23 mai 2012

Io e te... e Bernardo Bertolucci


Les festivaliers rendent hommage à Bernardo Bertolucci

Grand moment d’émotion à Cannes dans l’amphithéâtre Lumière quand, avec l’ensemble du public, nous avons applaudi pendant une dizaine de minutes ce grand Monsieur du cinéma qu’est Bernardo Bertolucci. Dans son fauteuil d’handicapé, coiffé d’un vaste panama, l’inoubliable réalisateur du Conformiste, du Dernier tango à Paris et de Novecento, était très ému par cet hommage spontané des festivaliers qui s’adressait aussi bien à l’ensemble de son œuvre qu’à Io e te, le très beau film sur l’adolescence qu’il venait de présenter hors compétition avec de jeunes acteurs.

Par contre, les quatre autres films vus ces dernières quarante-huit heures faisaient eux bien partie de la compétition.

Killing then softly, Andrew Dominik (USA)

Les caïds de la mafia font appel à Jackie Cogan (Brad Pitt) pour retrouver des malfrats irresponsables qui ont osé braquer un cercle de jeux mettant ainsi en péril le système.

Ce film est le – au moins – cinquantième avatar post-tarentinien sur les turpitudes de la pègre avec exécutions sadiques, bavardages décalés des tueurs et effets spéciaux… C’est dire si le cinéma américain a des problèmes de renouvellement scénaristique. Seule la dernière scène, qui ménage une sorte de face-à-face inédit Obama-Jackie Cogan et qui se conclue par un cinglant : « America is not a country but a business » prononcé par le tueur, fait preuve d’originalité. A sauver peut-être aussi, la prestation toujours savoureuse de James Gandolfini (vous vous souvenez ? le Tony Soprano de HBO) en gangster amoureux et dépressif, une habitude chez lui.

La part des anges, Ken Loach (Grande-Bretagne)

A Glasgow, Robbie, un petit délinquant, est remis dans le droit chemin par Henri, un éducateur qui veut le transformer en spécialiste du whisky de collection.

Ce Ken Loach, contrairement à mon attente, ne renoue pas avec la comédie sociale amère et réaliste sur laquelle il a bâti sa réputation. L’histoire de Robbie et de ses bras cassés de copains est drôle mais le contexte social étant complètement évacué, La part des anges restera une œuvre mineure. On peut toutefois considérer le personnage positif d’Henri comme un bel hommage au métier d’éducateur. Avec Sami, nous sillonnons depuis deux mois le département, afin d’élaborer un rapport pour le Conseil général sur la prévention spécialisée. Désormais, nous pourrons donc conseiller le film aux nombreux éducateurs que nous rencontrons.

On the road, Walter Salles (USA)

Avec ce road movie zig-zag, le réalisateur brésilien Walter Salles est finalement assez fidèle à la chronologie et à l’esprit de l’œuvre de Kerouac. Paradoxalement, parce qu’elle est réussie (même si les acteurs m’ont semblé un peu pâles), cette adaptation souligne les faiblesses d’un livre qui est plus le manifeste d’une génération qu’un véritable chef-d’œuvre de la littérature. En tout cas, pour moi, ce fut beaucoup d’émotion, car, il y a trois ans, au cours d’un voyage où nous avions relié Chicago à Denver (la ville de Dean, le héros de On the road), ma coéquipière Dominique m’avait lu in extenso le livre de Kerouac sur les routes mêmes redécouvertes à l’écran.

Holy motors, Leos Carax (France)

De l’aube à la nuit, l’étrange Monsieur Oscar (Denis Lavant, au physique maintes fois exploité par Carax) circule dans une interminable limousine blanche et, étape après étape, voyage de vie en vie, devenant successivement grand patron, monstre mangeur de fleurs, mendiante, père de famille, époux d’une guenon…

Je ne vais peut-être pas me faire que des amis (l’accueil de la salle a été relativement bon), mais j’ai trouvé Holy motors prétentieux, complaisant et un brin abscons. Si le film est parfois à la limite du ridicule, l’humour, en plus, n’est pas son fort. A l’exception peut-être de la séquence finale où les limousines remisées dans un garage pour la nuit papotent entre elles comme de vieilles pipelettes. Cela dit, Carax sait filmer et certaines séquences, comme celle qui se déroule à la Samaritaine, sont d’une grand beauté formelle.

Io e te, Bernardo Bertolucci (HC, Italie)

Lorenzo, un garçon d’une quinzaine d’années, laisse tomber un voyage scolaire à l’insue de ses parents pour vivre quelques jours en solitaire dans la cave sommairement aménagée de son immeuble. Fortuitement, il est rejoint par sa demi-sœur plus âgée qu’il n’a pas revue depuis des années. Celle-ci, en pleine crise, lui avoue sa toxicomanie.

Dans le huis clos de la cave, nous pénétrons les mystères de l’adolescence. Voir Lorenzo maîtriser ses démons intimes grâce à cette grande sœur pourtant si fragile, est un magnifique message d’espoir distillé par un jeune réalisateur de 71 ans.


Caroline, au stand de l'ARP




Entre films et copies, nous avons trouvé le temps d’une petite soirée rock’n’roll particulièrement réussie.

3 commentaires:

Le Mouton Enragé a dit…

"Un magnifique message d’espoir distillé par un jeune réalisateur de 71 ans"?
Comment ne pas y courir après une telle définition? Aucune idée -d'ailleurs je cours déjà: mon voeu printanier est exaucé.
Merci!
PS: je savais bien que l'espoir viendrait d'Italie!

cléo a dit…

Comme les attentes de la beat génération ne me sont pas des plus familières, j'irai au moins voir si la libre interprétation de la nuit de Dean devant la gare du Sud est satisfaisante. Je sais bien que les studios de la victorine existent, mais! Cineccita à la gare du Sud, quand même, ca ne manquerait pas de panache. Comme ça… même Bertolucci pourrait venir y tourner ses prochains film plein d'espoir: l'anti-conformiste, le dernier passa cariera à Nice, te e io. Tout serait imaginable en quelque sorte.

Emmanuel a dit…

Et encore une fois de plus c'est un Italien qui fait le spectacle...