05 février 2009

Syngué sabour

Entre AG et manif, même en pleine crise universitaire, il n’est pas interdit de continuer à lire.

Aujourd’hui, ma lecture est aussi une révélation. Révélation tardive, puisqu’il s’agit du très médiatisé « Syngué sabour » de l’écrivain franco-afghan Atiq Rahimi, prix Goncourt 2008.

Ce petit livre austère parle en fait de la terrible dépendance-désespérance des femmes « quelque part en Afghanistan ou ailleurs ».

Avec, en toile de fond, une guerre probablement juste dans un premier temps avant de devenir infamie au service d’une infamie, une jeune femme obligée de soigner son mari mourant (une balle de Kalachnikov dans la nuque) se révolte.

Une révolte sourde, silencieuse, mais irréversible. Elle fait du corps inerte du combattant (Taliban ?) sa syngué sabour, sa pierre de patience, cette pierre magique que dans la mythologie perse on pose devant soi pour déverser sur elle ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs… On lui confie tout ce que l’on n’ose pas révéler aux autres. Et la pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les secrets, jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate. Et ce jour-là, on est délivré.

C’est ainsi que l’héroïne de Rahimi dit tout à ce mari qu’on lui a imposé quand elle était jeune fille : ses humiliations, ses terreurs, sa sensualité étouffée, sa féminité méprisée. Elle lui dit son horreur d’une société qui fait de la prostituée – la seule qui impose un échange : argent contre sexe –, une femme moins soumise que les autres. Elle lui révèle son dégoût pour ce monde où l’autre moitié du ciel est réduite à une sous-humanité au nom d’un Coran dévoyé.

Et si, au final, la syngué sabour explose, on se dit qu’en terre d’Islam radical la délivrance n’est pas pour demain.

3 commentaires:

Claudio a dit…

2 blogs amis qui m'en parlent. Je vais être obligé de m'y mettre. Merci.
Lien vers l'autre : http://helenablue.hautetfort.com/archive/2009/01/24/syngue-sabour.html

Anonyme a dit…

Des tendances fanatiques, des talibans-ismes il y en a hélas partout...et sans doute à la tête de nombreux états (Israël notamment) et même chez certains laïcistes ...Qui n'est pas prisonnier à divers degrés des préjugés et limittaions mentales inculquées par son milieu famillial et culturel et de ses croyances, que nous prenons souvent à tord pour notre identité ? Nous le sommes tous, à moins d'avoir vécu une expérience d'ouverture de conscience transformatrice spontanée type NDE par exemple ou d'avoir une capacité d'adaptation trans-multi-culturelle et qui dépasse l'intellect seul...

Anonyme a dit…

En parlant de prix, je viens seulement d'apprendre le décès d'Harold Pinter (24 dec), prix Nobel de la littérature 2005... à lire ou à voir son incroyable Caretaker (concierge) !! Je file pas de lien, car je viens de vérif il n'y a que quelques rares passages en VO non sous titrée... dans un post, peut-être je pourrais mettre un extrait traduit...
Syngué sabour connais pas du tout par contre... il a l'air très intéressant à lire ta critique...