11 avril 2012

Bella ciao : du Yiddishland à Riz amer…



Una mattina, mi sono svegliato
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Una mattina, mi sono svegliato
E ho trovato l’invasor

Un matin, je me suis réveillé
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Un matin, je me suis réveillé
Et j’ai trouvé l’envahisseur

Supplantant L’Internationale, Le temps des cerises et Le chant des partisans, Bella ciao est devenu le chant quasi officiel des rassemblements progressistes en particulier dans le sud de la France. Pas un meeting, pas un banquet républicain, pas une manifestation, sans qu’à un moment ou un autre, les participants entonnent ce qu’ils pensent être l’hymne de la Résistance italienne au fascisme.

En réalité, les débuts de cette chanson mobilisatrice et joyeuse sont à la fois beaucoup plus lointains… et récents qu’on ne le pense.

A l’origine, la mélodie est celle d’une ballade yiddish, un morceau de musique klezmer d’Europe de l’Est, Dus zekel koilen (« Le petit sac de charbon »). Enregistré en 1919 à New York par un musicien juif, elle aurait été rapportée en Italie par un immigré.

Mais, encore plus surprenant, Bella ciao ne deviendra l’hymne officiel de la résistance italienne que… vingt ans après la fin de la guerre. Pendant le conflit, elle n’est chantée que par quelques groupes de partisans de Modène et de Bologne. Le chant officiel, Fischia il vento, étant d’inspiration trop ouvertement communiste, on le remplaça dans les années 60 par Bella ciao, aux paroles beaucoup plus consensuelles.

L’aventure de la chanson ne s’arrête pas là. Toujours dans les années 60, on retrouve un chant populaire piémontais d’avant-guerre qui utilise exactement la même mélodie. Il exprime la contestation des « mondine », les repiqueuses de riz travaillant dur, le dos courbé, les pieds dans l’eau, et superbement incarnées à l’écran par Silvana Mangano dans le film de Giuseppe De Santis, Riz amer :

Alla matina, appene alzata
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Alla matina, appene alzata
In risaia mi tocca andar

Le matin, à peine levée
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Le matin, à peine levée
A la rizière je dois aller

Contre les pogroms, contre le fascisme, contre les grands propriétaires… Bella ciao est donc le chant de toutes les résistances. Alors pourquoi ne serait-il pas celui de toutes les révoltes ?

14 commentaires:

alaind a dit…

Merci Patrick pour cet historique, et je comprends maintenant pourquoi ma fille à 6 ans scandait intempestivement cette chanson!

Sylvie a dit…

Merci Patrick.
Super pour réveiller mon fils ce matin.
En plus, son père est d'origine piémontaise.

Dominique a dit…

Un ami, Dany, après avoir lu ce billet, m'a appelée pour me dire qu'il avait un CD reprenant des musiques klezmer de 1919 parmi lesquelles figure "Koilen". Il a pu me donner le nom du compositeur, Mishka Ziganoff, et j'en ai trouvé la version à l'accordéon sur YouTube. La parenté avec Bella Ciao est indéniable.
Voici le lien : http://www.youtube.com/watch?v=r0KbSFYbTxA

bernard gaignier a dit…

Y a pas à dire Sylvana Mangano c'était une belle pub pour le riz même amer!

Anonyme a dit…

merci un billet qui me ravi.
parsus06

Emmanuel a dit…

Magnifique histoire et magnifique film de 1959 qui fait découvrir en France le néoréalisme italien et Vittorio Gassman à l'écran dans un de ses premiers rôles.
Eh ouais Bernard, même amer on le mangerai quand même bien le riz avec Sylvana.
Vive le cinéma italien et vive Nanni Moretti prochain président du jury à Cannes!

alaind a dit…



Sans toutefois avoir les arguments de "pointe" de la dame dans la rizière, ci-joint un lien de voix!;-°) :

http://www.youtube.com/watch?v=UZ4kqjAwevs&feature=related


Marianne Obscur a dit…

Intéressant et émouvant, je partage :)

Louis-Paul a dit…

Merci Patrick pour l’histoire de cette chanson aux multiples versions.

Sur le blogue de Noëlle, j’en avais découvert une « qui déménage » :
Bella Ciao - Modena City Ramblers
http://nono.hautetfort.com/archive/2009/06/05/bella-ciao.html

Unknown a dit…

Je connaissais cette version, Louis-Paul. Effectivement, elle déménage... un peu trop à mon goût :-)

Anonyme a dit…

Pour qu'un post soit totalement lu autant l'introduire par de belles photos.Donc bravo Patrick pour tes deux derniers.
Maintenant est-il mal venu de rappeler que Ségolèle en 2007 avait choisi cette chanson pour sa campagne?Indépendamment de cela, je me régale à chanter cette chanson (seulement le matin en prenant mon bain,heureusement pour vous) tellement elle est forte et met en valeur l'accento tonico italiano.
Alexandre

COTTALORDA henri a dit…

Patrick ton billet sur " Bella ciao" m'a profondément touché. En effet mon deuxième prénom est Sirio, c'était le prénom de mon Parrain: FABBRI Sirio. Après mon baptême à NICE, il a rejoint la Résistance dans la Région de BOLOGNE ( ITALIE), son pays d'origine ainsi que celui de ma Mère qu'ils avaient quitté à cause du fascisme, pour continuer le combat. Après un accrochage avec les allemands, il fut blessé et capturé avec son amie et deux autres camarades. Les nazis le fusillèrent le 18 juillet 1944 sur la place du petit village de BRASIMONTE. Il lui manquait douze jours pour avoir vingt ans. Son nom et sa photo figurent sur le mur " ai Caduti" à BOLOGNE devant la Fontaine d'il Giganti. Inutile de te dire qu'il a donné du sens à ma vie et pour moi le Partisan de Bella ciao c'est LUI.
COTTALORDA Henri.

Anonyme a dit…

Il y aura toujours des révoltes... les appréhender avec un rythme aussi gai, et un accent joyeux, rend le combat moins difficile... La magie du rythme !
Belle photo.
J'ai appris.

Anonyme a dit…

Un air, des paroles Italiennes qui font partie, depuis logtemps de mon "carburant quotidien".

Merci Patrick pour cet historique qui a bien complêté les quelques infos que j'avais sur l'origine de cette chanson

J'avais un Cd avec une version très ancienne que je passais invariablement au moment du café quand nous recevions des amis mais Mireille avait du mal a supporter cette version (il est vrai pas très tonique) et je pense qu'elle a fait le nécessaire pour faire disparaître le CD.

Paul