21 juillet 2008
Rendez-vous dans dix ans
Imitant le glorieux amendement Wallon qui, en 1875, institua la République, la réforme constitutionnelle a été adoptée à une voix près.
Je persiste et signe (Cf. Et si c'était la VIe République ?) : cette réforme est tout sauf anodine. Et cela – au-delà de quelques leurres et faux-semblants – grâce aux nouvelles dispositions des articles 61-1 et 62.
Art. 61-1. Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, qui se prononce dans un délai déterminé (…).
Art. 62. (…)
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. (…)
Désormais, un justiciable – notion plus large que celle de citoyen, puisqu’elle peut englober aussi mineurs et étrangers – pourra être à l’origine de l’abrogation d’une loi qui porterait atteinte aux droits et libertés républicains garantis par la Constitution.
On comprendra aisément que cette nouvelle procédure permettra à la société française de progresser en prenant à bras-le-corps des questions sociétales souvent escamotées par le politiquement correct de l’électoralisme (éthique scientifique et médicale, laïcité, droit des minorités visibles et invisibles, lutte contre les arbitraires, défense des libertés individuelles et collectives, droit à l’éducation, à la santé et au logement...)
Ainsi, en quelque temps, le Conseil constitutionnel deviendra le contre-pouvoir que ni le Parlement, ni le Premier ministre ne peuvent être depuis l’adoption du quinquennat. Un contre-pouvoir particulièrement utile en cas de dérive anti-républicaine d’une majorité politique pourtant légitimement élue.
Seul frein à cette évolution considérable : le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel, trop politique et, en tout cas, trop majoritaire. Au lieu de se battre sur le mode de scrutin du Sénat, une assemblée qui n’a aucun pouvoir, pour faire plaisir à ses apprentis notables, le PS aurait été bien inspiré de négocier sur ce point.
Cela dit, même avec le dispositif actuel, le bouleversement de notre vie politique va être important. Désormais, la démocratie française ne sera plus rythmée essentiellement par les échéances électorales souvent décevantes en terme de débat.
Certes, on peut regretter que le seul véritable contre-pouvoir de notre République soit un organe de type juridictionnel et non pas une instance élue par les citoyens. Mais la VIe République restant un rêve lointain (n’est-ce pas Arnaud ?), un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.
C’est donc à moyenne échéance – dix ans – que je donne rendez-vous à ceux qui aujourd’hui, à gauche, ont voté Non. Ce sera pour constater, j’en suis persuadé, la plus-value démocratique des articles 61-1 et 62.
Ce rendez-vous est d’ores et déjà assorti d’une certitude. Nous savons que ce jour-là le Président ne s’appellera pas Nicolas Sarkozy, le nombre de mandats présidentiels consécutifs ayant été limité à deux par la réforme. Il n’y a pas de petits profits…
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15 commentaires:
Tout à fait d'accord avec votre analyse! Hélas comme souvent, on juge qui présente le projet avant le contenu même du projet. Cela me fait penser au 35 h si décriées à l'époque par une partie de la gauche, et qui hurle aujourd'hui à leur remise en cause! Et effectivement un bon nombre de petites avancées de cette révision sont souhaitées par la gauche depuis longtemps!! comprenne qui pourra!
J'écoutais ce matin que le PS allait éxaminer des sanctions à l'égard de J.LANG, pitoyable encore une fois!!!A moins qu'il éxamine en même temps le cas FABIUS, MELANCHON, EMMANUELLI, etc qui n'avaient pas respectés la position du PS lors du traité Constitutionnel européen!
Jean paul AUDOLI
Des points positifs?
Sur le plan de la Constitution, oui il y en a ... MAIS quid des points négatifs et des omissions?
Sur le plan politique, c'est une défaite de plus pour le peuple de Gauche aprés les scrutins présidentiels, législatifs et municipaux.
VAE VICTIS ou pour parler plus moderne, je crains que le "coté obscur de la force" ne se serve de ces nouvelles modalités pour encore renforcer les pouvoirs du Naboléon et de ses amis du Fouquet's.
Judas a reçu 30 deniers, que recevra LANG?
'ai toujours préféré des avancées, fussent-elles petites aux yeux de certains à pas d'avancées du tout.
C'est juste avoir le sens des responsabilités, c'est quand même le minimum qu'on puisse demander à des politiques.
Je sais, pas très agréable de se retrouver dans le même bateau que Jack Lang, mais pour une fois, j'accepte sa compagnie.
J'ai entendu Dray à propos de Lang : odieux ! Plus aucune mesure en rien. Sauront-ils attendre novembre pour s'auto-détruire ou veulent en finir avant ?
Autre chose : On nous a abreuvés, y compris sur la Chaine Parlementaire, de "victoire d'une voix" ou "de deux" et on a très peu rappelé, c'est moins chic, moins vendeur, moins romantique, les chiffres en voix ; grande différence. Là, il n'y avait plus photo.
Affirmatif,
Une fois de plus, le PS s'est "fait dessu"s (désolé, mais c'est l'expression qu convient le mieux) en ouvrant des fronts qu'il est incapable de tenir.
Comme le fait remarquer Patrick, la démocratie ne peut, sous prétexte de trop peu, se permettre de jeter le bébé avec l'eau du bain. A ce compte là, on en serait encore à la monarchie absolue. Et puisque l'on parle d'absolutisme, laissez cela à Besancenot et à tous les gauchistes plus ou moins masqués qui grangrennent le PS (sans oublier de se servir la soupe quand même).
Et je suis certain qu'il en existe parmi eux qui vont soutenir cette vieille crapule stalinienne et antisémite de Sine.
La gauche française est bien devenue la plus nulle du monde.
Commandant Dromatd
Voilà une analyse enthousiaste de la situation. Sauf erreur de ma part, il n'est pas prévu de constitutionnaliser le non cumul des mandats. Pas de doute, à ce rythme, on aura satisfaction dans 100 ou 150 ans.
Je pense que M.Mitterrand était le plus monarque de tous nos présidents. Il n'a pas laissé de place à un autre homme (ou femme) à côté de lui pour gouverner et que tous les malheurs du PS viennent de là. Ils ne parviennent plus à se retrouver autour d'une idée ou d'un leader.
Le président actuel, malgré tous ses défauts ou grâce à eux, est, je pense, beaucoup moins monarque que Mitterrand (quoiqu'en dise J.F. Kahn régulièrement à la T.V.). D'ailleurs, on ne l'appelle pas "Dieu", lui. Au contraire, à travers cette réforme et d'autres, il laisse toute leur place à ses ministres et les valorise.
Excusez-moi pour ce petit coup de colère mais je ne supporte plus ces socialistes de Paris qui se comportent de plus en plus en staliniens car si, moi non plus, je n'aime guère J.Lang, je trouve honteux de critiquer sa liberté de vote.
N'hésitez pas à me censurer, M.Mottard, je ne vous en voudrais pas.
ACTION !
Les Dix Commandement
Tout ou rien ? Maintenant ou jamais ? La proie pour l’ombre ? Un tien vaut mieux que deux tu l’auras…etc. etc. La question est vieille comme le monde. Dans le désert, certains devaient dire à Moïse (40 ans dans le désert, c’est long, surtout sans 4X4, ni clim ni GPS comme à l’ex Dakar ) : « Arrêtons nous ici, Moshe, cette terre est assez bonne pour nous » (avec l’accent de Woody Allen ou de Mel Brooks, c’est plus drôle ). Non, Moïse voulait trouver le pays du lait et du miel. Et il s’est révélé être, pour des millénaires, celui du sang et des larmes.
America ! Amerrica !
Dans le film « Les émigrants (Jan Troell, 1971, avec Max von Sydow, Liv Ullmann), le paysan venu de Suède, après une traversée en bateau épouvantable, continue à marcher, contre l’avis des autres, vers l’Ouest sur le continent américain et plante son bâton jusqu’à ce qu’il trouve la profondeur de terre noire qui lui convient. Certains se sont arrêté à New York, d’autres dans le MidWest, d’autres en Californie. Et beaucoup ne sont arrivés nulle part et ont fini bouffés par les coyotes.
Le cuirassé Potemkine
Et d’aucuns et non des moindres, n’ayant pas très bien lu Marx (qui n’a jamais voulu ni prétendu écrire le manuel du parfait petit révolutionnaire), nous ont bassiné en disant que 89 était une « révolution bourgeoise » et qu’il fallait lutter pour le seul vrai grand soir (et mec, le 10 mai 81, c’était pas mal comme soirée), la grande révolution prolétarienne. Celle-ci gît à présent sous les décombres du mur de Berlin, les gratte-ciel de Shangai, et son cadavre, comme celui du Che, mais puant le fric du trafic de cocaïne et des enlèvements, connaît quelques soubresauts dont les faux orchestres sud-américains, déguisés en indiens des plaines nord-américaines et jouant du new age sur nos zones piétonnes, traduisent bien le pathétique.
Si Versailles m’était conté (ou plutôt « compté » à une voie près)
Sommes-nous loin de Versailles ? Pas si sûr.(et même, dans le cas contraire, cela m’est égal étant donné que je ne sais même pas si cette contrib sera publiée).
À défaut d’avoir intégré le fait (mais les faits sont têtus) que la bourgeoisie a résolu les contradictions de la société à son avantage (mais n’est-ce pas au fond parce que ces contradictions, les dirigeants du PS ne les ont jamais vécues), ces éléphants roses, ivres de leurs ambitions mais paniqués par la souris jaune et bleue (les couleurs de La Poste) se la jouent encore à « plus à gauche que moi, tu meurs ». Et si Sarkozy disait qu’il pleut, le PS sortirait en maillot de bain (vous voyez le tableau !) sous la pluie en proclamant, contre vents et marées, qu’il fait beau !
La Marseillaise
Or des révolutions bourgeoises comme celle de 89, les innombrables victimes des dictatures s’en seraient contenté. Demandez donc aux Cambodgiens qui ont connu les Khmers rouges.
Le jusqu’au-boutisme révolutionnaire, demandez donc ce qu’en pensent les victimes des assassinats (car flinguer un mec au coin d’une rue, ce n’est pas la lutte armée, c’est de l’assassinat) et des attentats des Brigades rouges et de l’ETA. Demandez à la veuve et aux enfants du préfet Érignac.
1789, ce ne fut certes pas l’instauration du paradis sur terre, mais cela a été, pour la France, et pour l’Europe voire plus loin encore, l’arbre qui a poussé sur le terreau de notre héritage -non pas métissé mais sublimé - judéo-chrétien, grec, latin, méditerranéen, et tout ce que nous devons notamment aux libres-penseurs du siècle des Lumières. Et les fruits ont été, à terme, les grandes lois sociales, la semaine de 40 heures (ah non, c’est 35 heures ou rien !), les congés payés (aurait-on dû voter contre 1 semaine et exiger tout de suite 5 semaines ou rien ?) (parlez-en, si j’ose dire, à mon arrière grand-père qui travaillait sur les voies ferrées du côté de Nîmes, dimanche compris, pour un salaire de misère), c’est l’école publique gratuite, la séparation de l’Église et de l’État (et donc la liberté de culte et de pensée, et donc le progrès scientifique et social et donc pas les délires de « l’intelligent design » façon Bush et bouseux US).
Allez donc demander ce qu’en pensent les femmes en burka, les intellectuels, les journalistes, les enseignement dans les pays tenus par les djihadistes ! 89, ils prennent !
Bienvenue chez les ch’ti
Oui, je sais, certains vont dire : alors, tu de préfères la Droite au pouvoir. Mais la Droite, je m’en fous. La Droite n’a jamais promis faire le bonheur de l’humanité. La droite est là pour se gaver et conserver - voire étendre - ses pouvoirs et ses privilèges.
Alors, pour une fois qu’elle lâche un peu, moi, je prends. Je laisse aux rentiers du Grand soir les douteux et stériles plaisirs de l’Aventin.
Donc, à Versailles, fallait-il se dresser sur une barricade de papier à en-tête du PS pour, finalement, donner le beau rôle à ce gavroche mondain qu’est Jack Lang ? L’Histoire jugera. Mais si les responsables du PS ou du PC sortaient un peu du triangle Solférino - Île de Ré - Lubéron, ils sauraient que les Français ont déjà tranché et ce d’autant plus – en dernière ou première instance - qu’entre l’inflation, la hausse des prix, les menaces terroristes, franchement, les réformes constitutionnelles, ils s’en tapent un peu.
Il était une fois la révolution (chom, chom chom)
D’ailleurs, pour finir, que peut-on attendre d’un parti composé en grande partie d’élus, de gens espérant être élu, de gens travaillant pour des élus ou espérant travailler pour des élus ?
Et à propos de travail, combien de dirigeants du PS ont jamais, de leur vie, exercé, pour la gagner, un vrai métier à part la politique ? Et c’est aussi vrai au plan local (suivez mon regard !).
Et avec au milieu, jouant – en experts de l’entrisme qu’ils sont - des alliances, des intrigues et des compromis, les trotskystes qui traitaient de « socdem de merde » les militants du PS qui en avait pas mal bavé depuis Épinay (et même avant pour certains) pour parvenir à tirer les marrons du feu en 1981, ces mêmes trotskystes qui depuis donnent des leçon de militantisme mais qui au passage se gavent d’autres chose que de simples marrons, sauf glacés à Noël. (Et qui nous ont menés où nous en sommes et ça, on pouvait le prévoir)
Alors, « Que-faire ? » comme disait Lénine (ça fait « gauche » ça Coco). Ceci est une autre histoire, mais là, je n’ai plus de pellicule (comme disent les heureux utilisateurs de Pétrole Hahn – humour !). Alors, clap de fin.
Monsieur Fernand
(qui, cette fois, a flingué sans mettre de silencieux)
P.S. Merci à : Cecil B. de Mille, Elia Kazan, Serguei Mikhaïlovitch Eisenstein, Sacha Guitry, Jean Renoir, Dany Boon (oui, je sais, je sais), Sergio Leone.
Monsieur Fernand ,le furtif et l'affectueux du dimanche sont d'accord avec moi ,il faut créer au plus vite votre blog...je sais bien qu'il ne faut pas parler aux cons parceque ça les instruit,mais quand même il y a tous les autres...
Louis
Superbe Fernand .....chom!chom!chom!
Richard,
On a constitutionnalisé le non cumul de plus de deux mandats présidentiels dans le temps (c'est mieux que rien). Et le PS ne s'est pas battu sur le reste : il y en a trop qui auraient dû abandonner quelques mandats (à commencer par les parlementaires eux-mêmes...).
Petite précision pour la saisine du Conseil constitutionnel. La réforme ne permet pas une saisine directe par les justiciables, mais elle leur permet de soulever une exception d'inconstitutionalité du texte dont il est fait application lors d'un procès judiciaire ou administratif devant ces juridictions, qui peuvent alors décider de saisir le Conseil constitutionnel. Par rapport à ce l'on connaît des exceptions d'illégalité classiques qu'on peut soulever devant les juridictions administratives (et qui englobent la possibilité de faire écarter l'application d'un décret par le Conseil d'Etat quand il est non conforme à la Constitution), la réforme apporte vraiment un plus. En effet, non seulement l'exception d'inconstitutionnalité pourra être invoquée aussi bien devant le juge administratif que devant le juge judiciaire, mais en plus, cette exception pourra conduire, si la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat décident de poser une question préjudicielle au Conseil constitutionnel, à l'abrogation du texte contesté.
Jusqu'alors, non seulement il n'y avait aucune possibilité de déclencher un tel processus pour les justiciables, mais de plus, ceux qui en avaient le droit, ne pouvaient l'exercer qu'en saisissant le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi qui venait d'être votée : après, c'était trop tard (seul le législateur à l'origine du texte pouvait éventuellement revenir dessus et le modifier ou l'abroger).
Il y a aussi un autre point intéressant pour le justiciable dans cette réforme mais dont on parle moins, c'est la possibilité (prévue par la fin de l'article 31 de la Constitution) pour un particulier de saisir le Conseil supérieur de la magistrature (dont par ailleurs la modification de la composition est discutable...) : les justiciables pourront donc contester un magistrat ou une procédure devant le CSM. Si cela avait existé auparavant, on aurait peut-être pu éviter le scandale d'Outreau...
Quant à l'attitude du PS, il se confirme chaque jour qu'elle a été peu glorieuse : un certain nombre de députés socialistes qui ont voté "Non" à la réforme par discipline partisane (Christophe Caresche, Manuel Valls, Gaétan Gorce et Jean-Marie Le Guen) ont fait une lettre dont des extraits sont repris par Le Monde dans laquelle ils dénoncent "une incapacité" du PS "à s'abstraire d'une forme d'anti-Sarkozysme pavlovien qui le conduit à s'opposer systématiquement à tout projet émanant du président de la République". C'est quand même mieux que les insultes et invectives de Dray ou autres Royal à l'encontre de Lang : comment peut-on demander à un responsable de voter en contradiction avec une morale politique (Lang avait quand même participé à l'élaboration du projet de réforme) au nom d'une très secondaire morale partisane ?
Merci M.FERNAND pour cette superbe prose.
irene a dit...
ENCORE UN EXCLU DU PS QUI VA PRENDRE LA CARTE A "NICE AUTREMENT" pouf pouf ...MOI EN TOUT CAS J AI BIEN AIME L INTERVENTION DE JACK LANG AU 20 H
irene a dit...
pouf pouf je voulais dire "GAUCHE AUTREMENT" ....
Obama passe, les éléphants trépassent
Les dirigeants du PS sont - tels les frères Volfoni après les dispositions testamentaires du Mexicain - tout penauds parce que Barack Obama n’a pas daigné les rencontrer lors de son passage à Paris.
Mais enfin, chacun sait que si Obama fait cette tournée, c’est pour se donner une image d’homme d’État « à l’international » et ce en direction de l’électorat américain pour lequel, on s’en doute, les dirigeants du PS français comptent pour peanuts.
Car, franchement, qui, mais alors qui au PS est susceptible de contribuer tant soit peu à cette stratégie ?
Ah oui, j’en vois peut-être un. Mais il est déjà, lui, à Washington, au FMI…..
Monsieur Fernand
Qu'est-ce que je lit? Que le PS s'est „fait dessus“, qu'il est „pitoyable“?
Allons, si le PS avait voté ce texte après avoir vu toutes ses revendications traitées avec morgue par le gouvernement, ceux qui hurlent au sectarisme hurleraient à la connivence des notables.
Pile: j'accuse le PS de faire de l'anti-sarkosysme primaire, et de mériter la mort politique (hein, Claudio?)
Face: j'accuse le PS d'être un parti de droite complice du gouvernement, traître à la cause de ses électeurs et digne d'être rayer de la carte politique (hein, Richard?)
Autant y aller franco et réclamer l'interdiction du PS et la déchéance de la nationalité française pour ses militants, et laisser l'espace libre à tous ceux qui lorgnent sur le pouvoir et les sièges du parti.
Et bien, tout ce beau monde m'excusera de donner raison à mon parti: la „réforme“ Sarko est MAUVAISE. Ce n'est pas un petit mieux, un pas, même microscopique dans la bonne direction, un TCE appliqué aux institutions françaises, c'est une amplification des défauts de la cinquième. Je ferait remarquer que la Convention pour la 6ème République avait prévenu durant les présidentielles que Sarkozy nous donnerait la Vème république en pire, et je ne peux qu'être d'accord.
Le texte est remplit de vices: non pas de détails montés en épingle comme la référence à l'économie de marchée du TCE présentée hypocritement par l'extrême gauche (trés capitaliste dans sa manière de faire de la politique) comme une soumission au grand satan du billet vert.
Il y a l'article 11 et son soit disant „référendums d'initiative populaire“: Mettre 20% de l'assemblée comme outil nécessaire à l'instauration d'un référendum fait passer cette mesure pour un foutage de gueule. Si on prend les cas US (la moitié des états pratiquent les référendums d'initiative populaire, il n'existe aucune „initiative préalable“ ni droit de veto de la part des Parlements et locaux, et la proportion de signataires de la demande de référendum doit atteindre une proportion donnée (5 à 15%) des votes exprimés (et non des électeurs inscrirs): cet article a été écrit pour rendre les référendum d'initiatives populaire légaux mais irréalisables.
Il y a l'article 13 et ses nominations présidentielles soumises au vote des 3/5èmes, sauf qu'il y a un hic: le texte stipule que „Le président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions“ c'est à dire que le président ne peut être censuré que si les deux commissions examinant ses nominations sont à 60% contre cette nomination: comme pour le référendum, il s'agit d'une mesure visiblement conçue pour être inaplicable (sauf en cas de cohabitation, mais celle-ci étant quasi-inpossible depuis la mise en place du quinquénat...)
Il y a l'article 18, article „Je veux faire comme Jed Bartlet“ qui ne fait pas avancer le schmilblick mais fait plaisir au petit Nicolas (un caprice inscrit dans la constitution)
Il y a l'article 24: article „Ne changeons rien au Sénat“ (Comme le tiers des conseillers constitutionels sont nommés par le président du Sénat, changer le mode d'élection du Sènat affecte également le mode de nomination des conseillers constitutionels, et je vois mal comment l'UMP qui a fait blocage sur le Sénat pour y garder l'avantage même quand elle ne controle plus qu'une minorité de collectivités aurait écouté la moindre revendication du PS sur le mode de désignation d'un autre bastion où elle peut être majoritaire même quand le peuple n'est pas d'accord). Comme ça on aura au niveau national le problème de l'assemblée départementale du 06 (sur-représentation de zones peu peuplées, conseillers inamovibles, distribution budgétaires qui varient au grès des caprices ou des plans de carriéres du roitelet du moment) mis à la puissance 100. (Et toujours pas d'élections au suffrage universel: bien entendu, s'il y a un fait „admis“ au sein d'une part inquiétante de la classe politique, c'est que les notables sont plus intelligents quand ils n'ont pas de compte à rendre directement à la population).Par dessus, on augmente le poids législatif des élus des français de l'étranger, ce qui n'est pas nécessairement si démocratique que cela (je suis bien placé pour le savoir: je suis un français de l'étranger et je suis toujours inscrit à Nice) sans rien faire pour les encourager à participer davantage (taux de participation extraordinairement bas) histoire de créer davantage de „niches“ électorales artificielles.
Il y a l'article 34, qui dit, dans un premier temps: „Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques“ mais s'empresse de rajouter „Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l'ordre du jour les propositions de résolution dont le gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard“. Comme il est impossible de parler des équilibres budgétaire sans discuter de la responsabilité du gouvernement qui propose les budgets, cela revient à donner au gouvernement le droit d'interdire les débâts un peu trop poussé sur le budget en disant „ho nooooon, les questions de l'opposition concernant les pertes du paquet fiscal et des heures sup défiscalisées sont clairement une injonction à l'égard du gouvernement, irrecevable au nom de la constitution“. Reagan et Bush ont laissé filer la dette en usant et abusant des dépenses discrétionnaires, dépenses qui n'étant pas surveillées par le congrès pouvaient être accrues sans prendre de gros risque politique (et électoral) à court terme: ils sont battus.
Il y a l'article 35, qui stipule qu'en cas d'intervention militaire, le gouvernement informe le parlement 3 jours APRÈS le début de l'intervention, et reste de facto libre de faire ce qu'il veut pendant les quatre mois qui suivent: à titre d'exemple, les estimations les plus „optimistes“ de la guerre en Irak font état de 50.000 morts durant les quatre premiers mois de celle-ci, après quoi, le congrès, même mené par des démocrates, n'a jamais osé mettre un terne aux opérations de peur d'être accusé de défaitisme (malgré les 70% d'américains favorables à un retrait immédiat des troupes US à l'heure où je tape ces lignes): depuis, le nombre de victimes, à 90-95% civiles, a été multiplié par dix (estimation basse, lá encore): Demander l'avis du parlement APRÈS le début des hostilités est une trés mauvaise idée.
Il y a l'article 71: „l'article Lang“ qui fait qu'il est à mes yeux difficile d'être „odieux“ en s'en prenant à Lang: on avait déjà un médiateur de la république, qui je cite „examine au cas par cas l’inadaptation de certains textes ou procédures, les excès de certains comportements.“, mais il a fallu rajouter un „Défenseur des droits“ qui „veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public“. Le fait que le dit défenseur des droits soit nommé pour la même durée et effectue également un mandat non renouvellable, dispose des mêmes interdits concernant les mandats électifs nationaux rajoute à l'aspect doublon de ce poste, qui plus est fortement défendu par Lang qui a de toute évidence l'intention de s'y recaser si le PS décide de mettre fin à sa carrière politique. Créer un poste de surveillant des excès de l'administration qui existait déjà (ce qui donne à ce nouveau poste des allures d'emploi fictif avant même sa mise en place) pour achter le vote d'UN député, voilà ce qui est véritablement odieux, et le fait qu'il soit nommé par le président et non par le conseil des ministres, donne davantage de poids encore aux accusations de personification accrue du pouvoir.
Il y a l'article 88: qui stipule que toute entrée de nouveau membre dans l'Union Européenne est soumise à un référendum. Certes, pris tel quel, l'article est dificilement contestable, mais il vient accompagné d'un contexte trés déplaisant: on a évité de justesse le pire, à savoir l'amendement Devedjan qui devait imposer à la Turquie de passer par l'épreuve référendaire mais en dispensait les autres candidats, mais dans le même temps, rien n'est dit concernant les modifications institutionelles de l'UE elle-même, toute modification du traité de Nice ne passera donc pas par le référendum, ce qui signifie qu'il sera excessivement facile pour les euro-sceptiques de crier au déni de démocratie et d'être pris au sérieux.
Quant à la limitation institutionelle à deux mandats, elle n'apporte pas grand chose: l'usure du pouvoir est le meilleur des blocages; aucun président dans la cinquième n'a fait plus de deux mandats, et ceux qui les ont fait y ont brûlé leur aura (De Gaulle qui rate son énième chantage à la démission, Mitterrand et Chirac qui partent impopulaires). Sarkozy n'a jamais eu la moindre chance de faire trois mandats, comme il était sûr et certain qu'il deviendrait impopulaire dès 2008. De plus, en ce qui concerne le risque d'un président qui, se trouvant bien dns son fauteil, cède à la tentation de l'autocrate, il ne faut pas se faire d'illusion: les apprentis dictateurs se moquent des constitutions: Napoléon III est devenu empereur après un putch qu'il avait déclenché précisément parce que la constitution lui interdisait de se représenter aux élections présidentielles, alors la garantie constitutionelle...
Et il y a l'adoption même du traité: adoptée de justesse, certes, mais il faut voir de quelle manière: la député Chantal Berthelot: contre la réforme des institutions, mais finit par voter oui, contre, dixit le canard enchaîné „Quelques kilomètres de bitume“ dans sa circonscription. Autre députée radicale, de Guadeloupe cette fois-ci, Jeanny Marc a voté oui contre la promesse d'un redécoupage de sa circonscription qui lui serait „favorable“, c'est à dire du gerrymandering, en d'autres termes, du trucage d'élection législative. Toujours d'après le canard, c'est de cette manière qu'une demi-douzaines de députés UMP rétifs au texte auraient fini par voter oui. Dans le même temps, Baylet, qui rêvait du maroquin de la défense, se prépare à vassaliser son parti à l'UMP en échange d'un statut plus flatteur de „chef de groupe parlementaire“ en attendant mieux. Cette réforme n'a rien de glorieux: elle est le fruit de menaces, de promesses allant, dans le meilleurs des cas du financement clientéliste au redécoupage foireux et aux fromages offerts à ceux qui ont voté oui, sans oublier les parlementaires UMP qui ont cédé sous la menace d'une perte d'investiture aux prochaines élections et la réforme menée au pas de charge avant le renouvellement du Sénat, parce que Sarko voulait, de son propre aveux „niquer“ Hollande.
Franchement: si cette „modernisation“ des institution était si bonne que cela: pourquoi a-t-il fallu menacer et corrompre plusieurs dizaines d'élus pour l'obtenir?
Face aux tares de cette modification, un seul article ne pèse pas grand chose, d'autant plus que la mesure promise par cet article sera -si elle n'est pas sabotée à coup de chausses trappes par la loi organique à venir censée fixer son mode de fonctionnement- très probablement sous-exploitée et dans un domaine de toute manière limitée: comme contre pouvoir, on a vu mieux.
Quant au rendez-vous dans dix ans, Patrick, je suis à prendre le pari que bien avant la fin de la décénie qui suivra l'adoption de cette pseudo-réforme, celle-ci sera tellement conspuée et présentée comme un monument rendant gloire à l'avilissement de la classe politique que tu rendra grâce au ciel de ne pas avoir été parlementaire en 2008, car au milieu de cette mer de soumission et de corruption, tu aurais alors bien du mal à plaider la bonne foi.
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