Another year, de Mike Leigh
Malgré six cents copies à corriger et les réunions de quartiers assez nombreuses en cette période de l’année, j’arrive à suivre à peu près correctement la compétition cannoise. Avec ses hauts et ses bas. Ainsi, après un vendredi mollasson composé d’un blockbuster décevant et d’un huit-clos coréen déroutant, nous avons pu assister à un magnifique samedi où Mike (Leigh) et Woody (Allen) nous ont offert deux variations brillantes sur le thème en forme de question : comment réussir sa vie ? ou tout au moins comment ne pas trop la rater ?
Wall street : money never sleeps, Oliver Stone (USA)
Dès le début du film, Gordon Gekko, gourou de la finance, sort de la prison dans laquelle on l’avait laissé à la fin de Wall street 1 en 1987. Avec l’aide plus ou moins volontaire de son futur gendre, Gekko va utiliser la rancœur accumulée pendant toutes ces années et sa science de la manipulation restée intacte pour reconquérir sa place dans le monde des affaires. Pour Oliver Stone qui insiste lourdement, la spéculation et la volonté de s’enrichir, surtout aux dépens d’autrui, sont inhérentes à la nature humaine et rien ne pourra y changer. Il nous livre même un scoop : la couleur de la prochaine bulle spéculative. Elle sera verte. Les petits gestes qui sauvent la planète vont générer les grands profits qui continueront à se planquer dans les comptes off-shore. Merci Oliver, mais on s’en doutait un peu…
Comme il fallait rentabiliser le seul rôle féminin de la distribution, le scénario est complété tout à fait artificiellement par une bleuette sentimentale qui n’a d’autre objectif que de nous suggérer que seules les bonnes vieilles valeurs familiales peuvent tempérer l’obsession spéculative du trader. D’où la scène, devenue aujourd’hui récurrente dans le cinéma américain, de l’échographie salvatrice. Ridicule.
The housemaid, Im Sangsoo (Corée)
Hoon est un riche bourgeois qui ne boit que des grands crus. Au grand dam de sa petite famille, il va engrosser la bonne. Belle-mère en tête, la petite famille va donc se défendre avec mesquinerie et cruauté dans une atmosphère qui rappelle Zola ou Mauriac. Les réalisateurs coréens semblent apprécier ce type de huis clos puisque l’an dernier Park Chan Wook nous avait déjà présenté une version sushi de Thérèse Raquin.
Cela dit, dans ce registre, The Housemaid serait plutôt convainquant si le film n’était pas gâché par une fin ratée digne d’un mauvais film d’horreur de série B.
Another year, Mike Leigh (G-B)
Pour Tom le géologue et Gerri la psychologue, l’heure de la retraite n’a pas encore sonné. Sexagénaires débonnaires, ils offrent l’image d’une complicité conjugale à toute épreuve, à l’automne d’une vie qu’on imagine active et riche.
En fait, leur bonheur attire autour d’eux toute une collection de paumés que la vie a maltraité : du grand frère autiste et veuf au vieux copain alcoolique en passant par la collègue mère célibataire. Mais, dans ce registre, la star est Mary, une quinqua à la beauté fanée, tant de fois plaquée et qui s’est cognée à à peu près toutes les fenêtres de la vie. Heureusement, le fils de la maison,plûtot mal parti, vient de rencontrer une énergique jeune femme qui aura tôt fait de lui faire rejoindre la voie du bonheur conjugal empruntée par ses parents.
Au rythme des saisons d’une another year, Mike Leigh nous fait partager la vie de ce petit groupe parfois pathétique, mais toujours fraternel. Et si un voile de mélancolie enveloppe ce film pourtant fort drôle, c’est que le temps qui passe nous murmure à l’oreille qu’il n’épargnera personne : ni ceux qui ont raté leur vie, ni ceux qui l’ont réussie.
You will meet a tall dark stranger, Woody Allen (USA)
Le couple Alfie-Helena est aux antipodes de celui composé par Tom et Gerri puisque dans le premier le mari a quitté sa femme après quarante ans de mariage pour expérimenter les charmes du viagra avec une ancienne prostituée plutôt délurée. L’épouse délaissée, quant à elle, trouve du réconfort auprès d’une voyante qui la rassure en lui prévoyant un avenir radieux. Sally, leur fille, est amoureuse de son patron pendant que son mari, écrivain raté est en train de voler le manuscrit d’un partenaire de poker qu’il croit mort tout en brisant les fiançailles de sa brune voisine (la lumineuse Freida Pinto).
Et tout ce petit monde de paumés s’agite frénétiquement en slalomant entre réalité et illusion, rêves et frustrations. Pas de doute : nous sommes bien dans une comédie purement « allenienne » avec cette drôlerie saupoudrée d’amertume qui n’est généralement que la face visible d’une morale discrète à la fois chaleureuse et un peu désabusée.
Celle de You will meet a tall dark stranger est en plus parfaitement iconoclaste : il vaut mieux faire confiance à une voyante roublarde qu’à soi-même pour réussir sa vie et rencontrer « le grand inconnu mystérieux »…
4 commentaires:
J'aime beaucoup cette phrase :
"...le temps qui passe nous murmure à l’oreille qu’il n’épargnera personne : ni ceux qui ont raté leur vie, ni ceux qui l’ont réussie"
Nous voilà prévenus.
D'accord avec ces critiques. Wall street 2, sans intérêt. The housemaid, commence bien finit zarbi. Et le Mike Leigh et le Woody, formidaaables ! comme dirait notre ministre de la culture très présent ces derniers jours sur la Croisette.
irene a dit....
j étais à la projection de housemaid... ( j espérais vous voir.. je vous ai cherché du regard dans la salle...)
Je confirme une fin débile sans aucun intérêt.... moi j ai beaucoup aimé l actrice qui incarne la vieille gouvernante.
Dire qu'il va falloir attendre le 6octobre pour découvrir le petit dernier de Woody! Je me console avec cette pensée rousseauiste:" Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux." Tout de suite/maintenant, c'est quand même pas mal... si le désir de cinéma est une source intarissable!
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