29 octobre 2006

C’est du brutal : opus 4

A la demande (presque) générale, poursuivons notre exploration du petit monde de Michel Audiard à travers quelques films vus, quinzaine après quinzaine, grâce à la collection actuellement diffusée dans les points de presse.

Passons sur Un drôle de caïd, un nanar signé Jacques Poitrenaud (1964) et dialogué assez paresseusement par Audiard (A tous les trois, on peut faire un beau tandem), pour pointer cinq films tous très intéressants à un titre ou un autre et avant tout pour les dialogues de note auteur favori.


ARCHIMÈDE LE CLOCHARD (Gilles Grangier, 1959).

Le portrait truculent d’un clochard à une époque où ceux-ci étaient supposés mener une vie choisie. Archimède n’est pas exclus de la société, il se contente d’évoluer à sa périphérie. Il utilise la prison comme une résidence secondaire et les cités en construction du gaullisme immobilier (décidément très présent dans les films des années soixante) comme dortoir. Vaguement anar, il a sa dignité et son code d’honneur : un vrai personnage audiardesque.

- Vous avez la gueule de travers et la mentalité biscornue. Vous êtes synchrone.
Ou encore :
- N’oublie pas ce qu’a dit le médecin : cinq gouttes. La posologie ça s’appelle. Et de la posologie au veuvage, c’est une question de gouttes.
Et, sacrilège :
- Je préfère Cannes à Nice, car il y a moins d’Anglais...


RUE DES PRAIRIES (Denys de la Patellière, 1959).

Une jolie petite comédie dramatique, avec un Gabin qui retrouve la vulnérabilité de ses débuts, dans le rôle d’un ouvrier veuf trouvant auprès de son fils adultérin l’amour que lui refusent par cupidité et par lâcheté ses enfants légitimes.

- Si tu me ramènes un gosse de ce type-là, je te préviens, je l’empaille et je le mets sous globe. Je veux que les Martiens voient ça.


LE BARON DE L'ÉCLUSE (Jean Delannoy, 1960).

Jérôme-Antoine, baron désargenté, ne peut pas s’empêcher de mener un train de vie luxueux et, malgré son âge mûr, il ne renonce pas non plus à la séduction. Sur un thème proche du gentleman d’Epsom, Le baron de l’ecluse est un film touchant, parfois même un peu crépusculaire, sur le thème du déclin. Ce sera d’ailleurs le dernier film de Gabin séducteur.

- Je parlais du retour Toni… Le retour… Avec toi, on prend toujours des allers simples et des retours compliqués .
- Oh, je t’en prie ! Je t’ai déjà vu emprunter.
- Oui, mais jamais des petites sommes et surtout jamais à des petites gens. Quand on prête à Jérôme-Antoine , on passe un ordre à son banquier, on casse pas sa tirelire. Détrousser les petits épargnants est le fait d’adolescents crapuleux ou de ministres chevronnés ce que je n’ai jamais été, ni ne serais.


L’AFFAIRE ST FIACRE (Jean Delannoy, 1959).

Un Maigret tout à fait honorable : l’univers du célèbre commissaire est bien rendu par Delannoy et, contre toute attente, les dialogues d’Audiard ne jurent pas trop avec l’atmosphère feutrée de Simenon.

- Vous avez dit de saintes paroles en tapant du pied. On peut avoir l’esprit chrétien et le mollet nerveux.


LA MÉTAMORPHOSE DES CLOPORTES (Pierre Granier-Deferre, 1965).

Une série noire bien quelconque qui vaut surtout par son hallucinant double générique (début du film : des cloportes insectes envahissent l’écran, fin du film : même plan mais les insectes sont devenus… des hommes).

- C’est autrement plus coton d’écouler de la marchandise que de la faucher. Il faut des connaissances, des relations. Voler… c’est juste un réflexe…
- En parlant de réflexe, tu veux mon poing dans la gueule ?
Et aussi :
- Sur le plan de l’arnaque, les coups les plus tordus ne sont rien, vous entendez, rien – à côté de la peinture abstraite.


Et pour terminer ce post, comme d’habitude, le tonton flingueur du jour :
« J’dis pas que Louis était toujours très social – non – il avait l’esprit de droite. Quand tu parlais augmentation ou vacances, il sortait son flingue avant que t’aies fini, mais il nous a tout de même apporté à tous la sécurité. »

Question : mais pour qui Louis va-t-il voter à la Présidentielle ?


C’est du brutal !
C’est du brutal : le retour !
C’est du brutal : one more

Les moines soldats de la loi de 1901

Dans notre ville peut être plus qu’ailleurs, compte tenu des défaillances de la politique locale, nous avons besoin d’un mouvement associatif fort. Pour l’animer, le militantisme tiède ou l’engagement à éclipse sont insuffisants. Pour subsister, pour fonctionner, pour progresser, les associations ont besoin d’être encadrées par des dirigeants qui doivent se transformer en véritables moines soldats de la loi de 1901. Ils ne peuvent le faire qu’en étant entièrement dévoués à leur cause, souvent au détriment de leur vie professionnelle et personnelle.

Illustration ce samedi.

Quartiers est de la ville.
L’association « Entraide et partage » fête à Don Bosco son 40e anniversaire. L’association, c’est, bien sûr, une équipe dévouée autour du père Didier, mais aussi et surtout Philippe Rossini, sa rigueur, son enthousiasme et son humanité. Devant une salle pleine et reconnaissante, une brochette d’élus (je représente la gauche avec le seul Jacques Victor) est unanime à le reconnaître. Et pour une fois, avec un ton et des termes qui n’ont rien à voir avec la traditionnelle brosse à reluire qui fonctionne généralement en pareille circonstance.

Quartiers ouest de la ville.
Dans la salle des sports du collège Raoul Dufy, c’est au Jubilé d’Oleg Ionikoff que j’assiste, en compagnie de la conseillère générale du 7e canton. Pendant quarante ans, Oleg s’est dévoué à la cause de la jeunesse. Depuis vingt ans, il travaille à la promotion du tennis de table, en assurant l’ascension sportive du CPC Nice (Le défi de Dufy). Lui aussi n’a pas ménagé son temps.

Philippe, Oleg, notre ville n’est probablement pas un modèle de solidarité. Le lien social y est souvent distendu. Mais franchement, sans vous, ce serait bien pire. Merci.

27 octobre 2006

L’Ariane blues

Déambuler l’après-midi à travers L’Ariane avec L, M et R sans se faire annoncer est certainement plus instructif pour connaître l’état d’esprit du quartier que la traditionnelle diffusion sur le marché du vendredi ou l’assemblée associative utile mais toujours un peu formatée.

De snacks en appartements, de commerces en cafés, on peut ainsi rencontrer beaucoup de ces hommes jeunes, désoeuvrés et parfois désabusés qui attendent le travail parfois promis, toujours espéré.

Parce que j’ai marié certains d’entre eux, parce que j’ai leurs petites sœurs ou leurs petits frères à la fac, parce qu’ils savent, grâce à Nice Télévision, comment Nice plurielle défend L’Ariane au Conseil municipal, ils me font spontanément confiance.

Mais, face au discours agressif du ministre de l’Intérieur, la colère est palpable, face à l’absence de perspectives professionnelles, le fatalisme a droit de cité.

Pourtant, en dialoguant, l’énergie de la jeunesse, la volonté de réussir refont vite surface. Pour soi, pour la famille, pour les enfants. Quelquefois même, un rayon de soleil perce la brume ambiante, comme les propos de ce chef d’entreprise qui me confiait qu’il est ravi de travailler dans ce quartier, avec des gens du quartier… car son chiffre d’affaires a augmenté significativement (alors que son précédent établissement était au centre-ville).

Mais dans un environnement si hostile – mépris du maire, mépris de l’Etat, mépris de l’OPAM, mépris des entrepreneurs « boîtes aux lettres » de la zone franche – l’éclaircie est forcément fragile.

Bref, le quartier est loin d’être en ébullition, mais il a le blues. Et si d’aventure, dans les semaines qui viennent, nous passions au hard rock, il ne sera pas difficile d’établir les responsabilités et d’identifier, une fois de plus, les pompiers pyromanes.

26 octobre 2006

On verra, on verra…

Réunion du comité des commerçants de Malausséna.
Une fois de plus, je suis témoin de la désinvolture avec laquelle élus de la majorité et hauts fonctionnaires de la majorité Peyrat traitent leurs concitoyens. Qu’on en juge.

- Les rues sont sales ?
- Avec le chantier les entreprises sont responsables de la propreté. On ne peut pas faire grand-chose, mais… on verra !

- Y aura-t-il enfin des illuminations dans le quartier à Noël ?
- Très difficile avec les travaux, mais… on verra !

- Peut-on avoir des passages piétonniers supplémentaires pour nos clients ?
- Avec les aménagements du tram il y en aura plus. En attendant… on verra !

- L’éclairage est défaillant ?
- La tâche est difficile avec l’installation des caténaires, alors… on verra !

- Que faire contre l’insécurité de plus en plus insupportable dans un quartier abandonné par la police ?
- Nous avons de gros problèmes d’effectifs, mais… on verra !

En fin de séance, le bouquet final :

- Avec le chantier, il n’y a plus de parking. Comment faire pour garer nos voitures ?
- Franchement, pas grand-chose. Surtout, si nous considérons que la réhabilitation de l’immeuble 5-7 de la place de la Libération va nous conduire à accueillir deux cents fonctionnaires tout en supprimant quarante places sur le parking Thieuriet. Quant au grand parking souterrain prévu sous la Gare du Sud dans le projet « Nouvelle mairie », nous ne pouvons pas l’envisager avant 2010, si tout va bien.
- Alors, que faire en attendant ?
- Euh… on verra, on verra !

25 octobre 2006

Le joyau des joyaux

Le joyau des joyaux pour Laurent Fabius, c’est la laïcité, et il a bien raison. L’évocation du thème de la laïcité fut certainement le moment le plus intéressant du deuxième débat à l’investiture PS, débat que j’ai suivi au milieu d’une assistance clairsemée dans la grande salle de la fédération. Les trois candidats ont fait preuve d’un volontarisme réconfortant sur le sujet. Ségolène Royal, en rappelant les résultats probants de la loi sur le voile en milieu scolaire, DSK (en grande forme ce soir) en affirmant son attachement à la loi de 1905.

Pour le reste, le débat fut assez décevant car les grands sujets de société (démocratie, éducation, sécurité…) furent passés par le filtre réducteur des questions évoquées dans la presse ces dernières semaines par la seule Ségolène Royal (les jurys, la carte scolaire, l’encadrement militaire…). Comme pour les 35 heures, la Présidente de Charentes-Poitou s’est efforcée chaque fois de recentrer ses propos en les rendant compatibles avec le petit livre rouge du projet socialiste. On ne peut donc pas dire que le débat y ait gagné en clarté.

Sur l’immigration, sur la famille (« la droite aime la famille, la gauche aide les familles »), sur les banlieues, Laurent Fabius a eu les propos à la fois généreux et réalistes que j’attends d’un Président socialiste sur des sujets électoralement peu porteurs. Il fallait oser.

Quant aux questions institutionnelles, il en a été hélas peu question, même si paradoxalement les propositions de Ségolène Royal et de Laurent Fabius semblaient plus conformes à la VIe République parlementaire souhaitée par les socialistes que le curieux mutant proposé par Dominique Strass-Kahn (un Président-Premier ministre tout puissant).

Mais heureusement, chacun s’est accordé pour dire qu’il fallait d’urgence adosser à la Constitution une charte de la laïcité. Le joyau des joyaux.

22 octobre 2006

La DP n’est pas un long fleuve tranquille…



C’est au lendemain d’une soirée pleine d’émotion, où j’ai repris le chemin du théâtre de l’Alphabet, quatre mois après la dernière représentation de ma pièce « Fragments de Nice » (Merci Bernard), pour voir un Bernard Gaignier en grande forme (dans le rôle complexe du policier-curé-juge de « Dieu aboie-t-il ? »), que je me retrouve au CLAJ, pour le deuxième séminaire de l’année organisé par Nice plurielle (SRU au CLAJ) et consacré cette fois à la démocratie participative (Retour vers le futur).

Cette question a été, depuis 2001, au centre des réflexions de Nice Plurielle, face à une majorité municipale particulièrement défaillante en la matière. En début de journée, Paul Cuturello illustre d’ailleurs cette incapacité à travers la mise en place plutôt erratique du PLU de notre ville.

Respectivement maire d’une petite commune de 1 200 habitants (Le Broc), maire-adjoint d’une commune moyenne de 12 000 habitants (Valbonne Sophia Antipolis) et maire-adjoint d’un arrondissement parisien de 170 000 habitants (Paris 13e), Emile Tornatore (PCF), Christophe Etore (PS) et Jean-François Pelissier (Alternatifs) nous expliquent, sans langue de bois, leurs expériences d’élus majoritaires en matière de démocratie participative.

A partir de ces témoignages, c’est un débat particulièrement nourri qui s’engage entre militants socialistes, communistes, verts, alternatifs et associatifs, dans la grande tradition des débats de Nice plurielle.

Chacun est d’accord pour rappeler, avec Simone Monticelli, que la démocratie participative, réponse nécessaire à la crise de l’Etat Providence et de la représentation politique et aux insuffisances de la décentralisation à la française, exige un fort volontarisme politique.

Unanimité aussi pour considérer, avec Mari-Luz Nicaise que la question de la formation des citoyens… et des élus est centrale si on veut réussir à développer des institutions représentatives. Peut-être une occasion d’utiliser les compétences des associations d’éducation populaire (Bruno Della Sudda) ?

La question de la représentativité, notamment au sein des Conseils de quartier, est également essentielle pour éviter manipulation et instrumentalisation. Quelques pistes en la matière sont évoquées par Jean-François Pélissier (comme par exemple le tirage au sort).

Pour ma part, j’estime que l’intégration des services et de l’administration dans le processus de démocratie participative est indispensable. Je pense bien entendu aux sept mille fonctionnaires de la Ville de Nice, actuellement sans réelle perspective.

Le budget fait aussi l’objet d’un certain nombre de réflexions, chacun considérant, a minima, qu’il doit avoir pour objectif de permettre aux instances de DP un fonctionnement autonome. La question du budget participatif fait partie intégrante de cette prise en compte.

Reste enfin à considérer le contexte nouveau créé par l’intercommunalité et les usines à gaz souvent peu démocratiques qu’elle a générées (la CANCA étant, de ce point de vue, un exemple significatif).

De dix à dix-sept heures, ce sont des dizaines de militants et d’élus – auxquels se sont joints, en fin de séance, Gérard Corboli, maire-adjoint de Biot – qui se sont exprimés. Au final, chacun aura fait sienne la formule d’un des intervenants : la DP, assurément, n’est pas un long fleuve tranquille… Et alors ? Il ne s’agit pas d’un choix, mais d’une nécessité. La réussite de toute politique municipale en général et à Nice en particulier, exige de relever ce défi. Aussi, nous le relèverons.

20 octobre 2006

Cold case

Sans être HBO, « Cold case » (troisième saison, sur Canal + le jeudi soir, après les inénarrables « Desperate housewives ») est une série policière singulière et – ce qui est rare – émouvante.

Il s’agit, pour Lilly Rush (Kathryn Morris) et son équipe de la police de Philadelphie, d’enquêter sur des affaires criminelles non résolues depuis parfois dix, vingt ou cinquante ans.

Sur la forme, la première scène de chaque épisode est une séquence nostalgie (sixties, seventies, eighties…) très réussie mettant en scène le crime à l’époque de celui-ci. Mais c’est après que l’originalité de la série s’impose. Certaines scènes sont en effet proprement vertigineuses : grâce à des effets spéciaux discrets et efficaces, elles nous permettent de suivre les interrogatoires des témoins du crime qui auront, selon les séquences, leur physique d’aujourd’hui ou celui d’avant. L’effet est saisissant et quelque peu déstabilisant, provoquant chez le téléspectateur un malaise dont il a du mal à fixer la raison. Sur le fond, cette plongée dans la petite boutique aux horreurs d’une décennie nous en apprend plus sur l’évolution de notre société et des mentalités qu’un documentaire savant.

Mais l’essentiel se concentre dans la scène finale, à chaque fois répétée. Le coupable menotté déambule sous les yeux des témoins de l’époque. A un moment donné, son regard croise celui de la victime. Celle-ci, invariablement, apparaît grave mais apaisée. Une nouvelle preuve de la vertu libératrice de la Vérité. Au delà de la vengeance et de l’oubli (Sarajevo, ma vérité).

17 octobre 2006

L’horizon du forestier

Un premier débat plutôt honorable. Austère mais pédagogique. Compte tenu du formatage excessif de l’émission, on ne pouvait pas espérer mieux.

Ségolène Royal s’est exprimée sur un ton et dans un registre – proximité et compétence – qui mettait en valeur des qualités directement héritées des fonctions qu’elle a occupées ou qu’elle occupe (ministères sociaux, ministère de l’environnement, présidence de région). A son crédit aussi, une réponse tardive mais finalement rassurante sur les trente-cinq heures.

Citant Hubert Curien, le père vosgien de la fusée Ariane, Laurent Fabius a rappelé que le Président de la République devait avoir pour horizon celui du forestier. C’est-à-dire une vision qui, sans négliger le présent, se projette bien au-delà même de la durée du mandat. Cet horizon du forestier est incontestablement celui de Laurent Fabius, mais aussi celui de DSK. Chacun à sa façon.

Pour Dominique Strauss-Kahn, un projet social-démocrate nourri par la croissance retrouvée et vivifié par un dialogue social réinventé. Pour Laurent Fabius, un projet plus proche quant à la méthode et à la stratégie de la tradition socialiste française, mais s’appuyant sur un fort volontarisme en matière d’éducation, de recherche et de développement durable.

A les écouter ce soir, j’ai parfois eu le sentiment de retrouver – en plus apaisé – le débat Mitterrand-Rocard d’avant 1981… Qu’ils en soient flattés : il y a de pires comparaisons !

16 octobre 2006

Retour vers le futur

A l’occasion du séminaire de Nice plurielle organisé samedi au CLAJ sur le thème de la démocratie participative (en présence d’élus municipaux majoritaires de Paris, Valbonne et des Coteaux d’Azur), il ne sera pas inutile de revenir sur notre programme de 2001. Ne serait-ce que pour constater la cohérence de notre démarche d’alors sur la question.

Qu’on en juge.

« A Nice, le projet de démocratie locale et participative permettra de rompre avec les pratiques monarchiques du pouvoir municipal. Ce projet sera mis en débat à l'occasion des Etats Généraux de la Démocratie Locale et Participative qui se dérouleront avant la fin de l’année 2001. Les Etats Généraux engageront une concertation avec l’ensemble des comités de quartier, des associations et des structures professionnelles qui innervent notre ville, pour définir ce que seront les mesures et le dispositif à construire progressivement :

→ Mise en place d’une structure de concertation permanente qui rassemblera des délégués de :
- la coordination des Comités de quartier
- des Conseils consultatifs thématiques et notamment :
. le Colloque permanent pour la culture et l'art
. le Conseil consultatif des résidents étrangers
. le Conseil "jeunes"

→ Mise en place d’une structure de concertation permanente qui rassemblera dans le Conseil Economique et Social Municipal des représentants des milieux professionnels, syndicaux et sociaux et qui sera installé durant la mandature.

→ Mise en place d’un budget participatif :
- information de la population et transparence dans l’élaboration du budget général.
- réservation d’une partie du budget pour une élaboration participative et un suivi de la mise en oeuvre par les Comités de quartiers et les Conseils consultatifs thématiques.

Nous prenons l’engagement que ce projet, axe prioritaire de notre future gestion municipale, se développera sur l’ensemble du mandat.

D’ici la fin de l’année 2001, nous proposons :

- une dynamisation des Comités de quartiers, notamment par l’élaboration d’une Charte qui définira leurs compétences, leurs fonctions et les moyens nécessaires à leur fonctionnement ;
- une affectation de chaque élu de la majorité municipale à un quartier de Nice afin de favoriser le dialogue par une meilleure connaissance mutuelle ;
- une concertation pour définir la meilleure sectorisation d’une partie des services municipaux,
- la transformation des organes chargés de la propagande du Maire sortant en de véritables outils pour l’information de tous et le débat démocratique ;
- la nomination d’un Médiateur Municipal chargé de rapprocher les habitants et les services municipaux ;
- dès le mois de Juin 2001, des consultations pour avancer dans la définition participative du Budget Municipal 2002.

Nous garantirons l'indépendance du mouvement associatif; nous nous engageons, en outre, à la réalisation :
- de Maisons de quartier, à disposition des associations des quartiers,
- d'une Maison des Services Publics qui rapprochera les administrations des usagers.

Un Observatoire de la Vie Citoyenne sera installé et chargé de suivre l’avancement et le développement du projet. »


Bien sûr, le contexte juridique a évolué et une partie du texte est désormais obsolète. La loi Vaillant (sectorisation et conseils de quartiers) et la loi Chevènement (intercommunalité) sont passées par là. Reste l’esprit. Même si nos réflexions sur l’équilibre nécessaire entre démocratie participative et démocratie représentative doivent se poursuivre, même si nos recherches sur la « démocratie d’amendements » chère à Antonin sont nécessaires… Nous verrons cela samedi.

Mais en tout état de cause, il n’est pas inutile de relire notre copie de 2001, ne serait-ce que pour constater que nous n’avons pas à en rougir.

14 octobre 2006

Stade terminal

M6, Les six minutes

Après une première partie de Conseil ronronnante marquée par la présence très offensive d’un Jean-François Knecht rasséréné par les nombreux témoignages de solidarité et d’encouragement reçus au cours de ces dernières quarante-huit heures, il faut attendre le début de l’après-midi pour que l’explication générale sur le dossier du grand stade ait enfin lieu. Il était temps : les nombreux journalistes (dont une équipe de Canal +) commençaient à s’impatienter.

Profitant d’un dossier technique sur le Ray, j’interpelle le maire sur les deux aspects de l’affaire : l’administratif et le pénal. Je lui fais notamment remarquer que la ligne de défense qu’il a adoptée depuis plusieurs jours dans la presse est surprenante. Au lieu de chercher avec la justice si l’opération est effectivement entachée d’un délit de favoritisme, il préfère dénoncer un vaste complot regroupant le Préfet, l’Etat, la Justice, la Direction de la Concurrence… et Nice plurielle. Je lui rappelle que nous avons très vite pris nos distances avec ce dossier à la procédure pittoresque et au montage financier dangereux pour les finances de la ville.

Pour conclure ce propos liminaire – que je croyais liminaire – j’avance au moins deux certitudes : la première est la réaffirmation que Nice a bien besoin d’un grand stade, la deuxième est que ce grand stade ne sera pas fait par Peyrat et l’équipe actuelle.

Après un long monologue laudateur de l’opposant officiel de sa majorité, l’ineffable De Gubernatis, le sénateur-maire nous inflige une véritable plaidoirie, décalée sur la forme (effets oratoires d’un autre temps) et décousue sur le fond. Mais si le propos n’est pas toujours très clair, on comprend au moins une chose : les responsables de la situation ne sont pas les juristes new age qui ont concocté le contrat, ce ne sont pas non plus le éventuels et probables corrompus… Les responsables s’appellent Patrick Mottard et Jean-François Knecht. Quant au Préfet, aux juges, au Procureur, aux fonctionnaires de la Concurrence, il s’agit ni plus ni moins que d’une bande de malveillants comme aurait dit Michel Audiard !

Ultime provocation, le maire refuse de donner la parole à Bob Injey. Bon débatteur formé dans les assemblées étudiantes, notre camarade ne se laisse pas faire et c’est dans la confusion générale que nous quittons la salle en signe de protestation. Et nous laissons la majorité décider de l’importante question de la composition de la commission qui aura l’écrasante responsabilité de réfléchir aux festivités qui doivent accompagner la célébration du bicentenaire de la naissance de Napoléon III… !

Dans la salle des pas perdus, nous improvisons une conférence de presse pour nous interroger publiquement sur l’étrange stratégie du maire. Est-elle un rideau de fumée dérisoire pour cacher ou retoucher la vérité ? Est-elle la marque d’un véritable désarroi ?

L’avenir nous le dira. En attendant, une seul certitude : après le Port et la Mairie, Jacques Peyrat ne construira pas le stade.

Pour les autres conseils municipaux, voir :
Acropolis, adieu
Le Conseil vu de l’intérieur
Tout va très bien, Madame la Marquise
Du rififi à la mairie
Hare Krishna

RETRANSMISSION DU CONSEIL MUNICIPAL SUR NICE-TÉLÉVISION
Samedi 14 octobre de 10 h à 14 h
Dimanche 15 octobre de 13 h à 17 h
(et dans la nuit de samedi à dimanche à 2 h 30)

12 octobre 2006

Avec JFK

Déstabilisé par des menaces inadmissibles, déçu par l'absence de solidarité du premier fédéral de son parti, épuisé par tant de combats au service de l'intérêt général, Jean-François a le blues. Au point même de se poser la question de son retrait de la vie politique. Je peux le comprendre mais je ne peux pas le suivre.

Non, Jean-François, il n'est pas question que tu capitules devant les imbéciles et les médiocres, cela ne te ressemblerait pas. Fort du soutien de tes amis de Nice plurielle, de tes camarades - les vrais - , de tes électeurs, tu dois poursuivre ta tâche. Au service de la cité.

Voir JFK et Les premiers qui disent la vérité...

10 octobre 2006

Sarajevo, ma vérité

Dans une de ces nombreuses salles d’art et d’essai qui, désormais, de petites villes en grandes banlieues, quadrillent l’hexagone (merci Jack Lang), j’ai assisté ce week-end dans le 9.3 (cinéma « Le 104 » à Pantin) à la projection du film qui a reçu en 2006 l’Ours d’Or au festival de Berlin : « Sarajevo, mon amour ».

Le film de Jasmila Zbanic se passe effectivement dans la capitale bosniaque et raconte l’histoire toute simple d’Esma, jeune veuve musulmane, qui élève sa fille Sara, adolescente difficile, dans le culte d’un père mort en héros pendant la guerre civile. Pourtant, certains indices laissent penser à Sara que sa mère ne lui a pas dit toute la vérité sur son père. A force d’insistance et de provocations, elle fait craquer Esma qui lui annonce qu’elle est en fait le fruit d’un viol perpétré par la soldatesque serbe. Comme pour se punir, la jeune fille se rase à la façon des collaboratrices et tombe dans une forme de prostration. Puis la vie reprend le dessus et la scène finale laisse supposer que Sara s’est à la fois réconciliée avec sa mère… et surtout avec elle-même.

Ce film austère et pudique nous permet de retrouver Sarajevo où nous avons passé une partie de l’été 2004. Des immeubles éventrés de « Sniper Avenue » aux pigeons de la place Barcasija, nous replongeons dans l’atmosphère inimitable de cette étrange et belle ville.

Mais nous sommes surtout émus par les personnages de Sara et Esma. Leur histoire nous démontre une fois de plus que ni la vengeance, ni l’oubli, ne peuvent guérir. Seule la vérité permet de trouver l’apaisement et de se reconstruire.

… Et de nous souvenir de ces images entraperçues, soir après soir, à la télévision sud-africaine, lors de notre premier voyage dans le pays de Mandela. Il s’agissait de séances des fameuses commissions de la Vérité, où les bourreaux de l’apartheid devaient avouer leurs crimes pour permettre aux victimes de pardonner. Pretoria et Sarajevo, après Madrid ou Bucarest, la vérité est toujours une étape nécessaire sur le chemin de l’avenir.

Du passé, il ne faut jamais faire table rase.


Sur la Yougoslavie :
Podgorica mon amour !
Nettoyage ethnique à la Haye : 1 mort
Rugova est en voyage d'affaire...
ČESKÉ BUDÉJOVICE

08 octobre 2006

Le vrai respect

Je n’ai pas lu l’article de Redeker dans Le Figaro et je ne le lirai pas. Il y a menace de mort contre un homme et cela seul m’importe.

Parler du fond, c’est justifier.

Justifier à décharge comme ceux (dont le directeur du Figaro) qui affirment assez discrètement que cette fatwa est intolérable tout en rappelant invariablement leur hostilité au texte.

Justifier à charge comme Alain Filkenkraut, quand il affirme que la menace de mort justifie le contenu de l’article.

Il s’agit plus simplement du respect d’un principe, celui de la liberté d’expression. Nous sommes dans un Etat de droit : si on estime qu’un écrit est une incitation à la haine raciale, nous avons des tribunaux et des juges pour caractériser le délit conformément à la loi républicaine. Point final.

C’est pour cela que je suis troublé par le silence assourdissant des politiques sur ce sujet. Je ne vois que Dominique Voynet, qui a signé la pétition, et Laurent Fabius, très offensif sur cette question comme j’ai pu le constater à Pantin en direct ce dimanche (voir le blog de Laurent Fabius) pour sauver l’honneur. L’honneur d’une classe politique qui ne se rend pas compte, dans son aveuglement, qu’électoralisme et communautarisme sont les deux mâchoires du même piège à tuer la République.

En fait, cette attitude est particulièrement insultante pour nos compatriotes musulmans. Elle tend à accréditer l’idée qu’ils seraient moins choqués que d’autres par cette fatwa au nom de je ne sais quelle fidélité culturelle et religieuse. Etre tiède dans la réaction serait une façon de les ménager… et de ne pas injurier l’avenir électoral...

Dénoncer avec énergie cette chasse à l’homme est pour moi, qui ai probablement plus d’amis musulmans pratiquants que catholiques pratiquants, la marque du vrai respect.

06 octobre 2006

Une après-midi à la mairie

Quinze heures. Le temps de contredire le grand Tolstoï (souvenez-vous l’entame d’Anna Karenine : « Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon ») en promettant à Oxana et Oleg, ressortissants de la Sainte Russie que j’ai le plaisir de marier aujourd’hui, une vie de famille à la fois heureuse et "à leur façon", et c’est le Grand stade qui revient sur le devant de la scène (Les hypocrites et les benêts).

Sollicité par les journalistes, j’improvise une conférence de presse devant la salle des mariages sous la statue de Charles Félix, l’occasion de développer les arguments de mon court communiqué officiel :

« Une fois de plus, l’ombre de la corruption plane sur un grand chantier niçois.
Une fois de plus, le premier magistrat de la ville agite la thèse du complot.

On pourrait sourire devant l’incongruité d’une telle attitude maintes fois répétée si l’avenir de la ville, des finances publiques et… de son club de football n’était pas gravement hypothéqué par tant d’incompétence et de complaisance.

Le groupe Nice plurielle, quant à lui, n’est pas surpris par ce nouveau rebondissement. Dès le départ, nous avons pointé un certain nombre d’anomalies dans ce dossier, qu’au final, bien sûr, nous avions refusé de voter. Pour ma part, membre du jury d’attribution de la délégation, je n’ai pas pris part à la phase finale des négociations, ce qui me fut reproché maintes fois par le maire en Conseil municipal. On en comprend mieux aujourd’hui les raisons.

L’OGCN mérite mieux, la ville aussi.»


Dix-sept heures. J’enchaîne avec la soutenance d’Emmanuelle, une étudiante niçoise qui nous explique le délicat changement de statut des transports urbains niçois, de Sun Bus à Ligne d’Azur. Cette soutenance est en fait ma vingt-sixième de la session. Un travail colossal (cent vingt pages en moyenne par mémoire) mais très intéressant. Je pense notamment au travail de Véronique (LV) sur la loi 101 au Québec (avec une mention Bien à la clé, tabernacle !), à celui de Henda, sur la discrimination positive, et de Zita, sur la féminisation de l’armée de terre. Sans oublier Mareme et Simon sur la fracture numérique en Afrique. Ces mémoires sont aussi l’occasion de faire un bilan sur les politiques culturelles locales ave Audrey (Antibes), Mélanie (Cannes) et Ophélie (Mouans-Sartoux). Une mention également pour Ernestine qui nous initie à la nouvelle pratique commerciale du wedding planner, ce qui ne manque pas de m'intéresser, moi, l'homme aux cent vingt trois mariages.

Dix-neuf heures. Avec ma collègue, nous nous donnons rendez-vous pour mardi pour les six dernières soutenances, les dernières de la série…

Il est temps de regagner la permanence de Cyrille Besset pour le premier débat pré présidentiel entre partisans de Laurent, Ségolène et Dominique. Un débat qui, à l’évidence, sera moins clanique que d’habitude puisque, partisan de Laurent Fabius (Dominique, Laurent Martine et les autres), je compte parmi mes amis très proches des partisans de Dominique (n’est-ce pas Dario, n’est-ce pas Bernard ?) et des partisans de Ségolène (n’est-ce pas Philippe, n’est-ce pas Jean-Claude ?). De bonne augure pour un débat serein et efficace.

05 octobre 2006

Les hypocrites et les benêts

Faire semblant de découvrir aujourd’hui que l’affaire du Grand stade exhale le parfum nauséabond d’un probable délit de favoritisme, c’est faire preuve d’une bonne dose d’hypocrisie.

Dès le départ, j’ai eu quelques mauvais pressentiments sur l’ensemble de l’opération. Au point, par exemple, de ne plus participer au jury qui devait choisir le délégataire alors que j’en étais officiellement membre au nom de Nice plurielle.

Au début de l’été, nous avions été alertés, Bruno Della Sudda et moi-même, par des spécialistes qui avaient relevé un certain nombre d’anomalies dans la passation du marché du Grand stade. Ces informations corroboraient tout à fait les conclusions que Jean-François Knecht me livraient déjà depuis quelque temps, semaine après semaine, et qui l’avaient conduit à introduire une action au nom du groupe.

Alors, comment croire un seul instant que ce que de modestes conseillers municipaux d’opposition savaient n’était pas connu par les principaux décideurs de la ville ? Pas d’hypocrisie, chacun savait que la justice allait agir en ce sens. Qu’il y ait eu un peu de retard à l’allumage ne change rien à la question.

Quant à ceux qui reprochent régulièrement à Nice plurielle de se livrer à une sorte d’acharnement oppositionnel (Les premiers qui disent la vérité...), ceux qui craignaient que la gauche se coupe des supporters-électeurs (quitter de temps en temps la tribune présidentielle pour les populaires leur apprendrait que la grande majorité des supporters a aussi une conscience citoyenne…), une fois de plus, ceux-là seront renvoyés à leur condition de benêts sans prise sur les dossiers niçois.

03 octobre 2006

« J’avais sept ans lorsque j’ai été excisée… »

« J’avais sept ans lorsque j’ai été excisée… A l’époque, j’habitais avec ma mère à Ziguinchor au sud-ouest du Sénégal, c’est-à-dire à 400 kilomètres de Dakar. Mon père travaillait à Dakar, dans la capitale.

Un jour pendant les vacances d’été, c’est-à-dire à la veille de mon calvaire, ma mère m’a donné des gris-gris à porter : un autour des reins, un autre sur la tête. Je me souviens, ma première réaction était : c’est quoi ça ? ça sert à quoi ?
C’est alors que mes tantes qui étaient présentes m’ont répondu : c’est pour éviter les accidents de la route puisque tu voyages demain, tu vas rendre visite à ton père.

Très contente à l’idée de voyager, je n’ai pratiquement pas fermé les yeux de la nuit. Je me souviens que j’ai réveillé par deux fois ma mère pour lui dire qu’on allait rater le car.
A quatre heures et demi, toutes les femmes de la famille se préparaient pour m’accompagner. J’étais très curieuse, j’ai encore demandé à ma mère pourquoi mon oncle ne m’accompagnait pas. La réponse était : il travaille demain, il ne peut pas venir ».

Jusque-là, je ne me doutais de rien puisqu’elles avaient préparé ma valise et tout le nécessaire pour un long voyage.
Nous marchions dans le noir et nous n’avons rencontré personne. On n’entendait que nos pas, le souffle du vent et le chant des oiseaux.
A un moment donné, nous avons emprunté un chemin sinueux, on dirait presque une forêt. J’ai demandé à ma mère de me porter sur le dos, j’avais peur parce qu’il faisait tout noir. Chose qu’elle a faite bien sûr. Au bout de ce chemin, il y a une case en paillotes. Arrivée sur les lieux, il y a eu d’autres fillettes avec leurs mères qui attendaient. Encore une fois, j’ai demandé à ma mère : qu’est-ce que nous faisons dans ce lieu et qui sont ces gens ?

La réponse qu’elle m’a donnée était : le chauffeur est parti faire le plein, il ne va pas tarder. Quelques instants plus tard, un groupe de femmes arrive. Sans qu’on le sache, c’était l’exciseuse et son assistance. Après presque un quart d’heure passé, elle a commencé son œuvre. Dès sa première excision, j’ai entendu des cris, j’ai demandé à ma mère pourquoi elle pleure, elle m’a dit qu’il fallait se doucher avant le départ et que certaines fillettes n’aiment pas se laver.

Mais là, sa réponse ne m’a pas du tout convaincue. Si une fois dans ma vie de petite fille j’avais entendu parler d’excision, cela aurait dû éveiller mes doutes. Mais je sentais quand même que je n’étais pas en sécurité, même avec la présence de ma mère et de mes tantes.
Les femmes commençaient à danser, chanter, pour que nous n’entendions pas les cris des autres fillettes.

Et quand mon tour fut arrivé, une fois dans la case, ma mère ainsi que mes tantes se sont retirées pour me laisser entre les mains d’une inconnue. Elle s’est approchée et a commencé à ôter ma culotte. De suite je l’ai remise et j’ai commencé à pleurer. Du coup, elle a employé la violence. Elle m’a terrassée, assise sur ma poitrine, bandé mes yeux et m’a portée de force. J’ai tellement hurlé qu’elles ont fini par me mettre un bout de tissu dans la bouche pour atténuer les cris.

Elle m’a couché sur une bâche humide, mais je me débattais pour me lever. Là j’ai senti qu’il y avait au moins quatre femmes pour me plaquer au sol. Et après, l’exciseuse m’a horriblement fait mal.
Juste après mon excision, ma mère m’a dit que je ne dois jamais raconter ce que je viens de subir, elle disait que c’était une affaire de femmes. Et qu’il ne fallait surtout pas que mon père soit au courant.

Pendant les semaines qui ont suivi mon excision, je fais que des cauchemars comme si j’allais être excisée une nouvelle fois. Je ressentais des douleurs atroces, et aller aux toilettes était un véritable défi, sans oublier que je ne pouvais pas marcher correctement.
Bien sûr j’en ai voulu à ma mère puisqu’elle m’a menti. Elle a trahi ma confiance.
J’ai grandi, j’étais très chétive, maladive, dû aux traumatismes que j’ai subis. Je lis, j’entends parler des conséquences, j’ai fait un rapprochement, je me suis dit que c’est sûrement les conséquences de cette excision. »


Madame T.

Ce témoignage poignant est en fait l’introduction du mémoire de Master de mon étudiante sénégalaise Néné Ndeye Badji, « Communication et éducation au service de l’éradication de la pratique de l’excision en Afrique subsaharienne ».

Au delà du travail universitaire excellent (mention Très Bien), chacun l’aura compris, Néné a voulu apporter sa contribution au combat mené en Afrique ou ailleurs par tous ceux qui se battent contre la pratique de l’excision, véritable crime contre l’humanité domestique.

Une pratique qui, contrairement aux idées reçues, serait plus culturelle que religieuse. Les mutilations génitales féminines ont en effet précédé l’apparition du livre. Cependant, certains intégristes musulmans n’ont pas hésité à enrôler cette pratique sous la bannière du Coran, ce qui est tout à fait contestable sur le plan religieux et redoutablement dangereux sur le plan humain. Combattre la coutume n’est pas facile mais est envisageable, combattre le fanatisme et l’intégrisme est beaucoup plus difficile.

C’est pourquoi le travail de Néné, modeste, documenté, authentifié par des témoignages recueillis en direct dans son pays, n’a pas vocation à terminer sur les étagères poussiéreuses d’une BU. Il doit être diffusé largement. Ce post est une première étape, mais nous irons au delà. Ce sera ma façon, notre façon de saluer le courage de Néné et de l’aider dans son combat.

01 octobre 2006

Lionel

C’est dans un petit restaurant du 18e arrondissement que, mercredi soir, entouré de ses amis proches, Lionel Jospin a renoncé définitivement à se présenter à l’élection présidentielle. Il a probablement pris la bonne décision car, comme dit le bon sens populaire : « Avant l’heure, c’est pas l’heure, après l’heure, c’est plus l’heure » (Dominique, Laurent, Martine et les autres).

Mais même si la logique des rapports de force et des fidélités au sein du PS a fait que j’ai rarement été à ses côtés en interne, la décision de Lionel est pour moi tout sauf anodine. Elle marque la fin d’une carrière et peut-être d’une époque. Le parcours de Lionel Jospin est impressionnant et digne, tout entier au service de la gauche démocratique (on se souvient de son débat sans complaisance avec Georges Marchais), un parcours qui ne méritait assurément pas le reniement des ex-courtisans ou les procès en sorcellerie des "résistants" de l’après 21 avril.

Comme tout bilan, celui de Jospin a ses points positifs mais aussi ses zones d’ombre. On peut donc user à son égard de ce fameux droit d’inventaire dont il a lui-même assuré la promotion.

A son crédit, on peut rappeler son rôle essentiel lors du premier septennat, lorsque, premier secrétaire du PS, il a permis au parti de jouer son rôle de contre-pouvoir face au Premier ministre et parfois même face à François Mitterrand. Plus tard, en 1995, sa campagne présidentielle avait su redonner l’espoir à une gauche très déprimée par les législatives de 1993. Enfin, son "quinquennat" à Matignon a été globalement très positif, même si, le programme initial ayant été réalisé en trois ans, les deux dernières années furent un peu statiques. Mais qui veut revenir sur les 35 heures ou ne rêve pas de réinventer les emplois jeunes ?

A son débit, on peut inscrire la campagne de 2002 et, pour nous, bien sûr, sa non implication dans les Municipales de Nice en 2001. Je me souviens l’avoir mis en garde par trois fois sur les conséquences négatives de son absence dans le débat niçois à un moment où, tête de liste, j’avais besoin d’être "bousté" nationalement pour asseoir une crédibilité qui n’était encore que naissante. Je me souviens notamment de notre conversation téléphonique un peu surréaliste le vendredi précédant le second tour. Alerté par les rapports du Ministère de l’Intérieur, Lionel m’avait téléphoné pour me demander ce qui se passait à Nice. De nouveau, je lui avais répété que nous avions toutes nos chances et que la campagne de Nice plurielle risquait de porter ses fruits. Pour la première fois je l’avais senti ébranlé par mon argumentation. Mais il était trop tard pour envisager quoi que ce soit à quelques heures de la fin de la campagne électorale. Le dimanche qui suivit, Guigou en Avignon, Voynet à Dôle et Gayssot à Béziers, candidats largement promotionnés par Lionel, furent sévèrement battus, alors que la gauche niçoise, ignorée par tous, a bien failli créer la surprise. A trois mille voix près.

Mais comme on dit, «ce qui est fait est fait» et ne remet pas en cause l’ensemble d’une carrière accomplie avant tout au service de la réhabilitation du politique et du rassemblement de la gauche. Assurément, au grand tribunal de l’Histoire, Lionel peut comparaître sans crainte. Et de Raffarin à Villepin, ce ne sont pas ses successeurs à Matignon qui risquent de lui faire de l’ombre.