10 juillet 2006

C’est du brutal : one more

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Malgré une quinzaine bien remplie par la gestion des turpitudes municipales et des vilenies fédérales, malgré la lecture des fameux dix-sept mémoires de Master et les sept magnifiques soirées (enfin presque toutes…) à ma permanence pour suivre l’épopée de la bande à Zizou, j’ai quand même trouvé le temps de visionner les trois dernières livraisons de la collection Audiard.

Les deux premiers films sont des nanars qui ont plutôt mal vieilli. Le gentleman d’Epsom (Gilles Grangier, 1962) est l’histoire un peu convenu d’un escroc des champs de courses (Jean Gabin) qui fascine les pigeons par son bagout et son élégance. Les vieux de la vieille (Gilles Grangier, 1960) devait être une rencontre au sommet entre trois monstres sacrés, Gabin, Fresnay et Noël-Noël. A l’arrivée, nous avons un festival de cabotinage à peu près inaudible à cause de la surenchère d’accents soi-disant paysans pratiqués par les trois acteurs. Dans ces deux films, Michel Audiard n’est d’ailleurs pas au meilleur de sa forme.

Le troisième film, par contre, est extrêmement intéressant. Il s’agit du Président, d’Henri Verneuil, d’après Simenon. Jean Gabin est impérial en Emile Beaufort, Président du Conseil sous la IVe république. Pour situer le personnage, il suffit de se remémorer la cultissime réplique du Président à un député qui lui assène « Il y a des patrons de gauche, je tiens à vous l’apprendre » : « Il y a aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité du genre ».

Le long monologue (quinze minutes) du Président devant l’Assemblée Nationale sur la nécessité de l’Europe et la dénonciation des groupes de pression est un morceau d’anthologie qui n’a pas pris une ride. C’est qu’il y a du Mendès France et de la république moderne chez Emile Beaufort. Probablement aussi un peu du Président Bartlett… Le film de Verneuil, en effet, peut être considéré quelque part comme l’ancêtre de la série « The West wing » : une réflexion sur les vicissitudes du pouvoir en démocratie. Une réflexion qui reste étonnamment actuelle malgré quelques scènes franchouillardes un peu datées (le Président, par exemple, se doit d’expliquer une recette de cuisine à son homologue anglais…). Dans ce film-là, les dialogues de Michel Audiard sont étincelants ; ils servent avec beaucoup de brio l’histoire de Simenon.


Morceaux choisis…

LE GENTLEMAN D’EPSOM

« Jamais un cheval à moins de dix contre un. C’est une règle chez moi ! Mais si les cotes minables vous intéressent, personne ne vous empêche d’acheter une boule de verre, du marc de café, un pendule ou, pourquoi pas, un billet de loterie ! Je suis expert, moi, je ne suis pas fakir ! Si vous cherchez du deux contre un, de l’outsider romantique ou de l’inédit fantoche, adressez-vous aux charlatans ! Nous n’avons pas étudié le cheval dans les mêmes écoles, monsieur. Vous étiez à Vaugirard quand j’étais à Saumur. J’apprenais le pas espagnol quand vous débitiez du saucisson sur votre étal, et vous en étiez probablement au steack haché quand j’enseignais le trot raccourci. Brisons-là, voulez-vous ! Chacun dans sa sphère. »

« Dans la vie, il y a deux expédients à n’utiliser qu’en dernière instance : le cyanure ou la loyauté. »


LES VIEUX DE LA VIEILLE

« - Je vous préviens, messieurs, que je suis arbitre fédéral !
- Vous êtes-t-y anglais ?
- Ben non !
- Pour moi, un arbitre qu’est pas anglais, ce n’est rien qu’un merdaillon en pantalon court qui joue avec un sifflet !...
- Allez vous rhabiller, jeune homme ! »
(Je pense que nous pouvons dédier cette citation à notre Zizou national, victime hier soir, d’un arbitre exotique, comme dirait Thierry Rolland !)


LE PRESIDENT

« - Ma chère amie, Wagner est inécoutable ou sublime selon les goûts, mais, exquis… sûrement pas. »

« - La politique, messieurs, devrait être une vocation. Elle l’est pour certains d’entre vous. Mais pour le plus grand nombre, elle est un métier. Un métier qui, hélas… ne rapporte pas aussi vite que beaucoup le souhaiteraient et qui nécessite d’importantes mises de fonds, car une campagne électorale coûte cher ! Mais pour certaines grosses sociétés, c’est un placement amortissable en quatre ans. »

« - Durant des années, à travers le monde, j’ai visité des mines, des camps de personnes déplacées, j’ai vu la police charger les grévistes, je l’ai vue aussi charger des chômeurs, j’ai vu la richesse de certaines contrées, j’ai vu l’incroyable pauvreté de certaines autres. Durant toutes ces années, je n’ai jamais cessé de penser à l’Europe. Monsieur Chalamont a passé une partie de sa vie dans une banque à y penser aussi. Nous ne parlons forcément pas de la même Europe ».


Une petite dernière pour la route en ces temps de départ en vacances. Dans Le Pacha, André Pousse dialogue avec Dany Carrel :

« - J’ai des envies de voyage. L’Océanie, Bora-Bora, les vahinées… Tu connais ?
- Pourquoi ? Tu veux m’emmener ?
- On n’emmène pas des saucisses quand on va à Francfort.
- T’aurais pu dire une rose quand on va sur la Loire. Question de termes. »

Et oui, question de termes…

2 commentaires:

V-ro a dit…

Ah savoureuse réplique que la dernière... Tout est question de termes définitivement.

Anonyme a dit…

Lorsque tu dis "les sept magnifiques soirées (enfin presque toutes...)" je vais imaginer que la seule qui ne l'etait pas est celle ou j'etais absent(la pizza maison de la belle mère m'a paru être un argument de poids ce soir là). De même que tout ceux qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas venue à l'une ou l'autre doivent penser la même chose. On a l'égo qui gonfle un peu là. A moins que ces soirées etaient magnifiques en fonction des résultats et des prestations de notre équipe nationale.

Pour le reste, lorsque tu écrit "C'est du brutal", je ne peu qu'approuver car se delecter des dialogues d'AUDIARD après avoir enduré les vociférations de PEYRAT et les interventions soporifiques de DE GUBERNATIS en conseil municipal, alors la oui, C'EST DU BRUTAL de passer de l'un à l'autre.

ANTONIN