24 avril 2011

Mes villes du monde (2) : Florence



Florence n’est pas comme on le pense trop souvent seulement une ville musée. C’est aussi une grande métropole, avec ses quartiers périphériques, ses centres commerciaux, ses HLM, et une circulation digne de l’Enfer de Dante.

Mais de la place de la Signora au Ponte Vecchio, le centre de la ville des Medicis est si beau que c’est par lui que le visiteur est aimanté, c’est une évidence.

Pour ce énième rendez-vous avec la capitale de la Toscane, nous avons pu constater que la magie opère toujours. Intacte.

Les façades polychromes, les piazzas intemporelles, le ciel vaporeux, les collines bibliques, jusqu’à cet Arno si paisible quand il n’est pas redoutable.

L’atmosphère joyeuse mais respectueuse également reste inchangée avec ces voyageurs, jeunes, vieux, tchèques, espagnols, japonais, touroperatorisés, érudits ou pèlerins… une sorte de communion païenne avec l’humanisme de la Renaissance, à laquelle je participe rituellement en allant piétiner l’endroit où s’élevait le bûcher des vanités de Savonarole. Ma façon de constater sans juger que la beauté de la ville doit plus à la virtù du Prince qu’à la vertu du Moine…

Au fil des visites, on se fabrique aussi sa Florence à soi. Pour nous, cette ville appropriée commence en général par une visite aux dames de Sandro : la Vénus, bien sûr, l’allégorie du Printemps, évidemment, mais aussi cette Vierge à la grenade avec laquelle j’entretiens une relation si particulière. Puis, c’est le pèlerinage à San Miniato al Monte qu’au fil du temps nous avons fini par préférer aux orgueilleuses Santa Maria Novella et autres Santa Croce.

Et puis, une ville subjective, c’est aussi celle où, à chaque visite, on ajoute une émotion, une odeur, une image… Celle de ce séjour fut insolite et brève. D’une fenêtre de la galerie des Offices, mon regard suivait paresseusement le cours de l’Arno quand une carpe gigantesque fit un saut périlleux au milieu du fleuve offrant, le temps d’un éclair, son ventre et ses écailles dorées aux rayons du soleil. Elle retomba si brutalement que la surface de l’eau fut pour longtemps ridée de cercles concentriques…

Une ville, ce sont aussi des rencontres. Comme celle qui nous fit connaître, un soir de décembre 1978, dans une trattoria du centre ville, John et Robyn, deux jeunes australiens de passage en Italie qui vivait alors en Angleterre. Naquit une amitié qui, de la Baie des Anges à celle de Sydney, de l’Outback d’Ayers Rock aux monts du Beaujolais, jamais ne sera démentie. Les retrouver au cœur de cette Toscane où nous nous étions rencontrés pour la première fois il y a trente-trois ans sera un bonheur dont l’intensité ne fut que peu atteinte par la mélancolie du temps qui passe.

 Dominique, John et Robyn à Florence, en 1978

9 commentaires:

Claudio a dit…

Beau récit. Florence est magique et... aphrodisiaque.
Je rappelle à ceux qui seraient intéressés que l'Arrivée du Marathon s'offre la Piazza Santa Croce.

cléo a dit…

Bon… à la lecture, il me faut soit reconnaître que je suis complètement passée à côté de Florence soit, que les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Un rempart infranchissable (je dois être une aristocrate masquée !), Florence est restée pour moi un supermarché avec ses files d’attente interminables qui font qu’à leur simple vue, j’abandonnais aussitôt l’idée d’y voir quoi que ce soit ou que je tournais de l’œil. Un élément saugrenu de comparaison : une salle de cinéma projetant un film magnifique, mais… manque de bol! Juste devant soi! Des admirateurs des jacson five ! Bref, j’avais prévu d’y rester 5 jours et au bout de 6h, j’ai dit : « On se casse ? » Un bonheur… l’homme qui m’accompagnait m’a répondu : « On se casse ! »
Mais alors, Luca, la toscane et Pize, splendides et surtout… désertique.
J’aurai un regret… que j’ignorais jusqu’à présent : le mouvement qui va de la paresse du regard au saut de la carpe.

Unknown a dit…

Cléo tu as raison pour une première visite le hors saison et les horaires décalés sont nécessaires...cela dit"Jackson five" il ne faut pas se moquer ce fut un des surnoms de ...Dominique dans sa période "frisée"...!

cléo a dit…

Assurément, il y a des conditions pour que cette ville s'offre. Celles qui font que je connais la ruelle d'or de Prague à cinq heures du matin par - 20 degrés. Pour cela, rien de mieux que d'y vivre et d'y saisir d'abord ses rythmes et ses mouvements. J'ai un peu plus de mal avec le passage dans les villes. En mémoire, La Nice photographiée par Depardon. Aucun touriste ne l'aurait reconnue...Quant aux five!Je ne me moque pas! Il se trouve que ce surnom m'a maintes fois été donné. L'avantage d'être conscient de cette particularité, c'est qu'on eut peut se blottir de son propre chef dans son fauteuil dans les salles obscures pour ne pas "déranger" ses voisins de derrière... franchement, la moindre des choses! Aurait été que les touristes de Florence se dispersent, un peu, et témoignent de la même délicatesse.

bernard gaignier a dit…

Comment t'as su que c'était une carpe?

Dominique a dit…

Bernard, quand Patrick m'a parlé de la carpe en me montrant les cercles sur l'eau, je lui ai posé la même question qu'il a manifestement trouvée stupide (et sans doute avait-il raison : quelle importance ?). Réponse : "que veux-tu que ce soit ?". La force de l'évidence (de son évidence), quoi...

Un peu d'accord avec Cléo pour la foule. Mais mon but principal étant d'aller revoir les Boticelli - et les billets ayant été réservés à l'avance - le bonheur fut au rendez-vous. La prochaine fois, j'éviterai quand même la Semaine sainte...

cléo a dit…

Bernard,l'évidence est linguitisque! Essaie avec grenouille diem et tu comprendras que cela ne marche pas. Par contre avec carpe...

Anonyme a dit…

Je ne résiste pas au plaisir de pianoter sur le clavier de mon ordinateur pour commenter la plume vagabonde animée par le métacarpe de Patrick. Merci au globe-trotter de nous permettre, l'espace d'un instant, de pénétrer la magie des atmosphères insolites de ses pérégrinations.
Il fallait bien surprendre un poisson dans la pêche miraculeuse aux émotions.
Après tout cette carpe, ce n'était peut-être qu'un gros poisson d'avril un peu en retard, ou un silure faisant le gros dos dans un Arno sans tsunami, même Ordralfabétix serait jaloux de cette pléthore de poisson frais... et les cercles concentriques ceux de quelques cloches de passage un peu égarées en cette période, mais c'est peut-être parce que je n'ai pas mangé de chocolat ce week-end... en crise de foi moi aussi sans doute, il faut vraiment être à Florence pour ne pas sentir les affres du temps qui passe, la magie opère, dommage que ce ne soit qu'une image... merci à l'enchanteur de nous la suggérer en rêve à travers ce beau récit.

Emmanuel a dit…

Tu as raison Patick et si le paradis existe, il est peut être toscan. Je viens à peine de rentrer d'Ombrie, à 100 km au sud de Florence, et je peux vous assurer que c'est aussi une belle région, moins chère que la Toscane, avec de charmantes personnes et des paysages qui sont toujours aussi vivants. A voir !