Uxbal (Javier Bardem) dans Biutiful
Le festival prend sa vitesse de croisière. Entre dimanche et lundi, nous avons vu trois films très différents : une histoire d’amour en costumes française, un mélodrame social espagnol et un thriller passablement gore japonais.
La princesse de Montpensier, Bertrand Tavernier (France)
Nous sommes en 1562, sur fond de guerre de religions. Marie (Mélanie Thierry fait le job…), une des plus riches héritières du royaume, est contrainte à un mariage forcé par son père avec le Prince de Montpensier alors qu’elle est amoureuse depuis l’adolescence du Duc de Guise.
Subtil et frémissant portrait de femme aux prises avec un dilemme vieux comme l’amour. Faut-il résister aux codes sociaux au nom de la passion ou s’incliner au nom de la raison ? La réponse apportée par Bertrand Tavernier (et Madame de La Fayette) est plutôt amère.
Un temps déstabilisé par la jeunesse de la distribution – particulièrement flagrante lors de la montée des marches – je me suis rapidement rendu à l’évidence : à cette époque, on était forcément jeune ! Un beau film classique. Trop ?
Biutiful, Alejandro Gonzales Inarritu (Espagne-Mexique)
Il y a deux ans, Woody Allen nous avait donné rendez-vous à Vicky Cristina Barcelona, une ville joyeuse et voluptueuse tout en couleurs et en lumière.
Avec Inarritu, « La ville des prodiges » se transforme en cité des damnés de la terre : celle des squats d’Africains, des ateliers clandestins asiatiques et du lumpenprolétariat local…
Uxbal (Javier Bardem en anti-héros après avoir été le séducteur dans le film de Woody Allen) est un trafiquant vaguement médium qui exploite cette misère humaine. Le personnage est complexe : père quasiment célibataire de deux jeunes enfants dont il s’occupe plutôt bien, il a une certaine sympathie pour les misérables qu’il exploite. Il faudra quand même un drame affreux et sa mort prochaine (il est atteint d’un cancer) pour qu’Uxbel éprouve enfin de véritables remords. Malgré des effets musicaux parfois un peu trop appuyés, Biutiful est un film dérangeant et poignant. Cette plongée dans les bas-fonds de la capitale catalane que nous pensions si bien connaître est d’une infinie tristesse. D’où, fugaces, les premières larmes de ma co-festivalière. C’est un signe.
Outrage, Takeshi Kitano
Dans une lutte impitoyable pour le pouvoir, plusieurs clans yakuzas se disputent la bienveillance du Parrain. Ça ne rigole pas chez les yakuzas : à côté d’eux, la bonne vieille mafia sicilienne, c’est le club Mickey !
Pour un oui pour un non, on s’étripe, on se transperce, on se décapite… sans oublier cette charmante coutume consistant à se couper soi-même le petit doigt pour l’offrir à celui qu’on est censé avoir outragé. Une vraie friandise !
Kitano nous avait habitué à mieux qu’à cette version saké des Tontons flingueurs (ou, selon la formule très drôle du critique d’Aujourd’hui en France, « des Nippons flingueurs »).
3 commentaires:
Dommage pour le Kitano, réalisateur que d'ordinaire j'aime plutôt. Par contre, la critique que vous faites de Biutiful donne vraiment envie de voir ce film. En plus, je trouve que Javier Bardem est un excellent acteur. Une palme pour l'interprétation masculine ?
Y aura t-il une critique du film de godard? J'aurai bien inséré une image dans le texte qui va suivre...c'est une image que j'ai prise avec mon téléphone portable lors de la projection de son film socialisme à Nice aujourd'hui, c'est à dire... le jour de sa sortie nationale (en salle seulement). On y voit des rangées vides et un seul homme, de dos, assis devant moi.(nous "étions" donc deux! C'est fou...)Enfin au début...car l'homme ne tardera pas à quitter la salle(20 minutes sans chrono). Je devenais donc seule. Que signifie un je sans nous? C'est une des questions que pose Godard au milieu de bien d'autres, évidemment. Sur l'écran, on voit un universitaire analyser un passage d'une oeuvre de Husserl (consacré à 'LA' géométrie) L'universitaire donne un cours dans un amphi...vide. Mais après tout, il aurait aussi pu filmer la file des "abtentionnistes" devant un bureau de vote en montrant leur absence ( cache laissé devant l'objectif de la caméra/ bande son:" n'a pas voté"). Ou JLG filmant la salle vide dans laquelle est joué son propre film, c'est à dire filmant son propre film. Mise en abîme de perplexité garantie.
Ce noir là, cette absence, ce désintérêt, ce non souci,cette désaffection, ne me semblent pas sans rapport avec celles que connaissent "un certain cinéma", la politique, la philosophie. Et l'image serait bien noire si quelques autres,d' archives,de vestiges... ne nous rappelaient pas, non pas seulement des souvenirs ou "vaguement" quelque chose, mais à la mémoire tout court, à ce que nous portons.Oserai-je dire que ceux qui cherchent dans cette narration un sens de l'histoire, une direction... seront fort démunis? Il y est présenté comme une question! Et les réponses sont à construire! Je ne crois pas que Godard se réfère par snobisme intellectuel à la dialectique.Par exemple, les illusions perdues combattent u dialoguent avec( dans et par),de jeunes conseillers généraux qui s'exercent au jeu démocratique. Humanités est le troisième acte de ce film qui finit par un rappel d'une distinction qui pourrait sembler une antiquité, "grecque " de préférence, entre la légalité et la légitimité. Le dernier carton de Godard étant: "No comment". Ce que j'aime chez godard, c'est l'essai. Surtout quand l'essai est un appel à la transformation. C'est du moins ce qui j'y ai vu, lu, entendu...
Merci, cher Patrick, pour vos critiques si constructives. J'espère que vous continuerez à nous éclairer sur les spectacles donnés dans les salles obscures, bien après la clôture de ce festival.
Le commentaire de Cleo sur Godard m'a rappelé le "j'étais seul l'autre soir au Théâtre Français - il est vrai que l'auteur n'avait pas grand succès - ce n'était que Molière..." (excusez les approximations, je cite de mémoire).
Pour moi, Godard, c'est surtout "Le Mépris", oeuvre sublime, immortalisée par sa musique, Capri et le choix des acteurs. Pour le reste, je ne suis pas assez calé, mais peut-être que le prof. de fac. pourrait un jour (s'il en a le temps et le goût) nous dévoiler l'oeuvre de JLG.
Bonne fin de Festival au couple phare des cantons 5 et 7. CV.
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