24 juin 2009

Les compagnons de route de la burqa

Il y a quelques semaines dans le tramway, je me suis trouvé face à une femme en burqa… une ombre noire et grillagée vaguement inquiétante, profondément traumatisante (le visage des enfants découvrant ce spectre en disait long…)

Ce qui était pour moi une abstraction exotique et un vague souvenir cinématographique (Kandahar, de Mohsen Makhmalbaf) faisait brusquement irruption dans mon quotidien, entre la station Jean Médecin et l’arrêt Garibaldi.

Et je réalisais alors que ce vêtement-prison n’était pas seulement la négation de la féminité mais une négation de l’humanité de la femme qui, devenant fantôme-hologramme de son propre corps, se retire du monde des vivants.

Depuis, cette image m’obsède et, à chaque fois qu’elle me submerge, un sentiment irrépressible de tristesse m’envahit. Bien loin de la colère qui était mienne quand j’évoquai la question in abstracto.

Que le problème soit posé aujourd’hui sur la place publique par des élus de la République de toutes tendances me semble tout à fait normal. Même si je trouve hypocrite la volonté de certains de réduire ce phénomène à un problème de sécurité. Il ne faut se laisser intimider ni par l’argument de la volonté individuelle – combien de Spartacus dans le peuple des esclaves ? – ni par celui du relativisme culturel qui a pu aller jusqu’à justifier l’excision.

Il ne faut pas renoncer au prétexte de ne pas blesser une communauté. Ce serait faire la pire des injures aux musulmans de France qui vivent un Islam culturel et religieux parfaitement apaisé et respectueux de la dignité humaine. C’est le cas, je peux en témoigner, de mes très nombreux amis.

Je regrette simplement qu’une fois de plus il y ait, du côté de la gauche de la gauche et même de la gauche, des silences assourdissants.

Ce sont d’ailleurs les mêmes qui, probablement au nom d’un axe Chavez - Castro – Ahmadinejad, s’abstiennent de condamner fraude et répression en Iran.

Cette attitude, qui consiste à sacrifier ses valeurs profondes au nom de l’efficacité de la lutte anti-impérialiste, nous l’avons déjà connue par le passé au moment du stalinisme. C’est la philosophie des compagnons de route.

22 commentaires:

Claudio a dit…

Patrick, tu sais comme ce genre de billet, clair, net, franc me ravit.
Je ne savais par quel bout prendre ce sujet d'actualité sur mon blog ; j'en étais resté à la dérision. Je ne le ferai pas. Le tien vaut tous les autres. Et le sérieux est de rigueur.
Oui, il y a quelques semaines moi aussi, j'ai été glacé, oui glacé c'est le mot, par cette même image du côté de Bon Voyage.
Merci d'avoir si bien dit les choses.

Bettina a dit…

Il est clair que pour l'image de la femme c'est.. affligeant. parler d'humanité me semble très juste :)
La dernière fois je regardais la télé et deux jeunes femmes (21 et 22ans) ont décidés volontairement de porter la burqa. Ainsi elles se sentent protéger du monde qui les entoure, des hommes surtout, de leur regard..c'était les mots d'une d'elles. Depuis, je médite sur le sujet..ces raisons sont elles valables? est ce qu'elles forment une sorte de légitime défense? ...

SAMI a dit…

Merci Patrick de dire ô combien ce sujet doit nous interpeller quand on est laïc et républicain.
Pour ma part c'est très clair et j'ai eu l'occasion de le dire, on doit interdire en France la Burqa qui humilie l'image de l'Islam car en aucun cas le coran oblige ce déguisement qui plait à certains fondamentalistes religieux qui prônent la haine et l'intolérance.
J'ai toujours dit que la seule communauté d'une grande partie des musulmans laïcs était la France. Et si on veut enrayer le racisme en France, il faut respecter les valeurs de la République.
Ces personnes font honte aux femmes françaises d'origine musulmane qui ne se reconnaissent pas dans cette image.
Il est temps d'arrêter en France l'hypocrisie, il faut tout simplement interdire ce spectacle qui salit l'image d'une majorité de musulmans bien intégrés et qui aiment ce pays, notre pays, la France.
Je vous invite à visiter le site de la Fédération Mosaïc (http://www.federationmosaic.com), dont j'ai l'honneur d'être l’un des fondateurs, qui a pour but de dénoncer ce genre d'agissements extrémistes et de valoriser cette grande majorité silencieuse.

Anonyme a dit…

Clair, net et précis, conclusion compris. La gauche laïque comme on aime...
JP LA TRINITE

Sylvie a dit…

J'ai le même sentiment d'angoisse quand je les croise dans la rue. Et, comme par réaction, je renforce mes liens avec mes amies musulmanes qui vivent leur religion avec authenticité grâce à leur prière sincère et leurs actes quotidiens empreints d'amour pour leurs proches. Ce qui ne les empêche de s'habiller à l'occidental et de ne pas avoir honte de leur corps de jeune fille ou jeune femme.

bouboune a dit…

La burqa est inacceptable. Il faut une interdiction totale et condamner par la loi ( pour séquestration forcée ), les responsables directs c'est à dire, les époux.

Depardieu a dit…

Excellente position sur qu'il faut considérer comme une régression de la pensée. On a quand même l'impression qu'il s'agit souvent d'une attitude provocatrice car celles qui portent ce vêtement archaïque, négation même de la condition féminine, ne peuvent ignorer le rejet qu'elles inspirent et le décalage avec nos sociétés démocratiques et en France Laïque.
Il faut comme Sami le fait avec brio affirmer et réaffirmer nos principes de laïcité et de respect absolu de la personne humaine. Nos démocraties doivent redoubler de vigilance de courage et de fermeté pour face à ce retour de l'obscurantisme.
C. depardieu

Anonyme a dit…

je doute vraiment qu'on croise bcp de burqa à Nice ....
et ne pas oublier l'excellent reportage de florence Aubenas sur la burqa en Afganistan qui remets en place - ou perspective- bien des grands principes que pas mal de porteuses ne songent à invoquer , leur préoccupations se situant à des niveaux bien differents
et ce qui ne les empeche pas cependant de reclamer aussi les droits fondamentaux des femmes aussi bien bafoués dans des pays" non grillagés "....

GoodByLenine a dit…

Ce qui me choque le plus dans ces "tenues" c'est ce qu'il y a dessous... Que l'on vienne m'expliquer clairement et précisément à quoi cet "accoutrement" renvoie... quels symboles? quelles croyances? Mais le fait est que je n'ai jamais encore rencontré UNE seule personne portant ces signes de religion aggravée, capable de me dire voila, ça correspond à ça et à ça, etc... " Sous la soutane du dénie manifeste, on trouve quasi invariablement des vêtements de marques, souvent top tendance, et encore plus fréquemment un maquillage un chouïa outrancier... Alors le plan, "on cache nos femmes sous des prisons prêtes à porter, pas facile à digérer parce qu'elles sont trop belles bla bla bla" ça me fait légèrement sourire...

Anonyme a dit…

ma grand mère qui est musulman , et qui peut porte un foulard a éte choqué , elle a dit : ce n 'est pas digne de l 'islam

alain a dit…

Attention aussi aux phénomènes épidermiques ainsi qu'aux raccourcis / amalgames. Les musulmans sont une majorité mondiale et les défenseurs du port de la burqa sont une ultra minorité parmi eux. Les méthodes moyenâgeuses de traitement de l'image de la femme de certaines minorités comme les tribus Afghanes ne sont pas issues de l'Islam mais de coutumes qui y ont été amalgamés et exploités par les intégristes.

Et ceci est largement repris par notre conditionnement d'occidentaux, qui vise à valoriser l'occident et abaisser le reste.

Il y a autant de différence entre un défenseur de la burqa et un humble pratiquant moderne de l'Islam, qu'entre un Inquisiteur d'il y a trois ou quatre siècles et nous mêmes.

Pendant que l'on s'agite autour de ces thèmes à scandale, Fillon prépare les esprits à un report de l'âge de la retraite (Reuters)...
Ubuesque est le monde où le travail vous met sur la touche, ou vous y prépare dès 45 ans, (un jeune est peu expérimenté mais bien moins cher) et où on prétend vous employer au delà des 60, 65 ans.... demander à un chaudronnier ou un carreleur ce qu'il en pense de bosser au delà des 55ans...

La burqa à "l'honnêteté" d'afficher un archaïsme flagrant, alors que notre société, d'apparence avancée, utilise bon nombre de carcans et d'inégalités invisibles à l'œil nu et, et c'est le pire, "admises" par tout un chacun de nous. Salaires homme / femmes, emplois responsabilité à sélection raciale ou sexiste, accession à la location logement également à sélection raciale, je passe et vous avez compris...

Notre société, pour se permettre de critiquer le moyen age, devrait être impérativement, oui impérativement un modèle de démocratie. Or, nous en sommes loin, il n'y a qu'à visiter un centre d'incarcération pour s'y croire... au moyen age.

Unknown a dit…

pas d'accord avec toi Alain la perfection n'est pas nécessaire pour engager le combat contre l'ignominie

Anonyme a dit…

Je partage la plupart des commentaires à savoir que cette tenue me semble très provoquatrice et n'est pas admissible.Maintenant comme le dit Alain, même si ce n'est pas ici le propos,les conditions d'incarcération ne sont pas admissibles et il y a urgence.C'est malheureusement trop tard pour certains !!!!
ricciarelli

alain a dit…

Tout à fait en accord, mais je voulais simplement afficher qu'il est bon de balayer devant sa porte, car en exportateurs de démocratie, nous avons tant à apprendre et à ... désarmer. Je voulais aussi afficher les priorité, car avant la burqa il y a des barbaries corporelles qui sévissent encore, même sur le territoire.

Enfin, je crains que les tiraillements de ce type de polémique ne soient là que pour rendre encore plus assourdissant le silence médiatique sur les grèves que tu connais, mais aussi sur celles de notre distributeur d'électricité par exemple.
Des circulaires ont refait surfaces: Circulaire DHOS/E4 no 2009-02 du 7 janvier 2009 relative à la prévention des coupures électriques dans des conditions climatiques de grands froids, et de grosses chaleurs bien sûr. Pourquoi? Par ce que le parc d'alimentation électrique, pris en main par les privatisations, n'est plus à même de répondre pleinement à une crise, et que le personnel compétent pour cette distribution est muselé par les pouvoirs. Les actions demeurent cependant, avec branchements gratuits de particuliers en difficultés et d'établissements sanitaires, mais l'alerte est étouffée et si une canicule se pointe, la circulaire fera foi, et qui ne se sera équipé de groupe électrogène sera dans l'erreur.

La burqa, peu de personnes en avaient connaissance ici avant l'exportation de la "Démocratie " vers l'Afghanistan et l'Irak, chacun sait que les enjeux sont plus énergétiques et stratégiques que démocratiques(gazoduc Afghan, pétrole Irakien). Aussi, quand ce monde s'agite autour de ces points sensibles, prenant à cœur il est vrai, mon avis est de surveiller qui agite la sonnette du crotale, et pourquoi...

Anonyme a dit…

et sophie duez est ce qu'elle se voilerait pour arriver ?

Anonyme a dit…

je pense qu'alain, sous des couverts de reflexion est un de ceux que vous citez dans votre conclusion! De ceux qui n'ont pas été gêné de defiler en début d'année sur l'avenue, contre israel, dans le même cortège que les intégristes, ceux qui imposent la burqa à leurs femmes. Insupportable cette démarche intellectuelle développée dans ce commentaire.
Fatima

alain a dit…

@Anonyme Fatima: alain vous informe de votre vision tout à fait erronée sur sa personne, mais ne désire pas polémiquer ici. Ainsi va le Web, avec plus de huit mots dans une phrase la compréhension du sens s'égare.

@Patrick: bien sûr que je suis contre cette burqa, mais je voulais juste dire que le moment n'est peut être pas ici, et que les urgences de débats, sont peut être ailleurs.

Arrive maintenant le temps des plages, du sommeil de la vigilance critique Française, et de la validation des écrits....

arabia a dit…

D'accord Claudio. Ta réaction me plaît, elle explique simplement mais avec précision le problème. C'est à peu de choses près comme cela que je le ressens. Je l'évoque de nouveau dans ma chronique de lundi.

cordialement
alainB

Marie a dit…

Effectivement, le mot "tristesse" est de mise. Je vis à la campagne, lieu où on croise surtout des femmes d'origine turque portant des foulards sur les cheveux et autour du cou.

Mais là, c'est inhumain. On croirait un mauvais film de science fiction fait d'ombres...

Il me semble judicieux d'en discuter car cela m'embête que des femmes évoluent de la sorte dans une société où chacun doit se sentir libre.

J'aime beaucoup ce billet. Il traduit bien ce que je pense.

Zineb a dit…

Comme à ton habitude tu dis les choses juste comme il faut, je voudrais rajouter que le vestimentaire n'en reste pas là, car quelle éducation ces parents vont donner à leurs filles... et garçons (remise en cause de la mixité et de la laicité), les hommes qui ne veulent pas que leur femme soit accouchée par des hommes, si on empêche les femmes de faire des études en les mettant dans cette prison, oui pour moi c'est cela, comment auront-ils des femmes médecins pour ausculter les leurs, tout cela est vraiment grave, c'est la remise en cause de tout le socle sur lequel repose la république. J'ai un papa de 83 ans qui est hadj et donc pratiquant, qui me dit à chaque fois, je n'y comprend rien car c'est du cinéma tous ces voiles en couleurs courts long avec des jeans très sexy et un maquillage très appuyé.
Je suis bien sûr d'accord pour l'interdiction du port de cette prison, et d'étendre l'interdiction du port du voile aux universités et dans les associations, car nous parlons bien d'émancipation des femmes.

Bettina a dit…

Le coté prison de l'habillement me choque bien sur. Je serais horrifiée quand je verrai cela dans la rue.
Mais c'est pas en l'interdisant, en foutant une amende aux personnes concernées que ça va changer le problème. On préfère peut être priver la femme de sortie et la cloitrer chez elle avec un mari attentionné et aimable c'est ça?! allons y gaiement!!
Tant qu'on y est on peut aussi interdire les djellabas?!
On revire les filles des écoles, universités parce qu'elles portent un foulard sur la tête?!
Parce que cette tenue scandalise mes yeux et bouscule ma morale je dois l'interdire?! faire en sorte de ne plus jamais la voir?
Je serais hors de moi si qqun venait me dire " ta tenue va être bientôt interdite pr telle ou telle raison. Tu n'as pas le droit de choquer ainsi etc etc"....
B.

geneviève a dit…

Il s'agit bien là, d'un réel problème de communication!!En dehors de la communication verbale, le port de la burqa nous mets face à un interlocuteur qui nous prive d'un regard, d'un geste, d'un sourire, tout ce qui nous permets de mieux comprendre ses propos, car que sont les mots s'ils n'ont pas d'âme?