19 mai 2010

Au pays des Merveilles de Juliette


Ecrire sur ce blog quelques commentaires sur le Festival est une chose, analyser doctement la première semaine de compétition sur un plateau de télévision devant une salle composée en grande partie de professionnels du cinéma en est une autre, beaucoup plus intimidante. Surtout si l’on tient compte du contraste qui m’a fait passer sans transition du modeste réfectoire de l’école Saint Sylvestre, où se tenait le Conseil de quartier n°12, au cabaret du Ruhl où se déroulait en direct l’émission « Ta-ratatouille » sous la houlette de Jean-François Bosch pour le compte de RDV-télé.

Mais Cannes, ce n’est pas seulement parler des films, c’est aussi et surtout les voir, d’où trois nouvelles pièces à notre édifice 2010.

Des hommes et des dieux, Xavier Beauvois (France)

Beauvois raconte la vie des moines de Tibhirine pendant les quelques mois qui précèdent leur disparition en 1996 pendant la guerre civile algérienne.

Politiquement le film ne prend pas parti. Du coup le mystère reste entier sur les responsabilités respectives des islamistes et de l’armée algérienne quant à cette tuerie d’une sauvagerie inouïe (les religieux furent décapités).

C’est que l’essentiel est ailleurs : il est dans la description inspirée du quotidien de ces moines soumis à une terrible menace et qui décident après quelques humaines hésitations de rester accomplir leur mission auprès de la population locale.

Sur ce fond de quotidienneté un peu austère, le réalisateur opère un véritable petit miracle avec une foi qui devient palpable à l’écran même pour un spectateur un tantinet mécréant…  En prime deux scènes inoubliables: Celle où le doyen des moines (merveilleux Michael Lonsdale) fait une réponse lumineuse et… profane à la jeune fille kabyle qui lui demande ce que c’est de tomber amoureux. Et la scène finale où l’on voit les religieux, encadrés par leurs futurs bourreaux, disparaître définitivement dans le brouillard.

Pour ma part, c’est cette image qui hantera ma mémoire quand j’irai, comme chaque année, à l’église de Saint-Roch commémorer, en présence de sa famille, le martyre d’un des moines qui étaient d’origine niçoise.

Copie conforme, Abbas Kiarostami (France-Italie)

Copie conforme est une sorte de remake décalé de l’inoubliable Voyage en Italie de Rosselini. Juliette Binoche, jeune galeriste française, rencontre un essayiste anglais au pays des Merveilles, la Toscane, où elle travaille et vit avec son jeune fils. L’auteur, quant à lui, est invité pour une conférence où il démontre avec aplomb la thèse de son dernier livre : en art, la copie vaut l’original…

Après un petit quiproquo, ce couple de hasard va jouer pendant quelques heures le rôle d’un couple de quinze ans : marivaudage cruel mais d’une vérité hallucinante. Les espoirs déçus, les retours de flamme espérés, les reproches muets qui finissent par affleurer, le désir qui fout le camp, la séduction maladroite, la volonté de faire mal, l’incapacité de faire bien… le néo couple va jouer la totalité du répertoire. Un répertoire qui me rappelle une réplique de Fabrice Lucchini. A quelqu’un qui lui disait « le couple c’est merveilleux, on ne fait qu’un », l’acteur avait répondu « oui, mais lequel ? ».

Ce n’est pas faire injure à son partenaire (l’excellent William Shimell) de dire que Juliette Binoche est inoubliable en jeune femme fragile-mais-pas-tant-que-ça… Dans le décor-écrin du petit village toscan, elle habite l’écran avec l’aisance des grandes tout en nous faisant oublier le côté un peu trop conceptuel du film. Décidemment Juliette a bien mérité l’honneur de figurer sur l’affiche de l’édition 2010 du festival. En attendant mieux ?


Poetry, Lee Chang-Dong (Corée)

Mija est une grand-mère plutôt sympa affublée d’un affreux petit-fils responsable du suicide d’une jeune fille avec ses copains de tournante. Comme par ailleurs elle soigne un vieillard libidineux qui a remplacé les caramels mous par du viagra et que son médecin lui annonce… quoi donc déjà ?... ah oui qu’elle a la maladie d’Alzheimer, on peut comprendre qu’elle ait envie de se réfugier dans la poésie. Cela dit après une semaine de festival doublé d’un examen attentif du PLU de Nice on n'est pas obligé de la suivre…

Pour l'ambiance à Cannes, voir le blog de Dominique Boy-Mottard.

1 commentaire:

alaind a dit…

Ha Juliette, ... bon s'il fallait un commentaire, serais je le premier. Admirateur de la belle depuis Le Hussard on the Roof, et rêveur de passer une semaine parmi les stars, je témoigne d'un Mammuth inconditionnel, on aime ou pas, j'ai aimé, et d'un Arnacoeur drôle et léger comme une bière blanche et désaltérante.