11 novembre 2009
Mur, murs…
Agnès Varda me pardonnera cet emprunt, mais le jeu de mots est parfait en ces temps de commémoration de la chute du Mur de Berlin pour évoquer mes deux face-à-face plutôt minimalistes avec le symbole-repoussoir de la guerre froide.
La première fois, nous étions au milieu des années soixante-dix. Arrivé à Berlin Est à la fin d’une journée pluvieuse, je n’avais pas résisté à la curiosité en nous offrant, dès la première soirée, une petite virée automobile le long du Mur. La nuit était opaque et brumeuse, mais je conduisais ma Renault 5 comme en plein jour grâce aux nombreux projecteurs qui balayaient la frontière. Miradors et barbelés, l’atmosphère était celle d’un roman d’espionnage. Soudain, un vopo, arme automatique en bandoulière, se dresse devant le capot de la voiture et me fait signe de stopper. Pendant quelques secondes le spectre de la STASI, du KGB aussi, peut-être même celui du Goulag se profilent à l’horizon. En fait, le soldat nous explique plutôt calmement, par gestes, qu’en RDA, la nuit, on roule... avec ses phares allumés, ce que, trompé par les projecteurs, je n’avais pas fait. Du coup, je me suis trouvé un peu ridicule : une infraction routière même pas verbalisée ne risquait pas de me transformer en héros de l’anti-stalinisme. Ce n’était pas encore ce soir-là que le grand vent de l’Histoire affolerait les anémomètres de mon imagination d’étudiant occidental en goguette.
Le deuxième face-à-face fut post mortem. Comme nul ne l’ignore – à part peut-être notre Président de la République – le Mur tomba le 9 novembre 1989. D’emblée, j’eus conscience que cet événement serait le plus important de ma vie d’homme. « Le siècle le plus tragique de l’humanité s’achève en effaçant le symbole le plus visible de son absurdité », écrivais-je à chaud non sans emphase, ajoutant quand même, ce qui traduisait un certain désarroi face au vide : « Berlin et son Mur étaient à l’image du monde et ce monde nous abritait. Borné et rassurant. Cette quiétude un peu honteuse ne sera plus jamais nôtre. Aux premières heures du jour d’après, j’entrevois un avenir âpre où le Mur ne sera plus là pour racheter nos fautes… ».
Pourtant, assez curieusement, le printemps qui suivit, nous ne prîmes pas la direction de Berlin pour nos premiers voyages dans l’Est libéré. Ce fut la Roumanie où nous arpentâmes les ruines encore tièdes de la Révolution au son de la lambada, ce fut la Bulgarie, où nous retrouvâmes amis anciens et acteurs politiques du monde nouveau. Ce n’est qu’au cours de l’été 1990 que nous nous retrouvâmes face au Mur ou plutôt de ce qu’il en restait. L’atmosphère était bien sûr infiniment plus gaie que quinze ans auparavant. Négligeant les marchands du Temple, qui déjà proposaient autour de la porte de Brandebourg des petits morceaux de l’ouvrage, nous nous sommes, avec Dominique, bravement attaqué à un pan de béton armé pour arracher en nous écorchant les mains trois petits éclats dont un joliment polychromé. Ces fragments sont toujours dans mon bureau et chaque matin, c’est sans « ostalgie » que je célèbre mentalement la chute du Mur.
Mur, murs… je vous l’avais bien dit !
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8 commentaires:
Quelques fragments...et le murmure de la liberté.
A chaque fois que je suis allée dans les pays de l'Est je me suis promis de m'arrêter à Berlin, à l'aller ou au retour, je ne l'ai jamais fait... Je crois que j'ai toujours voulu garder intacte ma première "émotion politique". Jusqu'à aujourd'hui elle reste la plus belle et la plus forte...
Très bel article, fort bien écrit et surtout belle expérience de vie...
Mon souvenir du mur remonte à loin.... Eté 1965 faisant Allemand 1ère langue j'avais eu droit à un séjour à Berlin Ouest. et dans ce séjour nous avions droit à passer 12 h à l'est. A cette époque les Allemends de l'ouest ne pouvaient passer le mur.
Notre petit groupe s'est donc pris à passer le mur à Check Point Charlie.. sans accompagnateur.
J'avais juste 16 ans... et je garderai toujours ce souvenir.
Berlin Ouest était une sorte d'ile vitrine de l'occident.
Berlin Est c'était une ville encore à moitié démolie ou on pouvait voir encore le monticule ou il y avait le bunker d'Hitler....C'était une ville presque sans voiture aux silhouettes grises mal habillées; c'était un petit magasin de disque ou une dame très fière nous montra "le" 45 t des Beatles qu'elle avait!!!
C'était la porte de Brandebourg murée inaccessible séparée de nous par un no mans land...
C'était un groupe à peine sorti de l'adolescence qui avait un peu la trouille de ne pas pouvoir repasser le soir tellement ça avait été compliqué dasn le sens Ouest Est.
Que nous a t'il pris... l'ambiance sinistre de cette ville nous a fait péter les plombs et il m'en reste un souvenir une petite photo ou l'on voit notre groupe de galopins faisant le pas de l'oie le bras tendu!! sur une grande place déserte!
En rentrant à l'ouest quand nous avons raconté ça à nos "encadrants"... nous avons eu droit à un savon....largement mérité
Mais bien sur cela n'est rien à coté de l'exploit de notre omni président qui a commencé à démonter le mur avant tous les autres!!!
Merci Karine et cher(è) Bouboune...on a retrouvé "le troisième homme"(tan tantan tantan...) c'est Bernard dans les ruines de Berlin...
Damned je suis démasqué.
et le mur construit par les israeliens sur le territoire palestinien ne vous inspire pas un bel article , fort bien écrit? le murmure de la liberté n'arrive peut être pas à franchir les 8métres de béton ...lors de vos voyages dans "la seule démocratie du moyen orient" vous n'avez pas l'inspiration, l'émotion ,la compassion necessaires à un de vos billets....on aimerait savoir ce que pense un homme de gauche autrement de ce mur de la honte qui massacre des champs d'oliviers, sépare et ruine des familles. je suis contre les murs de toutes sortes , j'ai sauté de joie lorsque celui de berlin s'est ouvert, mais l'actualité c'est pas lui, c'est ceux qui restent et pire ceux qui se construisent.
Le mur en question a aussi pratiquement stoppé les attentats en Israel alors!
Pourquoi une telle agréssivité? je parlerai de ce mur là (à propos duquel j'ai dirigé un travail universitaire...et oui!)tout simplement quand je le déciderai...
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