Un Conseil d’administration à Vernier, une interrogation sur la nature profonde de la Ve République en amphi 84 avec les L1 et une réflexion sur la spécificité du service public à la française en amphi 68 avec les L2 ne nous a pas empêché d’être à Cannes, fidèles au poste, pour les immanquables Almodovar et Tarantino mais aussi pour l’austère Bellocchio.
« Vincere », Marco Bellocchio (Italie)
Il s’agit de l’histoire peu connue d’Ida Dalser qui fut la maîtresse du jeune Mussolini quand celui-ci était encore socialiste. Il lui fera même un enfant qu’il reconnaîtra temporairement. Répudiée, elle apprend que Benito est déjà marié et père. A partir de ce moment, elle ne cessera de revendiquer un double statut d’épouse et de mère de famille. Ballottée d’asiles psychiatriques en lieux d’enfermement, elle sera séparée de son enfant et mourra abandonnée quelques années plus tard.
Bellocchio échappe au piège de la reconstitution historique et nous livre un film crépusculaire (l’essentiel de l’action se passe la nuit ou dans des espaces sombres) qui est moins un film politique qu’un film sur l’amour fou, obstiné et suicidaire. Un film qui repose avant tout sur les épaules… et le regard intense de Giovanna Mezzogiorno.
« Inglourious basterds », Quentin Tarantino (USA)
Dans l’Europe occupée par le IIIe Reich, un groupe de soldats juifs américains mène des actions particulièrement sanglantes contre les nazis. C’est ainsi, par exemple, qu’une des spécialités des « Bâtards », comme on les surnomme, est de scalper leurs victimes.
Cela commence comme un western et s’achève en une sorte de « Papy fait de la Résistance » revisité par Mel Brooks. C’est dire si Tarantino nous raconte cette histoire sans complexes ni tabous en faisant fi de la prudence traditionnelle des réalisateurs traitant à l’écran de cette période de l’histoire. Le résultat très iconoclaste provoquera à n’en pas douter des réactions hostiles.
Pour ma part, j’ai trouvé que le film, un peu long, manquait parfois de rythme ce qui est inhabituel chez Tarantino. Notons toutefois quelques scènes d’anthologie comme celle du premier chapitre où l’on voit un officier SS buveur de lait (extraordinaire Christoph Waltz) tout en cruauté mielleuse obtenir la dénonciation d’une famille juive. Cela dit, en matière de scène culte, on peut préférer celle, plus innocente, du comparatif des hamburgers McDo dans « Pulp fiction », palmé ici même en 1994.
« Etreintes brisées », Pedro Almodovar (Espagne)
Un réalisateur à la double identité (Mateo/Harry) a perdu la vue dans un accident où Lena, la femme de sa vie, s’est tuée. Quatorze ans après, une rencontre, d’ailleurs non fortuite, lui donne l’occasion de reconstituer le puzzle du drame.
Si l’histoire a incontestablement des accents hitchcockiens, le film, n’en doutons pas, est un pur Almodovar.
Penelope Cruz, une fois de plus, illumine cette histoire pourtant sombre parce qu’après tout elle n’est peut-être pas aussi belle que cela… En attendant, film après film, la Penelope « espagnole » devient la Monica ou la Diane de Pedro…
Au début du film, Lena – scène familière chez Almodovar – confectionne un gaspacho. Cette image est tout sauf gratuite, elle a valeur de symbole. C’est en effet tout le cinéma du réalisateur espagnol qui est à l’image et au goût de la soupe froide andalouse : insolite, très coloré, rafraîchissant et épicé à la fois, des ingrédients d’une grande simplicité pour un résultat final subtil et même sophistiqué…
Certes, rien n’est simple. Dominique, par exemple, prépare d’excellents gaspachos et n’est pas pour autant une fan du cinéma d’Almodovar. Mais avouez que la tentation de trousser la métaphore comme je viens de le faire est grande…
Alors, enfin la Palme d’or pour Almodovar ? Même si « Etreintes brisées » n’est pas son meilleur film (pour moi, « Parle avec elle » est indépassable…), son nom au palmarès honorerait celui-ci. C’est que Cannes a plus besoin d’Almodovar, qu’Almodovar de Cannes…
5 commentaires:
Ne pas être une inconditionnelle d'Almodovar ne m'empêche pas d'apprécier plusieurs de ses films (par exemple "Tout sur ma mère"). Je ne sais pourquoi, mais les films de Pedro suscitent rarement en moi une émotion... C'est aussi le cas du dernier.
Par contre, j'ai beaucoup aimé le film de Tarantino, avec son humour décalé et sa part de fantasme sur la vengeance du peuple juif. Je n'y mets pas les mêmes réserves que Patrick : je n'ai pas vu les deux heures et demi de projection passer.
Il ne faut pas chercher la vérité historique dans le dernier Tarentino, mais reprenant un fond et des personnages de l’Histoire, notre Américain rend hommage, dans une parodie désopilante, à la France qu’il semble adorer, à la Résistance, au cinéma à travers l’évocation des films de série B des années 50 et des westerns spaghetti. Ses « INGLOURIOUS BASTERDS » ne sont ils pas tout simplement les 12 salopards ?
Comme dans la comédie musicale, où l’on voit chanter les personnages, il faut accepter les conventions de la parodie pour apprécier ce film burlesque, invraisemblable.
Et c’est grâce au cinéma (les salles de quartier, la pellicule qui flambe) qu’il met fin a ses phantasmes, qu’il se défoule contre les responsables nazis et les méfaits de leur politique antisémite durant l’Occupation, dans un tourbillon final.
Alain Resnais nous refait, avec LES HERBES FOLLES, le coup des personnages évanescents, qui semblent n’avoir rien d’autre à faire que parler pour ne rien dire. Depuis MARIENBAD, rien n’a changé, et on se croirait revenus au temps de MURIEL, quand Delphine Seyrig exprimait avec nonchalance son ennui (« c’est curieux, j’oublie toujours tout »)… De l’art de faire oublier les chefs d’œuvre de sa jeunesse.
"Mais avouez que la tentation de trousser la métaphore comme je viens de le faire est grande…"
Diantre! ... Je ne sais ce que cette probable sulfureuse citation de PM est susceptible de dissimuler derrière ses points de suspensions!
"Trousser la métaphore" ???
En tout cas la formulation est élégante. Je note et étudierai le propos lorsque à brûle-pourpoint la métaphore se présentera. ;-)
Rien à voir avec Pédro ou Pénelope mais lire d'urgence
le biscarra enchaîné.
Oui mais dans tout cela, où est la vérité ??????
Et que penser du billet consacré exclusivement à Pierre Laigle qui serait le parapluie de Benoît Kandel. Visiblement le porte-parole n’a pas pensé à la fille de Pierre Laigle en écrivant son billet qui vise exclusivement à humilier cette personne qu’au demeurant je ne connais absolument pas. Ah ‘joubliais, c’est normal il est de droite, tout est permis. Euh, non pire, c’est un ex-Mottardien si j’ai bien compris. Ah, mon oreillette me dit que cela serait pareil. Mottardien ou UMP. Voilà la technique de base de l’analyse “politique” de certains. Car la majorité de ce billet était consacrée à expliquer vainement les raisons de la véritable raclée que le PS s’est prise dans le douzième canton. Et par une transition bien atterrante, “Mais au-delà des chiffres, une image me restera de cette élection”, son billet se conclut par un dénigrement ad-hominem en règle visant à faire oublier les véritables raisons de ce fiasco. Pendant ce temps, le Premier Fédéral continue de prétendre que la gauche n’a jamais été aussi haut. C’est tout de même difficile de ne pas pouffer de rire quand on lit cela sur les vrais blog de gauche.
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