13 mai 2010

Allo papa bobo !

L'équipe de Tournée

Ma présence depuis janvier dans les salles obscures ayant été plus que modeste (seulement trois films : I love you Philip Morris, gentiment iconoclaste, Ensemble c’est trop, sans intérêt, et Invictus, la dernière livraison de Clint Eastwood à laquelle Dominique a justement consacré un billet sur son blog), c’est avec un plaisir évident que je monte allègrement les marches du Palais – précédant de peu Jean-Jacques Annaud et une sublime Salma Hayek en robe prune – pour la cérémonie d’ouverture de ce qui sera la 63e édition du festival de Cannes. Une première soirée ultra minimaliste présentée toutefois avec élégance par Kristin Scott Thomas et placée sous la haute autorité du Président du jury, le toujours ébouriffé Tim Burton. L’image du jour, c’est évidemment le fauteuil vide du réalisateur iranien Jafar Panahi, Lion d’or 2000 à Venise, emprisonné dans son pays par des ayatollahs qui n’apprécient pas le film qu’il serait en train de réaliser sur le hold-up électoral d’Ahmadinejad.

Robin Hood, Ridley Scott (USA)

Assez habilement, Ridley Scott ne nous offre pas une énième version cinématographique de Robin des Bois mais une histoire inédite de Robin avant les bois.

Celui-ci n’est encore qu’un humble archer au service de la couronne pour défendre le royaume contre ces maudits Français. C’est ainsi qu’au service de Richard Cœur de Lion puis du Prince Jean, Robin Longstride va écumer tous les champs de bataille de France et d’Angleterre.

Le problème est qu’il a la mauvaise idée d’entraîner le spectateur dans son périple et que, deux heures et quelques de cliquetis, de charges et de combats rapprochés, ça finit par être lassant même si les reconstitutions – à l’instar du débarquement avorté des Français – sont souvent très réussies. En s’achevant au moment où le héros prend le maquis dans la forêt de Sherwood, le film – surtout en ces temps d’élection de Cameron – donne plutôt envie de revoir les vraies aventures de Robin des Bois. Si possible avec un autre acteur que Russel Crowe qui a à peu près le charisme d’un consultant en tir à l’arc sur Eurosport…

Ce jeudi de l’Ascension, la compétition commence avec deux films qui traitent assez curieusement du même thème à savoir les remords d’une paternité mal assumée.

Rizhao Chongqing, Wang Xiaoshuai (Chine)

Un capitaine de bateau rentre après six mois en mer pour essayer de comprendre pourquoi son fils Lin Bo, un jeune homme de vingt-cinq ans issu d’un premier mariage, a été abattu par la police. Il ne supporte pas que celui-ci se réduise à la poignée de cendres dispersée par sa mère dans le Yang-tsé-Kiang et à l’image d’une ombre sur le film de vidéo-surveillance des lieux du drame.

L’enquête, qui est aussi une quête, le renverra à sa propre culpabilité : par égoïsme, il avait littéralement abandonné ce premier fils au profit de sa nouvelle famille. Lin Bo finira par disjoncter et sombrer dans une forme de démence meurtrière et suicidaire. Tiraillé par le remord mais peut-être enfin convaincu qu’il ne faut pas passer à côté de l’essentiel, il retrouve son jeune fils de neuf ans et peut-être un avenir. Mais on n’en est pas très sûr.

Cette histoire émouvante a pour décor Chongqing, énorme mégapole du Sichuan, sorte de Manhattan monstrueux et fascinant, qui se reflète dans les eaux calmes du fleuve et se dissout dans la ouate grisâtre d’un ciel éternellement plombé.

Tournée, Mathieu Amalric (France)

Joachim, ex-producteur télé à succès, a tout plaqué à l’aube de ses quarante ans pour repartir à zéro en Amérique. Il y a monté une troupe de stripteaseuses new burlesques qui jouent avec entrain de leurs physiques imposants et imparfaits dans des numéros où se mêlent joie de vivre, humour et sensualité exotique. A le voir évoluer parmi elles, on sent bien que Joachim a trouvé là une véritable famille dont il est à la fois la figure paternelle et l’éternel enfant. Il organise une tournée en France qui, du Havre à Toulon, s’avère être un grand succès.

Pourtant, on découvre petit à petit que cette tournée n’est en fait qu’un prétexte pour faire le point et peut-être renouer avec sa vie d’avant. C’est ainsi qu’à Paris, il retrouve ses ex-collègues, son ex-femme, et surtout ses deux jeunes fils. La réponse sera à la mesure de l’inconscience du questionnement : personne ne le regrette. Les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux… Même pas ses enfants, effrayés par ce père immature qui a oublié jusqu’à leur date de naissance.

Le coup est rude pour Joachim. Meurtri, il n’est toutefois pas vraiment surpris. Aussi, ne se fera-t-il pas prier pour rejoindre, sans doute définitivement, son royaume farfelu.

Sur l'ambiance du Festival, voir le blog de Dominique.

4 commentaires:

MyNamIz...YouNoWate a dit…

Le fauteuil de Ridley aussi était vide... Bon certes, pour des raisons moins dramatiques, quoi que, je ne suis pas certaine qu'il ne trouve pas sa situation dramatique lui... C'est vrai quoi, avoir l'honneur de faire l'ouverture et ne pas pouvoir y participer ça doit quand même être un peu rageant...

Clotilde a dit…

C'est marrant ton post parce que quand je l'ai lu hier soir on venait juste de se dire avec Lau que ce Russel Crowe n'était quand même pas le meilleur acteur de sa génération!

J'aime beaucoup le thème du troisième film!

Véronique a dit…

Un grand merci pour la découverte du film chinois que j’ai beaucoup apprécié même si le sujet n’est pas des plus légers… une très belle quête individuelle du visage au milieu d’une multitude vertigineuse. On espère ce rapprochement des êtres qui s’esquisse dans le couloir de l’hôpital, la main hésitante est enfin posée sur une épaule, et dans la dernière image, le geste devient un véritable accomplissement du parcours.

Rosemarie Bochaton-Montoya a dit…

Moi j’ai trouvé le film de Mathieu Amalric épatant par le choix des actrices, mais le pourquoi du comment du film n’était pas très clair et souvent on se demandait s’il allait pouvoir continuer son film tellement ça se perdait un peu dans la fumée des cabarets, et surtout comment il allait terminer…. ce qui fait que ça paraissait un peu long à conclure !
Le film chinois “Chongquing Blues” (en anglais, on comprend mieux…) était aussi très original avec ses 3 aspects qui s’entremelaient, l’enquête casi policière du héros pour savoir pourquoi son fils est mort, l’étude sociologique du fossé entre la génération des jeunes et celle des parents, de 50-60 ans reflété aussi par le changement de la ville et des vieux quartiers qui disparaissent, et la douloureuse découverte pour un père que finalement tout a été de sa faute par son absence.