16 janvier 2010

5.09 – Sévigné




Le secteur regroupe à la fois la partie haute du Boulevard Auguste Raynaud (encore un maire de Nice…) et le quadrilatère bordé par les rues Castellane, Chantal, Montclar, Sévigné et Symiane, sous la bienveillante protection de l’Évêché qui domine l’ensemble au sommet d’une toute petite colline. En réalité, cet espace correspond à l’ancienne propriété des comtes de Cessole et chaque nom de rue est en fait celui d’une famille apparentée. Et si Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, fait partie de la distribution, c’est que sa fille, celle avec laquelle elle correspondait avec tant d’assiduité, était tout simplement l’épouse du marquis de Grignan, parent des Cessole et gouverneur de Provence. A ce titre, il eut d’ailleurs sous sa juridiction le Comté de Nice pendant l’occupation des troupes de Louis XIV.



Ces rues paisibles regroupent une quantité surprenante de villas toutes plus étonnantes les unes que les autres : pâtisseries roses, castels ocres, pavillons mauves ou vert tendre, faux manoirs à la silhouette hitchcockienne. Les balcons peuvent avoir des pilastres bleu turquoise ou des encadrements jaune pâle. Les frises, comme souvent à Nice-Nord, sont d’une grande richesse et les charpentes sont incroyablement sophistiquées. Au 28 de la rue Castelane, une rotonde épouse une pyramide aztèque, un peu plus loin, dans le repli d’une façade tourmentée, on peut apercevoir le buste d’une jeune personne qui tente de nous raconter une histoire que l’on devine chargée d’émotion. Entre les deux, une villa « Le désir » alimente tous les fantasmes.



C’est aussi dans ce quartier, plus exactement au début de l’avenue Chantal, que je participais au début des années 80 aux réunions de mon groupe d’Amnesty International. Des réunions quasiment clandestines depuis que le maire de l’époque – Jacques Médecin – avait répondu, dans une lettre devenue célèbre, à une demande d’autorisation d’occupation du domaine public pour un stand « qu’il ne voulait pas aider une filiale… du KGB ! »

Le Boulevard Auguste Raynaud, lui, me rappelle la bataille homérique que j’avais engagée lors du premier mandat de Jacques Peyrat pour réduire le nombre de panneaux publicitaires qui pullulaient sur cet axe, aveuglant parfois des façades entières. Intervention musclée au conseil municipal, multiples réunions d’une commission ad hoc, négociations tous azimuts avec les professionnels et les propriétaires, nouveau règlement de publicité… Tout ça pour un résultat décevant : seuls quelques panneaux disparurent. Il est vrai – particularisme très niçois – que, membre de la commission chargée de négocier avec les affichistes au nom de la Mairie, j’avais retrouvé avec stupeur… un adjoint au maire, lui-même affichiste, dans la délégation des professionnels…


Auguste Raynaud est aussi le boulevard des entreprises de pompes funèbres. Ce qui complique un peu mes tournées électorales dans le secteur. Souhaiter, comme aux autres commerçants, aux responsables de ces entreprises, des affaires prospères et beaucoup de clientèle est en effet un peu difficile. Avec mes amis, nous nous en sortons généralement avec un sourire un peu forcé , quelques considérations juridiques sur le monopole et une ou deux de ces approximations météorologiques qui nous sauvent souvent de tant de situations gênantes.

Enfin, c’est tout au nord du boulevard, pas loin d’un des rares endroits où un panneau publicitaire fut supprimé, que se trouve la maison de Gérard Gastinel. Compositeur reconnu, cuisinier hors pair et voisin particulièrement sympathique, il fut aussi l’éphémère directeur du Conservatoire national de région de Nice. Subissant le sort que l’on réserve parfois dans notre ville aux talents extérieurs, il fut écarté sans ménagement pour d’obscures raisons liées à la géopolitique locale. Il n’en demeure pas moins qu’on lui devrait l’essentiel de la réussite que constitue le nouveau bâtiment du Conservatoire qu’il avait largement inspiré grâce à son expérience, son talent… et sa disponibilité de placardisé.


Sur la situation des demandeurs d'asile du 51 avenue Clément Roassal à Nice, voir le blog de Dominique Boy-Mottard.


3 commentaires:

cléo a dit…

Quel beau parcours! Un sourire à l'évocation d'une certaine "complication"lors des campagnes électorales, lorsqu'il s'agissait d'aller à la rencontre dans certains territoires. En effet! Encore que...les territoires n'ont pas toujours été aussi marqués à Nice. Cette ville a aussi pu exporter cette idée novatrice: on peut y faire voter les morts. "Sous le soleil exactement, pas à côté, pas n'importe où ", on ne meurt pas.

Anonyme a dit…

Mon petit coin de quartier préféré, joli, discret, apaisant, merci d'avoir ainsi relaté sa petite histoire.

Anonyme a dit…

Merci de m'avoir donné une anecdote que je pourrai proposer à ma grand-mère qui habite dans ce beau quartier Sévigné depuis plus de 50 ans.
A+
FX

PS :si tu as une solution contre le stationnement qui pollue quand même visuellement ce coin...