06 juillet 2008

Les Bidochon ont une âme



La sortie de la collection des Bidochon en petit format a été pour moi l’occasion de relire la saga de Binet. Une saga tellement intégrée à notre univers quotidien qu’on finit par ne plus la connaître vraiment. C’est un tort.

En effet, au delà des réjouissants et vachards clichés franchouillards qui ont fait la fortune de la BD, on s’aperçoit, en relisant à la suite les dix-huit volumes, que Robert et Raymonde existent vraiment. Ce ne sont pas (seulement) des caricatures, mais des êtres de chair et de sang, certes pas très malins, pas très raffinés, mais dotés d’un cœur et peut-être d’une âme.

Raymonde est un personnage émouvant et, pour tout dire, attachant. Elle, qui s’est mariée vierge (vol. 1) – le juge de Lille aurait été rassuré -, elle, qui « n’a jamais eu 18 ans » (vol. 13), rêvait de vivre une véritable histoire d’amour. A la place, elle a eu Bidochon, rencontré grâce aux petites annonces. Et, si l’aérophagie et l’égoïsme de Robert n’empêchent ni les sentiments, ni le sexe, il faut bien admettre qu’ils les compliquent un peu (vol. 8)… Et plus tard, quand Madame souhaitera avoir un enfant, elle devra, malgré « sa croupe charolaise », s’incliner devant la stérilité de Monsieur en étant, en plus, obligée de le consoler (vol. 1).

Robert, quant à lui, est le maillon faible du couple. Sous des dehors de matamore bougon bardé de fausses certitudes, il est la proie de charlatans de la voyance (vol. 18), de la santé (vol 16), et, plus grave encore, de l’immobilier (vol. 4). Mais il est surtout complètement dominé par Môman, sa monstrueuse mère qui le surprotège (« Robert, y’a pas mieux »). D’où un hallucinant volume 15 (Bidochon mère), où l’on voit Raymonde lutter de toutes ses forces contre une relation qui est à la marge de l’inceste.

Bidochon est moins faible vis-à-vis de sa pauvre femme qu’il terrorise volontiers. Même si son machisme peut s’éclairer d’un rayon de féminisme à sa façon (vol. 5). Ainsi, sa femme peut aller de temps en temps à « une réunion pour libérer les femmes » car, au moins, « quand elles sont dehors, elles nous foutent la paix ».

Mais, entre Raymond la frustrée et Robert l’immature, il y a de l’affection et peut-être même de l’amour. Quand Madame, au cours d’un pitoyable voyage dans les pays de l’Est, est oubliée (!) dans la forêt à Wieska (vol. 6), le désespoir de Robert est total. Quand Monsieur tombe malade, Raymonde est complètement perdue (vol. 7).

Il y a cela et bien d’autres choses dans la saga des Bidochon : le charme de la vie en HLM (vol 3), la bureaucratie aveugle qui déclare Raymond… décédé (vol 9), la bagnole qui obsède (vol 10), la télé qui abrutit (vol. 12), le portable qui rend fou (vol. 17), et des vacances en pension de famille qui lorgnent plus du côté de Tati que de Reiser (vol. 2).

Et puis ce dialogue… si vrai (vol. 13, p. 12) :

Raymonde : Robert, un jour, j’aimerais que tu m’emmènes voir un clair de lune !!
Robert : Un clair de lune !!!
Raymonde : Oui, rien que toi et moi, en amoureux, face à la lune !!
Robert : Mais… la télé te suffit plus ??
Raymonde : Si mais on la regarde tous les soirs depuis quinze ans, ça nous changerait un peu !
Robert : Justement ! On n’a pas mis quinze ans à mettre tout au point pour venir tout chambouler d’un seul coup !!
Raymonde : Alors, tu veux pas !!
Robert : C’est pas que je veux pas, c’est que je veux pas tout chambouler !
Raymonde : Alors j’irai toute seule !!
Robert : Mais tu peux pas !!
Raymonde : Et pourquoi je peux pas ??
Robert : Mais parce que tu vas tout chambouler !!

Que celle qui n’a pas rêvé de voir un clair de lune et que celui qui n’a jamais eu peur de tout chambouler leur jettent les premières pierres…

8 commentaires:

Claudio a dit…

Je jette la première pierre.

Anonyme a dit…

Et moi la deuxième

N'empêche:

"En effet, au delà des réjouissants et vachards clichés franchouillards qui ont fait la fortune de la BD, on s’aperçoit, en relisant à la suite les dix-huit volumes, que Robert et Raymonde existent vraiment. Ce ne sont pas (seulement) des caricatures, mais des êtres de chair et de sang, certes pas très malins, pas très raffinés, mais dotés d’un cœur et peut-être d’une âme."

Question de génération, j'ai consommé davantage d'épisodes des Simpson que de planches des Bidochon...
Et quelque part, cette description des Bidochon pourrait tout aussi bien s'appliquer à cette famille middle-class US qui agaçait tant Reagan.
D'ailleurs, Bart a peut-être des notes catastrophiques, mais il est parfaitement bilingue, comme l'humour vachard et affectueux, quoi.

Anonyme a dit…

Economisons nos pierres pour bâtir de nouveaux logements sociaux...
Beaucoup plus constructif...

Anonyme a dit…

Le béton se fabrique à partir de sable, et les briques à partir d'argile.

On peut garder nos pierres ET construire des logements sociaux

Anonyme a dit…

irene a dit...

et moi "celle" qui jette la premiere pierre... pour le clair de lune!!!

Anonyme a dit…

y'en a vraiment qui ont pas d'humour!!l'anonyme comme par hasard ..trop cloisonné dans sa tour de pierres .
un clair de lune avec Raymond .ça se réfléchit tout de meme !non ?
quant au bidochon ma vanne favorite quand on me donne un rv et que la personne ne me connait pas je lui indique que j'aurais un gigot de jambon dans la main ,pareille que Robert lors de leur premier rencontre...Comme quoi il y des fondamentaux dans la vie :lire les bidochons..
Pénélope

Anonyme a dit…

irene a dit...

à pénélope...
au moins cela ne manquera pas d humour... ce n est pas comme certain!!!! ( comme tu le dis si bien ) et puis on le sait.. derriere chaque anonyme se cache un bidochon pouf pouf....

Anonyme a dit…

Les bidochons , c'est comme l'enfer, toujours les autres; mais leur lancer des pierres c'est un peu se lapider soi-même (dans le fond le plus "niark-niark- beurk" de nous - même, et je ne dis pas cela parce que je déteste les charentaises, flop, flop...)