Par goût personnel, j’ai toujours préféré les lettres aux chiffres. Mais il faut bien reconnaître que pour évaluer une politique publique, la mise en perspective de celle-ci avec un certain nombre de chiffres est indispensable. C’est ce que je rappelle régulièrement à mes étudiants.
Ainsi pour – au-delà des slogans et des postures idéologiques – mesurer l’impact du fameux bouclier fiscal, il peut être instructif d’aligner quelques chiffres.
Le bouclier en 2009 a concerné exactement 16 350 personnes pour un coût total de 585 millions d’euros, soit une ristourne moyenne de 35 815 euros pour chacun. En réalité les disparités sont grandes. Les 53% de bénéficiaires du bouclier qui ne payent pas l’ISF ne reçoivent que… 0,8% de la manne. Les 47% qui payent l’ISF se partagent donc les 99% restant. Encore plus fort, les 726 plus riches vont recevoir 288,6 millions d’euros soit … 381 782 euros de ristourne en moyenne par contribuable. « Juste » compensation direz-vous si vous adhérez au discours sur le caractère « confiscatoire » de l’ISF. Ce serait oublier que celui-ci ne rapporte que 3 milliards à l’Etat, c’est-à-dire à peine le montant du cadeau sur la TVA fait au secteur de la restauration.
Par ailleurs, une taxe de 1,1% a été instituée sur les revenus fonciers et les assurances vie pour financer le RSA au titre de la solidarité. Les bénéficiaires du bouclier fiscal seront donc 0% solidaire.
Mais, en réalité, le chiffre le plus spectaculaire n’existe pas. C’est celui, pourtant annoncé à grand fracas, du nombre « d’exilés fiscaux » qui seraient revenus déclarer leurs impôts dans l’hexagone grâce au bouclier. Ce chiffre, le ministère ne peut pas le donner. Lorsqu’un fraudeur expatrie sa fortune dans un paradis fiscal, c’est pour donner à celle-ci une fausse adresse. Les capitaux ne sont bien entendu pas investis aux Iles Caïman mais dans les pays où cela rapporte. Si le fraudeur est français, il y a tout lieu de penser qu’il va investir en France là où il peut en surveiller le rendement. Il n’y a aucun rapport entre la domiciliation des fortunes et le lieu de leur investissement. Moraliser, ce n’est pas acheter les spéculateurs avec l’illusoire bouclier fiscal mais éradiquer les paradis fiscaux ce qui est, je vous l’accorde, une toute autre histoire.
Il n’en demeure pas moins que le chiffre qui a servi de justification au bouclier est un chiffre… introuvable !
05 avril 2010
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7 commentaires:
Pour que la démonstration soit complète, il conviendrait de dire qu'un autre chiffre n'existe pas.
C'est celui du nombre "d'exilés fiscaux" potentiels qui, peut-être, ne sont pas partis. Peut-être.
ça bien sur claudio on ne peut le dire! mais il est une réalité c'est que le bouclier fiscal qui inclue la CSG et la CRDS c'est à dire des cotisations sociales rend insupportable toute nouvelle augmentation inévitable pour combler le déficit mais qui bien sur ne portera que sur le classes moyennes. Par ailleurs le bouclier fiscal part du revenu de référence c'est à dire avant déduction de niches fiscales et non pas du revenu imposé.. ce qui est évidemment encore plus favorable pour ceux qui en bénéficient.
Ceci dit je pense qu'on pourrait supprimer l'ISF qui effectivement peut être confiscatoire dans certains cas, qui est "cher" à recouvrer, difficile à controler et qui comme le rappelle Patrick ne rapporte "que " 3 milliards. Il serait préférable de le remplacer par une tranche supérieure d'impot sur le revenu qui rapporterait autant que l'ISF. En clair il vaut mieux taxer les revenus du capital que le capital lui même. Le problème c'est que l'ISF est un marqueur idéologique. Vouloir le supprimer c'est être de droite et le conserver c'est être de gauche.
Etant donné les chiffres donnés par Patrick, la quasi totalité de ceux qui paient l'ISF sont aussi ceux qui bénéficient du bouclier fiscal et qui ont donc de très très très gros revenus. Ces chiffres tordent un peu le cou à cette fable qui voudrait que l'ISF pénalise surtout des personnes ayant une petite propriété familiale dont elles seraient obligées de se défaire faute de pouvoir payer cet impôt inique (je pense notamment à ces pauvres héritiers de l'Ile de Ré qu'on a fait témoigner sans relâche à une certaine époque...) !
Je n'ai jamais rien compris aux chiffres, mais ce que je comprends encore moins c'est comment des français peuvent être si riches et dormir sur leurs deux oreilles, et même faire sûrement la morale et le catéchisme aux autres, quand la majorité de leurs concitoyens a du mal à boucler ses fins de mois.
Je ne prenais pas parti. Je trouvais honnête de compléter l'information.
Pour l'ISF, j'ai toujours été de l'avis de Bernard y compris sur sa dernière phrase. Dommage qu'on ne puisse pas faire de la pédagogie aux "affectifs"
Loi TEPA, PAQUET FISCAL, BOUCLIER FISCAL, EXONERATION DES DROITS DE SUCCESSION, un ensemble de choses où tout le monde se mélange et où pourtant avec beaucoup de pédagogie on devrait pouvoir mettre en avant des points où le clivage droite gauche n'a rien à voir.
ricciarelli
Depuis la royauté la politique financière de la France n'a guère évolué. Les grosses fortunes tolèrent peu l'impôt et le peuple fournit la majorité des fonds. Pourtant prendre 60% de son revenu à un super riche ne le prive pourtant pas de son train de vie. Et pour une mesure démocratique, on repassera, le chiffre de moins de 20 000 a bien été donné. Autre constat, lorsqu'il y a besoin de fonds pour boucher des trous, on ne gère pas les dépenses, on crée des impôts (dont des impôts temporaires qui durent), on multiplie les taxes indirectes, on supprime les abattements. Enfin les impôts ne se remplacent pas, ils s'accumulent. Il n'y a qu'à multiplier les tranches pour réduire les écarts à l'intérieur de celles ci et d'ajuster leur nombre aux écarts de fortunes pour plus d'équité. Ne rêvons pas, ceux qui ont soutenu l'ascension du président actuel n'ont pas l'intention de voir leurs privilèges abolis.
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