02 février 2012

Amarcord, on se souvient...



Mon ami Jean-Louis Milla anime, depuis près de vingt ans, à Puget-Théniers, une association joliment appelée « Souvenance de cinéphiles » qui organise chaque année, dans les derniers jours de juillet, un festival dans l’ancienne sous-préfecture des Alpes-Maritimes autour et en présence d’une grande actrice (on peut citer, entre autres, Mylène Demongeot en 1994, Bernadette Laffont en 1995, Annie Girardot en 1998, Claude Jade en 2002, Agnès Soral en 2010…).

L’association, par ailleurs, édite un petit bulletin où il m’est arrivé de commettre de temps à autre un article. C’est ainsi qu’il y a déjà pas mal d’années, j’avais – dans un quasi exercice d’écriture automatique – produit une contribution intitulée « Amarcord, on se souvient… A propos du cinéma des années 70-80 ». Amarcord, en hommage à Fellini (en dialecte romagnol, ce mot signifie « Je me souviens »), le « on » étant une traduction abusive en forme d’hommage à une cinéphilie joyeuse qui, à l’époque, ne se concevait que collectivement.

Voilà donc cet article. La semaine prochaine, sur ce blog, je relaterai l’anecdote inattendue… et émouvante que cette publication avait suscité.


Amarcord, on se souvient... 
A propos du cinéma des années 70-80

On se souvient du dialogue muet entre Charles Vanel et les momies d’un couvent de Palerme (Cadavres exquis, F. Rosi, 1976)

On se souvient de la morgue de Santiago du Chili dans Missing (Costa Gavras, 1982) et de la plongée des conquistadors sur la vallée de l’Eldorado accompagnant le générique d’Aguirre, la colère de Dieu (W. Herzog, 1975).

On se souvient des danseurs invisibles devant le grand miroir du Bal des vampires (R. Polanski, 1968) et de la course folle de l’enfant de Shining explorant en tricycle les longs couloirs de l’hôtel désert (S. Kubrick, 1981).

On se souvient de la violence de la première étreinte entre Marlon Brando et Maria Schneider dans l’appartement vide du Dernier tango à Paris (B. Bertolucci, 1973).

On se souvient du premier café partagé par Patrick Dewaere et son père après une si longue absence (Un mauvais fils, Claude Sautet, 1980) et de la promenade entre le vieux Ladmiral et sa fille Sabine Azéma (Un dimanche à la campagne, B. Tavernier, 1984).

On se souvient de Johana Shimkus morte, s’enfonçant lentement dans les profondeurs de l’océan revêtue d’un lourd scaphandrier (Les aventuriers, R. Enrico, 1968).

On se souvient du « I’m back » de Paul Newman dans la dernière scène de L’argent des autres (M. Scorsese, 1986) et de la musique de Giorgio Moroder soutenant le Metropolis de F. Lang (1984).

On se souvient du fou recherchant la vérité en arpentant la piscine vide de Nostahalgia une bougie à la main (A. Tarkowski, 1983) et de celui, troublant, de Jeremy Irons avec son double dans Faux-semblants (D. Cronenberg, 1989).

On se souvient de la couleur ambrée du Chablis dans Providence d’A. Resnais (1980) et de l’oreille dans l’herbe de Blue Velvet (D. Lynch, 1986).

On se souvient du corps androgyne de Mimsy Farmer sous le soleil d’Ibiza (More, B. Schroeder, 1969) et de l’architecture de Gaudi sous celui de Barcelone (Profession reporter, M. Antonioni, 1975).

On se souvient des applaudissements saccadés des prisonniers rendant hommage à Brubaker (S. Rosenberg, 1981).

On se souvient de l’humiliation infligée à Gérard Lanvin par le PDG Michel Piccoli dans la scène du stylo multi couleurs d’Une étrange affaire (P. Granier Deferre, 1982).

On se souvient de l’ombre fluette de l’extra-terrestre de Rencontre du 3ème type (S. Spielberg, 1980) et des visages de craie des convives de Barry Lindon (S. Kubrick, 1976).

On se souvient du duo musical de Délivrance (J. Boorman, 1973) et de la voix intérieure des Berlinois du métro dans Les ailes du désir (W. Wenders, 1987).

On se souvient de John Voight et de Dustin Hoffman déambulant dans les rues de New York au rythme de la musique de John Bary (Macadam Cow-Boy, J. Schlesinger, 1969).

On se souvient du canotier de Jean-Claude Brialy dans Le genou de Claire (E. Rohmer, 1971) et du regard de Philippe Noiret fixant l’horizon dans le dernier plan du Coup de torchon (B. Tavernier, 1981).

On se souvient de la musique de Vangelis accompagnant les athlètes des Charriots de feu sur la plage humide (H. Hudson, 1982).

Enfin, on se souvient de la biscotte beurrée par Claude Jade dans Baisers volés (F. Truffaut, 1968).

20 commentaires:

Emmanuel a dit…

Un véritable inventaire à la Prévert ou plutot à la Perec, non pas Marie José!
Tu commences avec Fellini et Amarcord mais ensuite plus aucune référence à un film italien, c'est dommage...
Bon moi je me souvient De Nanni Moretti dans Journal intime sur son scoot et déambulant dans Rome avec en fond musical Keith Jarrett!
Bon je triche, ce ne sont pas les annnées 70/80...

bernard gaignier a dit…

C'est quand même bizarre que tu ne te souviennes pas d'immenses chefs d'œuvre de cette période:
Le gendarme et les extra terrestres (1979) le gendarme et les gendarmettes (1982) les sous doués en vacances (1982) sans parler des grandes créations de max Pecas je suis une nymphomane et "je suis frigide pourquoi?"

Cléo a dit…

On se souviendra qu'Ibsen est un dramaturge comique et qu'une soirée chiante au théatre peut reveiller un homme, quand c'est Anne Alvaro qui joue Bérénice ( Le goût des autres)

Dominique a dit…

@ Manu,

Je ne suis pas le maître du jeu, mais il me semble qu'il devrait être possible de prendre d'autres périodes de référence que les années 70-80... Cet "inventaire" s'était basé sur ces années-là car il a été fait, si je me souviens bien autour de 1990.
D'accord pour tricher comme toi et retenir Nanni sur son scoot !

Cela dit, tu as mal lu car il y a quand même, en plus du titre, d'autres réalisateurs italiens : Rosi, Bertolucci, Antonioni. C'est quand même du lourd !

Dominique a dit…

En plus d'un certain nombre de scènes décrites par Patrick et que j'aurais très bien pu reprendre à mon compte (notamment les scènes des Charriots de feu, de Faux-Semblants, de Délivrance, de Barry Lindon, d'Aguirre...), je peux proposer sur la même période (et évidemment ce n'est pas exhaustif) :

- La détresse d'Helmut Berger dans "Ludwig, le crépuscule des Dieux" (1972).

- La dureté du père qui vient sortir son fils de l'école pour l'envoyer dans la montagne dans "Padre, padrone" (P. et V. Taviani, 1977).

- Le regard d'Anna dansant avec ses soeurs sur cette incroyable chanson de "Cria cuervos..." (C. Saura, 1975).

- La beauté de New York en noir et blanc dans "Manhattan" (W. Allen, 1979).

- L'insouciance du beau Tomas dans "L'insoutenable légèreté de l'être" (Ph. Kaufman, 1987)

- La célèbrissime scène de la roulette russe dans "Voyage au bout de l'enfer" (M. Cimino, 1978).

- Yves Montand disant à Romy "Mais... tu m'aimes ? dans "César et Rosalie" (C. Sautet, 1972).

Voilà pour l'instant : j'y reviendrai peut-être !

Emmanuel a dit…

Tu as raison Dominique j'ai lu trop vite et oublié certains noms...
Bernard tu oublies tous les chefs d'oeuvre avec Pierre Richard, le grand blond...Je suis timide mais je me soigne...La moutarde me monte au nez..

Claudio a dit…

Je me souviens de Depardieu et De Niro dans 1900 (Novecento) de Bertolucci dans une scène que je ne peux décrire.
Je me souviens dt "Fanfaron" Gassman en décapotable sur une route de montagne "expliquant la vie" au sage et timide Trintignant. (Hors-période, années 60)
Je me souviens de la dernière scène de Mon oncle d'Amérique d'Alain Resnais, où Henri Laborit nous explique la vie (pour de vrai cette fois)
Je me souviens de la réplique-cri de Sabine Azema penchée sur le corps de son mari Arditi qui vient de mourir : "Simon, ne soit pas mort". C'était "L'amour à mort" de Resnais.
...

bernard gaignier a dit…

Ben non Emmanuel, je n'ai pas oublié mais ceux que tu cites figurent parmi les bonnes comédies!!!
Et comme je ne voulais pas être sérieux!!! Alors je le deviens et je rejoins ton regret sur les films italiens qui pour moi ont bercé cette période depuis "Affreux sales et méchants d'Ettore Scola jusqu'à Padre Padrone des frères Taviani en passant par 1900 (le plus grand pour moi )de Bertolucci, sans oublier l'arbre aux sabots d'Olmi, la Terrasse (je crois encore d'Ettore Scola) ou "nous nous sommes tant aimés" toujours d'Ettore Scola! avec également une mention pour l'affaire Matéi. Et une journée particulière... toujours d'Ettore!!
c'était un cinéma qui alliait la profondeur et la légèreté, l'engagement et la poésie;
curieusement Fellini n'a jamais été mon préféré des cinéastes italiens. Je n'ai plus jamais retrouvé le même plaisir au cinéma qu'avec ceux là.

Dominique a dit…

Dans ma précipitation, j'avais oublié des scènes de films auxquelles j'avais pensé et vous les avez citées (du moins les films). Parmi elles, 1900 (la manif, mais plein d'autres scènes "socialistes poches trouées" !), Une journée particulière (sur le toit).

Si je peux me permettre, Bernard, il ne s'agissait pas, pour Patrick, de parler des films qu'il avait préférés mais des scènes qui lui étaient revenues comme ça immédiatement en mémoire, sans réfléchir. Et j'ai essayé de faire pareil.

Anonyme a dit…

C'est poétique...
Ce billet me fait penser à l'émmission "Cinéma, Cinémas" des années 80...
J'aimais bien le générique...
Dommage qu'il n'existe plus de critiques de ce type...
C'est "le cinéma dans le cinéma", c'est beau.

COTTALORDA Henri a dit…

Je me souviens de la scène nocturne et intime dans le film " Les amants" de Louis MALLE avec Jeanne MOREAU. Scène qui provoqua à l'époque ( 1958) un scandale et marqua à vie l'adolescent que j'étais. Il faut dire que cette scène se déroule, avec pour fond sonore, la splendide musique du "sextuor à cordes N° 1 opus 18" de johannes BRAHMS. En sortant de la projection je suis allé immédiatement acheter le disque qui ne m'a jamais quitté et que j'écoute toujours avec la même émotion.

cléo a dit…

La terrasse, j'ai dû la voir au moins trente fois! Qui se souvient de Trintignant ,écrivain en panne d'inspiration, traversant sa maison en tenant la boule de sa machine à écrire au bout d’un fil (celle qui porte le moulage à l’envers des lettres) , la regardant bien droit dans les yeux, la suspendant au robinet de la cuisine et lui disant, avant de faire couler l’eau, le sourire dément aux lèvres: " Je vais te rafraichir les idées…. »

Môssieur Pilou a dit…

C'est osé, bravo, parceque résumer 20 ans de cinéma en quelques films est un exercice compliqué. Difficile de contenter tout le monde et tu t'en es super bien sorti. Allez juste pour le fun, j'ajouterais à ta collection de souvenirs, Al pacino dans le farineux Scarface de Brian De Palma.

bernard gaignier a dit…

Henri c'est là que l'on reconnait l'intellectuel romantique en devenir. Adolescent, en sortant de la projection, après avoir vu la "scène nocturne et intime des amants" tu t'es "précipité pour aller acheter un disque de Brahms"...Beaucoup auraient eu une autre précipitation.

Claudio a dit…

Cléo, "La terrasse", c'est bien là où "l'écrivain en panne" finit par mettre l'index dans un taille-crayon électrique ? Trintignant ? Ma mémoire débloque, elle croyait qu'il s'agissait de Reggiani.

cléo a dit…

Oui Claudio. Il ajoute aussi: "Je me suis taillé le doigt", toujours avec le même sourire dément. Reggiani joue le rôle du dépressif-anorexique qui s’en va mourir sous la neige carbonique du studio de cinéma, récitant la tirade du personnage du Capitaine Fracasse : « Hélas ! Pauvre Matamore… »

cléo a dit…

Qui peut me prêter les amants? J'étais trop petite.

Anonyme a dit…

...j’ai envie de me "remémorer" les scènes "dont on ne se souvient pas"...mais qui ont pourtant marqué tant de films…
Un homme qui marche dans l'obscurité dans un boulevard désert, avec le son de ses pas qui résonne dans un silence absolu…
Une femme qui tire un rideau pour regarder discrètement à travers une fenêtre…
Des enfants qui chahutent dans une rue…
Les essuie-glaces qui balaient une pluie torrentielle…
etc...

Claudio a dit…

Merci Cléo pour ce rappel.

Anonyme a dit…

Je déteste raconter les films, surtout les plus célèbres.. Ils perdent tout leur charme.