14 septembre 2009

La deuxième vie du bow-window



Pendant les sept années du deuxième mandat de Jacques Peyrat, c’était devenu un rituel à la limite du private joke. A chaque séance du Conseil municipal, je faisais remarquer mi-sévère, mi-goguenard, les deux ou trois avenants supplémentaires concernant le chantier incroyablement complexe de la rénovation du Musée Masséna qui ne manquaient jamais de s’inviter à l’ordre du jour. La réponse du maire ou de l’adjoint André Barthe était généralement minimaliste et traduisait un certain embarras face à ce dossier qui devenait un véritable tonneau des Danaïdes.

Je ne regrette pas mes interventions car l’opération fut extraordinairement budgétivore (9,8 millions d’euros) tout en reconnaissant que le résultat final est éblouissant.

La restauration de cette villa italienne de style Premier Empire est une vraie réussite. Le rez-de-chaussée, reconstitution des pièces où vivait la famille Masséna-d’Essling, est un enchantement pour l’œil. J’avoue avoir un faible pour l’immense salle à manger prolongée par un majestueux bow-window tamisant l’exubérante luminosité de la Méditerranée toute proche pour mieux la laisser caresser l’austérité massive du mobilier.

Après avoir ainsi déambuler, on peut rejoindre le premier étage où se trouve un véritable musée d’Histoire régionale. Cette appellation, souvent synonyme de pédagogie poussiéreuse, me fait généralement fuir. Rien de tel ici. Dans l’enfilade de salles, on trouve un joyeux mélange d’objets, d’affiches, de mobiliers, de peintures, de photos qui célèbrent, chacun à leur manière mais sans façon, l’identité niçoise : de quoi farfouiller sans contrainte dans la mémoire du Comté de Nice.

On y trouve aussi bien une harpe à pédales exposée triomphalement dans un vaste écrin de miroirs, qu’un photochrome de 1900 représentant une vue depuis le Mont Boron ou une maquette du Casino de la Jetée-Promenade. Ce dernier, véritable star du Musée, est présent un peu sous toutes les formes : peintures, dessins, affiches… ce qui ne fait que souligner l’absence contemporaine d’un véritable symbole identifiant la ville de Nice, n’en déplaise à Sosno (la Tête carrée) ou Venet (l’Arc).

Au hasard des salles, on trouve aussi des affiches officielles aux accents délicatement désuets. Ainsi l’arrêté du maire Malausséna du 27/06/1887 : « A l’avenir, le dépôt, le stationnement et l’entretien des lapins, poules, pigeons et autres animaux de basse-cour sont défendus dans l’intérieur de la ville… ». Ou bien encore, celui du maire Goiran du 28/11/1912 : « L’accès des tramways, voitures publiques, salles de spectacles et de réunions est interdit aux personnes portant un chapeau que fixent et ornent une ou plusieurs épingles à pointe apparente si cette pointe n’est pas munie d’un "cache pointe" constituant une protection suffisante… ».

Encore un petit effort, et, par l’escalier monumental, vous atteignez le deuxième étage et ses deux salles consacrées aux délicates aquarelles d’Alexis Mossa. Mont Boron, Cimiez, Carras, Albert 1er, Port, Paillon… : une quarantaine d’œuvres – dont deux superbes couchers de soleil sur le Casino de la Jetée-Promenade, encore lui – pour une balade qui vous fera pénétrer l’âme de la cité.

Pour sortir, il ne vous reste plus qu’à traverser le jardin – Empire lui aussi – ouvert au public. Et, presque sans transition, vous retrouvez la Promenade des Anglais et son tumulte. Heureusement qu’au-delà de la double voie de circulation, la courbe de la baie…

Vous pouvez aussi visiter le Musée des Beaux-Arts Jules Chéret.

6 commentaires:

Sylvie a dit…

"la courbe de la baie"... sans ce flot de voitures, comme elle serait belle !
A quand le tram au milieu, des pistes cyclables à droite et à gauche et des piétons heureux de vivre ?
Le verra-t-on de notre vivant ?

Anonyme a dit…

Ce qu'il y a de triste c'est qu'on injecte des sommes indécentes dans des vestiges du genre au lieu de penser à améliorer le quotidien des gens. Je suis effaré.

Claudio a dit…

C'est comme ça que j'ai vu et visité le Musée Masséna, jusque dans les détails. Heureux de me faire surprendre.

COTTALORDA Henri a dit…

Tu devrais savoir que je n"apprécie pas ton ironie à propos du Général GOIRAN. Henri COTTALORDA

alain a dit…

Le mot "avenant", ce mot dont rêvent les entrepreneurs ou leurs représentants.

Ici pas de honte, à peine le marché signé que ces messieurs des entreprises font volte-face en mettant en exergue ce qui peut être un peu trop sous entendu au cahier des charges: la bonne et parfaite réalisation des travaux.

Mais c'est aussi l'issue incidente du marché public où gagnent les moins "disants".

Anonyme a dit…

Ne pas oublier la jolie et intéressante bibliothèque de Cessole située au dernier étage du musée Masséna (fonds local riche)
http://www.documentation-provence.org/orgs/229.htm