29 janvier 2010

5.10 - Patrimoine


 
Avec un peu d’imagination, on pourrait baptiser ce secteur le petit Manhattan de Nice Nord. Rompant avec le parallélisme presque parfait de l’avenue Borriglione et des boulevards Gorbella et de Cessole, l’avenue Cyrille Besset, axe principal du 5.10, traverse en diagonale Nice Nord sur presque deux kilomètres à l’instar du célèbre Broadway balafrant le cœur de NYC. Comparaison osée je vous l’accorde mais qu’on peut compléter avec le modeste immeuble en étrave de bateau à l’intersection avec la rue du Soleil et que j’ai surnommé in peto le… Flatiron Building du 5e canton. 

Quant au sieur Cyrille Besset, modeste peintre paysagiste originaire de ma Saône-et-Loire natale, il bénéficie d’un incroyable privilège posthume. De sa tombe au beau milieu du cimetière Saint Barthélemy, il peut en effet surveiller en contrebas – au niveau de la dent creuse située en face du n°75 – l’avenue à laquelle on a donné son nom.Mais Cyrille Besset, c’est avant tout l’adresse de mes permanences successives. De 1998 à 2006, au n°3, dans les locaux de l’ancien commerce de cycle Panara bien connu dans le quartier et même au delà, et, à partir de 2007, au n°10, dans l’immeuble Alphonse Daudet. Après sa brillante victoire dans le 7e canton, Dominique est devenue naturellement ma coloc. 

Perpétuellement menacée par des projets de réaménagements urbains, la partie basse de l’avenue est désormais celle d’une grande diversité sociale : étudiants africains, travailleurs de l’est (la Maison de la Russie s’est installée au 3), retraités modestes, se mêlent aux classes moyennes. La colonie roumaine notamment est relativement importante et il m’arrive parfois, au retour d’un voyage, d’évoquer les places de Bucarest ou les couchers de soleil sur le Danube dans les cafés du quartier. Parmi ceux-ci, assez nombreux, je citerai le pittoresque « Guet’s » , véritable annexe de ma première permanence et où, dans les années 90, je me souviens avoir, pendant quelques campagnes électorales, petit déjeuner avec de succulents sandwichs au fromage de tête qui avaient le mérite de vous tenir au corps toute la matinée.

Plus haut on retrouve Royal Confort qui a équipé la moitié du quartier en appareils ménagers – ma cuisine peut en témoigner –, juste en face, la poste Saint Barthélemy et son architecture bunker devant laquelle nous avons signé tant de pétitions en faveur du service public, et la carrosserie Viale où Hélène, plus souriante et moins énigmatique que son homonyme troyenne, veille à la qualité des opérations de chirurgie esthétique réalisées par son atelier sur nos voitures malmenées par la circulation niçoise.


Le secteur est complété par l’avenue Bardi où habite depuis 1995 un conseiller général qui a vu le modeste cul-de-sac initial devenir une vraie rue à sens unique puis une voie de passage à circulation double. Mais peu importe, du bar des Roses au garage Boccanera, on vit heureux dans l’avenue Bardi, je peux en témoigner.

Du coup, je suis logiquement électeur dans ce bureau 5.10 curieusement dénommé « Patrimoine ». C’est ici, dans les locaux de l’école Saint Barthélemy que j’ai eu l’occasion et quelque part un peu le privilège de voter de nombreuses fois… pour moi même ! Ce vote était-il judicieux ? Cela est une autre histoire et je ne pense pas être idéalement placé pour y répondre…

3 commentaires:

cléo a dit…

Comment peut-on voter pour soi-même et est-ce judicieux? L’était-ce en soi ou cette fois là et quelques autres ? La question semble être : ai-je bien fait de voter pour moi ? Et non : est-ce légitime de « cumuler » ? Me paraîtrait bien fait( !) de voter pour soi si c’est bien aussi, le citoyen qui a voté pour le représentant . Si chacun est ainsi citoyen et sujet (notez le « si »), et non nécessairement le citoyen et le représentant, chacun cumule la citoyenneté et l’assujettissement (relatif pour ce dernier si et seulement si, le représentant ne se contente pas de lui-même ou de se représenter lui-même/ relative pour cette première qui pourrait n’en dire pas plus que son nom et rester de fait passive.) Au regard de cette distinction, je m'interroge (aussi) à présent, sur le visage que pourrait prendre cette autonomie lorsque le citoyen est amené à voter pour lui-même. De deux choses, au moins l'une. Soit ce soi-même est incarné dans et par une identité figée (là on peut s'inquiéter… car le citoyen vote pour lui même et rien que pour lui-même ou du moins celui qu’il croit être dur comme fer. Il ne vote donc pas pour lui en tant que représentant mais pour lui). Soit, il est lui -même (bien que libre faut- il le rappeler ?), la somme des rencontres siennes, et donc si non des autres, du moins de ce qu'il a pu partager avec ces autres ( à ne pas dire "ses", on hésite pas... pour des raisons autres qu'orthographiques), et là on peut aussi s’inquiéter de sa capacité, tout individu qu’il reste, à restituer ce qui relève des autres qui lui prêtent confiance (mais pas plus que cela s’il y a eu véritablement rencontres). Si d'autre part, on part aussi du principe que "je" devient et à ce titre, s'octroie un titre qu'il ne mérite pas, qu'il est bien contre le sens commun, un autre, alors, alors...eh bien cet autre pour lequel celui qui vote pour lui-même a voté de toute façon n’était pas lui et celui qui a exprimé son vote non plus. Le citoyen lui-même autre à ses heures, et le représentant, moins présent pour lui-même que conformément au terme aussi, représentant de quelque chose ou de quelqu'un (en son absence). Ce qui fait que, « normalement », on doit pouvoir éviter dans un bureau de vote de revisiter la scène du restaurant jouée, surjouée, hyper joué ? par un acteur célèbre( ou plusieurs?) dans laquelle Mottard-Mottard prendrait un bulletin de vote « Mottard » et apposerait sa signature sur le registre : « Mottard » (Voix off…à imaginer.) Personnellement, quand je dois voter pour quelqu'un , en l’occurrence toujours autre que moi-même, c'est toujours non pour lui, ni pour moi, mais pour ce qu'il tendrait à représenter et qui dépasse toujours nos individus ( en question) : « Je » ne sait pas pour « qui », « il » vote. Je transforme pour le plaisir la question finale : avons-nous bien fait de voter pour nous ? Mais on risque de retomber sur le même problème : le nous, simple somme de ceux qui se prétendent des ‘je’ ou corps irréductible à la somme de ses parties?

alaind a dit…

Bon, je vais faire plus simple, et dispenser un brin d'absolution, franchement et sincèrement, Pat, si tu n'avais pas voté pour toi, pour qui alors aurais tu glissé le bulletin dans l'enveloppe?
Le droit de choix pour une autre voie existe, mais à ce moment précis tu aurais été en contradiction avec ton chemin.

Anonyme a dit…

Patrick,

quelle coïncidence de se retrouver sur l'appellation de Cyrille Besset. Quand je parle de cette rue, je l'appelle toujours, comme toi, le Broadway niçois. Ah Manhattan, quand tu nous fascines !!!

Laurent F