Mon dernier séjour dans la capitale s’est transformé d’une façon inopinée en une longue séquence de Radio Nostalgie au hasard de deux spectacles musicaux – le premier, symbole de la contre-culture des années 60, le second, épopée d’un groupe des années 70 – et d’une exposition sur la vie et l’œuvre d’un chanteur mort il y a déjà trente ans.
Hair au Palace
Bien sûr, j’avais vu plusieurs fois le beau film de Milos Forman avec ses scènes magnifiques à Central Park, mais je n’avais jamais eu l’opportunité de voir le spectacle en live. C’est maintenant chose faite avec une troupe francophone qui, malgré son jeune âge, arrive à faire passer, notament en jouant avec le public, l’atmosphère si particulière des années Vietnam.
Même si les acteurs-chanteurs n’hésitent pas à prendre (un peu) leurs distances en pratiquant l’ironie tendre. C’est d’ailleurs nécessaire car la philosophie qui soutient l’œuvre – la révolution sexuelle est l’antichambre de la Révolution tout court – est un peu dépassée. On s’est rapidement rendu compte que les choses seraient plus compliquées…
Reste une comédie musicale joyeuse et généreuse avec d’inoubliables morceaux de bravoure comme Aquarius, Manchester England ou Let the sunshine in cet hymne à la vie que nous avions intégré dans le final de « Fragments de Nice » lors de la série de représentations de 2007 (n’est-ce-pas Bernard ?)
Mamma mia au théâtre Mogador
Là encore, j’avais vu la version filmée avec Meryl Streep, l’occasion d’écrire sur ce blog une sorte d’hommage à la musique disco du groupe Abba dont l’illustration du répertoire est le prétexte au spectacle musical : «… une musique euphorisante et sans mémoire qui, entre la promesse des lendemains qui n’ont jamais chanté (celle de Hair ?) et la plongée inexorable dans le no futur, nous a fait fugitivement retrouver le temps de l’innocence ».
Bien servi par une troupe de chanteurs-danseurs-comédiens talentueux et … chantant en français, la comédie est à cette image, elle provoque une sorte d’ivresse légère due à l’afflux d’images, de sensations, de souvenirs, qui submergent le spectateur à l’écoute de chansons qui ont jalonné souvent par inadvertance sa vie.
Pour moi, la musique d’Abba est indéfectiblement associée à une traversée de l’Australie où nous avions joué les « Priscilla ». Du coup, à Mogador, Dancing queen ou Wanadoo avaient l’intensité d’un coucher de soleil sur l’Outback .
Georges Brassens ou la liberté à la Cité de la Musique
C’est à la Villette que l’auteur du Chat du rabbin, Joan Sfar (et oui Clotilde !), a organisé et illustré une exposition hommage dédiée à Georges Brassens.
De chanson en chanson, de photo en vidéo, on se rend compte à quel point cet anarchiste sourcilleux mais bienveillant nous manque. Avec la poésie de ses textes et la ponctuation si particulière de sa musique, il savait nous rappeler à quel point il était important de ne pas laisser s’éteindre la petite flamme d’irréductible liberté qui brûle en nous. Pour lui c’était évident, cette liberté ne pouvait qu’être individuelle. Une vidéo présentée à la Cité de la Musique le montre expliquant, presque avec brutalité, ce point de vue et cet art de vie à Jean Ferrat, grand défenseur des causes collectives.
Entre les textes de Georges et les dessins de Joan, la visite se transforme peu à peu en parcours initiatique pour tous ceux qui aiment l’auteur de L’auvergnat mais aussi pour les autres. J’aurai ainsi la confirmation que la Supplique pour être enterré sur une plage de Sète, que Brassens aurait mis plusieurs années à composer, est une des plus belles chansons de langue française.
Quant à Forrest, bien sûr, il était du séjour. Il en a même profité pour aligner plus d’une trentaine de kilomètres sur les pavés et le bitume parisien : l’occasion en passant sous les piliers du pont de Bir Hakeim de rendre hommage à Maria du Dernier tango à Paris et de rencontrer, du coté du lac de Boulogne, un petit lapin au derrière blanc qui semblait s’échapper d’une lettre de mon moulin.