10 février 2012

Le Guet's


En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ; à Nice, quand un bar ferme, c’est un pan de la mémoire de la cité qui disparaît.

Le Guet’s, petit café discret de Cyrille Besset, a fermé au début de cette année. Situé juste en face de la permanence que j’ai occupée de 1998 à 2008 au niveau du n°3, il a fini par être une victime collatérale du projet immobilier dit du « 51 avenue Borriglione ».

Militants et permanents avaient évidemment tissé des liens très amicaux avec cet établissement dirigé avec gentillesse par Sandrine et Claude. Pour moi, il évoquait des souvenirs encore plus anciens car, lors de mes premières campagnes électorales dans le 5e canton, le Guet’s était une sorte de QG matinal et, casser la croûte à 8 heures du matin avec un sandwich au fromage de tête était devenu le couronnement d’une démarche initiatique qui faisait de vous un membre à part entier de l’équipe.

C’est qu’on mangeait bien au Guet’s ! Une cuisine roborative – digne d’un « routier » - et propre à reconstituer les forces des nombreux ouvriers et artisans du quartier qui avaient élu domicile dans le café-restaurant. En ce qui me concerne, le plat commandé était invariablement le même : merlan pané - haricots verts avec un demi-citron : on a ses habitudes…

Cantine de notre ami Jean-Louis Sulem, de la famille de Clotilde, lieu de rencontre de la communauté roumaine de Nice Nord, quartier général éphémère du MoDem triomphant de 2007-2008, et permanence de substitution les soirs d’affluence au n°3, le Guet’s et ses trois salles un peu obscures n’est plus et on ne le remplacera jamais.

Ce n’est pas l’événement du siècle, ni même de l’année. Juste une petite blessure mémorielle.

10 commentaires:

ARISTEIA a dit…

Sandrine et Claude..
de beaux souvenirs en effet

Christian Vitu a dit…

Objets inanimés, avez-vous donc une âme .....

Joce Lecoq a dit…

non seulement on perd un bon petit restaurant conviviale je dirai même presque familiale mais surtout des amis chez qui on été toujours super reçu j ai fait les anniversaires de mes enfants sans compté toutes les fois où nous nous sommes réuni entre potes pffffffffffffffffffffffff maintenant quand je passe devant je ressent un grand vide et une grande tristesse .....................bon vent mes amis à très bientôt j espère ♥♥

Anonyme a dit…

Un billet de "GUEST STAR" pour un de ces lieux pleins de souvenirs et qui font l'âme d'un quartier.
(il reste l'UNION ; pardon pas de pub).
Alexandre

Emmanuel a dit…

Et l'Union fait la force...
J'ai mangé au Guet's quelquefois, c'était une cuisine simple, bonne et surtout très bon marché.
Encore un lieu de vie qui disparait pour une banque, une assurance ou pire...une onglerie.
C'est bien triste pour le 5ème!

Le Mouton Enragé a dit…

Un pan de la mémoire de la cité... Pas seulement: la nostalgie se fait ici cosmopolite.

Mon Guet's à moi, c'était celui d'avant, celui de Dédé Perinetti.
Avant d'établir ses quartiers au Grain de Café de Félix Faure, il avait fait de ce modeste troquet le rendez-vous de la communauté... corse, alors loin d'imaginer qu'elle serait un jour suivie par les ressortissants de la lointaine Roumanie. Une vocation de terre d'accueil s'il en fut: on y croisait même nombre de Niçois.

Si la cuisine y était déjà savoureuse, c'est avant tout pour la chaleur des lieux, la bruyante bonne humeur du patron et l'hospitalité chère à la tradition de son île natale que l'on y entrait pour toujours y revenir.
Habitué des lieux ou franchissant la porte pour la première fois, on n'était pas client du Guet's de Dédé: on était invité chez lui, et ce n'est pas la modeste addition de l'époque qui risquait d'en gâcher l'impression.
Sa générosité n'avait d'égal que son éternel sourire: l'adresse était connue des étudiants exilés et souvent désargentés en quête de repas chauds et d'atmosphère familiale... ainsi que de nombreux papys et mamies du quartier, recherchant finalement la même chaleur que leurs cadets: celle des plats comme celle des hommes. Ces anciens étaient accueillis en hôtes de marque: la maison était leur au point que leurs ronds de serviettes trônaient sur leurs tables, attendant leur quotidienne arrivée.

Quoi d'étonnant à ce que l'établissement ait, depuis lors, continué de faire le bonheur de ses adeptes? Le soleil imprègne à jamais les murs de ses salles si sombres.

Il était, quelque part, un parc chargé de sapins noirs et de tilleuls, et une vieille maison que j’aimais. Peu importait qu’elle fût éloignée ou proche, qu’elle ne pût ni me réchauffer dans ma chair, ni m’abriter, réduite ici au rôle de songe: il suffisait qu’elle existât pour remplir ma nuit de sa présence. Saint-Exupéry

Les lieux du bonheur vivront à jamais pour qui les a connus, et pour qui entend leur histoire.
Ce n'est pas l'évènement du siècle, ni même de l'année. Juste un petit miracle mémoriel.

Emmanuel a dit…

Et le Mouton Enragé se fait agneau!
Bravo pour le texte!

Le Mouton Enragé a dit…

@Emmanuel: Meeeh c'est que j'étais un agneau, à l'époque... Et si on me prend par les sentiments, j'arrive plus à enrager...

Entièrement d'accord au sujet du remplaçant, quel qu'il soit: un bloc de glace à n'en pas douter!

Jean-Louis a dit…

Oui, Sandrine et Claude laissent plein de bons souvenirs ... mais n'oublions pas Marcel le cuisinier qui nous a si bien régalé malgré l'exiguïté de la cuisine...
Ce ne sera plus du presque quotidien mais prochainement et de temps à autres, à mon tour je cuisinerai pour eux mais ce sera à la maison.

COTTALORDA Henri a dit…

Mon Père et ma Mère, au cours de leurs dix dernières années, allaient au restaurant tous les jours. Ils alternaient, un jour à "L'Union " chez Ménardo , un jour au GUET'S où ils se sentaient, sous le regard bienveillant des patrons et patronnes, comme chez eux et en famille. De temps en temps , selon les menus, j'allais déjeuner avec eux , les raviolis et la daube chez Marcel et la choucroute ou le couscous au GUET'S... C'est une époque qui s'achève...