film » en France (celle du Var) et est respectée par la profession.

Mais ces deux nouvelles, aussi aimables soient-elles, ne remettent pas en cause le constat navrant que je dénonce depuis de nombreuses années, que ce soit à la tribune du Conseil municipal ou à celle du Conseil général, après l’avoir fait, à la fin des années quatre-vingt à Marseille, quand j’étais conseiller régional.

Nice est historiquement, culturellement, géographiquement la ville du cinéma. Malgré ses atouts, elle est marginalisée par le Festival de Cannes et par toute une série de villes et de régions qui ont su s’adapter. Vérifiez sur les génériques de films récents le nombre de tournages en pays de Loire, Rhône-Alpes… ou Nord-Pas-de-Calais.

Il est – il sera – donc impératif de lancer une grande politique en la matière. Pour des raisons économiques d’abord : le cinéma et ses dérivés peuvent générer un nombre important d’emplois et produire une activité soutenue déconnectée des périodes touristiques. Pour des raisons d’image, ensuite : le cinéma est un formidable vecteur de communication et d’image. Mais aussi et peut-être surtout pour provoquer et accompagner une révolution culturelle dont la ville a bien besoin pour devenir la grande cité ouverte et moderne que nous appelons de nos vœux (la « movida à la niçoise »).

Pour cela, un plan d’envergure est nécessaire, un plan pas forcément très coûteux pour les finances publiques, mais exigeant un grand volontarisme politique.

1) Mise en place d’une Commission du Film (au niveau de l’agglo par exemple) qui ne soit pas – comme c’est le cas actuellement – sous la coupe de la Chambre de commerce, mais gérée par des professionnels véritables.

2) Plan de relance des studios de la Victorine avec un cahier des charges interdisant la location de mètres carrés pour d’autres activités que celles liées au cinéma.

3) Partenariat avec l’ESRA (école professionnelle privée) pour valoriser les formations de techniciens du cinéma prises en charge par cette école ; un accord avec l’UNSA serait d’ailleurs peut-être souhaitable au niveau des métiers et des formations.

4) Sortir la cinémathèque de son ghetto en lui donnant une véritable dimension nationale ; en lui permettant, par exemple, d’organiser de grandes expositions (un peu comme la superbe expo sur Almodovar que je viens de visiter, il y a quelques jours, à Paris, à la Cinémathèque Nationale). Ici aussi, une entente avec l’UNSA (sur le contenu) serait un plus.

5) Développer un pôle « cinéphile » Mercury-Magnan en s’appuyant sur le tissu associatif particulièrement dynamique de notre ville en matière cinéphilique. Pour le Mercury, il suffirait de s’inspirer du projet du collectif « Cineac » ; pour Magnan, de donner les moyens à la dynamique équipe actuelle de consacrer l’essentiel de sa programmation au cinéma ; et bien sûr de créer une synergie entre les deux.

6) Provoquer un partenariat avec le FIF de Cannes. Il est anormal que Nice ne touche aucun dividende de la manifestation cannoise. La délocalisation d’une ou plusieurs sections parallèles pourrait être une bonne amorce (pas obligatoirement en exclusivité d’ailleurs).

7) Relancer, avec des professionnels confirmés, le Festival du cinéma italien qui avait eu un grand succès à Nice dans les années quatre-vingt, avant de mourir à cause de l’incompétence et de la corruption de ses organisateurs. Le cinéma italien étant de moins en moins distribué en France, ce festival aurait de grandes retombées dans la presse nationale et internationale. Cette manifestation pourrait être réalisée – comme c’était le cas autrefois – en partenariat avec les exploitants de la ville (de l’agglo ?).

Prises séparément, ces mesures sont sympathiques mais insuffisantes. C’est leur mise en place simultanée qui est susceptible de provoquer une dynamique elle-même productrice d’autres initiatives.

Et en forme de clin d’œil à la dernière mesure préconisée, pourquoi ne pas appeler ce concept de Nice, ville du cinéma : « NICECITTÀ» ?