16 février 2006

Peer to peer... pire en pire...


La conférence-débat qui se déroule les mercredis à ma permanence (consultez le programme sur le site patrick-mottard.org, bienvenue à tous !), est consacrée cette semaine à la question très sensible du téléchargement.

La conférencière du jour est Clotilde Gimond (par ailleurs animatrice de « Sauvons la recherche »). Pour elle, pas de doute, la culture a un coût et s’il ne faut pas stigmatiser outre mesure les "téléchargeurs", surtout quand ils sont jeunes, il faut réagir. Elle estime que la licence globale, sortie du chapeau de quelques élus PS et UDF est une fausse bonne idée qui ne protègera en rien les créateurs et par conséquent la création.

Pour avoir participé d’assez près, il y a plusieurs années, au débat sur le prix unique du livre, je suis assez spontanément d’accord avec ses arguments. C’est que le débat sur la loi Lang m’a appris à me méfier des idées simplistes en matière de culture. Ne disait-on pas à l’époque que moins les livres seraient chers, plus la culture serait accessible à tous… ? En réalité, les livres à bas pris bradés dans les supermarchés étouffaient petit à petit le réseau des libraires et la diversité de l’offre. Heureusement que la loi Lang…

Aujourd’hui, j’ai l’impression que nous sommes dans le même débat. Télécharger gratuitement, ce serait la culture à portée de tous… En fait, nous le savons bien, cela conduirait immanquablement à réduire l’offre artistique, surtout quand elle est novatrice, décalée, exigeante.

... Cela dit, à la permanence, le débat est de qualité et les "téléchargeurs", à l’instar de Michel, se défendent bien. J’avoue être séduit par leur propos, quand ils affirment ne pas être impressionnés par les pleurnicheries des industriels du secteur qui, du vinyle au DVD, en passant par la cassette et le CD, se sont largement payés sur le dos des consommateurs lors des précédentes décennies.

A l’évidence un compromis doit être trouvé. Les propositions du PS (cf. Anne Hidalgo) peuvent contribuer à rendre possible ce compromis. Il s’agit, par exemple, d’imposer une durée de vie commerciale des œuvres sur le Web, assortie de sanctions (plutôt civiles que pénales) en cas de téléchargement, pendant une période qui pourrait, par exemple, être de six mois. Il peut s’agir aussi de développer la pratique des « creative commons ».

En réalité, peu importe le détail des solutions, il faut sortir au plus vite du face à face entre la répression façon Donnedieu de Vabres et le flou pas tellement artistique de la licence globale.

En rappelant que la diversité culturelle a un coût. Et que si l’aspiration à la culture relève du désir, l’assouvissement de ce désir ne se réalise pas sans effort.

Retrouvez l’essentiel de l’intervention de Clotilde Gimond sur NiacTV dans la rubrique « Actualités ».

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Le problème ne vient pas du fait du téléchargement gratuit. Je pense que toute forme d'art doit trouver son public. Or pour un chanteur, la rencontre avec un public se fait sur scène.Comme un mineur va au fond de la mine extraire le charbon, le chanteur qui est avant tout un artiste (bon ou pas) doit mouiller sa chemise et monter sur scène, toute peine méritant alors salaire. Or ce que l'on assiste depuis ces dernières années est une marchandisation de la culture, où les chanteurs sont de plus en plus des fabrications de studio. Il ne faut pas s'étonner que les consommateurs ne veuillent pas payer des albums moyens de 10 chansons à 20 euros. Si ces artistes veulent gagner beaucoup d'argent, ils n'ont qu'a travailler et se frotter au public et ne pas attendre que tout leur tombe dans le bec via des albums qui ressemblent plus à des produits markétés qu'a des oeuvres artistiques. Les majors ne récoltent que ce qu'elles méritent. Et je n'accepte pas non plus leur argumentaire qui consiste à dire que l'on tue la création en ne payant pas leur royalties pharaoniques. Nous sommes des millions en france à travailler et à créer sans pour autant que les millions que l'on ne nous donnent pas nous entrave dans l'innovation. Pour ma part, je pense que cette situation va avoir l'avantage d'écrémer la médiocrité qui nous est servie actuellement. N'ayez aucune crainte, il existera toujours des artistes pour nous subjuguer, car s'il partage bien quelquechose c'est leur amour pour leur art avant de savoir s'il remplit le bol de soupe.

Anonyme a dit…

S'il est clair que la licence globale n'est peut-être pas la meilleure des solutions (et loin de là), il faudrait que les maisons de disque se remettent un en cause et s'interrogent sur le pourquoi de la baisse des ventes de disques. Car à mon avis le téléchargement n'est pas le seul responsable :
- Tout d'abord le prix du disque : un album complet coûte plus de 20 euros. C'est tout simplement inabordable pour les petits budegets. Il faut d'ailleurs noter que les artistes ne touchent que 20 à 30% de cette somme, le reste est pour la maison de disque.
Alors officiellement, cela sert à promouvoir de jeunes talents. Franchement j'ai quelques doutes à ce sujet...
- Il faudrait aussi développer l'offre légale en ligne : l'offre existe, mais elle est relativement onéreuse (0,99€ par titre ou 9,99€ par album). Il y a également le problème de la protection des fichiers ainsi téléchargés. C'est fichiers sont protégés par un système appelé DRM pour Digital Rights Manager en gros c'est un système qui vérifie vos droits d'utilisation de tel ou tel titre. Avec ce système, vous ne pouvez graver le titre ou le mettre sur votre lecteur MP3 qu'un nombre de fois très limité, et à chaque fois en demandant la permission au site qui vous a vendu le titre. J'appelle cela du flicage, et en plus cela va, je pense, à l'encontre du droit à la copie privée prévu par la Loi. Un autre problème du système DRM est qu'il vous impose d'utiliser un logiciel en particulier : les titres téléchargés sur iTunes ne pourront être lus que sur le logiciel du même nom, édidé par Apple, la plupart des autres plateformes imposent Windows Média Player...ce qui pénélise fortement les logiciels libres et ce qui est dangereux pour la sécurité dans la mesure où cela oblige les utilsateurs à utiliser un programme même s'il est bourré de logiciels espions (le problème s'est déjà posé : Christian Nitot, le Présient de la Fondation Mozilla Europe l'explique sur son blog )
- Enfin, la baisse des vente n'est-elle pas tout simplement due à la baisse de qualité et de diversité ? Ecoutez certaines radios destinées aux jeunes...qu'y entendez-vous ? Toujours la même soupe, les ex de la Star Ac', le la nouvelle star, toujours le même RnB insipide. Et c'est la même chose en tête de gondole. La pupart des jeunes artistes que nous connaissons aujourd'hui on galéré pendant des années dans des petites salles et on eu beaucoup de mal à trouver quelqu'un pour les produire. Trop risqué de produire un jeune pas connu. Et puis ça ne rapporte pas assez vite. Donc on produit du mauvais.

Bref, tout ça pour vous dire que l'internaute me semble une cible un peu facile, et qui évite de se poser des questions sur le modèle économique et la stratégie des maisons de disques. Remarquez, ce n'est pas nouveau : il n'y a pas si longtemps, on accusait la copie de CD du même crime. A l'époque on avit même créé une taxe sur les CD vierges...

Anonyme a dit…

Bonjour,

je ne me souviens plus de mon login, je suis Clotilde Gimond, qui a écrit le papier dans http://www.niactv.com
Tout d'abord, je vous encourage chaleureusement à lire ce papier, non pour faire mon auto-pub, mais parce qu'il contient pas mal de réponses à un certain nombre de vos remarques. En revanche, il ne répond pas à tous vos arguments, et je m'en vais donc y répondre ici!

Fabrice, à propos des concerts. Il est faux de dire que ce sont les concerts qui payent les artistes. Evidemment, si vous parlez de Madonna ou de U2, ça va être le cas. Mais donner un concert, ce n'est pas seulement mouiller sa chemise, c'est aussi investir beaucoup d'argent et être à peu près sûr de ne pas ramasser ses billes. Jusqu'à maintenant, les concerts servaient à vendre des disques, et pour les petits groupes, les disques étaient vendus sur une planche posée sur deux tréteaux. Je vous mets ci-dessous l'analyse d'un technicien du spectacle/organisateur de concerts à Strasbourg, un peu moins dur que moi sur le téléchargement illicite, mais qui m'a beaucoup aidé pour la préparation du dossier:
"En effet il est quasiment impossible (sauf grosses exception) d'être bénéficiaire sur un concert, du moment où tu fais les choses dans les cordes, par exemple moi je me bats pour que les musiciens prennent un cachet d'intermittent n'importe où où ils se produisent, un cachet coûte 150 euros, si le groupe fait 4 personnes, le groupe coûte 600 euros (sans le defraiement) au minimum.
Il faut donc au moins 60 personnes à 10 euros, là-dessus tu ajoutes le logement, la sacem (7% de la recette), la bouffe, la promo (affiches, fly, encart publicitaire…)
Un groupe c'est donc au bas mot 1000 euros… et jamais on ne remplit les salles même avec des tarifs de 5 ou 7,5 euros (une place de cinéma)…
Faire de la découverte coûte une fortune.
Les groupes plus connus connaissent leur jauge (genre ils savent qu'ils vont faire 1000 personnes et leur tarif est en fonction)…
Le plus gros problème n'est pas le prix ou le reste, mais le manque de fréquentation des salles…"
Donc, voilà pour les concerts.

Pour ce qui est du gratuit facteur d'écrémage, c'est totalement le contraire qui va se passer pour les nouveaux artistes de qualité (et il y en a plein). Encore une fois, les majors et les produits merdiques marketés à la télé ou à la radio s'en sortiront toujours, vous ne les AUREZ pas comme ça. Ceux que vous allez pénaliser, ce sont les plus faibles. Exactement comme avec les intermittents. Au lieu de pénaliser les structures médiatiques qui abusaient du statut d'intermittent, on a cassé ce statut. Et là on casse le statut professionnel de l'artiste. Parce que oui, l'artiste a le droit à un statut professionnel, c'est quelqu'un comme tout le monde, et ce qu'on lui demande d'accepter, on ne serait pas UN à l'accepter pour nous mêmes. (c'est mieux expliqué sur niactv.com ). Il faut en finir avec le mythe de l'artiste qui vit d'amour et d'eau fraiche, et les artistes millionaires sont très peu nombreux, croyez-moi.

Réponse à Julien:
je suis absolument d'accord avec le fait que les maisons de disque doivent se remettre en cause, et en ces sens, je rejoins aussi Fabrice. Mais on se trompe d'ennemis, comme avec les intermittents. Par exemple, Julien, vous rêvez lorsque vous imaginez que les artistes reçoivent 20 ou 30% sur un CD. C'est bien moins (sauf s'ils s'autoproduisent évidemment). Et par exemple, là, les maisons de disque qui sont passées à la vente sur internet, et qui n'ont plus, donc, le coût de distribution à supporter, et bien elles ont diminué de moitié la part qu'elles donnent aux artistes sur les ventes de mp3. C'est normal? Non, évidemment. Je n'ai aucun problème avec le fait de taper sur les maisons de disque, beaucoup d'artistes reconnus se passent d'elles. C'est le cas de Chuck D, de Public Ennemy, groupe de rap américain mythique. Il n'a jamais pu saquer les maisons de disque, et il se débrouille pour vendre ses trucs tout seul sur le web.
Bien sûr que, par contre, les petits producteurs servent à promouvoir les jeunes talents, le problème c'est qu'ils se les font régulièrement faucher par les gros labels ensuite.
Ecoutez, tout le reste, les DRM, la taxe sur les CD vierges, les sondages sur les baisses de vente, j'en parle dans le papier de niac (mais vous pouvez me répondre ici si vous voulez). Dernière précision quand même sur la licence globale: son problème majeur, c'est sa redistribution. Elle se ferait sur sondages CSA, mediamétrie et SOFRES, système qui ne "voit pas" les petits vendeurs et les petits diffuseurs car ils sont en dessous du seuil détectable. C'est ce qui se passe avec la taxe sur les supports vierges, et qui est dénoncé par beaucoup d'artistes "moyens" (en termes de vente) car ils n'en voient jamais la couleur, et par..... Jack Lang lui-même, inventeur de cette taxe. Donc, encore une fois, elle serait bonne pour ceux qui n'en ont pas besoin.

Ouf. J'ai oublié quelque chose?

Anonyme a dit…

C'est encore moi (Clotilde)

Extrait d'une interview publié dans Libé le 25 janvier 2006:

Quel est votre opinion concernant la polémique sur la loi sur les droits d'auteurs, et les pressions des industries du disque sur le gouvernement français ? Pensez-vous que la licence globale est la mort des auteurs ou des industries du disque telles qu'elles sont aujourd'hui ? Ne pensez-vous pas qu'il faille remettre complètement en question le système actuel de redistribution aux artistes ?
S'il n'y a pas d'économie, il n'y a pas de production.
Par contre, il faut soutenir la production, car la production c'est la création artistique. En même temps, il faut surtout responsabiliser et prendre les internautes pour des gens responsables. La licence est quand même une dépouille organisée. Ce sentiment n'appartient qu'à moi. En même temps, je comprends que l'idée de pouvoir prendre tous les morceaux du monde pour 7 € soit alléchante. Il ne faut surtout pas oublier d'acheter des disques... et d'aller aux concerts.


Petit Jeu: qui est interviewé par Libé?
Michel Sardou, Eddy Mitchell, Delerm, Corneille, Souchon? (ou n'importe quel autre star traitée de "capitaliste" par les P2Pistes)

Réponse: Grégoire, du groupe Les Têtes Raides, grand initiateur et organisateur du KO social (voir http://www.avisdekosocial.org ) Et ils sont plein à penser comme lui, pas seulement les "mecs de droite". En plus, les têtes raides, ils ont maintenant leur propre petit label (appelé Mon slip), grand découvreur et promoteur de talents nouveaux.

Ca vous fait pas réfléchir un peu?

Papier intégral: http://www.liberation.fr/page.php?Article=353936

Anonyme a dit…

CClotilde, j'ai dit travailler et se frotter à son public. Ils se font connaître et après ils vendent. Quand j'étais étudiant dans l'ouest, j'ai vu pas mal de groupes en concert (noirs désir, bérurier, mano negra, vrp, negresses vertes, sinclair, sonic youth, pixies, happy monday, fat boy slim, thiéfaine …) dans des petites salles , des bars ou des petits festivals à angers, tours, nantes, poitiers, rennes, bordeaux, bourges, la rochelle, vieilles charues , en bref une grande partie de la scène alternative pour pas cher (entre 10 et 50 frs) et souvent de manière gratuite (sauf la ou les bierres accompagnant le concert).
Beatles à hambourg, les rolling stones, doors ; tous les grands ont commencé de cette manière.
Travailler et se faire un public et quoiqu'il arrive s'ils ont du talents, ils vivront de leur art et gagneront beaucoup d'argent.
Maintenant, je pense que le manque de lieu de découverte est plus préjudiciable aux artistes, puisque l'on enlève le seul moyen qu'ils ont de se faire connaître du public autrement que par un plan marketing.
Pourquoi beaucoup d'artistes sont originaires de l'ouest de la France, tout simplement parce que les villes permettaient la tenue de petits concerts. Mais c'est fini, car nous vivons une époque de politiquement correct, ou il faut ne plus faire de bruit, insonoriser tous les bars et les salles, et se soumettre au dictat des riverains parce que le bruit est plus gênant que les merdes de chien sur les trottoirs.
C'est très bien on va mettre le calme de la campagne en ville, mais que l'on ne vienne pas stigmatiser les internautes de faire ce qu'on fait la génération des années 70 avec la K7 pour expliquer que l'on met en péril la création.
Comme la K7 n'a pas tué la musique, le mp3 ne le fera pas non plus.

Anonyme a dit…

Bonjour, je regrette vraiment de ne pas avoir participé à ce débat. J'ai déjà écrit là dessus : http://inisfree.hautetfort.com/archive/2005/08/03/enerve.html et ici aussi : http://inisfree.hautetfort.com/archive/2006/01/22/rendez-l-argent.html;
Sans redire la même chose je voudrais faire remarquer, sur les concerts, que leur fréquentation est en hausse (chiffres 2005) constante et que ce qui est avancé ici n'est valable que pour les petits groupes qui, il faut aussi le dire, ne dégageront pas des revenus en vendant quelques dizaines de CD sur leurs trétaux. Quand on débute, il faut tourner, pas d'autre choix. Miossec faisait des concerts gratuits, Noir Désir jouait dans les bars, c'est comme ça, on peut le regretter mais c'est la réalité de ceux qui choissisent ces carrières. Pour en avoir organisé, je sais ce que coute un concert mais le problème, c'est l'équipement culturel, les salles et leur taille, particulièrement déficient à Nice. Le P2P n'y changera rien. Après, entre U2 et le groupe du coin, il y a tout un tas d'artistes qui remplissent des salles de façon à dégager ds revenus corrects (Benabar, Tiersen, Missec...). Le problème, les problèmes, ce sont d'abord le statut des artistes, les épuipements et l'éducation à la culture. Le P2P est un faux problème et je pense que particulièrement à gauche, attaquer les échanges sur Internet en croyant défendre la jeune création est une erreur parce que les DRM ce sont d'abord une arme de guerre culturelle et économique des majors et que le terme de "flicage" ets tout à fait approprié, sans compter les risques que l'on fait courir aux logiciels libres. Les DRM et les brevets logiciels, c'est la même philosophie ultra libérale. Aujourd'hui, on nous dit qu'il faut brider le P2P, mettre des DRM et qu'ensuite, on parlera des jeunes arstites, du prix des CD, alors même que l'on prépare les nouveaux supports qui seront vendus, évidemment encore plus cher que les CD actuels. Il y a bien d'autres combats à mener, le domaine public, la précarité des artistes, les Creative Commons, les aides aux créateurs, une réforme du droit d'auteur (90 ans pour un copyright, c'est une honte)...
Vous parlez des supports vierges, vous oubliez que cette taxe est prélevée indifféremment sur tous les supports quelque soit leur utilisation. Mon entreprise en utilise des centaines par mois pour stocker ses données et elle paye les droits. Est-ce bien normal ?
Enfin, au niveau de la répartition, il existe quend même des systèmes par répartition qui fonctionnent à commencer par la SACEM. On pourrait imaginer que cet argent aille à des fond d'aide aux créateurs émergents. Un peu d'imagination. En attendant, même si je suis d'accord avec le fait qu'une licence globale ne résoudrait pas tout, je constate que pendant que l'on se chamaille sur les arguments des majors, l'argent ne rentre pas et, croyez moi, les majors ne mobilisent pas pour défendre les petits groupes.

Anonyme a dit…

Re-réponse de Clotilde


Encore une fois, je ne défend pas les majors (il n'y a pas pire aveugle que celui qui a décidé de ne pas lire...).

Pour ce qui est du manque de lieux de découverte, je ne peux qu'être d'accord avec vous. Pour info, vous pouvez lire une interview que j'avais faite l'été dernier de Daniel Jamet, ex-guitariste de la Mano Negra, actuellement avec Mano Solo. Vous pouvez par exemple la lire ici:

http://grasseagauche.free.fr/article.php3?id_article=134

Il est question de politique culturelle, et donc forcément de lieux de découverte, c'est très bien ce qu'il dit.

Par contre, Vincent, déjà, vous mélangez P2P et DRM, ce n'est pas la même chose, et si vous aviez lu l'article que j'ai écrit dans niac, vous auriez vu que je tapais sur les DRM!
Les creative commons, figurez-vous que j'en parlais aussi (mais ils sont loin d'être toujours la panacée, je n'apprécie pas par exemple ceux où on demande aux internautes de payer s'ils ont aimé ce qu'ils ont téléchargé, et où ils peuvent donner ce qu'ils veulent. C'est du faux mécénat et de la vraie charité; mais bon, il y en a d'autres qui sont très bien).
L'aide à la création, c'est très bien, mais aider quelqu'un à produire son disque en sachant pertinemment qu'il ne le vendra plus parce que tout le monde le télécharge gratuitement, je me demande si c'est très pertinent. Il faut donc également le protéger APRES.

Enfin, c'est très simpliste de parler de gauche et de droite dans ce cas. J'ai mis exprès le papier des têtes raides, vous savez très bien qu'il ne sont pas de droite, c'est le moins qu'on puisse dire. Et il y a un tas d'artistes de gauche comme vous dites, qui pensent comme eux. Si vous voulez des noms, je peux vous les donner, mais vous irez les martyriser sur leurs forums...c'est pour ça que je le fais pas.
Pour moi la gauche, ce n'est pas seulement faire plaisir aux gens, c'est aussi se battre pour défendre le statut des gens qui travaillent, et beaucoup d'entre nous, à gauche, irait dans la rue pour bien moins que ça. Aimeriez vous que l'on vous dise: "ben voilà, vous travaillez comme vous voulez, vous faites des trucs de super qualité ou de la merde, vous êtes écoutés un peu, beaucoup, pas du tout, mais vous n'aurez qu'un forfait à vous partager, et encore, si vous êtes un petit, vos passerez pas la barre" (licence globale).

(Note: La répartition par la sacem, elle ne peut pas se faire pour internet pour l'instant, à moins de fliquer chaque PC par des mouchards. C'est ça que vous voulez? Franchement, à part l'éducation et la responsabilisation, je ne vois pas la solution au problème. Mais pour ça, il faut que les artistes n'aient pas peur de se défendre, et ils sont tellement insultés ces derniers temps lorsqu'ils osent ouvrir leur g.... qu'ils n'ont plus du tout envie de participer au débat. C'est pas très malin.)

Anonyme a dit…

Je suis assez d'accord avec l'analyse sur la mise en place de la licence globale. Les petits artistes intègres dans leur démarche ne toucheraient rien, alors que des grosses usines marketées se goinfreraient davantage. De plus le second principe de rétribution, principe basé sur l'empreinte numérique des fichiers, est totalement inapplicable (il y a en effet une infinité de façon d'encoder de la musique ou de la vidéo, et donc une infinité d'empreintes).

Cependant, le P2P tel que nous le connaissons aujourd'hui répond à une réelle demande que ne peut satisfaire le circuit de distribution habituel. Ce circuit parallèle permet de continuer à faire vivre un nombre de biens culturels incalculables qui seraient sinon voués au néant. Et qu'y a-t-il de plus terrible pour un artiste que de voir son oeuvre tomber dans l'oubli ?

Dans une autre mesure le P2P permet de DECOUVRIR des artistes. Il est indéniable que nombre de petits artistes peu connus ont profité de ce réseau pour étendre leur notoriété. Sur quelle autre plateforme de diffusion à l'heure actuelle pouvez vous écouter un album entier en bonne qualité ? Pendant des années on a pris les consommateurs pour des imbéciles en leur proposant une belle pochette assortie d'un tube à la radio pour les convaincre d'acheter, il ne faut pas s’étonner du bol d’air apporté par ce réseau.

Enfin, et c'est là qu'est pour moi le véritable débat, le P2P propose une vraie offre culturelle car son but n'est pas le gain, mais le partage. Avec une politique culturelle basée sur le gain, la culture devient une simple marchandise. Il suffit pour s'en convaincre de regarder l'indigence totale de l'offre proposée par les sites de musique en ligne, ou bien d'assister hébété à la prolifération de la métaphore boulangère (télécharger de la musique illégalement c'est comme voler une baguette) parmi de soit disant artistes et autres producteurs.

De ce fait le P2P englobe parfaitement le paradoxe des biens culturels. Les faire vivre et exister tout en permettant de faire vivre leur producteur.

Il me semble donc que ce débat met en jeu le caractère même de la culture et de sa diffusion. Il n'est pas juste question d'une simple chasse aux voleurs comme voudrait le faire croire le gouvernement. Car le peer-to-peer n'est pas qu'un réseau de pirates-vampires à la solde de hackers-moldaves s'abreuvant du talent de pauvres artistes-faméliques, c'est aussi le repère de simples amateurs d'art désemparés par la diffusion actuelle de la culture.

Anonyme a dit…

Je regrette vraiment de ne pas avoir été à ce débat ! Tout d'abord, je vous ai lue, ici et sur l'autre site et je fais la différence entre P2P et DRM. Je précise aussi qu'il n'est pas dans mes habitudes d'aller sur les forums pour insulter ni martyriser qui que ce soit. Mais le débat actuel porte bien sur le contrôle des droits d'auteur par des DRM dans le cadre des échanges sur Internet et certains estiment aujourd'hui que cela passe par la mise au pas des réseaux P2P, c'est à dire le contrôle de ces échanges, le verrouillage des fichiers et des sanctions pour ceux qui ne resteraient pas dans les clous. De mon point de vue, c'est la porte ouverte au flicage, c'est la remise en cause de la copie privée, c'est privilégier les majors (que vous ne semblez pas aimer plus que moi) par ce qu'ils pourront imposer leurs systèmes de contrôle, c'est remettre en cause l'esprit du Libre qui est fondé sur le partage les l'ouverture des codes, c'est aussi s'attaquer à cette diversité culturelle que permet le P2P puisque l'on trouve aujourd'hui des choses incroyablement rares sur internet, en cinéma, en musique, en documents, en images, des oeuvres qui ne seraient jamais ressorties s'il fallait attendre un éditeur, gros ou petit. Alors, oui, cela va à l'encontre des droits d'auteur, mais vous connaissez l'anecdote de l'Internationale qui n'est toujours pas dans le domaine public et qui a valu à un producteur de cinéma indépendant 1000 € d'amende parce qu'elle était sifflée 7 secondes dans un film.
Vous attaquez l'étude de UFC Que choisir qui est pourtant la seule étude d'envergure faite sur le sujet. Jamais les musiciens ni les producteurs n'ont mis en corrélation leurs baisses de ventes avec le P2P. La caricature que vous faites d'un gars qui pourrait télécharger 10 ans de rock français pour 6 euros ne correspond pas à ce que je pratique ni à ce que je connais. Je suis prêt à reconnaître facilement que certains peuvent se comporter ainsi, je n'approuve pas d'un point de vue éthique, mais par rapport à notre problématique « économique », la bonne question serait de se demander combien une telle personne aurait acheté de ces disques sans le P2P. Vous avez cité U2, justement, ils sont les plus vendus , les plus vus en concert ET les plus téléchargés. Que perdent-ils ? Encore une fois, je crois que le véritable enjeu autour du P2P, il est sur ces gros groupes, pas sur les échanges qui se font sur les plus petit. Encore une fois, les difficultés des groupes plus modestes viennent des politiques culturelles, de la compétition économique et des problèmes de pouvoir d'achat du public car les CD comme les DVD sont trop chers. Vous écrivez que 90 centimes d'euro une chanson c'est bon marché, je ne suis pas d'accord. C'est un fichier MP3 qui n'a quasiment rien coûté à mettre en ligne et qui est reproductible à l'infini. C'est 9 € pour un CD complet sans boîtier, ni le travail d'illustration, ni paroles ni rien. Et en plus que l'on ne pourrait écouter que sous conditions ? Le modèle de diffusion de la musique ( et d'autres choses) est en pleine révolution, il faut tout repenser. Le CD doit redevenir un objet que l'on a envie de posséder ce qui n'est que rarement le cas (et les Têtes Raides ont tort de s'en faire parce que les leurs sont superbes). Je comprends que cette révolution soit difficile à vivre et difficile à penser, mais il serait vraiment dommage de passer à côté de ce formidable mouvement de partage et de découverte que permet un P2P ouvert.
La comparaison avec le prix du livre est intéressante parce que la réponse apportée à l'époque était une réponse politique et économique sur des règles de diffusion. On ne s'en est pas pris aux lecteurs qui se passaient les livres ou aux photocopieurs (on est d'ailleurs revenu dessus ensuite). Les véritables révolutions qui ont permis l'accès à la culture par le livre, c'est l'imprimerie (qui en passant à « éliminé » les moines copistes) puis le livre de poche à bon marché. C'étaient des évolutions technologiques qui ont bouleversé les modèles alors en place. Je comprends les craintes des artistes, mais je ne peux les suivre quand je les vois braqués contre les échanges sur P2P. Leur musique ne se limite pas à des fichiers quand même. On a évoqué les aides à la création. Le court métrage, en France, tient sa vitalité de toutes une batterie d'aides. Un court métrage n'est pas rentable par définition, ou alors de façon exceptionnelle. Ca ne fait pas des réalisateurs de court métrage des artistes de seconde zone. On doit pouvoir être capable d'imaginer de nouveaux modèles pour la musique et la licence globale, aussi imparfaite soit-elle, est un des éléments de ce nouveau modèle.
Je finirais sur la politique. Ce n'est peut être pas un problème gauche/droite (ce dont je doute) mais nous nous exprimons bien avec des positions et des propositions sur des sites et un blog de gauche et socialiste. Aussi, en tant que socialiste, je pense que ce qui a été voté au parlement en décembre est positif et je suis en désaccord avec mes camarades qui s'attaquent à la licence globale. Je suis prêt à réfléchir à d'autres dispositifs, mais à condition d'aller de l'avant. Bien à vous.

Anonyme a dit…

Ce n'est pas un problème de gauche/
droite, ne doutez pas. Plusieurs preuves: la section culture, et deux anciens ministres socialistes de la culture (Tasca, Lang) se sont élevés contre la licence globale. Ensuite, essayez de retrouver ce papier de l'Huma, qui titrait: "Le droit d'auteur, la première victime d'internet?"
Bien sûr, il ya un point d'interrogation. Bien sûr, l'Huma, comme beaucoup d'autres journaux de gauche ont fustigé à juste titre la répression à la Donnedieu de Vabres. Mais si vous lisez le papier "droit d'auteur, victime d'internet?" vous verrez que leur avis est on ne peut plus nuancé. Donc, c'est un problème délicat, pour l'Huma aussi. Et on ne peut décemment pas dire que l'Huma est un journal de droite. Vous voyez ce que je veux dire?

maintenant, quand vous avez été peiné du mot "martyriser" que j'ai employé, je vous comprend tout à fait, je ne m'en prenais pas spécialement à vous, mais j'ai tellement vu d'échanges immondes sur le net, dans différents forums (fora?) d'artistes, avec insultes, jugements définitifs à la pelle, que je me méfie.
Quant aux têtes raides, le jugement n'engageait que "Grégoire", peut-être pas tout le groupe, je n'en ai aucune idée, mais vous dites qu'ils ne doivent pas se faire de souci tellement ils donnent dans la qualité. Je le sais bien (pensez, je les ai aussi à la maison), mais ils ont aussi maintenant un label qui produit de petits groupes, et je crois qu'ils pensent aussi à eux.
A ce propos, le patron de leur ancien label, "Tôt ou tard", un vrai découvreur de talents s'est aussi très fermement prononcé contre la licence globale. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Il faut faire abstraction de ces gens-là?

enfin, pour ce qui est du prix, si 90 centimes est peut-être effectivement un peu excessif vu l'absence de distribution, j'ai entendu dire que sur pas mal de sites payants, on pouvait en acheter par paquet, et que cela revenait à 66 centimes; ça me paraît quand même assez raisonnable.

encore une fois, je ne soutiens pas le ministre, je dis simplement qu'il faut se garder d'appliquer la licence globale sans y avoir réfléchi avant. Quelqu'un parlait d'imagination dans un des posts, ben voilà, la boîte à idée est ouverte, mais celle-là, la licence globale, n'est certainement pas la meilleure.

Anonyme a dit…

N'oubliez pas messieurs et mesdames que l'on paye déjà une taxe qui rétribue majors/maisons de disques et artistes, cette taxe est sur les supports enregistrables, vierges (disques durs, CD/DVD vierges, etc.).

Alors la licence globale n'est qu'une continuité...

Anonyme a dit…

Je vous aurais volontiers répondu plus longuement mais j'ai eu pas mal de boulot avec la journée autour des blogs où l'on a pas mal parlé des droits d'auteur. Je ne tiens pas à faire abstraction des musiciens et producteurs de musique mais je pense que le débat est crispé autour de la forme numérique de la musique et que les éléments manquent, y compris pour eux, y compris pour ceux que j'apprécie et dont je me sens intellectuellement proche.
C'est moi qui ai écrit le mot imagination dans un commentaire parce que je pense que ça manque autour de ce sujet. Je vous renvoie, pour élargir, à la tribune publiée aujourd'hui dans Libération qui me semble intéressante ainsi qu'aux "12 prpositions" publiées sur Ratatium (vous les connaissez peut être ?) : http://www.ratiatum.com/news2776_Droit_d_auteur_12_propositions_pour_sortir_du_debat.html

Anonyme a dit…

ratiatum, les trolls du téléchargements, qui déboulent sur chaque blog où il y a un débat sur le téléchargement, notamment sur ceux des artistes, et qui, (désolée, c'est la vérité) traitent ces derniers de "faussement à gauche" et de faux révolutionnaires dans le meilleur des cas. J'irai voir leurs 12 propositions mais c'est vraiment pour vous faire plaisir, parce que je ne peux pas saquer leur individualisme forcené. Pour ma part, j'arrêt le débat ici, parce que sinon, on y sera encore à la trinité...
Clotilde

Anonyme a dit…

Tiens donc.
Figurez-vous que 13500 auteurs/artistes ont signé l'appel contre la licence globale, qui, même si elle a pris un gros coup cette semaine, peut toujours ressortir si on n'y fait pas attention.
Vous pouvez trouver la liste sur
http://www.sacem.fr/portailSacem/jsp/ep/contentView.do;jsessionid=EaSDDtD7xHiCmwg9kWByG2d2iCPGzbt0T1ZsQx0XEjdJgyEj1Vdf!1698786024?contentId=536887713&programId=536885451&pageTypeId=8584&contentType=EDITORIAL

si le lien, très compliqué, ne marche pas, tapez "appel contre la licence globale" dans google.

Parmi les signataires, comme ça en vitesse: Higelin, Lavilliers, Debout sur le Zinc, Bertignac, Têtes Raides, Little Bob, Moustaki, Noir Désir, Pierpoljak, Sergent Garcia, Sinsemilia, Thiefaine, Tiken Jah Fakoly, Tryo etc…, tous éminents de droite comme chacun sait (sic).

Clotilde Gimond