19 mai 2011

Lars le mélancolique

FESTIVAL DE CANNES N°5

Aujourd’hui, deux films étaient attendus à Cannes : l’épopée sarkozienne de Xavier Durringer et le Von Trier de l’année, « Melancholia ». J’ai eu la chance de voir les deux.

Melancholia


La conquête, Xavier Durringer (France)

D’emblée, on peut dire à propos de ce film qu’il y a tromperie sur la marchandise. Présenté un peu comme une version contemporaine de « La prise du pouvoir par Louis XIV » de Rosselini, ce film est en fait un « Chabada » sauce maussade qu’on aurait pu intituler « Nicolas et Cecilia ». L’histoire conjugale mouvementée des Sarko est non seulement le fil rouge, mais la colonne vertébrale de « La conquête ». Sans jouer au marxiste de service, on peut quand même supposer que l’histoire de cette période était plus complexe qu’une simple conséquence des marivaudages d’un couple.

Dès lors, l’originalité et l’ambition du « premier film français traitant d’un Président en exercice » en prend un coup. Cela dit, même si on n’apprend rien (tout est archi-connu), « La conquête » se regarde sans déplaisir. Notons quand même que les scènes impliquant Chirac nous entraînent plus du côté des « Guignols de l’info » que du docu-drama.


Melancholia, Lars Von Trier (Danemark)

La planète Melancholia se dirige vers la Terre et la fin du monde est proche. La mélancolique Justine, qui a pris soin de foutre en l’air sa vie terrestre en bazardant mari et boulot au cours d’une soirée de noces digne de « Festen », se révèle beaucoup mieux préparée que sa sœur, la sociable et altruiste Claire, pour affronter la catastrophe finale. Morale de l’histoire : la mélancolie est un remède imparable contre la peur de mourir. Bien sûr, il n’est pas interdit de poser une question qui est tout sauf saugrenue : pourquoi refuser de s’engager et gâcher sa vie pour avoir moins de regrets de la perdre ? Il faut bien avouer que Lars Von Trier ne répond pas vraiment à la question dans un film d’une grande beauté formelle et à la distribution XXL (Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland qui, soit dit en passant, n’essaie même pas d’activer la cellule antiterroriste de « 24 h chrono » contre Melancholia !)

8 commentaires:

Dominique a dit…

D'accord avec ces deux critiques. Un peu abattue suite au film de Lars Von Trier (que j'apprécie toujours énormément) qui est pourtant esthétiquement splendide. La mélancolie, ce n'est vraiment pas mon truc...

veronique a dit…

Le premier film ressemblait à quelque chose d’inattendu qu’on pourrait ne pas attendre parce qu’il a été présenté ainsi. Mais je suis souvent de mauvaise foi, d’emblée. A lire ta critique, cela semble se vérifier. Le mieux est de toute façon (hommage à Brel !) « d’aller voir ».
En contrepoint, très séduite par le long article « Répliques »des cahiers du cinéma de ce mois –ci, qui s’intéresse à la question : quelles révolutions pour le cinéma arabe ? On y parle surtout du cinéma en Tunisie, en Egypte et en Syrie. D’abord, il fait preuve d’une grande prudence. Par exemple : « Les cinéastes essaient de rester vigilants et de ne pas céder aux clichés révolutionnaires. Le premier de ces clichés simpliste serait de déclarer que le cinéma bâillonné par la dictature va enfin s’exprimer, alors qu’il faudrait surtout une régulation économique pour le permettre. » Intéressante aussi, la deuxième question : Quelle est la portée historique des images des révolutions arabes postées sur internet ? « Soulèvement des peuples et images impersonnelles ».
Mélancholia suscite une question qui pourrait contenir à elle seule la réponse…Est-ce que cela se choisit vraiment ?

Clotilde a dit…

Ah ben moi vous voyez, je suis ravie, complètement ravie du scandale Von Trier d'hier. Il en aura fallu du temps pour qu'on se rende compte que ce type est vraiment douteux, très douteux (et je suis gentille).
Von Trier n'a rien de révolutionnaire, ou de visionnaire, c'est un névrosé très conventionnel, très banal, trés réac.

Un fil rouge insupportable dans ses films, la faute, la culpabilité, le châtiment, le sacrifice. Mais Von Trier n'est pas Dostoïevski, Von Trier a de gros sabots et ne connaît pas la subtilité.
Entre l'histoire d'une folle qui se sacrifie pour un sale type pervers, soit disant par "amour" ("Breaking the waves", les cloches du paradis qui sonnent à la fin après le sacrifice "si beau" et le type qui remarche par miracle... non mais quelle HORREUR ce film, un navet révoltant), ou celle de parents coupables de trop b...ser et qui perdent leur gamin qui tombe par la fenêtre pendant leurs ébats, rrrro bien fait pour eux s'ils ont une vie de merde après etc.... Je passe sur ses autres films, dont pour certains je ne suis même pas arrivée au bout.

Un type qui a inventé le Dogme, qui était une bonne idée au départ (refuser les superproductions) mais qui en a fait, avec d'autres, un carcan quasiment totalitaire sous des prétextes artistiques, un type comme ça est forcément un peu pourri et certainement pas libre du tout. Prisonnier de sa culture puritaine, de son éducation, de son ego surdimensionné, de son sentiment de "messianisme". Allez, poubelle direct.

Désolée hein, ça m'a toujours sidéré que les gens l'encensent.

(même pas l'excuse d'être bourré comme Galliano; quel pauvre type vraiment)

Claudio a dit…

Un vrai plaisir de retrouver ici une Clotilde virulente et constante sur le sujet. Car je me souviens d'un échange engagé et plutôt vif, sur un vieux blog, à propos de l'oeuvre du cinéaste, désormais "viré de Cannes" (ce qui ne me déplaît pas du tout).

Anonyme a dit…

Le cinéaste danois Lars Von Trier a été déclaré jeudi "persona non grata" au Festival du film de Cannes après ses propos controversés sur Hitler et les nazis. "Le Conseil d'administration condamne très fermement ces propos et déclare Lars Von Trier persona non grata au Festival de Cannes, et ce, à effet immédiat", indique la direction dans un communiqué. Mais la portée de cette décision est encore floue, car cette sanction n'exclut pas le cinéaste de la compétition officielle pour la Palme d'Or.

Le président du festival, Gilles Jacob, avait convoqué jeudi matin un conseil d'administration extraordinaire pour examiner d'éventuelles sanctions à l'égard du réalisateur. "Le Festival de Cannes offre aux artistes du monde entier une tribune exceptionnelle pour présenter leurs oeuvres et défendre la liberté d'expression et de création" et "regrette profondément que cette tribune ait été utilisée par Lars Von Trier pour exprimer des propos inacceptables, intolérables, contraires aux idéaux d'humanité et de générosité qui président à l'existence même du Festival", ajoutent ses responsables.

Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a justifié jeudi l'exclusion de Lars Von Trier en estimant qu"il avait "pété les plombs" avec des propos sur Hitler constituant une "provocation" inacceptable. Le cinéaste Claude Lelouch a pour sa part qualifié de "suicide" cinématographique la sortie du réalisateur danois.

Lors de la conférence de presse de son film "Melancholia", le réalisateur avait suscité le malaise en professant sa compassion pour Hitler qu'il "comprend". Il a par ailleurs jugé qu'"Israël fait vraiment chier", avant de présenter ses excuses dans l'après-midi à la demande du festival.


C'est ce type que vous ADMIREZ ?

Emmanuel a dit…

Je suis d'accord avec toi Clotilde sur Von Trier après ses déclarations et son éviction manu militari du festival de Cannes. Je n'aime ni l'homme ni ses films, cela tombe très bien pour moi. Bon, mais sérieux qui pour 2012 ?
Surement pas lui....

Dominique a dit…

A l'anonyme :
1) apprécier ou admirer un film (la critique est de ce point de vue unanime) ne veut pas dire aimer l'homme ; et je continue à affirmer que je trouve nombreux de ses films remarquables (tout en étant rarement en phase avec le fond du propos, y compris celui de Melancholia).
2) l'information sur sa conférence de presse et ce qu'il y a dit - que nous n'avions pas - achève en effet de déconsidérer totalement Lars Von Trier.

Clotilde a dit…

Pour répondre au 1) de Dominique, je suis bien d'accord sur le fond.... J'adore "Voyage au bout de la nuit" et "Mort à crédit", et pourtant, je sais bien que leur auteur devint pourri jusqu'à l'os au fil des années.