29 mai 2006

Les vingt-quatre dernières marches

Cette ultime montée des marches est plutôt "molassonne". S’il n’y avait pas le sourire de Cécile (de France) et la robe "orange Malibu" de la bombe latino de Desperate housewives, on en viendrait presque à regretter l’effort, pourtant modéré, qu’exige l’ascension des vingt-quatre mythiques marches qu’exige l’escalier cannois.

Heureusement, le palmarès concocté par le jury présidé par Wong Kar Wai est d’un tout autre tonneau. Probablement le palmarès le plus intelligent de ces vingt dernières années, compte tenu de la sélection plutôt moyenne qui était proposée en 2006.

La Palme d’or pour Ken Loach a surpris. À la réflexion, elle est presque aussi logique que celle qu’on promettait à Almodovar. Voilà deux immenses réalisateurs, fidèles à Cannes, et qui n’avaient encore jamais eu la Palme d’or. De plus, le film primé (Le vent se lève) est un des meilleurs du réalisateur britannique, même si son thème – la guerre d’indépendance irlandaise – est très situé. La réflexion qu’il conduit sur ce type de conflit est universelle. Ce soir, Loach était content, il l’a dit sur scène. En fait, c’est le FIF qui doit être honoré d’avoir inscrit Loach à son palmarès.

Le Grand prix est généralement la Palme des cinéphiles, par opposition à la Palme d’or généralement promise à un film plus facile. Récompenser une nouvelle fois, quelques années après l’Humanité, Dumont pour son magnifique Flandres, n’est que justice. C’est aussi faire la démonstration que le cinéma français, ce n’est pas que Danièle Thomson et Nicole Garcia.

Le prix de la mise en scène pour Babel est logique dans la mesure où le réalisateur a réussi avec virtuosité à nous offrir trois films pour le prix d’un.

Quant au prix du jury pour Red road, première œuvre de la réalisatrice Andrea Arnold, il complète à juste titre le triomphe mérité du cinéma britannique.

Si le lot de consolation du prix du scénario pour Almodovar est à la limite de l’indélicat (pourquoi pas le prix des industries techniques…), récompenser collectivement les six actrices de Volver est une idée géniale pour ce film qui parle si bien des mystères de l’Eternel féminin.

Autre superbe idée : honorer la générosité d’Indigènes en primant ses interprètes. Au delà du travail des acteurs, il est évident qu’on a voulu rendre hommage à des artistes citoyens qui n’ont pas hésité à s’engager, y compris financièrement, pour faire aboutir ce projet. C’est qu’effectivement les Africains revenaient de loin…

En résumé, une Palme d’honneur à Wong Kar Wai. Et un grand prix spécial du pronostic à Michel le Marseillais et à son tiercé presque dans l’ordre.

N’oublions pas toutefois, le film de clôture :

Transylvania, de Tony Gatlif (France)

L’errance zigzagante et « tziganante » d’une jeune marginale italienne dans la Roumanie profonde. Quelques jolies scènes (comme celle qui montre que l'ours ne pose pas des problèmes que dans les Pyrénées...), mais, à l’arrivée, un film assez artificiel. Même avec la musique tzigane, Tony Gatlif n’est pas Emir Kusturica, mais cela, on le savait déjà…

De toute façon, depuis le cultissime Thelma et Louise, rares sont les films de clôture qui ont passé la rampe.

28 mai 2006

Nettoyer les écuries d’Augias


Probablement accaparé par le Grand Prix de Monaco et le Festival de Cannes, Nice-Matin n’a pas relayé (hormis quelques commentaires à chaud) ma réaction à la Conférence de presse du sénateur maire intitulée les «Dix travaux d’Hercule de la Municipalité». En voici donc l’essentiel.

Avec une conférence de presse grand spectacle sur les dix chantiers de la Ville de Nice, Jacques Peyrat reproduit à l’identique l’opération du plan décennal proposé en 2000 avant les précédentes élections municipales. En fait, il s’agit de mélanger des projets très différents, certains étant achevés ou en voie de l’être, d’autres ne constituant tout au plus que des perspectives lointaines. Cette pure opération de communication est toutefois assez révélatrice sur le fond : aucune perspective d’ensemble, aucune vision véritable de la ville de demain, aucun plan sérieux de financement (confusion entretenue entre les réalisations de la ville et de la CANCA, alors que le contribuable, in fine, est pour l’essentiel le même…) et surtout, aucune réponse aux besoins de proximité et de qualité de vie des Niçois. Et c’est alors qu’apparaît le message subliminal de tout cela : « Niçois, faites-moi confiance, le bonheur est au bout du chemin, à condition que vous me réélisiez en 2008… ».

Et tant qu’à évoquer les travaux de ce brave Hercule, je propose au sénateur maire de ne pas se disperser en se concentrant sur l’un d’entre eux : le nettoyage des écuries d’Augias. Mais il est vrai qu’Augias lui–même n’est peut-être pas le mieux placé…

27 mai 2006

Pour un flirt avec toi…



Quand j'étais chanteur




CANNES (suite)

Entre les copies à corriger, mon cent onzième mariage, l’hommage à Jean Moulin (villa Thiole), et l’apéro de la permanence, la fin de semaine est bien occupée. Mais grâce à une bonne organisation, j’arrive quand même à sauver trois films sur Cannes.


Quand j’étais chanteur, de Xavier Giannoli (France)


Une bonne surprise avec ce film sans prétention, mais pas sans ambition. Alain (Gérard Depardieu retrouvé) rencontre Marion (Cécile de France épatante) : il est chanteur de bal et tombe amoureux de cette jeune divorcée pas tout à fait indifférente à ce gros nounours généreux et rassurant qui débarque dans sa vie. Malgré la différence d’âge et de milieu, cette histoire d’amour-amitié reste crédible jusqu’à sa double fin, une pessimiste, une optimiste. En effet, le réalisateur renoue avec une pratique courante à l’époque de Duvivier et de Renoir, la différence essentielle est que Giannoli nous propose ces deux fins à la suite l’une de l’autre : au spectateur de faire son choix. Mais pour moi, ce film est surtout une sorte de réhabilitation d’un personnage souvent maltraité par notre cinéma : le chanteur populaire. Lui qui, si souvent, est victime de procès en sorcellerie pour ringardise, apporte tout simplement, de bals de quartier en mariages, un peu de bonheur à ses contemporains. Quand Alain attaque «Pour un flirt avec toi» ou roucoule «Vous les femmes», c’est à ces artistes anonymes, modestes et dignes qu’on pense. En fredonnant avec lui ces refrains populaires, c’est un peu comme si on retrouvait, dans ce monde si sophistiqué du Festival, le temps de l’innocence.


United 93, de Paul Greengrass (USA)

Un film document sur l’histoire du Boeing 757 de l’United airlines qui s’est scratché le 11 septembre 2001 en Pennsylvanie, à la suite de la révolte des passagers qui avaient compris, via leurs téléphones portables, qu’ils allaient être transformés en arme fatale contre la Maison blanche. L’histoire se passe quasiment en temps réel et l’on a parfois l’impression d’être dans un épisode de 24 heures chrono. Bien sûr, ici, jamais Jack Bauer n’arrivera. Sur la forme, le film montre sans jamais démontrer. C’est sa force. Sur le fond, nous sommes consternés par l’impréparation des Etats-Unis face à une attaque terroriste pourtant prévisible. Nous sommes aussi émus par la force de caractère de cette poignée de passagers qui n’ont pas voulu mourir en otages.


El laberinto del fauno (Le labyrinthe de Pan) de Gullermo del Toro (Espagne)

L’OCNI (Objet Cinématographique Non Identifié) de ce Festival, une sorte de conte de fées sur fond de guerre civile espagnole. Les pérégrinations d’Ofelia, la petite fille qui se voit imposer par sa mère un beau-père odieux et sadique, c’est l’histoire de la petite sœur d’Harry Potter chez les Moldus franquistes. Les monstres qui peuplent l’imaginaire de l’héroïne ignorent avec dédain les effets spéciaux qui envahissent désormais nos écrans. Ils nous rappellent plutôt les créatures qui, dans les années cinquante, se trouvaient dans les films d’aventure qui passaient dans les cinémas de quartier. C’est parfois kitch, c’est souvent poétique (une mention spéciale pour le monstre qui a les yeux encastrés dans les paumes de ses mains… un amour !!). Et puis, à la fin, les partisans républicains ratatinent les franquistes. Il paraît que ce n’est pas tout à fait historique, mais ça fait du bien. Surtout en fin de Festival.


Justement, à propos de fin de Festival, le temps des pronostics est venu. Sans rentrer dans les subtils équilibres politico-artistiques qui président à la confection de tout palmarès à Cannes, je me contenterai de donner mon tiercé :

1- Volver, car Almodovar mérite de figurer au palmarès de Cannes. Deux fois Bill August et jamais Almodovar, ça fait un peu désordre.

2- Flandres, parce que je suis un inconditionnel de Dumont depuis L’Humanité et qu’un festival populaire peut aussi récompenser des films exigeants.

3- Summer palace, ce film chinois émouvant et résolument moderne, peut-être la vraie révélation de ce festival.

Cela dit, Les lumières du faubourg et La raison du plus faible, ce n’était pas mal non plus.

Pour Michel le Marseillais, le tiercé commence aussi par Volver, mais se poursuit avec Babel et Le vent se lève.

Pour Dominique, Almodovar est aux abonnés absents et laisse sa place à Summer palace, Flandres et Indigènes (mais Nanni Moretti et Il caimano, c’est aussi un grand moment).

25 mai 2006

C’est nous les Africains…

Indigènes
CANNES (suite)

Mercredi

Après le traditionnel petit-déjeuner à l’ex Noailles avec Michel, un fidèle de la filière marseillaise de Nice centre – au programme, commentaire des films de la veille et des avatars des fédés PS des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes – nous partons, dès huit heures du matin, à l’assaut des salles obscures. Au menu du jour :


Marie-Antoinette, de Sofia Coppola (USA)

Je me souviens, il y a quelques années, avoir assisté, assis à côté de Faye Dunaway (il y a des détails qu’on n’oublie jamais), à la première de «The virgins suicides». A l’époque, j’avais été impressionné par cette plongée quelque peu hallucinante dans le monde de l'adolescence de cette frêle jeune femme qui avait fait une courte apparition sur la scène du Noga Hilton après la projection. J’attendais donc avec impatience sa Marie-Antoinette, précédée, qui plus est, d’une flatteuse réputation.. On allait voir ce que l’on allait voir : une version glam rock du boulanger, de la boulangère et du petit mitron, un «Phantom of paradise» de la Galerie des glaces, peut-être même une sorte de «In bed with Marie-Antoinette». La déception n’en est que plus vive. Que voit-on à l’écran ? Une actrice un peu fade (Kirsten Dunst) jouant une Marie-Antoinette convenue : adolescente perdue, puis jeune femme mal-aimée, et enfin, quand s’engage la lutte finale, une reine digne. Rien ne vient déranger nos certitudes voire nos préjugés sur le personnage. Et ce ne sont pas les quelques rocks-menuets qui ponctuent musicalement certaines scènes, qui risquent de faire basculer le film dans la folie et la démesure. Enfin, quand le personnage de Marie-Antoinette avoue n’avoir jamais prononcé la célèbre phrase sur la pain et la brioche, je sens bien que Dominique, qui l’avait utilisée au cours de son débat avec Christian Estrosi (voir «Million dollars baby»), est un peu déçue… elle aussi !


La raison du plus faible, de Lucas Belvaux (Belgique)

Un petit groupe de paumés, véritables pieds nickelés de la désespérance, organise son suicide social. Sans travail, sans espoir, sans avenir, ils décident de faire un hold-up à l’ancienne (la dispersion des billets dans la dernière scène du film rappelle le classique «Mélodie en sous-sol» (voir «C’est du brutal») pour pouvoir sourire à nouveau. Ce hold-up improbable tourne évidemment à la tragédie, un des protagonistes perdra même la vie. Lucas Belvaux filme avec talent ce no future liégeois, à mi-chemin entre le cinéma social anglais et les frères Dardenne : moins engagé que le premier, plus que les seconds. C’est aussi un acteur remarquable : sa prestation d’ex-taulard plus ou moins repenti en fait un prétendant crédible pour le prix d’interprétation.

Le film ne laissant que peu de place à l’espoir, c’est un peu morose que je retrouve mes étudiants pour leur faire subir quelques épreuves orales… Qu’ils se rassurent, leurs notes n’ont pas subi les conséquences de ce coup de blues.


Jeudi

L’amico di famiglia (l’ami de la famille), de Paolo Sorrentino (Italie)

Le premier film présenté à Cannes en 2004 («Les conséquences de l’amour») de ce probable lointain cousin de mes amis Ange et Eugène, m’avait plutôt laissé une bonne impression. Un mafieux âgé tombait amoureux d’une très jeune femme et – si mes souvenirs sont bons – il mourrait pour elle. Dans L’ami de la famille, on retrouve le même schéma avec un vieil usurier, laid, sale, et radin, qui séduit une jeune mariée qu’il ne faut pas toutefois confondre avec une oie blanche. Cette nouvelle version de la Belle et de la Bête, en effet, tourne court, la Belle se révélant au moins aussi Bête que la Bête. La réalisation, un peu maniérée et très symbolique, rappelle le cinéma des années soixante-dix, un cinéma qui n’arrivait pas vraiment à émouvoir. Reste à saluer l’acteur Giacomo Rizzo, une tête à claques qui a quand même une sacrée gueule.


Indigènes, de Rachid Bouchareb (France)

En compagnie d’Esmeralda et d’Ibrahim, un jeune couple que j’ai marié l’an dernier, nous assistons à la projection de ce film, lui aussi très attendu.

A travers l’épopée d’un petit groupe de soldats marocains et algériens, le réalisateur évoque l’engagement de cent trente mille "indigènes" dans l’armée française pour libérer la mère patrie de l’envahisseur nazi. Exclus de la citoyenneté républicaine, ils répondent pourtant présents pour sauver la République. Le petit groupe traverse l’Afrique du Nord, l’Italie, la Provence, pour échouer, et être pratiquement exterminé, en Alsace. Même si la réalisation est plus qu’honorable, dix fois plus subtile que celle d’un Boisset, il y aura certainement des petits malins pour dire que Rachid Bouchareb n’est ni Oliver Stone, ni Stanley Kubrick… Et alors ? C’est le rôle du Festival que d’offrir de temps à autre un de ces films coups de gueule qui dénoncent, qui interpellent, et qui parfois – comme c’est le cas ici – nous convoquent au tribunal de l’Histoire. La dernière scène du film, où l’on voit le survivant de l’hécatombe alsacienne devenu chibani se mouvoir au milieu des tombes de ses compagnons de lutte avant de regagner, solitaire, sa modeste chambre d’immigré toléré, est à diffuser en prime time sur toutes les chaînes de télévision en ces temps de colonisation fraîche et joyeuse et d’immigration choisie.

Le générique s’achève. La salle applaudit chaleureusement. Dans son coin, Ibrahim est songeur. Peut-être pense-t-il à son grand-père… tirailleur sénégalais.

24 mai 2006

L'eau de là...




Couverture du catalogue de l'exposition de photogrammes de Simon Couvin,
"Naturale spectrum", qui s'est tenue ces deniers mois au parc Phoenix







Fidèle à mes habitudes, c’est hors vernissage que je visite « l’exposition des collégiens » au Théâtre de la Photographie. Arrivé dès l’ouverture, je suis seul dans les salles du musée pour admirer la production de nos jeunes artistes.

L’ensemble est impressionnant ; au passage, je remarque notamment les productions d’Henri Fabre et de Beau-Site (un spectaculaire panoramique du chantier du tramway le long de l’avenue Jean Médecin).

Mais c’est évidemment devant les productions de "mon" collège Vernier (site du collège) que je m’attarde un peu. Et je dois avouer – au delà de tout chauvinisme – que je suis bluffé par deux collections de photos.

La première, intitulée « Les objets perdus », a été réalisée à partir de récits d’élèves qui relatent la perte d’un objet… ou d’un être cher. Cette narration est d’ailleurs mise en perspective avec une visite réalisée par l’ensemble de la classe au service des « Objets trouvés ». C’est la 6e 5 de l’enthousiaste Liliane Lanzi (que je croise souvent au hasard des conseils d’administration du collège) qui a réalisé cet ensemble esthétiquement très réussi. Le photographe Simon Couvin, artiste à la fois éducateur et citoyen, a inspiré cette série sur ce thème qu’il affectionne (« la perte ») et selon une technique devenue sa spécialité (« le photogramme »). Les profs d’arts plastiques, Nathalie Wentworth et Karine Sanchez, ont également contribué à cette série de photogrammes à la fois "floutés" et sombres qui plongent le spectateur dans une méditation nostalgique sur ses propres « objets perdus »… Je suis sûr que toutes ces évocations – par exemple le ballon bleu d’Anthony, le grand-père turc ou la dent de requin de Nicolas – resteront gravées longtemps dans nos mémoires.

Dans la pièce d’à côté, nous retrouvons la production de la classe FLS de Jean-Claude Roy, le "Monsieur Intégration" du collège. Intitulée « L’eau de là… » et artistiquement encadrée une fois de plus par Simon Couvin, cette autre série est beaucoup plus colorée. Utilisant des techniques différentes, elle illustre, dans une dominante bleue, avec de la vitalité, de la joie de vivre, et même un peu d’humour, le petit poème qui sert d’introduction à l’expo :

« l’eau
la mer, les lacs
l’océan, les rivières
les cascades, les étangs
l’eau c’est comme trop
je ne peux pas dessiner l’eau
je peux juste faire quelqu’un qui la regarde… »

Et oui, jeunes artistes de Vernier, et si l’eau était tout simplement le miroir de l’âme ?

23 mai 2006

La gare du Sud s’invite au FIF

Flandres

CANNES (suite)

Au hasard d’un entre film, je croise Renaud Donnedieu de Vabres, le ministre de la culture, qui rend visite au pavillon de la Région Ile de France. Or, il se trouve que ce ministre-là est le seul qui trouve grâce à mes yeux dans l’actuel gouvernement. Il est en effet le ministre du classement définitif de la gare du Sud.

Ce long combat de quatre ans dont je suis si fier, ce fut d’abord cette complicité avec une population qui voulait conserver sa mémoire, ce travail acharné de mobilisation avec Momo Rafaï, Louis Delanef et les associations, ce soutien indéfectible de Wanda Diebolt, la directrice du Patrimoine d’origine niçoise, et bien sûr cet engagement courageux de Catherine Tasca (qui, après la réunion de travail que nous avions eu rue de Vallois, n’hésita pas à prendre les premières mesures de classement qui évitèrent la démolition).

Mais ce long combat, ce fut aussi la décision de ce ministre UMP contre un maire de son propre camp. Un ministre qui ce jour-là a agi en représentant de la République et non en homme politique partisan. Et quand un ministre de droite complète le travail d’un ministre de gauche, le républicain qui cohabite en moi avec le militant a le sourire.


Les films du jour :

Il Caimano (Le Caïman), de Nanni Moretti (Italie)

Il est de bon ton de comparer le film de Moretti avec Fahrenheit 9/11 de Michaël Moore, palme d’or il y a deux ans. La différence est pourtant essentielle. Fahrenheit n’était pas un film, Le Caïman en est un… et quel film ! Un film qui prend d’emblée le spectateur à contre-pied : c’est moins un pamphlet contre Berlusconi qu’une interrogation navrée sur l’extraordinaire lâcheté collective qui a permis ce déni de démocratie qu’a été la prise du pouvoir en Italie par le Cavaliere. C’est l’histoire de ce renoncement qui est racontée à travers la rédemption difficile de l’exécrable producteur Bruno Bonomo, véritable Ed Wood à la sauce Cinecitta, qui – héros malgré lui – se trouve en première ligne en produisant un film sur le Caïman. Comme toujours chez Moretti, l’histoire intime télescope la grande histoire. Une grande histoire qui se révèle glaçante dans la dernière scène du film qui suggère que le berlusconisme n’est, ni plus ni moins, que l’antichambre d’un nouveau fascisme.


Laitakaupungin valot (Les lumières du faubourg) d’Aki Kaurismäki (Finlande)

Sur le tapis rouge, pendant la montée des marches, Aki Kaurismaki esquisse un pas de danse avec une de ses interprètes (sur un air de Carlos Gardel, "Volver"… tiens, tiens). Cette scène décalée et sympathique nous arrache un sourire avant la projection du film. Ce sera le dernier avant bien longtemps. Il est vrai que l’histoire de Koskinen, le vigile solitaire, n’est pas vraiment une comédie. Ignoré de tous, Koskinen finit par devenir étranger à lui-même. A chaque fois qu’il essaie de renouer avec la société des hommes, il est rejeté et renvoyé à sa solitude. Pour couronner le tout, il sera trahi par la seule femme qui était susceptible de lui permettre de trouver sa place au soleil, une petite place, sous un pauvre soleil. Ce film est un nouveau et magnifique portrait de marginal qui enrichit cet univers si particulier que nous offre Kaurismaki film après film. Un univers impitoyable pour les faibles, un univers où les rayons d’espoir sont aussi ténus que ceux d’un soleil d’hiver dans la banlieue blafarde d’Helsinki.


Flandres
, de Bruno Dumont (France)


Les gens du nord ont, paraît-il, dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors. Chez Bruno Dumont, ce n’est pas toujours très évident. Demester et Barbe sont amis d’enfance, vaguement amants (là c’est 24 secondes chrono !!), mais incapables d’exprimer autre chose qu’une indifférence réciproque. Pourtant, leur non histoire conduira l’un dans l’enfer de la guerre, l’autre aux portes de la folie. Après Yu Hong et Zhou Wei, les étudiants chinois du premier jour, c’est le nouveau drame de l’incommunicabilité de la sélection. Seule différence, celui-ci se terminera bien. Dumont, impeccablement soutenu par la région Pas-de-Calais, poursuit, sept ans après L’humanité (prix de la mise en scène en 1999), son observation des sillons bourbeux de l’âme rurale nordiste. C’est beau comme l’Antique, souvent émouvant, et très loin de la prétention du tout venant de la production française actuelle.


Babel, d’Alejandro Gonzalez Inarritu (USA)


Synthèse audacieuse du mythe de Babel et de l’effet papillon, du Maroc au Mexique, en passant par les Etats-Unis et le Japon, le film témoigne des conséquences désastreuses d’un acte lié à la susceptibilité d’un jeune berger marocain. Beaucoup de sang, de sueur et de larmes dans un film qui aurait pu être sponsorisé par Europe Assistance. Mais au final, le spectateur a le sentiment que dans ce monde si complexe et si dangereux pour tous, on s’en tire mieux en étant Américain ou Japonais qu’en étant originaire d’un pays du Sud. N’est-ce pas Brad ? Le récit est peut-être un peu trop démonstratif mais il n’est pas manichéen. Quant à Alejandro Gonzalez Inarritu, il a beaucoup de talent : quand le mot fin apparaît, on a le sentiment d’avoir assisté à trois (bons) films différents. Malgré l’effet papillon.

22 mai 2006

Podgorica mon amour !

Il y a deux ans, des Bouches de Kotor à Podgorica, la capitale historique (ex-Titograd… tout un programme !), nous avions traversé le Monténégro dans le cadre d’un voyage dans les Balkans. A l’époque, nous pouvions déjà envisager le résultat prévisible d’un referendum inéluctable, tant la rupture administrativo-politique était visible entre la Serbie et son dernier allié fédéral.

Prévisible, le résultat de ce referendum n’en est pas moins dommageable, extrêmement dommageable, pour l’avenir de la région. Le dépeçage de la Serbie peut entraîner à terme la prise du pouvoir par l’extrême droite à Belgrade. L’indépendance du Monténégro officialise à court terme celle du Kosovo qui relancera à son tour la question albanaise. En effet, comment deux Etats albanais indépendants pourraient-ils cohabiter sans se poser la question de la Grande Albanie ? Comment ne pas penser que la minorité albanaise de Macédoine exigera à son tour de rejoindre cette future Grande Albanie ? Des conséquences sont également prévisibles en Bosnie. Comment refuser à la République Serbe de Bosnie, l’indépendance accordée au Monténégro et surtout au Kosovo ? Et de l’indépendance au rattachement à la mère patrie, n’en doutons pas, le pas sera vite franchi. Dans la foulée, les Croates de l’autre république bosniaque, obligés de cohabiter avec les Musulmans, exigeront à leur tour une Grande Croatie avec Zagreb. Tous ces bouleversements feront d’ailleurs des Musulmans de Bosnie les victimes définitives de ces conflits balkaniques.

Dire qu’une fois de plus l’Union Européenne a manqué d’autorité dans cette affaire est un doux euphémisme. Elle est en train de renouveler en 2006, avec la Serbie, les erreurs commises dans les années quatre-vingt-dix avec la Yougoslavie. On se souvient des conséquences.

Pourtant, l’objectif de l’ensemble des populations de la région est incontestablement d’accéder à une certaine prospérité par la voie européenne. Il fallait donc tenir en l’occurrence un discours très ferme sur la démocratisation d’une Serbie-Monténégro maintenue, en échange d’un calendrier précis et généreux d’adhésion. Par cette politique de la main tendue, l’UE avait tout à gagner : renforcement des forces démocratiques dans la région en général, en Serbie en particulier, déminage ethnique des Balkans, et à terme… de grandes économies.

Une fois de plus, victime des égoïsmes nationaux et de la susceptibilité des chancelleries qui ne veulent pas renoncer à leur puissance de jadis, l’Europe ne sera pas au rendez-vous des Balkans. C’est-à-dire avec elle-même.

21 mai 2006

Florence et Pénélope

Flo, a star is born

Faisant une exception à notre principe de non participation aux mondanités pour cause de cinéphilie pure et dure, nous nous rendons au Majestic pour le brunch proposé par Jean-Paul Huchon et la région Ile de France. En fait il s’agit de retrouver celle qui a organisé l’événement, à savoir Florence, la plus emblématique des représentants de la diaspora de la section Nice Centre du PS.

Tournant le dos à une brillante carrière juridique (elle était l’étudiante de Dominique… et de son père, l’avocat Jean-Pierre Gastaud), Flo a préféré se consacrer à la chose publique et à l’intérêt général. Très vite, elle deviendra la plume du Président de la Région, avant d’obtenir des responsabilités importantes dans le domaine de la culture. Fidèle parmi les fidèles, elle ne manque pas de nous fournir informations et analyses en provenance directe des allées du pouvoir qu’elle fréquente avec humour et distanciation. J’espère simplement qu’elle aura rapidement l’occasion de faire profiter sa ville natale de son talent et de son expérience…

Mais foin des mondanités ! Le Festival, c’est avant tout le cinéma.


Southland tales, de Richard Kelly (USA)

Pas grand-chose à dire sur ce film pourtant très long (deux heures quarante). Une esthétique et un scénario très broche de l’univers des BD post Enki Bilal. Une grande ville, dans un futur très proche, des méchants qui défendent le pouvoir et des secrets inavouables, des gentils mi-écolos, mi-déjantés qui veulent sauver le monde, des entre-deux qui forcément hésitent (tiens, c’est un peu comme en politique…) et une fin limite New Age. On a déjà l’impression d’avoir vu plusieurs fois cette histoire (Le cinquième élément ?). Heureusement qu’un peu d’humour permet d’oublier parfois la vacuité du propos.


Volver, de Pedro Almodovar (Espagne)


En fin de journée, nous rattrapons le film vedette de ce début de festival dans une salle niçoise.

Les films de Pedro Almodovar sont avant tout, comme ceux de Woody Allen ou d’Eric Rohmer, des contributions à un univers. Volver (Revenir), c’est d’abord cela : une touche supplémentaire à ce monde coloré, insolite, passionnel et terriblement espagnol de celui qui restera toujours le cinéaste symbole de la movida. L’histoire, comme souvent chez Almodovar, est faussement naïve, à la limite du conte de fées. Sans en révéler le contenu, on peut dire que dans Volver les morts ont bien mérité leur mort. Quant aux vivants, malgré leurs secrets pas toujours très avouables, ils gagnent le droit de survivre et peut-être même de vivre et d’être heureux. Mais surtout, au-delà de l’histoire, il y a l’émotion. Emotion causée par un regard, une réplique, quelques notes de musique… Jamais par la grande scène fabriquée que le réalisateur se refuse toujours. Dans chacun des films d’Almodovar, il y a un moment où notre gorge se noue : Volver n’échappe pas à la règle.

Volver est aussi un magnifique film sur les femmes, sur leurs secrets, leur complicité, leur générosité. Leurs cris et leurs chuchotements. Almodovar les aime tellement qu’il a réussi à faire d’une actrice bimbo une superbe Sophia Loren de la Mancha… Bravo Pénélope, tu as bien fait de quitter ton scientologue hollywoodien, l’Espagne te va bien au teint !

Volver

20 mai 2006

Les remords de Jackie…

Red road, d'Andrea Arnold

CANNES (suite)

Fast food nation de Richard Linklater (USA)

Une dénonciation sans équivoque du système qui produit la malbouffe : immigrés exploités, élevages surpeuplés, abattoirs "fordisés" et, au bout de la chaîne, nourriture souillée… Linklater n’y va pas avec le dos de la cuillère ; son pamphlet écolo répertorie, en une heure cinquante-quatre, tous les dysfonctionnements d’un système où les consommateurs eux-mêmes se font consommer par une industrie vorace. C’est d’ailleurs cette accumulation qui pose problème, le film apparaît parfois manipulateur, parfois too much (l’histoire des trois immigrés clandestins renvoie Zola à la bibliothèque rose). C’est d’autant plus regrettable que tout ce qui est dénoncé est juste et authentifié par l’actualité.

Cela dit, envoyez vos enfants voir ce film : peut-être que leur enthousiasme pro Mac Do va se refroidir… On peut toujours rêver ! En ce qui me concerne, dès la fin de la séance, ayant retrouvé mon ami Richard et sa femme Véro dans un restaurant proche de la rue d’Antibes, c’est avec une certaine véhémence que j’ai demandé que ma pizza soit strictement… végétarienne.


Red road d’Andrea Arnold (G-B)

Un remarquable premier film (caméra d’or en vue ?).

Jackie, opératrice dans une société de surveillance, a vécu un drame : un chauffard drogué a tué accidentellement sa fille et son mari. Depuis, elle erre au milieu des ombres qui peuplent sa terne existence. Le destin lui permet de retrouver le responsable de son malheur. Elle décide alors de se venger en élaborant un scénario aussi machiavélique qu’alambiqué. Mais ce qu’elle prend pour une soif de vengeance n’est qu’une façon d’apaiser ses remords : le soir tragique, son mari était sorti avec sa fille à la suite d’une dispute conjugale. Sa vengeance consommée, Jackie n’est plus écrasée par le poids de la culpabilité, elle peut donc pardonner. Elle recommence même à sourire et peut-être même qu’elle pourra aimer à nouveau.

Une fois de plus, nous sommes sidérés par la capacité des réalisateurs britanniques à rendre compte de la réalité sociale. Le milieu des petits prolos et demi marginaux de cette cité populaire de Glasgow est décrit avec une justesse et une humanité dignes de Ken Loach ou de Mike Leight. Mention spéciale pour l’actrice Kate Dickie qui sait nous rendre inoubliable le personnage de Jackie, jeune femme brisée par le deuil, mais dont le corps est périodiquement parcouru par des ondes de sensualité d’autant plus violentes qu’elles doivent être refoulées.


Selon Charlie de Nicole Garcia (France)

Incontestablement une déception. Le film raconte les destins croisés d’un anthropologue brillant, d’un enseignant frustré, d’un mauvais garçon pitoyable, d’un médecin adultère et d’un maire, dans une ville sans nom, au bord de l’Atlantique.

La réalisatrice lorgnait à l’évidence du côté d’Altman (Short cuts), elle se retrouve plutôt chez Lelouch. Une fois de plus, un film français présente une pléiade d’acteurs jouant juste des rôles faux. Qui peut en effet accorder quelque crédibilité aux états d’âme et aux caleçonnades de notables sans racines dont l’univers se situe à mille lieux de la réalité sociale telle qu’elle est présentée par exemple dans les films anglais ? Cerise sur le gâteau, la triple ou quadruple happy end du film me semble même avoir des relents néo conservateurs plutôt inquiétants sur le thème de la famille avant tout.

Une fois de plus, devant tant de talents gâchés (Bacri mais aussi Poelvoorde, Magimel, Lindon...), on a envie de dire Tout ça pour ça !

L’apéro du vendredi

Aujourd’hui, nous en sommes au vingtième apéro du vendredi de l’année, à la permanence du 3 avenue Cyrille Besset. Institué il y a plus de cinq ans, ce rendez-vous hebdomadaire a un succès qui ne se dément pas. Au départ, il s’agissait de mettre en place un espace de démocratie participative en institutionnalisant un compte-rendu de mandat hebdomadaire du Conseiller général du 5e canton. Cette initiative a immédiatement été bien reçue et chaque apéro suscite entre quarante et cent visites de 18 à 20 heures.

Au fil des semaines, les habitants du quartier et les militants ont été rejoints par de nouveaux amis.

Les associatifs : du commerce équitable à l’immigration, du théâtre aux anciens combattants, l’apéro est devenu un lieu d’expression.

Les syndicalistes : du CPE à Air France, nous sommes informés en temps réel des luttes dans notre ville.

La diaspora : les amis de la section Nice Centre du PS dispersés aux quatre coins de l’hexagone et qui, de passage à Nice, nous rendent visite.

Les "furtifs" : ceux qui ont vu de la lumière et qui sont entrés.

Et bien sûr, depuis juin 2005, les ressortissants du 7e canton qui viennent rencontrer leur nouvelle conseillère générale.

Les soirs de Conseil municipal, j’en profite pour faire un compte-rendu à chaud qui est généralement très apprécié. Mais la prise de parole spontanée, sur le "perchoir" qui domine la salle principale de la permanence, est de rigueur et n’est pas l’apanage des élus (n’est-ce pas Lucien ?)

Depuis la fin de l’année dernière, ces apéros ont aussi une autre fonction. Ils sont le lieu de ralliement de ceux qui souhaitent soutenir notre combat local au PS. La récente campagne nationale dite de "l’adhésion à 20 €" a d’ailleurs accéléré le processus. Nombreux sont ceux qui veulent peser sur le choix de notre candidat aux Présidentielles, mais aussi, et bien souvent surtout, sur le choix de notre tête de liste aux Municipales.

Aujourd’hui encore, ce sont sept nouveaux candidats qui se sont manifestés. Il y en aura bien d’autres jusqu’à la date limite du premier juin.

Cela dit, lecteurs du blog, il est bien évident que, quel que soit le niveau de votre engagement, vous êtes les bienvenus à l’apéro du vendredi.

18 mai 2006

Yu Hong

Summer palace, de Lou Ye

CANNES

Une première journée prometteuse, avec deux très bons films racontant chacun à leur façon, la destinée de deux enfants du siècle : Yu Hong, l’étudiante chinoise, et Damien, le révolutionnaire irlandais. L’époque les sépare (1989 et le printemps de Pékin pour l’une ; 1920 et la guerre d’Indépendance pour l’autre), mais leur profonde humanité les rapproche. C’est une de ces rencontres improbables qui se fait chaque année au hasard de la programmation du Festival.


Le vent se lève (The Wind that shakes the barley) de Ken Loach


Damien, jeune médecin, choqué par les exactions de l’armée anglaise, s’engage dans l’IRA. Tant qu’il s’agit de lutter pour la libération nationale, tout est facile (intellectuellement, car physiquement, une guerre est une guerre, sale, forcément sale). Mais quand il faut définir le type de société que l’on veut pour sa patrie libérée, tout se complique. Républicain progressiste, Damien ne veut pas d’une indépendance au rabais qui permettrait, comme il le rappelle à ses compagnons de lutte, aux patrons anglais de continuer à imposer leur loi au peuple irlandais. Il y laissera la vie. Du grand Ken Loach, celui qui refuse toujours le manichéisme (on se souvient encore de l’admirable Land and freedom sur la guerre civile espagnole), celui qui sait filmer comme personne les gens humbles, les oubliés de l’histoire.


Palais d’été (Summer palace) de Lou Ye

L’amour impossible parce qu’absolu de Yu Hong, l’étudiante provinciale, et de Zhou Wei, le beau ténébreux du campus. Nous sommes à la fin des années quatre-vingt, les étudiants chinois manifestent, exigent la démocratie et la liberté, mais l’histoire de Yu Hong et Wei Zhou flotte à la surface des événements. Elle est, comme toutes les histoires d’amour, intemporelle et éternelle. Elle l’aime. Il l’aime. Mais si fort qu’ils se trouvent dans l’incapacité de vivre leur passion. L’intensité sexuelle de leur relation se révèlera être un leurre qui ne leur ouvre aucun verrou. Sur le thème de l’incommunicabilité, il y a un peu de Antonioni chez Lou Ye. Comme chez le maître italien, le style est elliptique sans être abstrait, dépouillé sans être austère. La réalité politique omniprésente (Tien An Men, le Mur, la guerre du Golfe) n’est pas un gadget décoratif mais le contrepoint d’une histoire d’enfermement affectif où chacun est prisonnier à la fois de sa passion et du désespoir de ne pas pouvoir la communiquer à l’autre. Peut-être par crainte de s’y perdre. Un grand film et, avec Hao Lei, une candidate tout à fait enthousiasmante au prix d’interprétation féminine.

Pink Promenade

En ce 17 mai, où nous apprenons le décès d’André Labarrère, premier homme politique à avoir fait son coming out, nous retrouvons les amis du CADOS qui tiennent un stand d’information sur la Prom en face d’Opéra plage. Une occasion de se souvenir du chemin parcouru.

Je me souviens de ma solitude, quand, en 1988, j’avais intégré dans mon programme de candidat aux Législatives, le CUC (Contrat d’Union Civile) contre l’avis de mon parti.

Je me souviens de passes d’armes avec Peyrat au Conseil municipal à partir de 1995, quand il refusait le certificat de concubinage aux homosexuels.

Je me souviens de la bataille du PACS contre les élus et les militants du RPR particulièrement hostiles à cette loi dans la région.

Je me souviens de la difficulté à trouver des interlocuteurs associatifs dans un milieu qui était pris en charge par les acteurs économiques (en clair, les patrons de boîtes).

Aussi, aujourd’hui, je ne boude pas mon plaisir en dialoguant avec tous ces militants représentant des associations d’horizons très différents. Exactement comme, il y a quinze jours, j’étais heureux de retrouver une délégation au Monument aux morts pour la Journée de la déportation. Dans ces moments-là, j’aime bien notre République.

17 mai 2006

Sacré Graal

Ayant à peu près épuisé les charmes de la montée des marches les soirs d’ouverture de Festival, nous devançons l’appel, et c’est en fin d’après-midi que nous assistons à la projection de Da Vinci code dans une salle de l’avenue.

On se souvient du livre habile, manipulateur, parfois jubilatoire, mais qui n’était au fond que du sous sous Umberto Ecco, du X-Files à la sauce catho, une version spiritualiste du célèbre « On nous cache tout, on nous dit rien » de Jacques Dutronc. Le Christ aurait enfanté avec Marie-Madeleine ; l’église officielle et son bras armé l’Opus dei mèneraient une guerre sans merci pour cacher une vérité qui mettrait son dogme en pièce. L’adaptation cinématographique est assez fidèle et, du coup, fait apparaître les faiblesses du roman. Plaisante à lire, l’histoire apparaît bien simpliste à l’écran. En fait, une adaptation cinématographique de ce roman de plage ne se justifiait pas, d’autant que l’interprétation de Tom Hanks (mollassonne) et celle "d’Amélie Poulain" (nunuche) ne sont pas très convaincantes.

La fin du film révèle toutefois un secret bien gardé. Il semblerait que François Mitterrand, peut-être sans le savoir, ait largement contribué au confort éternel de Marie-Madeleine.

Une dernière remarque. Heureusement que Dan Brown et Ron Howard ont décidé de nous parler de la sexualité du Christ. S’ils avaient eu la mauvaise idée de faire la même chose avec Mahomet, nous serions probablement au bord de la troisième guerre mondiale.

16 mai 2006

Un lundi à Carlone

Huit heures. Amphi 61. Je retrouve ma promotion préférée, ces étudiants de Licence que j’appelle affectueusement "mes L3". À peine remis du DST de samedi («Slobodan Milosevic est-il responsable des guerres de Yougoslavie ?» ; «Quelles sont, selon vous, les limites géographiques souhaitables de l’Union Européenne»), ils doivent plancher sur une redoutable question de Droit administratif : «Un statut spécifique de la Fonction publique est-il nécessaire à l’intérêt général ?».

En même temps et dans le même amphi, les Master 1 doivent, ni plus ni moins, se mettre à la place du futur Président de la République pour faire des propositions au nom de la France afin de relancer l’Union Européenne.

Onze heures. Petite visite au local de Ciel, le temps de constater que les militants anti-CPE sont en train de réussir leurs examens.

Treize heures. C’est au tour des deux cent cinquante étudiants de première année de composer dans un amphi 84 plein comme un jour d’AG, sur les moyens de transformer la Ve République en régime présidentiel, un sujet qui doit – n’en doutons pas – paraître exotique aux étudiants bulgares et surtout chinois assez nombreux cette année… Un sujet que j’espère d’actualité pour les autres.

Seize heures. Mise en place avec une étudiante sénégalaise d’ACL d’un plan de travail pour son très prometteur mémoire sur «l’excision et son traitement par les médias locaux et occidentaux».

Dix-neuf heures. Le Président Maraouani et mon ami Stéphane N’Gomaï, le nouveau Doyen de la Fac de droit, honorent de leur présence le cocktail offert par le théâtre LEA avant la dernière représentation de l’année. Il est rappelé à cette occasion que LEA est la seule filière universitaire… à compter deux conseillers généraux parmi ses enseignants ! (quiz : qui est le deuxième ?)

Vingt-et-une heures. Amphi 75. La dame de chez Maxim. C’est parti pour trois heures de bonne humeur qui me permettent de voir jouer étonnamment bien une dizaine de mes étudiants. Et allez donc, c’est pas mon père !

Minuit. Cette longue journée universitaire s’achève en film d’horreur : en activant la clé d’ouverture de mon garage, une grappe de gros cafards me tombe dessus. Encore un dommage collatéral des travaux du tramway…

14 mai 2006

Les arroseurs arrosés…

Il y a quelques mois, l’excellent Nice première proposait aux internautes un nouveau sondage (test ? jeu ?) en posant la question suivante : « Quel candidat choisiriez-vous aux élections municipales ? ». Aussitôt, un petit frisson parcourut le microcosme politique local et, sans attendre, certains se virent déjà, à l’instar de Charles Aznavour, « en haut de l’affiche ». Et pour cela, ils organisèrent promptement la manœuvre. C’est ainsi qu’au moins une permanence parlementaire et les locaux d’une collectivité territoriale furent réquisitionnés pour « bodybuilder » le score de leur champion. Mais les salariés mirent tant d’ardeur à la tâche, que les résultats perdirent rapidement toute crédibilité… Qui trop embrasse, mal étreint… Pour ma part, je me désintéressais rapidement de l’affaire, n’ayant ni le temps ni les moyens de mes honorables confrères pour faire mumuse avec le Net.

Il y a environ un mois, un ami me demande si j’ai consulté récemment le petit sondage de Nice première qui était resté en ligne (et cela probablement jusqu’en 2008) : « tu es en tête ! ». Effectivement, le cliquage régulier des internautes non instrumentalisés avait renversé la tendance. Depuis cette tendance s’est nettement accentuée avec l’annonce de ma non-candidature aux Législatives pour me consacrer à Nice (je constate également une forte hausse de la consultation du présent blog depuis cette date). Résultat des courses : j’ai actuellement 9 points d’avance sur la médaille d’argent (de droite) et 10 sur la médaille de bronze (de gauche).

Bien sûr, il ne faut pas tirer de conclusions hâtives de ce qui reste une consultation ludique d’un certain nombre d’internautes. D’ailleurs, le score des champions de la première heure me semble toujours un peu trop flatteur pour être sincère. De plus, la liste propose quelques inconnus et ignore certaines valeurs sûres. Enfin, n’oublions pas la fameuse fracture numérique qui fait qu’aujourd’hui encore un nombre important de nos concitoyens n’ont pas accès à Internet que ce soit pour des raisons économiques ou culturelles.

Cela dit, je rappelle aux amateurs de palmarès et de pronostics en tout genre que le grand prix de l’Eurovision (« Luxembourg, ten points ; Cyprius, eight points ; Estonia, two points… ») c’est pour bientôt : ne boudons pas notre plaisir …!!

13 mai 2006

Tout va très bien, Madame la Marquise…

Vendredi, Conseil municipal.

Le quartier de la mairie étant bouclé pour cause de Sarkoshow, c’est dès potron-minet que commence le Conseil (sept heures trente…). D’entrée, j’interviens dans le cadre du débat budgétaire, imposé par la double présentation du CA (compte administratif) et du BS (budget supplémentaire), un débat budgétaire forcément contenu dans des limites étroites : le CA enregistre les effets de la politique de l’année précédente et le BS n’est que le prolongement modeste du BP.

Je fais un peu d’ironie sur la présentation de documents que je qualifie de «version survitaminée de la méthode Coué». Je dénonce une nouvelle fois une politique sans cohérence, articulée autour de grands travaux souvent inutiles, toujours coûteux. Je stigmatise le refus persistant de prendre en compte les revendications des Niçois en matière de proximité, de logement et tout simplement de qualité de vie. Je m’inquiète aussi du retour à l’endettement de notre Ville. Le double vote négatif de Nice Plurielle soulève l’ire de Monsieur le Sénateur maire, qui apprécie évidemment beaucoup plus l’abstention du Front National.

Le groupe sera très offensif tout au long de la journée. Paul Cuturello soulève un beau lièvre à propos du dossier du grand stade : on offre au concessionnaire des avantages qui ne figurent pas dans le contrat initial. En face, l’embarras est palpable !

Jean-François Knecht, qui ne perd aucune occasion de rappeler à la majorité la corruption qui mine ses rangs, démonte méthodiquement l’usine à gaz de la territorialisation.

Mari-Luz Nicaise esquisse un véritable projet scientifique pour le futur musée d’Histoire naturelle.

Michèle Matringe, au nom du groupe, demande des comptes sur une opération « pièces jaunes » qui révèle chaque jour davantage ce qu’elle est : une opération de communication coûteuse et manipulatrice.

Mais ce que je retiendrai de ce Conseil, c’est surtout une nouvelle et spectaculaire manifestation de l’autisme de l’équipe Peyrat. La ville gronde, les Niçois sont en colère, certains sont désespérés (comme ce commerçant de l’avenue Borriglione en grève de la faim, à qui j’ai rendu visite la nuit dernière). Mais pour l’équipe Peyrat, tout va très bien, Madame la Marquise.

Petit florilège de cette autosatisfaction :

- Nice est une des villes où l’on paye le moins d’impôts (l’adjointe aux finances)
- La France admire nos réalisations (le maire)
- Le taux d’emprunt par habitant à Nice est l’un des plus faibles de notre pays (encore l’adjointe aux finances, décidément en grande forme)
- La Commission d’indemnisation pour le tramway est juste et généreuse (le Président de la CAO)
- Nous faisons un travail extraordinaire et nous sommes à l’écoute des Niçois (une adjointe de territoire)
- Les Conseils de quartier sont une réussite (le maire)

Et si parfois un bémol est apporté pour nuancer ce tableau idyllique, c’est en fait pour rappeler que les Niçois ne comprennent pas toujours assez vite le bonheur qui est le leur (le maire, bien sûr) et que ces mêmes Niçois sont souvent inciviques, sales et égoïstes (adjoint au Territoire Cœur de ville).

En fait une telle coupure avec la réalité n’est pas très surprenante. Nous avons affaire à des élus qui ne connaissent pas la vraie ville. Déambulant de cocktails en inaugurations, de remises de décorations en bals de sous-préfecture, ils passent leurs journées à s’auto congratuler en barbotant dans les eaux tièdes de leur suffisance. Coupés de la vraie vie.

C’est bien pour cela que l’équipe de Nice plurielle, composée d’élus qui ont une vraie profession et de vraies responsabilités dans la cité, est perçue un peu partout en ville comme étant la relève nécessaire.

Pour lire mes interventions au CM, RDV sur mon site.

11 mai 2006

Lucie au Lazaret


Devant l'entrée de la grotte


Avec Dominique (dont il est opportun de rappeler que le deuxième prénom est… Lucie !), nous répondons ce jeudi matin à l’aimable invitation du professeur Henry de Lumley pour visiter en sa compagnie la grotte du Lazaret. Sur place, j’ai le plaisir de retrouver mon amie Paulette qui s’avère être la secrétaire de l’association qui encadre les activités du Lazaret. Quant à Monsieur le Directeur, nous nous rappelons ensemble que j’avais eu l’occasion… de le marier, dans une autre vie !

C’est avec une certaine excitation que nous empruntons la machine à remonter le temps pour nous retrouver, il y a 160 000 ans, dans une caverne qui débouche d’une falaise dominant de ses 120 mètres la mer rétractée d’une période glaciaire.

Le chantier des fouilles est spectaculaire. Le nombre d’objets qui affleurent à la surface du sol est impressionnant. Je joue avec délectation à l’apprenti chercheur, Indiana Jones des hauteurs de Coco beach, à la poursuite d’une improbable arche d’alliance.

Les spécialistes, souvent jeunes, toujours passionnés, nous apprennent à reconnaître les outils (désormais nous sommes imbattables sur le biface ou le chopper) ou les os d’animaux (du renne à la grenouille en passant par le lapin et… le loup !). Ce sont, bien entendu, les restes humains qui provoquent le plus d’émotion. Tenir dans ses mains la boîte crânienne ou le fémur d’un être humain qui a réussi à franchir physiquement la nuit des temps ne laisse pas indifférent. C’est toutefois avec un brin de consternation que nous apprenons que l’expression "aimer son prochain" avait parfois une connotation alimentaire – voire gastronomique – chez nos anciens compatriotes de la grotte du Lazaret. Nobody’s perfect !

Au cours du grand repas en plein air que nous prenons sur la terrasse, face à la mer, avec toute l’équipe, j’apprends, de la bouche d’une jeune femme qui s’avère être l’une de mes anciennes étudiantes, que le Lazaret est aussi un chantier d’insertion qui permet à des dizaines de rmistes de se relancer dans la vie active. Si l’on ajoute les nombreuses visites scolaires, le Lazaret est non seulement un lieu de recherche scientifique mais aussi une interface efficace entre le monde de la connaissance et la cité.

En liaison avec l’Université et le Musée d’Histoire naturelle dont on peut rêver la résurrection, il y a là aussi matière à développer au cœur de Nice, un pôle de culture scientifique capable de souder quelques chaînons manquants à la chaîne qui relie les Niçois d’aujourd’hui à leurs ancêtres d’avant avant-hier.

10 mai 2006

Jules Romains et Emile Zola

Mardi. Je participe comme élu mais aussi comme enseignant et… amoureux de la presse (surtout écrite... chaque jour, à mon menu, Nice-Matin, Libération, Le Monde… et l’Equipe), à la 5e Journée du Journaliste Junior.

Cette année, la manifestation est centrée sur le collège Jules Romains, choix symbolique à deux pas de la cité des Moulins. En effet, en mettant en contact journalistes et jeunes, il s’agit, ni plus ni moins, que de contribuer à l’émergence d’une conscience citoyenne chez nos lycéens et collégiens, en utilisant les médias comme vecteurs.

La manifestation, magistralement organisée par le CLEMI (Centre de Liaison de l'Enseignement et des Médias d'Information), notamment par Jacqueline Quéhen et Denis Hernandez du rectorat, est, cette année, particulièrement réussie malgré un report dû à la grève du 28 mars.

Tout au long de la journée, une équipe de collégiens, secondée par les journalistes de Nice-Première de l’ami Franck Viano, fait un reportage qui, n’en doutons pas, sera spontané et pertinent compte tenu de la qualité des questions qui me sont posées au cours d’une interview improvisée (pas si improvisée que cela d’ailleurs : les questions étaient très « pro »).

Après le buffet au siège de Nice-Matin, je vais suivre la conférence de Dominique au Palais Nikaïa car le sujet touche de très près mes préoccupations : « Le déclin de la presse écrite : une mauvaise nouvelle pour la démocratie ».

La première partie, concernant les raisons de la crise de la presse d’information générale et politique est intéressante mais classique :
- Diminution de nombre de titres due pour l’essentiel à une baisse régulière du lectorat, notamment dans les nouvelles générations. Ce phénomène se retrouve partout, mais il a encore plus d’acuité en France dans la mesure où le taux de pénétration des journaux dans la société française est traditionnellement beaucoup plus faible qu’ailleurs.
- Disparition des points de vente ce qui est grave car la presse n’est pas un produit comme les autres et les journaux que l’on n’a pas achetés le matin sont vite périmés face à la concurrence de la radio ou de la télévision.
- Apparition des nouveaux vecteurs d’information que sont les journaux gratuits et les sites d’information sur le Web qui se contentent souvent de donner une information ponctuelle.
- Tout cela conduit à une concentration de plus en plus forte des médias, ce qui, assurément, n’est pas une bonne nouvelle pour la démocratie. Pour qu’une démocratie se porte bien, il faut du pluralisme, et le pluralisme n’a de sens que si on développe la capacité de choix et d’autonomie du citoyen. Or, la presse écrite a pour vertu, en principe, d’incarner le pluralisme et de développer la capacité d’autonomie du citoyen. Elle est une manifestation du pluralisme en même temps qu’elle renforce le pluralisme.

Mais j’apprécie encore plus la deuxième partie, quand Dominique se… « lâche » et explique aux jeunes auditeurs que la lecture de la presse doit être avant tout un plaisir, et que ce n’est pas parce que le plaisir est utile (à la formation du citoyen, à la culture générale…), qu’il cesse d’être un plaisir.

La télévision et Internet ne doivent pas provoquer la disparition de la presse écrite. Instrument d’information, elle est aussi un outil irremplaçable pour le débat et même pour le combat. Soutenir la presse écrite en la lisant, en la partageant, en l’aimant, c’est permettre demain à un futur Emile Zola de pouvoir dire à nouveau « J’accuse » à la face du monde.

La mémoire d'Abraham

Lundi 19 heures. A la synagogue de la rue Deloye, la communauté juive de Nice rend hommage à Marcelle Cohen, notre compatriote victime d’un attentat terroriste en Israël.

L’émotion est forte, d’autant plus forte que Dominique retrouve, sur la plaque commémorative des victimes niçoises de la Shoah, le nom de son arrière-grand-mère, Flora Lattès. La barbarie nazie (je ne dis pas allemande) et la folie islamiste (je ne dis pas musulmane) ont ainsi assassiné, à quelques soixante années d’intervalle, deux Niçoises très différentes mais qui avaient un point commun : elles étaient juives.

Une fois de plus, la malédiction évoquée par Marek Halter dans La mémoire d’Abraham se vérifie. Depuis la destruction du Temple, quand on est juif, on peut mourir parce qu’on est juif et cela à n’importe quelle époque, sur n’importe quel continent.

Face à ce constat implacable mais lucide, implacable parce que lucide, on peut saluer l’humanité du grand rabbin Shoushana, lorsqu’il a conclu son sermon lundi soir en rappelant que le vrai héros est celui qui fait de son ennemi un ami. Sans écouter sa colère.

07 mai 2006

C’est du brutal : le retour !

Cliquez ici pour aller à C'est du brutal 1

Les dernières livraisons de la collection « Audiard » sont consacrées à deux films de qualité, deux face-à-face devenus légendaires (encore que pour l’un d’entre eux, il vaudrait mieux parler de côte à côte…).
Gabin/Belmondo dans "Un singe en hiver" et Serrault/Ventura dans "Garde à vue".


Réalisé par Henri Verneuil d’après le roman d’Antoine Blondin, "Un singe en hiver" est la rencontre improbable de deux alcooliques flamboyants qui préfèrent l’ivresse à la boisson. Les dialogues d’Audiard s’accordent bien avec l’univers si particulier de Blondin. Par contre, l’adaptation de Verneuil, trop littérale, rend à l’écran l’histoire quelque peu artificielle. Mais malgré ce côté un peu trop "qualité française", l’émotion est au rendez-vous et le côte à côte reste fascinant.

"Garde à vue", de Claude Miller, est un quasi huis clos entre le policier Ventura et le suspect Serrault. Ce dernier interprète magistralement le notaire Martineau, un personnage à la fois antipathique, ambigu et terriblement fragile. "Garde à vue" est aussi une réflexion sur les préjugés et la justice de classe. Mais attention, ici, nous sommes à front renversé, pas vraiment du côté d’Outreau mais plutôt de celui de Bruay en Artois. Malgré une fin mélodramatique plutôt ratée, le film reste un remarquable numéro d’acteurs et une réflexion assez fine sur la justice. Cette justice dont un personnage d’Audiard dit, dans le film de Robert Enrico, "Pile ou face" : « la justice, c’est comme la Sainte Vierge, si on ne la voit pas de temps en temps, le doute s’installe ».

Notre sélection du jour :

Pour Un singe en hiver, trois extraits :

« Vous avez le vin petit et la cuite mesquine. Au fond, vous ne méritez pas de boire. C’est de l’usurpation. »

« - Ma bonne Suzanne, tu es une épouse modèle.
- Oh !
- Si, si, tu n’as que des qualités. Physiquement, tu as vieilli comme je pouvais le souhaiter, l’odeur de la lavande règne sur nos soirées, c’est le bonheur rangé dans une armoire. Tiens ! Si c’était à refaire, je crois que je t’épouserais de nouveau… Mais tu m’emmerdes !
- Albert !
- Tu m’emmerdes gentiment, affectueusement, avec amour. Mais tu m’emmerdes !
»

« Une paella sans coquillage, c’est un gigot sans ail, un escroc sans rosette».

Pour Garde à vue, deux extraits (seulement deux mais des sévères !) :

« Les médiocres se résignent à la réussite des êtres d’exception. Ils applaudissent les surdoués et les champions. Mais la réussite d’un des leurs, ça les exaspère ».

« - Comment s’appelle votre chien ?
- Tango !
- Ça s’écrit comment Tango, comme le tango ?
- Comment voulez-vous que ça s’écrive ? Comme paso doble ?
»

Aujourd’hui encore, j’attends vos commentaires. Mais je préviens celui qui ne serait pas d’accord, « j’ai la puissance de feu d’un croiseur et des flingues de concours »!

05 mai 2006

Le jour d’après…

« PATRICK MOTTARD NE VEUT PAS ETRE DEPUTE… MAIS MAIRE ! ». Par la vertu d’un article de Nice-Matin, l’onde de choc se développera toute la journée… Dès sept heures du matin, mails, sms, coups de téléphone s’accumulent. L’annonce de ma non-candidature aux Législatives est d’autant mieux perçue qu’elle apparaît comme un engagement définitif pour les prochaines Municipales. J’avoue être un peu soulagé, car une décision de cette nature n’est jamais très facile à prendre dans la mesure où l'on ne sait pas comment elle sera reçue par l’opinion. En fait, celle-ci a déjà rejeté, et plus qu’on ne le croit généralement, la vieille politique. Elle veut des élus motivés et disponibles, elle ne veut plus de ces machines électorales collectionneuses de mandats qui fascinaient les foules il y a quelques décennies.

France Bleu Azur passe la nouvelle en boucle toute la matinée. A la mairie, où je célèbre mon cent dixième mariage (Sonia et Nebil, deux franco-tunisiens… toujours le melting pot !), j’ai la surprise de voir de nombreux fonctionnaires me féliciter, parfois sans prudence, de cette annonce ferme d’une candidature pour les Municipales.

En fin de matinée, en marge de la Conférence de presse que nous tenons dans le quartier Borriglione avec Jean-François Knecht et Dominique, sur la question de l’indemnisation des commerçants victimes des travaux du tramway, Hélène France de France 3 m’interviewe. Des nouvelles – de source sûre ! – me parviennent de la Préfecture et du CADAM ; là aussi les réactions sont très positives. Par téléphone, le responsable d'une importante institution culturelle de la ville m'assure de son soutien.

La journée se poursuit : interview téléphonique de Métro, enregistrement d’un entretien avec Françoise Polvèche dans les studios de Radio Bleu Azur.

Au traditionnel apéro du vendredi de la permanence, l’accueil est évidemment très chaleureux et comme depuis de nombreuses semaines – mais plus encore – les adhésions de soutien au futur candidat à la tête de liste tombent comme à Gravelotte.

En début de soirée, je visionne les séquences de France 3 sur la Locale comme sur la Régionale. Je m’entends encore dire : «Je veux me consacrer à Nice». Un sacré défi. Un vrai bonheur.

04 mai 2006

Nice avant tout !

Traditionnellement candidat du Parti socialiste dans la deuxième circonscription des Alpes-Maritimes, j’ai décidé de ne pas me présenter aux élections législatives de 2007.

Et cela pour trois raisons.
- Tout d’abord pour me consacrer entièrement à la ville de Nice. Plus que jamais, les Niçois, subissant les conséquences d’une politique municipale néfaste, ont besoin d’être représentés par des élus entièrement disponibles pour défendre leurs intérêts et préparer avec eux l’avenir de la cité.
- Ensuite, j’estime que la volonté de moderniser la politique ne doit pas être un simple slogan. Cette modernisation passe notamment par le refus du cumul des mandats. Fidèle à la ligne de conduite qui m’avait fait démissionner du Conseil régional en 1998 pour me consacrer à Nice, je trouve normal aujourd’hui de joindre à nouveau le geste à la parole en ne sollicitant pas un nouveau mandat.
- Enfin, personne n’ignore que le changement à Nice passe par le rassemblement de femmes et d’hommes d’horizons différents qui se reconnaissent depuis quelques années dans la démarche que nous avons initiée avec Nice Plurielle. Incarner ce rassemblement est peu compatible avec une campagne électorale qui, pour l’essentiel, sera nationale.

Fidèle à mes couleurs et à mes valeurs, je serai évidemment à la disposition des candidats (ou des candidates !) de mon parti. Mais je le ferai avec un esprit de tolérance et d’ouverture qui me permettra de ne pas injurier l’avenir.



La logique de mon investissement d’élu depuis quelques années me conduit donc à ne pas me présenter à ces élections législatives, en résumant mon état d’esprit par cette simple formule : Nice avant tout!

02 mai 2006

Le premier sexe


Ne nous y trompons pas, publié dans la collection «Indigne», le livre d’Eric Zemmour est une provocation soigneusement préparée et destinée à alimenter Fogielardisson, l’infernale machine télévisuelle à décerveler.


Ce journaliste du Figaro, j’ai eu l’occasion de le rencontrer, il y a quelques années, dans une brasserie du quartier de la gare, le temps d’une interview post Municipales. Il faisait partie de ces observateurs parisiens qui venaient enquêter, tel Fabrice à Waterloo sur notre remarquable – et selon eux inattendu – score, aux Municipales de Nice.

On peut être agacé par la démarche marketing de l’auteur qui ratisse large : quand l’anti-politiquement correct "tendance" s’additionne à l’anti-politiquement correct des beaufs, cela finit par faire beaucoup de lecteurs. Toutefois, les questions qu’il soulève dans Le premier sexe méritent un examen attentif.

Pour Zemmour, il y aurait les valeurs dites masculines car incarnées par l’Homme : la force, l’autorité, la guerre, l’ordre, la violence, le risque ; et les valeurs dites féminines car incarnées par la Femme : la douceur, le dialogue, l’écoute, la tolérance, la précaution. L’évolution de notre société conduirait à reconnaître exclusivement les secondes comme universelles, entraînant un effacement voire une capitulation munichoise des hommes devant les femmes. Les homosexuels (qui, chez Zemmour, semblent être exclusivement des hommes) joueraient un rôle essentiel dans cette mutation vécue comme une décadence. Privée de ses valeurs viriles, la société deviendrait hémiplégique et sans repères.

De-ci delà, quelques remarques pertinentes interrogent le lecteur (ou la lectrice).
- C’est évidemment pour son plus grand profit que l’industrie des cosmétiques a beckamisé l’homme moderne.
- Au-delà de toute référence culturelle, la pénétration masculine dans l’acte sexuel exprime une forme d’agressivité naturelle évidente.
- Le nouveau puritanisme qui se développe à droite comme à gauche devient insidieusement la norme. Sainte Ségolène priez pour nous !

Mais globalement, sa thèse n’est pas admissible. Tout d’abord, elle est occidentalo-centriste. Dans de très nombreuses régions du monde, les femmes continuent à subir une effroyable domination, ce qui – soit dit en passant – semble fasciner Zemmour. Dans ces pays, la question d’un éventuel triomphe des valeurs féminines ne se pose évidemment pas. Seule celle de la dignité de la femme y reste d’actualité. La réflexion est aussi valable pour nos banlieues.

Mais, si la dialectique des valeurs de l’autorité et du risque avec celle de la tolérance et de la précaution est probablement nécessaire à l’équilibre de nos sociétés, rien ne dit qu’elles doivent être portées respectivement et définitivement par les hommes et les femmes. Or, ce que propose Zemmour, c’est que les hommes se réapproprient les valeurs dites masculines et qu’on en reste là. C’est dire si son projet est littéralement réactionnaire.

Pour ma part, je pense que l’équilibre entre ces deux types de valeurs est effectivement nécessaire. Mais rien n’est écrit quant à la distribution des rôles. Hommes et femmes peuvent parfaitement se répartir l’ensemble de ces valeurs, en fonction de leur personnalité, de leur histoire personnelle, de leur rôle dans la société… Mieux encore, un homme ou une femme peut tout à fait porter successivement, voire simultanément, les deux catégories de valeurs. Un être humain qui pourrait inscrire son projet de vie en s’appuyant sur la force et l’autorité tout en revendiquant la douceur et le dialogue ne serait pas loin de la plénitude. Qu’il soit homme ou femme.

Mais de cela bien sûr, ce n’est pas chez Fogielardisson que nous pouvons en débattre…