04 août 2009
La carte grise et François Lecot
CARNET DE VOYAGE N°1
Tout avait commencé pour le mieux.
Une traversée sans histoire d’un Nord de l’Italie chauffé à blanc par le soleil d’août. Les retrouvailles avec la verte Slovénie, cette Suisse-Yougo à l’hérédité austro-hongroise et aux accents méditerranéens…
La soirée à Ljubljana, la ville de province-capitale où Jason et ses potes Argonautes ont terrassé le dragon qui prétendait les empêcher de rentrer chez eux pour frimer avec la Toison d’Or…
La matinée rectiligne sur la mythique highway du nord de l’ex-Yougoslavie où, des années cinquante aux années quatre-vingt, des générations de Kerouac européens filaient vers leurs rêves hellènes ou turcs…
Et puis, à un moment donné, si nous voulions atteindre la lointaine Albanie, premier objectif de notre voyage, il a bien fallu obliquer vers le sud et nous coltiner, entre Croatie et Bosnie-Herzégovine, notre première véritable frontière.
– Papiers, dit en souriant le douanier bosno-croate à moins qu’il ne fut bosno-serbe. – Passeports ?... Oui ! – Permis de conduire ?... Oui ! – Carte grise ?... Carte grise ?! Horreur et putréfaction : il ne me faut pas plus de temps qu'Usain Bolt sur 100 mètres pour réaliser que j’avais oublié cette p… de carte grise et que sur ces frontières balkaniques gangrenées par les trafics de voitures volées, cet oubli équivalait à un carton rouge et à un renvoi aux vestiaires.
Toute honte bue, il ne nous restait plus qu’à faire demi-tour et à nous résoudre à un retour sans gloire en priant pour que les douaniers croates ou slovènes n’aient pas les mêmes scrupules que leurs collègues bosniaques. Heureusement, ce fut le cas.
Au début, la retraite sous les orages fut morose puis nous nous ressaisîmes en élaborant un plan B. Le Poisson zèbre reconverti en Zèbre tout court fut sollicité pour rechercher par Internet un itinéraire bis qui nous permettrait, une fois la carte grise récupérée, de rejoindre l’Albanie par l’Italie.
Reste que traverser pour la deuxième fois de la journée la Croatie puis la Slovénie, avant d’attaquer l’interminable plaine du Pô n’est pas une promenade de santé. D’autant que, terrassée depuis le matin par une violente douleur dorsale aussi brutale qu’inattendue, ma coéquipière, particulièrement efficace sur les 800 kilomètres de la veille, a été obligée, la mort dans l’âme, de me laisser assurer seul ce retour.
Heureusement, Deep Purple, Ten Years after et la version de Whole Lotta Love par CCS m’ont donné le peps nécessaire pour tenir la cadence.
Et lorsque, au cœur de la nuit, je gare ma valeureuse Opel dans le box de notre garage du quartier Borriglione, je peux constater que le compteur journalier marque 1476 kilomètres. Du coup, je pense avec tendresse à ce François Lecot sur lequel j’ai lu un article il y a quelques semaines. Ce restaurateur bourguignon a connu, en effet, une gloire éphémère en 1935-1936 en parcourant sans s’arrêter (quelques heures de sommeil à intervalles réguliers mis à part)… 400 000 kilomètres avec sa Traction Avant en alignant des allers-retours Paris – Lyon – Monaco.
400 000 kilomètres, c’est dix fois le tour du monde en un an… De la poésie pure rythmée par un moteur Citroën, une volonté de fer au service d’un projet fou et complètement inutile. Il y avait du Lucky Main Froide chez ce Français moyen à béret basque…
Bien sûr, avec mes 1476 kilomètres, je ne suis qu’un disciple bien pâlichon du grand François Lecot. Mais qui sait ? Encore quelques oublis et puis…
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10 commentaires:
Je pensais avec beaucoup de perfidie, qu'il s'agissait d'un stratagème de Patrick pour repartir et conduire la jolie voiture de Dominique...Mais non, je me trompai !
Pour la poésie pure et le projet fou, j'aurais tendance à penser pure folie et projet poétique.
Quant à la carte grise, c'est ballot. Sans vouloir faire le malin, je me demande comment ça peut arriver ; ça me semble impossible... mais moins grave que de rouler sans ceinture ;-)
moi aussi je me demande comment ça peut arriver...
"Le 22 juillet 1935, tôt dans la matinee, une Traction Avant Citroën couverte de reclames traversait Epineau-les-Voves en direction de Paris. Au milieu de l'après-midi, elle repassait dans l'autre sens. Le surlendemain, même scénario aux mêmes heures... Un jour sur deux, à de rares exceptions près, la voiture de François Lecot, hôtelier à Rochetaillée dans le Rhône parcourait la route Paris Lyon dans les deux sens. Le jour suivant, elle empruntait la Nationale 7 de Lyon à Monté-Carlo et retour. Soit près de 1100km par jours. Et cela pendant un an.
Lecot, âgé de 56 ans allait parcourir 400 000 km pendant cette année avec la même auto, sous le contrôle de l'ACF et sans l'aide de Citroën! Un exploit qui restera inégalé, vu les conditions de circulation de l'époque."
Extrait "La Route Paris-Côte d'Azur.
Le record annuel de Lecot n'est pas tombé, mais sur une journée tu le bat à plate couture.
Chapeau bas.
Deep Purple... Ten Years After... on dirait un peu ma voiture finalement...
Quand je disais que parfois tu manquais de conduite!!!
Ceci dit contrairement à Claudio je ne me demande absolument pas comment ça peut arriver!!!!!
ça me fait délirer total... c'est génial... t'es un artiste, c'est normal... je pensais être la pire des boulets, je vois avec grand plaisir que tu me fais concurrence...
Je ne me demande pas non plus comment ça peut arriver... sauf quand ça m'arrive... Le principal c'est que vous gardiez le sourire et que la fin de vos vacances se passe sans retour intempestif...
Doms, soigne toi bien surtout, faut pas plaisanter avec le dos hein...
J'ay oubliay de dire que "Ten Years After" n'est pas celle que j'auray choisie pour affrontay la situation... la prochaine fois, essaye "Kashmir"... oups, prochaine fois j'ay dit ? meu nan...
Hay Zibra, t'es jolie dans ta nouvelle tenue WP...
Comme Bernard et contrairement à Claudio (attention aux affirmations péremptoires, on peut être pris en défaut un jour ou l'autre !),je crains toujours de me retrouver devant ce type de situation.
Chaque fois que nous partons en vacances, pendant les premières dizaines de kilomètres, j'essaie de trouver ce que j'ai bien pu oublier, avant de rendre le retour plus "couteux" (en temps et en carburant) que le bénéfice de récupérer l'objet oublié.
Cela dit, la limite fixé pour le retour est bien inférieure à celle réalisée par Patrick et Dominique.
D'autre part l'objet en question ne pouvait pas faire défaut, sauf à changer complément votre destination (Poisson zèbre ?).
Nous avons fait 4 000 km pendant nos vacances en juillet, et je me dis que nous sommes encore des gagnes petit à côté de ce qui vous attend (examen du compteur kilométrique au retour !).
Merci de nous faire partager vos pérégrinations, et bonnes vacances.
Laurent F
bonne vacances à vous ;)
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