Cannes : chronique n° 2
Malgré un Conseil de quartier par-ci, une obligation professionnelle par-là, nous nous installons petit à petit dans la 62e édition du FIF en retrouvant quelques habitués de la Croisette comme le trio infernal composé de Michel, le Marseillais, Alain, l’Antibois, et Guy, le Parisien, ou encore notre colistier de Nice Autrement, Jean Montoya, et sa talentueuse photographe d’épouse…
Le temps aussi de voir quatre films de la compétition officielle : un Campion un peu trop classique, un Park Chan-Wook jubilatoire, un Audiard (Jacques) glaçant et un Ang Lee planant, forcément planant…
« Bright star », Jane Campion (GB-Australie)
Le dernier film de la réalisatrice kiwie se déroule en 1818 dans la magnifique campagne londonienne et raconte l’histoire d’amour du poète John Keats avec sa voisine Fanny. La mort prématurée du premier écourtera tragiquement cette idylle qui restera ainsi non consommée pour l’éternité.
Pour tous ceux qui, comme moi, se souviennent de la frémissante « Leçon de piano », palme d’or en 1992, « Bright star » sera forcément une déception. La facture trop classique de la réalisation, le jeu en demi-teinte des acteurs, le scénario trop linéaire, ne servent pas cette histoire d’amour qui m’a laissé de marbre du début à la fin. Reste que le spectateur peut toujours glaner quelques moments de grâce comme ce plan ,à l'aube,d’un convoi funéraire sur la place d’Espagne à Rome, la campagne anglaise à l’épreuve des saisons et ces vers de Keats lui-même :
« Je rêve que nous sommes des papillons
N’ayant à vivre que trois jours d’été
Avec vous, ils seraient plus plaisants
Que cinquante années d’une vie ordinaire ».
N’ayant à vivre que trois jours d’été
Avec vous, ils seraient plus plaisants
Que cinquante années d’une vie ordinaire ».
« Thirst, ceci est mon sang », un film « goréen » de Park Chan-Wook
Sang-Hyun, jeune prêtre catholique, devient vampire et érotomane à la suite d’une expérimentation médicale et d’un petit miracle. Six ans après « Old boy » et ses cultissimes poulpes, Park Chan-Wook récidive avec cette histoire calquée avec beaucoup de précision sur le « Thérèse Raquin » de notre Zola national.
L’humour décalé, les effets gores sophistiqués et le brio de la réalisation font de ce énième film de vampires un exercice de style brillant qui se veut aussi une réflexion ironique sur le poids du remord dans la civilisation judéo-chrétienne : même un vampire (prêtre catholique il est vrai) peut y être accessible…
« Un prophète », Jacques Audiard, France
Condamné à six ans de prison, Malik tombe sous la coupe d’un groupe de prisonniers corses. Mais, très vite, le jeune homme va apprendre à voler (!) de ses propres ailes, passant avec habileté et au prix de quelques assassinats du statut d’exécutant à celui de caïd.
Cette plongée assez hallucinante de deux heures et demi dans l’univers carcéral constitue une sorte de « Prison break » à l’envers. En effet, dans le film d’Audiard, on cherche moins à s’évader qu’à peser sur le monde extérieur de ce lieu quasiment matriciel. Le réalisme du propos fait de ce film, magnifiquement interprété par Tahar Rahim (le jeune) et Niels Arestrup (le vieux briscard totalement crédible en parrain corse), un acte d’accusation cruel contre les prisons françaises.
« Taking Woodstock, Ang Lee (USA)
Le film raconte le choc de civilisation qui s’est produit en 1969 entre les habitants d’un Plouc-Ville de l’est des USA et des centaines de milliers de hippies. En fait, on a tout compris quand on sait que le Plouc-Ville en question s’appelle… Woodstock !
Ang Lee nous offre un film léger, souvent drôle, parfois émouvant, sur les à-côtés du plus grand festival de tous les temps (mauvais temps d’ailleurs : il a beaucoup plu à Woodstock).
Et quand le générique de fin se déroule, on se prend à fredonner en accompagnant la bande-son, le « Freedom » de Ritchie Havens. Exactement comme nous l’avions fait en chantant ici même avec le maître en live lors de la cérémonie d’ouverture de l’an dernier. C’est aussi pour ces clins d’œil qu’on aime Cannes…
Version Woodstock 1969
6 commentaires:
Je vous envie d'avoir vu Thirst avant moi, étant une grande fan du genre,j'espère qu'il sortira dans les salles sinon je contourne avec plaisir la loi Hadopi !!
Dommage pour le Campion, elle est pourtant si douée !! Pas de surprise du coté de Chan-Wook, le Woody asiatique... et pas de surprise non plus du coté d'Ang Lee... c'est rassurant tout ça quand même...
La supercherie cannoise
Amateur de cinéma depuis toujours, ayant même touché au cinéma professionnel, assidu du Festival de Cannes depuis longtemps, je crois pouvoir avancer que je connais un peu le cinéma. Mais depuis quelques années, les choix effectués par les sélectionneurs des films en compétition à Cannes relèvent le plus souvent de la supercherie et constituent un véritable scandale.
Le dernier exemple, auquel je viens d’assister, en est l’illustration la plus éclatante : KINATAY, du philippin Brillante Mendoza, est la négation même du langage cinématographique. Ici, tout est filmé en temps réel, la notion d’ellipse n’existe pas, quand les personnages se déplacent d’un point à un autre pendant une demi-heure, on les suit pendant une demi-heure dans un véhicule où l’on ne voit rien d’autre que les lumières blafardes de la route, et au retour c’est le même cauchemar. Aucun souci de qualité de l’image, qui reste illisible d’un bout à l’autre du film.
Quant au scénario, il ne présente aucun intérêt, si ce n’est qu’il nous laisse entendre que la police peut être aussi violente et pourrie aux Phippines qu’ailleurs.
A Cannes, maintenant, il est rare de voir des films d’une longueur inférieure à deux heures, alors qu’ils pourraient dire la même chose avec la moitié du temps : plans séquences interminables, qui ne s’achèvent que longtemps après la sortie du champ des personnages, et qui n’apportent rien sinon qu’ils font durer inutilement le film.
Cette mode est insupportable, et je crois bien qu’il ne me reste plus qu’à renoncer à fréquenter ce Festival…
Han surtout pas Monsieur Montoya !!!!!
il faut continuer de profiter de cet immense avantage que vous avez de pouvoir assister à ces projections et d'en faire des critiques comme celle que vous nous offrez là... ça change de la bouillie infecte de bienséance dont on cherche à nous gaver...
Une bonne série dans cette chronique cannoise. D'accord avec presque toutes les critiques de Patrick, sauf pour le Campion que j'ai manifestement davantage apprécié que lui. Un beau film romantique et un personnage féminin plus moderne qu'il n'y paraît.
Ah, j'oubliais : entièrement d'accord avec Jean. Pas pour le film philippin que je n'ai pas vu (sans regrets si je me fie à ce qu'on entend sur lui), mais sur la longueur des films. On dirait que les réalisateurs se sont donnés pour règle de ne pas faire moins de deux heures. Cela fait quelques années que ça dure et ce n'est pas toujours - loin de là - opportun.
Je constate toutefois que sa grosse crise de colère est passée : c'est qu'il y a quand même quelques très beaux films à Cannes...
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