03 juillet 2009

« Nous étions jeunes et insouciants »



Avec le départ du 96e Tour de France, revient le temps des interrogations. Aurons-nous cette année ce fameux Tour « à l’eau claire » qu’on nous promet depuis 1998 et la fameuse affaire Festina ?

Les événements navrants qui ont émaillé les éditions 2006, 2007 et 2008 ne rendent pas forcément optimistes. La présence, parmi les grands favoris, de coureurs aussi sulfureux que Lance Amstrong ou Alberto Contador non plus. Sans oublier les révélations, il y a quelques semaines, du maillot à pois 2008, Bernard Khol.

Deux livres récents ne font que confirmer ce climat délétère. Dans « Faut-il arrêter le Tour de France ? », la journaliste Béatrice Houchard estime que seuls quatre vainqueurs du Tour n’ont pas contrevenu à la réglementation antidopage depuis… 1968. Elle cite ainsi Lucien Van Impe (1976), Greg Lemond (1986, 1989, 1990), Stephen Roche (1987) et Alberto Contador (2007). Le choix est assez surprenant pour ce dernier, interdit de Tour en 2008 à cause de l’affaire Puerto…

Plus intéressant est le témoignage de Laurent Fignon dans son livre de souvenirs « Nous étions jeunes et insouciants ». Ce qu’il dit est à la fois simple et effrayant. Avant les années 90, le dopage existe, la drogue est présente (les coureurs colombiens offrant, par exemple, de la drogue à tire-larigot à tout le peloton), mais le phénomène reste artisanal et la hiérarchie sportive du peloton est relativement bien préservée. Après 1991, on bascule dans une autre dimension avec l’EPO. Les pelotons roulent à 50 kilomètres à l’heure, les géants de 100 kg et plus avalent les cols, les équipiers obscurs se mettent à gagner de grandes courses, les spécialistes contre-la-montre se prennent pour Valentino Rossi…

« 1991, 1992, 1993 : ce furent en effet les années charnières. Celles à partir desquelles tout bascula (…) Des gars que je voyais rouler tous les jours à mes côtés changeaient du tout au tout. Ils devenaient meilleurs sans s’entraîner plus qu’avant – parfois même moins. C’était flagrant. Je n’étais pas dupe (…) De nouveaux coureurs se portaient plus régulièrement aux avant-postes et menaient des trains d’enfer au-delà de la normale. »

De fait, l’analyse de Fignon est largement confortée par le palmarès plutôt édifiant du Tour à partir de cette période.

Ainsi, de 91 à 95, on assiste à cinq victoires de Miguel Indurain. L’ancien lieutenant de Delgado devient brusquement et sans transition une bête de course qui étouffe la concurrence dans les cols malgré son physique d’haltérophile poids lourd. En 1996, l’obscur équipier trentenaire Riis gagne à la surprise générale, avant d’être déclassé pour dopage… dix ans plus tard. En 97, Ulrich et en 98 Pantani écrasent leurs adversaires avant d’être rattrapé plus tard par des affaires de dopage. Pantani, devenu toxicomane, va même mourir dans des circonstances dramatiques.

A partir de 99, nous devons subir le septennat Amstrong, honnête coureur de classiques qui devient une sorte de Robocop indestructible et imbattable après… un cancer. Le journal L’Équipe va d’ailleurs faire la démonstration qu’il était dopé en 99. Du coup, les victoires suivantes sont pour le moins sujettes à caution.

En 2006, Oscar Pereiro, qui n’a jamais rien gagné, ni avant ni après, bénéficie du déclassement de Landis pour dopage. En 2007, Contador gagne grâce à la disqualification de Rassmussen pour dopage avant d’être lui-même rattrapé par l’affaire Puerto.

Quant à Sastré l’an dernier, personne n’a encore compris comment ce grimpeur a pu résister à un spécialiste comme Cadel Evans lors du dernier contre la montre du Tour.

A partir de là, on peut rêver à un Tour 2009 avec des coureurs « jeunes et insouciants »… Nous ferons le point ici même le 26 juillet, mais j’ai bien peur que nous soyons loin du compte.

10 commentaires:

Claudio a dit…

Et si on ne s'intéressait qu'au charme désuet de la caravane et à la naïveté festive des spectateurs stéréotypés !

Anonyme a dit…

Il y a aussi un ancien coureur devenu depuis commentateur !!! qui avait des résultats en dent de scie donc du plus exceptionnel vers le + déshonorant l'abandon.
C'est ?????????
ricciarelli

Unknown a dit…

Claudio tout à fait perméable à cette nostalgie celle de notre enfance avec Yvette Horner et Dubo,Dubon,Dubonnet...Ricciarelli Fignon bien sur...pas tout blanc comme il le dit lui même,mais son explication du tournant EPO des années 90 est convaincante !!!

Unknown a dit…

j'étais au bord de la route vers Isola 2000 quand Fignon a abandonné définitivement le TOUR et sa carrière...ça peut créer des liens!!!

Anonyme a dit…

En fait je pensais surtout à JALABERT spécialiste des grandes échappées le 14 juillet et puis ..........
ricciarelli

Le Nissart a dit…

Un coureur a parfaitement expliqué le système du dopage actuel et les limites des contrôles, c'est Bernard Kohn. Son témoignage édifiant a très peu été relayé par la presse mais il est vrai que son témoignage est terriblement dérangeant car il ne laisse pas la place au moindre espoir d'un tour propre ( lien : http://www.foot-manageur.com/cyclisme-f39/bernard-kohn-le-repenti-t106916.htm)
Mais, les fédérations de foot, tennis et autres , autre vecteur du sport de masse et donc de la paix sociale n'ont rien constaté d'anormal dans leur fief !

alain a dit…

Il est tout de même étonnant que le cyclisme focalise, à quelques exceptions près, l'ensemble des "affaires" de dopage.

Quid du foot, et autres sports, il n'y a tout de même pas de miracles ailleurs exempts de coups de pouces chimiques, l'enjeu financier couvre. Comme l'expression dans Chat Noir Chat Blanc de Kusturica : "Si tu ne peux avoir quelque chose avec de l'argent, tu l'auras ...avec beaucoup d'argent!"

Quid également du monde du spectacle, des présentateurs qui sont toujours énergiques d'une semaine à l'autre, sans être une fois seulement ne serait ce qu'un peu "à plat" comme parfois tout un chacun?

Quid aussi des hommes politiques? Le pouvoir est il si "dopant", pour assurer dans de multiples présentations journalières? Y a t'il des contrôles pendant les campagnes? Bon, ici je plaisante!

bernard gaignier a dit…

Je ne pense pas qu'il y ait de sport de compétition sans dopage. C'est vrai pour le cyclisme... et bien avant 1990 même si depuis s'est devenu plus scientifique. (je me souviens d'avoir lu un article ou l'on détaillait le "pot belge" très en vogue dans le peloton dans les années 1950).
On a souvent dit que si Poulidor n'avait jamais battu Anquetil, c'est qu'ils n'utilisaient pas les mêmes armes. Si c'est le cas il a bien fait: Il est toujours en vie alors que Anquetil est mort depuis longtemps.
Mais si l'on pratiquait la même surveillance dans les autres sports on trouverait probablement les mêmes dérives. En athlétisme; pas une compétition où des records ne soient pulvérisés!
En foot, en rugby c'est pareil. Vous avez vu la morphologie des joueurs aujourd'hui???? D'ailleurs il y a des substances interdites chez nous (la créatine) autorisées en Angleterre! Mais on n'en parle pas... trop de pognon la dessus...

Anonyme a dit…

Je suis allé voir avec mon fils les deux étapes d'ouverture de ce tour (Monaco, et Monaco Brignolle). C'est vrai qu'il y a de la magie dans cet événement. Nous ne sommes malgré tout pas dupes, et dire que le spectacle serait tout aussi passionnant, en roulant 5km/h moins vite.

Vive le vélo !!
Laurent F

Joëlle a dit…

J'aime beaucoup les chroniques du tour de France d'Antoine Blondin (assez porté sur la bouteille, l'Antoine !); et aussi "les gens de peu"de Sansot, pour se réconcilier avec la "caravane" et le côté populaire du tour (notamment, le dernier texte : "le pliant").
Mais tout cela n'est que littérature, le Tour pour de vrai : bof !, même les vélos me paraissent suspects ! Joëlle