CANNES (suite)
Au hasard d’un entre film, je croise Renaud Donnedieu de Vabres, le ministre de la culture, qui rend visite au pavillon de la Région Ile de France. Or, il se trouve que ce ministre-là est le seul qui trouve grâce à mes yeux dans l’actuel gouvernement. Il est en effet le ministre du classement définitif de la gare du Sud.
Ce long combat de quatre ans dont je suis si fier, ce fut d’abord cette complicité avec une population qui voulait conserver sa mémoire, ce travail acharné de mobilisation avec Momo Rafaï, Louis Delanef et les associations, ce soutien indéfectible de Wanda Diebolt, la directrice du Patrimoine d’origine niçoise, et bien sûr cet engagement courageux de Catherine Tasca (qui, après la réunion de travail que nous avions eu rue de Vallois, n’hésita pas à prendre les premières mesures de classement qui évitèrent la démolition).
Mais ce long combat, ce fut aussi la décision de ce ministre UMP contre un maire de son propre camp. Un ministre qui ce jour-là a agi en représentant de la République et non en homme politique partisan. Et quand un ministre de droite complète le travail d’un ministre de gauche, le républicain qui cohabite en moi avec le militant a le sourire.
Les films du jour :
Il Caimano (Le Caïman), de Nanni Moretti (Italie)
Il est de bon ton de comparer le film de Moretti avec Fahrenheit 9/11 de Michaël Moore, palme d’or il y a deux ans. La différence est pourtant essentielle. Fahrenheit n’était pas un film, Le Caïman en est un… et quel film ! Un film qui prend d’emblée le spectateur à contre-pied : c’est moins un pamphlet contre Berlusconi qu’une interrogation navrée sur l’extraordinaire lâcheté collective qui a permis ce déni de démocratie qu’a été la prise du pouvoir en Italie par le Cavaliere. C’est l’histoire de ce renoncement qui est racontée à travers la rédemption difficile de l’exécrable producteur Bruno Bonomo, véritable Ed Wood à la sauce Cinecitta, qui – héros malgré lui – se trouve en première ligne en produisant un film sur le Caïman. Comme toujours chez Moretti, l’histoire intime télescope la grande histoire. Une grande histoire qui se révèle glaçante dans la dernière scène du film qui suggère que le berlusconisme n’est, ni plus ni moins, que l’antichambre d’un nouveau fascisme.
Laitakaupungin valot (Les lumières du faubourg) d’Aki Kaurismäki (Finlande)
Sur le tapis rouge, pendant la montée des marches, Aki Kaurismaki esquisse un pas de danse avec une de ses interprètes (sur un air de Carlos Gardel, "Volver"… tiens, tiens). Cette scène décalée et sympathique nous arrache un sourire avant la projection du film. Ce sera le dernier avant bien longtemps. Il est vrai que l’histoire de Koskinen, le vigile solitaire, n’est pas vraiment une comédie. Ignoré de tous, Koskinen finit par devenir étranger à lui-même. A chaque fois qu’il essaie de renouer avec la société des hommes, il est rejeté et renvoyé à sa solitude. Pour couronner le tout, il sera trahi par la seule femme qui était susceptible de lui permettre de trouver sa place au soleil, une petite place, sous un pauvre soleil. Ce film est un nouveau et magnifique portrait de marginal qui enrichit cet univers si particulier que nous offre Kaurismaki film après film. Un univers impitoyable pour les faibles, un univers où les rayons d’espoir sont aussi ténus que ceux d’un soleil d’hiver dans la banlieue blafarde d’Helsinki.
Flandres, de Bruno Dumont (France)
Les gens du nord ont, paraît-il, dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors. Chez Bruno Dumont, ce n’est pas toujours très évident. Demester et Barbe sont amis d’enfance, vaguement amants (là c’est 24 secondes chrono !!), mais incapables d’exprimer autre chose qu’une indifférence réciproque. Pourtant, leur non histoire conduira l’un dans l’enfer de la guerre, l’autre aux portes de la folie. Après Yu Hong et Zhou Wei, les étudiants chinois du premier jour, c’est le nouveau drame de l’incommunicabilité de la sélection. Seule différence, celui-ci se terminera bien. Dumont, impeccablement soutenu par la région Pas-de-Calais, poursuit, sept ans après L’humanité (prix de la mise en scène en 1999), son observation des sillons bourbeux de l’âme rurale nordiste. C’est beau comme l’Antique, souvent émouvant, et très loin de la prétention du tout venant de la production française actuelle.
Babel, d’Alejandro Gonzalez Inarritu (USA)
Synthèse audacieuse du mythe de Babel et de l’effet papillon, du Maroc au Mexique, en passant par les Etats-Unis et le Japon, le film témoigne des conséquences désastreuses d’un acte lié à la susceptibilité d’un jeune berger marocain. Beaucoup de sang, de sueur et de larmes dans un film qui aurait pu être sponsorisé par Europe Assistance. Mais au final, le spectateur a le sentiment que dans ce monde si complexe et si dangereux pour tous, on s’en tire mieux en étant Américain ou Japonais qu’en étant originaire d’un pays du Sud. N’est-ce pas Brad ? Le récit est peut-être un peu trop démonstratif mais il n’est pas manichéen. Quant à Alejandro Gonzalez Inarritu, il a beaucoup de talent : quand le mot fin apparaît, on a le sentiment d’avoir assisté à trois (bons) films différents. Malgré l’effet papillon.
23 mai 2006
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